Chapitre 11 : Menace
Depuis l’après-midi où j’ai retrouvé Orphée drogué, il est distant avec moi, il passe essentiellement son temps avec Alphonse ou alors avec Lyës quand ce dernier est à la bibliothèque. Je sens qu’un malaise s’installe entre nous mais je ne sais pas comment l’endiguer. J’ai peur de la réaction que pourrais avoir Orphée si je lui parle de cette soirée mais d’un autre côté, je refuse de continuer sur des non-dits et des discutions stériles menant à des rancunes inutiles. Dès que je crois avoir trouvé le bon moment pour lui parler seul à seul, il s’empresse de rejoindre Lyës ou Alphonse, voire même Adryen. Je ne sais même pas s’il s’en rend compte réellement.
Pour ce qui es du duel, Lyës a quelque peu creusé sur la théorie qu’il m’avait exposé mais n’a rien trouvé, si ce n’est des informations que nous avions déjà et je crois que ça le déprime un peu. Et avec tout ça je n’ai même pas eu le temps de mettre Orphée au courant de mes problèmes financiers pour mon loyer.
Je rentre dans la bibliothèque où je trouve Lyës, penché sur un vieux livre, traitant des règles lors des duels. Je m'assois à ses côtés et attends qu'il lève les yeux sur moi.
« Tu devrais peut-être chercher dans les livres de la réserve. »
Il soupira, las, avant de me dire :
« Je sais, je trouverais certainement plus d'infos là-bas mais la porte est verrouillée. »
« Rien n’est jamais verrouillé pour qui a la clef. »
« Toi ? »
Je hochais positivement la tête, un sourire facétieux aux lèvres.
« Mais comment ? »
« Viens avec moi. »
Je pris sa main et je guidais vers la porte de la remise.
Solennel, je me tournais vers lui et lui dit :
« Tu gardes ça pour toi, promis ? »
« Ouais, et puis à qui veux-tu que je le dise ? »
Je lui souris et pris la clef sur le montant de la porte, sous les yeux ébahis de Lyës.
« Tu plaisante, tu veux dire que la clef était là depuis le début ? »
« Parfaitement. »
« Bordel c’est pas possible. Depuis le temps que je voulais aller jeter un œil derrière cette porte. »
Je pousse la porte, clamant :
« Eh bien voici ton vœu qui se réalise. Je sais c’est merveilleux. Je suis merveilleux. »
Il rit de nouveau, s’engouffrant dans la réserve, avec des yeux d’enfant devant la vitrine d’un confiseur.
Nous passons près de l’après-midi entière le nez dans les bouquins. Harassés, nous quittons la bibliothèque, Lyës conservant un vieil ouvrage sur l’origine des duels pour l’étudier encore ce soir. Il ne s’arrête jamais ce petit. Ça se voit qu’il tient énormément à Adryen.
Nous retrouvons Alphonse et Orphée dans le cloître du lycée, proche des vestiaires de la salle de sport.
« Adry’ est encore dans le vestiaire ? » S’enquit Lyës.
« Ouais, on l’attendait. »
« Ok, il faut que je lui parle. »
Il disparut par la porte derrière le banc où nous étions assis. Alphonse se tourna vers nous un sourire béat aux lèvres.
« Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? »
« Rien. » Répondit simplement la jeune fille.
« Aller, sort ta connerie. » Ris-je par avance.
« Mais arrêtes, on croirait que je dis que des bêtises tout le temps. »
« Dans ce genre de situations, oui. »
« Bon ok, je voulais simplement dire qu’il ne pouvait pas s’empêcher de voir Adryen. Si bien qu’il n’a pas pu attendre qu’il ait fini sa douche. »
« Mais Alphy’ t’es sérieuse, pourquoi tu ne lui as pas dit qu’il prenait sa douche ? »
« Eh bien je suis d’avis que parfois, il faut donner un petit coup de pouce au destin, avant que celui-ci ne nous donne un grand coup de pied. »
« T’es irrécupérable. »
« P’t-être bien. »
« Et sinon, avec Horas, bien ou bien ? Les choses avancent ou toi aussi tu as besoin d’un coup de pouce avant le coup de pied ? » La taquinais-je.
« Quoi ? Mais je ne vois pas de quoi tu parles ! » S’exclama-t-elle, la voix montant dans les aigus et les joues rosies par la gêne.
Je soupirais avant de me lever.
« Bon bah je vais rentrer chez moi, tu diras au revoir aux garçons de ma part. Tu viens Orphée. »
Ce dernier se tourna vers moi avant de dire, nonchalamment :
« Non, je vais rester encore un peu ici. Part devant, je te rejoindrais. »
« Je… ‘fin ouais… Ok. Comme tu veux. »
Déçu, je pris le chemin de mon appartement. Seul.
Sur la route, je songeais à la façon que je devrais employer pour améliorer les choses entre Orphée et moi. Soudain, quelqu’un me percuta, me propulsant contre le mur d’une maison puis, trop rapidement pour que je comprenne ce qu’il se passait, une seconde personne me tira dans une rue adjacente, celle-là même où j’avais rencontré Orphée le premier soir.
« Alors mon petit lapin bouclé, content de me revoir ? »
Ma respiration se coupa en reconnaissant la voix de l’homme -heum l’ange- qui avait arraché les ailes d’Orphée.
Qu’est-ce qu’il me veut ? Ce n’est pas possible !
« Je me demande à quelle sauce on va pouvoir te manger mon lapin. »
Je laissais échapper un sanglot, malgré-moi.
« Oh, tu pleures de nouveau ? Mais ne t’en fais pas, nous n’allons rien te faire pour l’instant, enfin si tu coopère. »
Je pris ma lèvre inférieure entre mes dents pour stopper ses tremblements.
Orphée, vient m’aider, je t’en prie.
« Chuut, du calme, tu trembles comme un lapereau apeuré. »
Tout en disant cela, il passa le dos de sa main contre ma joue, m’arrachant un autre sanglot.
« Je vais te dire une chose et j’aimerais que tu le répète à Orphée, tu le ferais pour moi mon mignon. »
Orphée…
Sans réfléchir, je hochais la tête, cherchant juste à ne pas me faire tuer.
« Tu vas lui dire qu’on sait où il se cache, et surtout avec qui, on sait aussi qu’il essaye de retrouver ses ailes même s’il semble s’être prit d’affection pour un petit groupe de terrestres insignifiants. Tu vas gentiment lui dire de se rendre là où il devrait être. Et pour être sûr qu’il prenne ça au sérieux, on va lui donner un avant-goût de ce qu’il pourrait lui arriver on va lui donner une petite preuve, vient là. »
Celui qui me tenait me serra un peu plus contre lui et, d’un coup sec défit ma chemise.
« Non, vous faites quoi ? Stop. »
Je me débâtis, essayant de lui échapper quand le second s’approcha de moi. D’un geste rapide, il sorti comme une lame, faite en os où quelque chose comme ça.
Il… il ne va pas faire ça ?
Il posa sa lame sur la peau de ma hanche découverte, y exerçant une pression croissante.
« Ne bouge pas, tu risquerais de te blesser. » Susurra celui qui me tenait.
« Je vous en supplie, ne faites pas ça, je passerais le message à Orphée et lui ferai comprendre que vous ne plaisantez pas, vous m’avez assez fichu la trouille pour que je le convainque. »
« Ne t’en fait pas, ça ne durera qu’une demi-seconde. »
« Non ! »
Il appuya sur la lame, jusqu’à faire perler mon sang puis une douleur sourde m’envahis, pénétrant tout mon corps et ils disparurent, me laissant tomber lourdement au sol, en pleurs.
Tremblant, la respiration saccadée, je tentais de me remettre debout en m’aidant du mur. Je jetais en suite un œil à ma hanche couverte de sang. Deux triangles opposés circonscrits à deux cercles s’y trouvaient gravés, sans doute pour toujours.
Encore une chance qu’il ait pas foiré son dessin.
Depuis que la lame avait percé ma peau, je me sentais comme vidé de mes forces, c’est donc en puissant dans mes dernières ressources que je rentrais chez moi, la tête affreusement lourde et le paysage tournant laborieusement autour de moi. À peine eu-je atteint mon appartement que je me laissais choir au sol, prit de tressaillements spasmodiques. Alors ce fut le trou noir.
Une voix lointaine me parvenait, étouffée par le bourdonnement omniprésent dans ma tête.
« Hé… Ahé… Mahé… Tu m’entends. »
Je clignais difficilement des yeux la lumière du plafonnier m’éblouissant un instant.
« Orphée… » Articulais-je la bouche pâteuse et la gorge sèche.
« Je suis là, tout va bien à présent, je suis avec toi. »
Sans rien pouvoir contrôler, je me mis à le serrer désespérément dans mes bras, versant un torrent de larmes, à la fois de peur, de douleur et de soulagement. Il passa sa main dans mes cheveux, comme pour me rassurer, comme si son étreinte pouvait m’éloigner d’un quelconque danger.
« C’est rien, je suis là bébé. »
Bébé ?
Après un petit moment, Orphée s’écarta de moi, juste assez pour voir mon visage, duquel il retira quelques mèches de cheveux et essuya quelques larmes puis il prit la parole, me disant d’une voix douce :
« Il faut que l’on soigne ta hanche, et surtout que tu me dises ce qu’il s’est passé. »
Incapable de dire quoi que ce soit, je me contentais de hocher la tête, laissant Orphée me soutenir jusqu’à la salle de bain. J’eu un mouvement de recul quand il commença à déboutonner ma chemise.
« Pardon, je n’ai pas fait exprès. » Soufflais-je piteusement.
« C’est rien, je ne voulais pas t’effrayer, j’aurais dû aller plus doucement. »
Je baissais les yeux au moment où il fit glisser ma chemise sur mes épaules. Il se baissa à hauteur de ma hanche et prit un gant de toilette pour laver la plaie. Il fronça les sourcils quand il put distinguer la forme de la plaie.
« La marque des damnés. »
« Quoi ? »
« Qui t’as fait ça ? »
« Qu’est-ce que… »
« Réponds-moi ! »
Je sursautais face à son haussement de ton soudain.
« C’est ceux qui t’on prit es ailes, ils voulaient que je te passe un message. Ils disaient que tu n’es pas où tu devrais être, et que tu devrais y aller, sinon, ils s’en prendront à ceux que tu aimes. Je… j’ai le sentiment qu’en disant ça, ils faisaient allusion à… moi. »
« Les salauds. Putain ! » Jura-t-il, hors de lui.
Il mit un coup dans le mur, faisant tomber mon parfum de l’étagère. Heureusement, le flacon ne se brisa pas. Je me baissais pour le ramasser, couinant de douleur quand mon geste un peu trop brusque étira la peau meurtrie de ma hanche.
« Laisse, je vais ramasser. »
Orphée se baissa et replaça mon parfum sur l’étagère.
« La marque des damnés, ce dessin qu’il t’on fait sur la hanche, signifie que tu n’as pas ta place au paradis, ils viennent de te réserver une place en enfer en quelque sorte. Pour faire simple, ils ont vendu ton âme au diable, sans te demander ta permission. C’est un peu comme si tu étais à moitié démon maintenant. »
« Tu veux dire que je vais avoir des genres de super pouvoirs bizarres ? »
« C’est plus compliqué, dans un premier temps, tu auras surtout des migraines, pendant que ton corps luttera contre la mutation. En suite viendra le tour des cauchemars, ils te montreront le monde qui est destiné à être le tien, un monde impitoyable et sombre. Et enfin tu ouvriras les yeux et ce sera comme si c’était la première fois, tu découvriras le mode autrement, au travers des yeux d’un démon. Il se peut que tu aies parfois des envies de viande, de viande humaine. Le plus part des damnés deviennent fous avant de mourir mais je te promets que je ne laisserais pas cela arriver, je serais là pour toi et je vais trouver une solution. »
« Oh putain, c’est une blague. Dis-moi que c’est une blague. »
« J’ai bien peur que non. »
Je fondis en larme de nouveau, mon univers s’écroulant sous mes pieds.
« Pleure pas, je sais que ça t’effraye mais je vais trouver un moyen de contrer tout cela alors je t’en supplie, sèche tes larmes. »
Il me prit dans ses bras, comme je l’avais fait quand il avait fumé et que je l’ai retrouvé en larmes dans ma cuisine.
Successivement à ma crise de larmes, je m’étais mis à lui poser tout un tas de questions sur le mystérieux message qui m’avait été confié de lui faire passer. C’est comme ça qu’il m’apprit qu’il ne devrait pas être sur terre mais en enfer en ce moment, comme tous les anges déchus mais que, grâce à un sort de protection ancien, ou quelque chose du genre, il avait réussi à échapper à la vigilance des anges chargés de conduire les déchus en enfer. C’est notamment grâce à moi qu’il a pu mettre le sort en place, parce que j’ai, en quelque sorte fait diversion au moment où il se faisait arracher les ailes.
Quand je lui ai demandé comment fonctionnait ce fameux sort, il sorti un collier en métal foncé -sans doute de l’or noir- décoré d’un pendentif orné d’une pierre d’Onyx, noire également, et d’éclats de jaspe sanguin, strié de vert et rouge.
Il m’avait expliqué que c’était un talisman de protection et de guérison. La pierre d’Onyx étant un puissant véhicule de protection. Elle est liée au chakra racine qui est associé à la couleur rouge et porte l’attribut de la sécurité. Pour renforcer son effet, des éclats de jaspe sanguin, de couleur vert et rouge, ont été ajoutés. Cette pierre étant connue pour protéger contre les ennemis et donner de la force dans les épreuves. Le tout joint à la magie angélique d’Orphée formait la meilleure protection qu’il soit, enfin pour lui car visiblement ces ennemis ont vu à travers moi un moyen de l’atteindre.
C’est sur cette discussion légèrement étrange et carrément surnaturelle que nous nous endormons après avoir mangé un morceau.
Et je ne lui ai encore pas parlé du loyer…
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Avec amour et dévotion,
ParadoxalementParadoxale.
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