Chapitre 03 : réminiscences amères

- Alors ? J'attends la réponse ... grommela Amélia en pianotant de ses ongles sur la table en bois de la bibliothèque, impatiente.

La bibliothèque n'était jamais autant remplie que durant les périodes de révisions. Étrangement, durant cette époque de l'année, les étudiants trouvaient un intérêt plus que particulier à cet endroit, temple de ''la culture et du savoir'' ... Résultat, du mois de Mai jusqu'à la toute fin du mois de Juin, trouver une table vide à la bibliothèque relevait de l'impossible. Sauf quand on s'appelait Amélia Loiseau, et qu'on était TRÈS déterminée à faire réviser les jumeaux Altafuente. Lorsque les élèves qui occupaient la table auparavant avaient vu arriver Amélia, ils s'étaient quasiment enfuis en courant, laissant la demoiselle et ses deux amis occuper toute la place qu'ils voulaient. Et depuis presque une heure et demie, la française s'acharnait à faire réviser aux jumeaux leur Histoire ... Chose qui, il faut le dire, se révélait aussi ardue que la prise de la Bastille en 1789 ... Mais la demoiselle était aussi tenace et déterminée que les Révolutionnaires.

- Euh ... Qu'as-tu dit, déjà ? demanda Crìs, la tête entre les mains.

- Qui a découvert l'Amérique en 1492 ? répéta Amélia, d'un ton très calme. Trop calme.

- Christophe Colomb ! répondit spontanément Romy.

- Paaaaarfait. C'est déjà ça. Bon, maintenant, donnez-moi le nom de la souveraine qui finança l'expédition de Colomb.

Soudain, les deux garçons trouvèrent un intérêt tout particulier à leurs chaussures. Perdant toute contenance, Amélia s'effondra sur la table, en poussant un long grognement qui ressemblait plus à un gémissement de douleur absolu qu'autre chose.

- Mais qu'est-ce que je vais faire de vouuuuuus ... ?

Romy fit une sacré grimace, dans ses petits souliers. Voir la Parisienne ainsi le mettait très mal à l'aise ... Tant pis pour le plan. Il prit une grande inspiration, et débita son cours.

- Isabelle Ière de Castille, dite la Catholique. Elle et son mari Ferdinand III ont réussi à achever la Reconquista espagnole en 1492, ce qui lui valut son surnom de catholique, et travailla à instaurer l'Inquisition. Elle fut également celle qui accepta de financer l'expédition de Christophe Colomb, alors que bien des personnes étaient contre.

Amélia le fixa, bouche bée. Son frère se retourna vers lui, affichant un air à la fois buté et surpris. Leur plan était tombé à l'eau.

- Mais ... Mais ... V-vous ... vous connaissez votre cours ... ? balbutia la brune, stupéfaite.

Romy haussa les épaules, et glissa ses mains dans les poches de son pantalon avant de s'avachir sur sa chaise.

- Mouiii ... Quasi par cœur.

Crìs leva les yeux aux plafond et croisa les bras.

- Bah en fait, ouais. De mon côté, c'est parce que Sheena ... m'a promis un rendez vous là où je voulais si j'obtenais de bonnes notes aux exams ... et je voulais l'emmener au parc d'attraction qui vient d'ouvrir sur le continent. Elle a toujours rêvé d'aller dans un de ce genre d'endroit alors ... grommela le Barcelonais.

Amélia se redressa sur sa chaise, sans voix. Incroyable.

- ... Je vais vous frapper. Et ce cinéma depuis une heure et demie, c'était quo ... Oh. Vous vouliez m'énerver. Hein ?

- Baaaaaaaaaaaaaaah ... En fait, on voulait simplement que tu baisses les bras ...

- On te dit qu'on révise, mais tu ne nous crois pas ... Alors, fallait bien faire quelque chose, continua Romy.

Amélia faillit tomber de sa chaise.

- Si vous aviez répondu correctement depuis le début, vous ne croyez pas que ça aurait facilité les choses ?! éructa la demoiselle, à deux doigts de craquer.

A ce moment-là, les deux garçons haussèrent les épaules avec une synchronisation quasi parfaite, en faisant une drôle de moue. La française roula des yeux, frustrée et fulminante.

- Je vous déteste, siffla-t-elle en se massant l'arrête du nez.

Et comme pour ponctuer sa phrase, son téléphone émit un joli petit ''ting'', la prévenant de l'arrivée d'un SMS. Après avoir foudroyé les jumeaux du regard, elle sortit son smartphone et le consulta, faisant involontairement fi de la règle qui interdisait les cellulaires à l'intérieur de la bibliothèque. Profitant de l'attention détournée de leur amie, Crìs se pencha vers son frère pour lui parler discrètement.

- Pourquoi t'as cafté ?!

- Maiiiiiiis ! J'y pouvais rien ! J'ai cru qu'elle allait nous déchiqueter ...

- C'était marrant de la faire tourner en bourrique ainsi ... Qu'est-ce qui se passe ? Ces derniers temps, quand il s'agit d'Amélia, tu n'es plus vraiment le même ...

- Désolé hermano. J'ai juste plus trop envie de l'embêter.

Suspicieux, Crìs jeta un regard interrogateur sur son frère qui se détourna. Bah quoi ? Ce n'était pas sa faute s'il ne désirait plus embêter Amy tout de même ... Ce n'était pas sa faute si ... Si ... Lentement, discrètement, son regard dériva vers la demoiselle. Un rayon de soleil filtrant à travers une des nombreuses fenêtres de la bibliothèque éclairait la demoiselle telle une auréole divine. Les rayons de l'astre solaire semblaient la rendre tellement plus belle ... Ses cheveux châtain bouclés caracolaient dans son dos jusqu'en dessous de ses omoplates en dégradé. Sa peau parsemée de taches de rousseur paraissait lisse et parfaite, mettant en valeur ses longues jambes et ses mains fines. Mais le plus beau chez elle ? C'était sans conteste ses yeux. Ses splendides yeux vert émeraude, qui, quoi qu'il arrive, gardaient leur vert de feuille d'été. Un véritable ange. Bon, même si Amélia tenait plus du démon que de l'ange avec son mauvais caractère, elle restait bien plus sensible qu'elle ne le laissait paraître. Et c'est pour ça que le jeune homme était raide dingue de la française depuis presque plus de trois ans. Mais c'est alors que Romy se rendit compte que quelque chose n'allait pas avec Amélia. Son front était plissé, soucieux, et elle avait pâli. A un point inimaginable. Et maintenant, elle se rongeait l'ongle du pouce. Une sonnette d'alarme retentit dans la tête du roux. Jamais, AU GRAND JAMAIS, Amélia ne se rongeait les ongles.

Il donna un violent coup de coude à son frère et lui désigna l'Element de plante avant qu'il ne put émettre un seul son de protestation. Voyant où son jumeau voulait en venir, Crìs ne put retenir une grimace. Quelle mauvaise nouvelle la demoiselle pouvait-elle bien avoir appris ?! Cette dernière se leva alors d'un coup, et sembla déglutir. Elle rangea très rapidement son portable dans sa poche avec fébrilité, et attrapa son sac.

- Je ... Je suis désolée ... Je dois y aller ... déclara la française d'une voix blanche en un sourire forcé aux jumeaux.

Elle réunit ses affaires sans mot dire, et s'en alla de la bibliothèque avec rapidité. Romy regarda la jeune fille s'en aller, mort d'inquiétude. Mais qu'arrivait-il à Amy ?!

Soudain, Crìs lui donna une grande claque dans le dos et il désigna la porte de la bibliothèque d'un mouvement de tête.

- Rattrape-la et fais-lui cracher le morceau.

Romy hocha la tête, et remercia son frère en lui retournant sa claque, avant de se ruer hors de la grande salle. Crìs secoua la tête, d'un air blasé.

- T'es franchement pas discret ... Amy est aveugle pour ne pas remarquer que tu es dingue d'elle, marmonna le roux en rangeant ses cours et ceux de son frère.

* * * * *

Ciela ne put retenir un hoquètement, étonnée. Cette femme était la mère d'Amélia ?! Incroyable ! Mais ...

- Pourquoi tant de haine envers elle alors ? demanda la francophone.

- Bloody hell ! Viens, on rentre. Il faut prévenir les autres !!

Et sans demander son reste, il prit la main de Ciela, et la traîna hors de Cassegrain, restant sourd aux protestations de la demoiselle. Mais la jeune fille, qui commençait sérieusement à en avoir marre, tira le jeune garçon en arrière, lui faisant perdre l'équilibre, le forçant à s'arrêter.

- Explique-moi immédiatement ce qui se passe ou je ne ferai pas un pas de plus !! s'écria la demoiselle, furieuse.

Frustré, Ash se frotta la tête si rapidement que ses cheveux se dressèrent sur sa tête façon Einstein.

- Bon. D'accord, mais il faut qu'on se rende à l'académie le plus rapido presto, ok ? Je te raconterai tout en route.

- Ça marche.

L'écossais, en comprenant le jeu de mot de sa petite amie, leva les yeux au ciel en maugréant dans la langue de Shakespeare, puis commença à remonter la rue principale vers l'académie, slalomant entre les nombreux habitants de l'île qui flânaient dehors, profitant de cette belle journée. Ciela, agrippée à la veste d'Ash pour éviter de le perdre dans la cohue, le suivait tant bien que mal, appréhendant son récit.

- Tout d'abord, que sais-tu de la situation familiale de Amy ?

- Ses parents sont divorcés, je crois. Elle me l'a rapidement dit une fois. Elle habite chez son père avec Sheena non ?

- ... Ouais. Amélia a toujours tendance à dire que de nous tous, c'est celle qui à le moins souffert côté famille et bla, et bla, mais je peux t'assurer qu'elle a aussi son petit lot.

Interloquée, Ciela resserra sa prise sur la veste de l'écossais, tentant de calmer les battements effrénés de son cœur.

- Ses parents n'ont pas fait que divorcer. Sa mère, la femme que tu as vu chez Cassegrain, l'a littéralement abandonnée.

- QUOI ?! éructa Ciela.

- Sacrée surprise hein ? ricana le jeune homme d'un ton acide. Sa mère est une profiteuse croqueuse de diamant. Elle est dangereuse.

- Explique !

- Je ne connais pas tous les détails, et je n'ai pu les avoir que parce que j'ai laissé traîner mes oreilles quand il ne fallait pas il y a longtemps. Disons que la mère d'Amy l'a laissée à son père avant de partir. Elle ne voulait pas d'elle, tout simplement. C'est parce que son père a insisté de toutes ses forces pour que sa femme garde le bébé qu'Amy est ici aujourd'hui. Elle est partie en tirant un max de fric au père d'Amy, et est s'en est allée sans se retourner. Plus tard, son père a appris qu'elle s'était mise et mariée avec lui uniquement pour son compte en banque bien fourni. Ça a achevé le pauvre homme. Depuis, il s'en est remis, mais apparemment, le trauma est toujours là. Amélia, de son côté, a toujours cru que tout était de sa faute. Lorsque sa mère est revenue vers elle pour lui ''demander des services'', elle a toujours fait du mieux qu'elle pouvait pour tenter de convenir à sa mère, pour ''mériter'' son amour. Mais je doute fortement que cette femme soit prête à aimer qui que ce soit. Toujours est-il qu'elle ne fait que se servir d'Amélia.

- Elle se sert de Amélia ? C'est à dire ?

- A chaque fois que sa mère revient vers elle, c'est pour lui demander quelque chose. Toujours. Et à chaque fois, c'est nous qui ramassons Amy à la petite cuiller. Toutefois, c'est la première fois qu'elle vient en personne sur l'île. Pourquoi ? Je ne sais pas. Mais il faut prévenir Amélia au plus vite. Il ne faut surtout pas qu'elle y aille. Il ne faut pas ... Il ne faut pas ...

Ciela tira sur la veste de son petit ami, le forçant une nouvelle fois à s'arrêter, et le prit dans ses bras. L'Element de lumière sentit le cœur de l'adolescent battre la chamade à travers sa peau et ses vêtements, signe de son stress intense.

- Ash, tout va bien. On ne la laissera pas lui faire du mal ! Mais maintenant, il ne faut pas paniquer les autres. Calme-toi. Calme-toi, lui murmurait-elle comme un mantra, d'une voix douce et calme.

Le jeune homme prit une grande inspiration, avant de pousser une longue et lente expiration, et d'enlacer à son tour la jeune fille, tout en frottant sa joue contre sa chevelure bicolore.

- Ouais, t'as raison. Merci beaucoup, Ciela.

La jeune fille se décolla légèrement du poitrail de l'écossais, et lui fit un splendide sourire avant de lui embrasser délicatement le front.

- Allez, on y va.

* * * * *

Lorsque Nancy arriva dans sa chambre, elle trouva Almarica allongée sur le peu d'espace que lui laissait les cartes et les atlas éparpillés sur son lit. Almarica. Pas Marika. L'anglaise laissa échapper un discret soupir. La fausse japonaise avait encore oublié de prendre sa potion. La londonienne déposa son léger manteau dans son coin de chambre, et débarrassa le lit de sa camarade de chambre de toute intrusion géographique avant de coucher correctement l'Enerienne.

- Tu as fais du bon travail, lui murmura Nancy, avant d'empiler toutes les cartes et atlas sur le bureau de son amie.

Almarica se tuait la santé pour pouvoir retrouver Philios. Ce gars qui était pourtant parti sans même lui dire au revoir. Ce gars qui ... qui ... n'avait rien fait pour mériter ça. Nancy poussa un long soupir. Alexandre lui manquait tant. Trop. Atrocement trop. Sa disparition avait laissé comme un gouffre dans son cœur. Un gouffre immense, insondable, et surtout inimaginable. Elle était persuadée de ne jamais pouvoir aimer quelqu'un à nouveau. Alexandre comptait tellement pour elle ... Pourquoi était-il parti ? Pourquoi ? Pourquoi ...

Sans qu'elle ne s'en rende compte, quelques larmes s'échappèrent de ses yeux et dévalèrent son visage avant de venir s'écraser sur une montagne du Tibet, grossièrement représenté par une ancienne carte. Elle les essuya sans grand entrain, et tenta de penser à autre chose.

- Gra ... re.

Nancy se retourna vers Almarica. Elle parlait dans son sommeil. Recroquevillée sur elle même tel un fœtus, la pauvre demoiselle pleurait elle aussi, une expression soucieuse sur son visage.

- ... M'as manqué ... beaucoup ... sembla sangloter l'Element de ténèbres.

Rêvait-elle encore de Philios ? Nancy soupira une nouvelle fois et coinça une de ses mèches rebelles derrière son oreille. Si jamais elle mettait la main sur ce garçon, elle n'hésiterait pas à lui faire payer très cher ce qu'il faisait vivre à sa meilleure amie. Elle était trop bien pour lui !

- Nancy ?

L'intéressée se retourna vers la porte d'entrée. Sheena la regardait d'un air inquiet, à travers l'entrebâillement de cette dernière, les lèvres pincées. Elle lui fit signe de sortir et de venir avec elle. Intriguée, l'anglaise sortit rapidement de la chambre, tout en fermant doucement la porte.

- Tout va bien Sheena ?

- Non. Je ne crois pas.

* * * * *

Amélia dévalait les escaliers sans réfléchir à ce qu'elle faisait, la tête en ébullition. Pourquoi ? Pourquoi sa mère était-elle là ? Qu'avait-elle de si urgent à lui demander ... ? Sa mère demandait à ce qu'elle la retrouve le plus rapidement possible à Cassegrain. Ce court texto qui se voulait pressant, et oppressant, commençait à la paniquer. Très sérieusement.

- Par pitié, j'espère qu'elle ne veut pas ... marmonnait la française.

Soudain, à côté d'elle, une personne surgit si rapidement dans son champ de vision que l'Element de plante hurla de frayeur, et, instinctivement, effectua un bond de côté qui la fit trébucher. Alors qu'Amélia, qui se voyait déjà couverte de bleus, voire pire, après sa chute dans l'escalier, serrait les dents en prévoyance du choc, elle se sentit happée par une forme sombre, et le monde arrêta de tourner. Avant même qu'elle ne réalise ce qu'il s'était passé, une série de jurons espagnol lui firent deviner l'identité de celui qui l'avait, une nouvelle fois, sauvée d'une chute dans l'escalier.

- Amy ! On avait dit quoi au sujet des escaliers ? grogna Romy, qui enserrait la demoiselle dans ses bras, lui ayant empêché une grave chute.

- D-désolée ... je ne réfléchissais pas ... rétorqua la demoiselle, le souffle court, encore choquée par ce qui aurait pu lui arriver.

Amélia s'agrippait au tee-shirt World Of Warcraft de son ami comme si sa vie en dépendait, tandis que ce dernier lui frottait le dos, comme pour la réconforter. Il s'assit plus confortablement sur les marches de l'escalier, attendant que la française se calme. Elle tremblait comme une feuille malmenée par une puissante tornade, sans doute inconsciemment. La chaleur dégagée par l'Element d'air, et sa respiration régulière contribuèrent à bercer la jeune fille et l'aidaient à retrouver peu à peu son calme.

Une fois son souffle retrouvé, Amélia lâcha le tee-shirt de son ami un doigt par un doigt et se redressa sur les genoux le plus lentement possible. Lorsqu'elle leva la tête, elle se rendit compte avec surprise que leurs visages n'étaient qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Les yeux gris métalliques du Barcelonais la regardaient avec une drôle de lueur, et elle sentait son souffle chaud sur ses lèvres ... C'était ... troublant. Très troublant. Elle finit par s'arracher au magnétisme des yeux de Romy, et se releva, les mains du jeune homme glissant lentement de son dos. Une fois debout, elle fit semblant de lisser sa tunique, espérant cacher ainsi l'étrange émoi que lui avait inspiré le roux. Ce dernier poussa un râle et se releva à son tour, très souplement.

- Améliaaaaa ... Toi et les escaliers ça fait trente-cinq mille. On avait dit quoi la dernière fois, hein ?

- Et puis c'est toi qui m'as fais peur d'abord ! D'où viens-tu comme ça ?! riposta la demoiselle avec ardeur.

L'Element d'air fit une petite grimace et désigna la rambarde des escaliers. Amélia comprit immédiatement où il voulait en venir.

- Tu as glissé dessus pour me rejoindre ? lui demanda-t-elle, blasée.

- Hééééééééééééé ... Oui. Pardon.

- Pourquoi ?

- Tu avais l'air tellement déroutée quand tu es sortie de la bibliothèque ... Je me suis inquiété pour toi.

- O-oh. Merci ... C'est mignon. Mais, tu n'as pas de soucis à avoir ...

L'espagnol fronça les sourcils et pencha son bon mètre quatre-vingt pour être à hauteur de visage de la demoiselle.

- Tu es blanche comme un cachet d'aspirine. Alors si, j'estime avoir du soucis à me faire.

Amélia détourna immédiatement son regard, gênée. Il l'avait percée à jour.

- C'est ... C'est ma mère. Elle vient de m'envoyer un message. Elle veut me voir à Cassegrain sur le champ.

- Ta mère ? Isabelle Sailor ? Celle pour qui tu ...

- Shhhhhhhh ! siffla autoritairement la demoiselle.

Romy referma son clapet juste à temps. Depuis le mois de février, Romy, Ciela, Ash et lui, savaient que la mère de Amélia n'était personne d'autre que Isabelle Sailor, alias la Reine de Paris. Une des plus fameuses créatrices de mode du monde entier. Mais il avait aussi appris que la demoiselle posait pour le magazine de sa mère quand celle-ci lui demandait, et que Amélia était l'une des mannequins les plus appréciées d'Europe ... Ce qui n'était pas vraiment pour plaire à Romy. Mais il n'y avait pas que ça. Sa mère était aussi ...

- Bref. Pourquoi veut-elle te voir ?

- Mon anniversaire est dans quatre jours ! Elle veut peut-être m'offrir un cadeau en avance, qui sait ?

Romy scruta le visage de la brune. Elle jouait avec une de ses mèches, le regard ailleurs, un sourire béat et plein d'espoir flottant sur ses lèvres.

- ... Yo no creo eso, murmura-t-il pour lui même, d'un air sombre.

- Hum ?

- Rien. Donc. Tu vas aller la voir ?

- Oui ... Je suis bien obligée ! Elle a fait tout ce chemin pour moi alors ...

Mais alors que la demoiselle recommençait sa descente dans les escaliers, Romy lui attrapa le bras et la força à se retourner. Son visage, si jovial et mutin habituellement, était maintenant grave et sérieux. Elle ne l'avait que rarement vu ainsi.

- Amélia, non. Tu n'es pas obligée d'aller à sa rencontre. Ce serait même le contraire !

- Romeo. S'il te plaît, lui dit-elle d'une voix très douce.

L'espagnol la regarda dans les yeux pendant encore quelques secondes, puis poussa un soupir de capitulation et lâcha la jeune fille sans mot dire.

- Merci. Je te promets que je serais vite rentrée, d'accord ? Ce n'est que l'affaire d'une heure ou deux maximum !

Il hocha la tête, le regard brumeux, et lui fit un petit signe de la main. Amélia le gratifia d'un sourire magnifique, et continua son chemin, plus lentement tout de même, sous le regard soucieux de Romy.

« - ... Tu as raté une occasion stratégique de te rapprocher physiquement d'elle. »

- ¡ Cállate Kryos ! gronda l'espagnol à l'intention de la voix impertinente qui venait de s'adresser à lui, tout en s'appuyant sur la balustrade des marches.

Un soupir de résignation lui servit de réponse. Kryos Lamio alias le Silencieux, ou monsieur-je-sais-tout-et-je-suis-plus-coincé-que-Spock, était son ''fantôme''. Le gars dont il était devenu l'hôte forcé depuis le vingt-six décembre.

Kryos Lamio était on ne pouvait plus sérieux et passait son temps à décortiquer chaque chose un peu tant soit intéressante qui arrivait à Romy, ponctuant le tout de commentaires complètement débiles comme celui qu'il venait de faire. Et comme de par hasard, Kryos semblait trouver la relation qu'il avait avec Amélia et son amour à sens unique passionnante. Et franchement, ça l'horripilait. Il avait déjà bien du mal avec ça, pas la peine qu'un mort vienne lui faire la morale ou remue le couteau dans la plaie !

Au début de leur ''cohabitation'' Romy avait eut énormément de mal avec Kryos, leurs personnalités étant radicalement opposées. Ils se disputaient très souvent, et la platitude de l'ancien guerrier lui faisait presque piquer des crises de rage monumentales. Mais l'espagnol avait fini par se faire à cette voix si monotone et affreusement sérieuse, et ils étaient même maintenant en assez bon terme. Pourquoi ? Grâce à une seule chose : l'Enerien s'était révélé curieux. Très curieux. Et il possédait une soif de connaissance qui avait grandement surpris l'Espagnol. Les deux Elements avaient passé des nuits entières à débattre mentalement sur telle ou telle chose, où Kryos le bombardait de questions sur le fonctionnement de la télévision, ou du poil à gratter. Si Kryos était un peu trop droit dans ses bottes, il n'était au final pas si désagréable. Alors même si quelques fois, les joutes verbales entre Kryos et Romy pouvaient partir loin, la mésentente ne durait jamais longtemps.

- ... De toute façon, que sais-tu de ce genre de relation ? lui grommela Romy la tête posée sur ses bras.

« - ... Plus que tu ne le crois. » lui répondit le guerrier avec amertume.

- Pardon ?

- OHÉ ! Hermano !

- Holà Crìs ! s'écria Romy en voyant son frère descendre vers lui.

Ce dernier claqua la langue en guise de salutation, et lui envoya son sac avant de venir le rejoindre.

- T'as pu la rattraper ?

- Ouais.

- Alors ?

- Sa mère est sur l'île, répondit l'Element d'air d'un ton grave en jetant son sac sur ses épaules et en jouant nerveusement avec une des sangles de ce dernier.

- MIER ... Dis moi que c'est pas possible ! Qu'est-ce qu'elle vient fou ... éructa son frère en haussant les sourcils, abasourdi.

- Aucune idée. Et Amy veut aller la voir.

- Oh non. Ça va finir comme la dernière fois ...

« La dernière fois ». Il y a à peine plus d'un an. Amélia rentrait alors des vacances de printemps. Elle les avait passées à Paris avec sa mère. La française avait attendu ça avec impatience dès qu'elle l'avait su ! A l'époque, tout le groupe avait été très heureux pour elle. La Parisienne parlait de sa mère avec tant de respect et de passion ! Cela devait être une grande dame ! Mais lorsqu'elle était revenue ... leur pétillante amie s'était transformée en loque humaine. Son visage était miné, et son regard vide. Dès qu'elle avait vu Sheena, elle lui avait sauté dessus, et avait fondue en larmes comme jamais. Personne ne l'avait jamais vue ainsi ... Elle avait pleuré jusqu'à ce qu'elle s'endorme de fatigue. Tous avaient alors prié Sheena d'expliquer la situation, cette dernière étant au courant de tout étant donné qu'elle habitait chez la française durant les vacances d'été. Celle-ci avait avoué non sans mal que la mère d'Amélia n'était en réalité qu'un monstre. A chaque fois qu'elle se tournait vers la jeune fille, c'était uniquement par pur intérêt. Pas une seule fois elle n'avait manifesté une quelconque affection envers elle. Pire, elle était odieuse. Depuis ce jour, les Last Hope et les Rainers avaient appris deux choses. L'une, le portrait de mère parfaite qu'Amélia avait dépeint était cent fois erroné. L'autre, Amélia ne devait plus JAMAIS revoir cette femme. Pourtant, là, elle était en chemin.

- Et tu ne l'as pas empêchée ?! Mais t'es malade ou quoi ?! lui cria Crìs en se plaçant devant son frère.

- Elle ... Elle voulait y aller ! J'allais faire quoi moi ?! L'enfermer dans une pièce à double tour ? se justifia l'autre Altafuente, exaspéré. Tu la connais comme moi ! Si j'avais essayé de l'en empêcher, on se serait engueulés !

Crìs soupira. Son frère avait raison. Fulminant, Romy jeta rageusement son sac contre les marches de l'escalier, l'air prêt à tout casser.

- Je ne la comprends pas ! Elle sait que ça va faire mal ! Pourquoi y va-t-elle ?!

- Parce que c'est sa mère.

La déclaration de son frère fit l'effet d'une douche froide à Romy. Il se retourna vers son jumeau, les lèvres pincés par le dégoût.

- Elle ne mérite pas de l'être.

- Ça ne te rappelle rien ? lui répondit-il d'un ton aussi froid que calme en croisant les bras.

Seconde douche froide. L'Element d'air leva les bras en l'air, furibond, et s'assit sur les marches, frustré par la vérité des propos de l'autre roux et le sentiment d'impuissance qui s'en découlait. Crìs vint s'asseoir à côté de lui, et se mit à pianoter entre ses deux omoplates de sa main droite, signe nostalgique datant de leur enfance, incarnation du soutien que pouvait lui apporter son jumeau. Quand les mots ne suffisaient pas, un geste pouvait tout résumer.

- On va y arriver vieux. On trouvera une solution pour Amy. Souviens-toi : « Quand les deux Altafuente sont décidés ... »

Romy laissa un sourire las se former sur ses lèvres, et il assena une petite claque sonore sur le torse de son frère.

- « Rien ne peut nous résister ! » termina-t-il, d'un ton enjoué.

- Perfecto ! C'est l'état d'esprit ! s'écria l'Element de foudre en riant.

Romy leva la tête et fixa le ciel bleu azur qui s'étendait au delà de la grande fenêtre devant lui. La situation était-elle au final si catastrophique ? Bien évidemment. Mais cela ne voulait pas dire qu'elle était perdue pour autant.

- ... On ne pourra pas empêcher Amélia de voir sa mère. Jamais. Après tout, c'est son propre combat. Elle seule peut le mener. Mais cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas être derrière elle !

- Qu'est-ce que tu racontes Romy ?

- Je sais quoi faire. Fais-moi confiance ! reprit l'Element d'air en bondissant sur ses jambes, sourire confiant et regard pétillant à l'appui. Tout ira bien !

Puis, sans autre forme de procès, le roux s'élança à son tour dans le colimaçon de marbre, laissant son frère sans voix.

- Si tu le dis ... marmonna Crìs en levant les yeux au ciel d'une façon faussement dramatique.

« - LA PELLE ! LA PELLE ! » s'écria une voix enjouée dans sa tête.

- Ouais, espérons, ricana Crìs en ramassant, une nouvelle fois, le sac de son frère.

* * * * *

- COMMENT ÇA DÉJÀ PARTIE ?!

- Ash, calme-toi ! Sheena n'y est pour rien ! le rabroua Ciela.

Le cri de l'écossais se répercuta en écho dans le couloir du deuxième étage du dortoir des filles. Sheena toute tremblante, acquiesça une nouvelle fois, l'air d'être au bord des larmes.

- Je suis désolée ... répondit-elle d'une voix chevrotante en fixant le bout de ses souliers bleu marine.

- C'est ma faute ! la défendit Nancy en posant une main sur l'épaule de l'Américaine. Si je n'avais pas autant insisté pour qu'elle m'explique l'histoire, on aurait pu la rattraper à temps.

- Ce n'est la faute de personne, si ce n'est de cette femme atroce, conclut Ciela en secouant la tête, d'un air résigné.

Dès que Ash avait su pour la mère d'Amélia, il avait immédiatement prévenu Sheena pour qu'elle empêche l'Element de plante d'aller n'importe où. Manque de chance, celle-ci était partie à la bibliothèque. Et le temps que Sheena aille prévenir Nancy, qu'elle lui explique la situation tout en se rendant au bâtiment, paf, plus de brune. Elles étaient retournées dans la chambre de cette dernière en espérant l'y trouver, et c'est à ce moment-là qu'elles étaient tombées sur le jeune couple.

- Excuse-moi Sheena. Je n'aurais jamais dû te hurler dessus ainsi. Ci' a raison, marmonna Ash en se frottant le front du pouce, les yeux fermés.

- J'me disais bien que j'allais vous trouver ici les potos.

Crìs arrivait vers eux d'un pas nonchalant, son sac et celui de son frère sur les épaules.

- Si vous vous demandez où est Amy, elle est en ville avec sa mère, reprit ce dernier d'un ton nonchalant, en posant les deux eastpack gris à ses pieds, tout en se massant les épaules.

A voir les têtes de ses amis, c'est comme s'il leur avait annoncé la fin du monde.

- Au risque de passer pour un ''je-m'en-foutiste'', calmos les cocos. Romy est avec elle. Il faut lui faire confiance.

- Mais ... MAIS ... balbutia Ash, éberlué.

- Tch ! Faites confiance à mon frère ! Une carotte amoureuse, ça peut faire des miracles, croyez-moi.

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Croyez-moi, la mère d'Amy, c'est pas une tendre. C'EST L'BIG BOSS DES INTERNET MONDIAUX ! (Référence bonjour ~ //SHBAAAAAAAFF//)

Au cas où il y en a qui se le demandent, oui, un jour, vous aurez le passé des jumeaux. Plus en détails. Et croyez-moi, eux aussi, ils en ont bavé. Beaucoup. J'aime faire souffrir mes chéris ~ //SHBAAAAAAAAFF//

Pour ceux qui ne comprennent pas vraiment certaines références, je vous conseille d'aller lire mes hors-séries sur « le 14 février », si ce n'est pas déjà fait. C'est important. La troisième et dernière partie de cette petite saga H.S sortira cet été d'ailleurs. Désolée du retard, elle est vraiment longue. ^^'

Héhé. Z'avez apprécié les moments Romélia ? Préparez-vous, z'en aurez à la pelle dans les chaps qui vont suivre ! >83

Yo creo que no = Je ne [le] crois pas.

Oh, et. Autant vous prévenir. Du seize juillet jusqu'à début août, re-pas là. Wi-Fi, tchouss ! (Ceux qui étaient là l'année dernière, vous vous en souvenez ... ? X3) Donc, pause de chap durant touuut ce temps. Vala. Désolée (ou pas O:3)

A la prochaine bande de danseuses vahinées suricates !

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