2) Eveil rosé.
Les quelques minutes étant passées, je décidai de sauter.
Les bras légèrement en retrait, je m'élevais puis sautais dans les airs. Je m'étais imaginée éblouissant les porcelets d'en bas, avec la splendeur d'un corbeau en envol.
Je déchantai bien vite. Mes instincts animaux ayant reprit leurs droits, je me retrouvais à battre des pieds et des jambes en poulet paniqué.
J'avais pensé à tout, sauf à la chute. La vraie, je veux dire. La déchéance, la fin, le sol.
Je m'écrasai comme une masse.
Le pire, c'est que je ne mourus pas immédiatement, car j'eus brièvement le temps d'approfondir mes connaissances en douleurs. Parce que, je le sais maintenant, il y'a plusieurs niveaux, couches et intensités à la douleur. J'assure même qu'elles ont été distinctes et différenciables au moins quelques secondes après l'impact. Fascinant.
C'était avant qu'elles ne se mélangent, s'intensifient, comprennent qu'elles sont de trop dans mon petit corps.
Les hurlements, le sang, le macadam, ma bouillie intérieure.
La paix des enfers.
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J'étais morte. Putain, j'ai presque vu la mort à califourchon sur mon âme, l'étreindre doucereusement. Et voilà que j'ouvrais les yeux sur le plafond décrépit de ma chambre.
Je crispai mes mains sur les draps râpeux, en constatant que je n'avais même pas la décence d'être alitée à l'hôpital. Dans un râle, je me levai, et m'étonnai d'être bien campée sur mes appuis. Mon cœur se comprima.
Je n'étais pas tordue, cassée et biscornue. Le besoin de vérifier, de comprendre se fit impérieux, alors je me trainai jusqu'au corridor frais, illuminé du pâle soleil matinal. Là, je me déshabillai, dos au miroir. Une chemise noire vola lorsque je me retournais pour prendre de plein fouet mon image, revêtue de sa frêle nudité.
Je souris faiblement, mon regard les découvrant, les caressant. D'énormes hématomes s'étiraient inlassablement sur ma peau, épousaient mon corps, fleurissaient dans une myriade de couleurs. C'était réel ; la décision, la chute, l'impact. Tout l'était, sauf ma situation présente.
J'étais dans mon enfer personnel, Le Tartare de ma conscience, j'étais chez moi...
Soudain, une porte claqua et j'entendis un hurlement aigu. C'était un cri de pétasse choquée ; Justine. Je pivotai pour la regarder, remarquai son ensemble rose et criais à mon tour. Fort.
Elle le portait déjà hier et jamais, je dis bien, jamais, elle ne porterait les mêmes vêtements deux fois à la suite. C'était chimiquement impossible. Donc...
Je courus vers les escaliers, les grimpais en sautillant et m'enfermai dans la salle de bains. Me calmer. Je devais me calmer, ce n'étaient que des habits. Je fis couler un bain et allumai la petite radio pour me distraire vaguement. J'entrai dans l'eau brulante et failli déraper lorsque la radio crachota :
- Oui, Pierre! Effectivement nous avons découvert hier, aux alentours de quatre heure que la maladie due à la malnutrition...
Je laissais partir violemment ma tête en avant. Elle s'écrasa sur le bord de la baignoire.
Un bruit sourd.
Je n'étais pas encore morte, mais je me laissai couler. Dans l'eau, et dans l'inconscience.
Ma dernière pensée cohérente fut que, aujourd'hui encore, ma mère avait dû oublier de mettre le lait à table.
Ce fut mon deuxième suicide.
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