Chapitre 66~
Une soudaine remontée acide me sort de mes songes et je m'éjecte rapidement du lit en direction des toilettes. J'entends le grincement d'une porte alors que je suis encore en pleine commission au-dessus du trône de porcelaine.
Ryan : « Samantha, tu vas bien ? »
Il s'agenouille et vient derrière moi pour remonter mes cheveux et caresser gentiment mon dos.
Après quelques minutes, mon estomac finit par se calmer. Et Ryan est resté à mon chevet. Je me relève difficilement et me poste devant le lavabo. J'ouvre le robinet pour me rincer la bouche et me laver le visage.
Samantha : « Merci... Je n'ai pas eu de gueule de bois depuis un bail. J'ai oublié à quel point c'était aussi atroce. En plus tu m'as vu dans cet état, la honte. »
Alors que je m'essuie le visage, j'en profite pour le cacher avec la serviette à ma portée. Voir Ryan assister à cela me gêne horriblement.
Ryan : « Je savais que ça arriverait. C'est pourquoi... Tu as un plateau de petit-déjeuner préparé par Sarah qui t'attend sur le lit. »
Il m'entraîne en dehors des toilettes et effectivement, je vois un plateau bien garni –pour ne pas dire débordé– d'une assiette de pancakes, un bol de fruits avec du yaourt, des croissants, du jus d'orange et une tasse de café fumante.
Samantha : « Je n'ai pas vraiment d'appétit ce matin... »
Ryan : « Tu dois prendre des forces. Nous avons pas mal de choses à régler aujourd'hui. »
Je m'assois au bord du lit et me force quand même à manger quelques fruits.
Samantha : « Quelle chose ? »
Ryan : « La police. »
(Mais bien sûr !)
Je suis soulagée de savoir que j'ai mes souvenirs de la nuit dernière et que je ne me suis pas plongée dans un black-out.
Avec une certaine appréhension d'aller au poste de police, je tente néanmoins de retrouver l'appétit. Ryan a totalement raison : il me faudra des forces. Mon seul souci est : la police nous croira-t-elle ?
Ryan s'avance pour prendre mon visage dans ses mains. Il me donne mon bisou rempli de délicatesse sur la bouche ensuite sur le front.
Ryan : « Tu m'as l'air préoccupée. Tu es certaine que tu vas bien ? Peut-être que je devrais y aller seul- »
Je le coupe aussitôt.
Samantha : « Non ! Je veux venir. Après tout, je suis la seule à l'avoir aperçu jusqu'ici... C'est juste que cette histoire... est complètement incroyable voire absurde ! »
J'échappe un petit rire amer et Ryan fronce tristement les sourcils.
Ryan : « J'aurai tellement aimé ne pas t'impliquer dans cette affaire. Malheureusement, le mal est fait. Après ta déposition, je veux que tu restes en dehors de cette histoire... le plus possible. »
Samantha : « Ryan, je veux t'épauler- »
Ryan : « J'apprécie énormément ton courage mais désormais, j'en fais une affaire personnelle. »
Il se lève brusquement et se dirige vers la salle de bain. Il y entre et ferme derrière lui. J'entends l'eau couler et pendant ce temps, je tente difficilement d'avaler mon repas. Et il n'y a pas que ça que j'ai du mal à digérer. Si je juge son ton mi-condescendant mi-irrité, Ryan ne souhaite pas réellement m'avoir dans ses pattes. Suis-je une gêne ? Même s'il ne l'affirme pas de vive voix, telle est mon ressenti. Pourquoi je tiens tant à m'immiscer dans cette histoire ? Simple, je m'inquiète pour lui ! Mais ce que je dois faire n'est pas forcément ce que je veux. Est-ce une bonne idée ou la meilleure des idées ? Et si j'écoutais Ryan et fais ce qu'il demande ? Serais-je capable de rester tranquille ? Sans doute pas. Je suis bien trop anxieuse et mes pensées seront concentrées dessus. Je me déciderai après ma déposition.
Me retirer gentiment ou m'impliquer contre le gré de Ryan ?
***
Durant le trajet jusqu'au poste de police, j'appréhende le moment véridique. Alors pour me changer l'esprit, j'ai repensé à ma dernière soirée.
Cet Halloween fut l'une des journées les plus chargées de toute ma vie. Hormis mes journées de travail bien sûr.
(Et c'était plus fun que le boulot.)
Les soirées en groupe m'ont manqué. Avant, ce n'était que Lisa et moi puis Matt nous a rejoins. C'était devenu plus agité, nous avons eu plein de moments de fou-rire. Comme par exemple, lorsque nous avions défié Matt d'aller chercher le numéro d'un gars. Il a réussi à l'avoir mais tout a dérapé au moment où le gars allait l'entraîner aux toilettes. Matt a fait marche arrière de suite et s'est enfui en le plantant. Puis il y avait la fois où Lisa était complètement saoule et elle a dansé sur la table. Ça a presque fini en strip-tease si on ne l'avait pas arrêté à temps. Bien sûr, certains ne se sont pas gênés de la mater avec impudence. Au travail, cette bonne humeur ne s'est pas estompée, loin de là. Ensuite, Matt nous a présenté à Colin. Jamais je n'aurai cru que Colin serait le genre à traîner avec un hyperactif comme Matt. Oh et puis, ce gros bêta attire n'importe qui autour de lui, c'est un aimant à personnes. A lui tout seul, il pourrait monter une secte en l'honneur de sa propre personne.
Le côté lunatique de Colin ne m'a pas du tout attiré au début. Mon jugement sur lui a changé dès que je l'ai vu monter sur scène. Mais sa vulgarité est loin d'être glamour et il manque sérieusement de communication. Je ne pourrai jamais le comprendre. Ne parlons même pas de Doris. Je me demande comment Lisa s'est débrouillée avec Adam... Je ne peux m'empêcher de m'inquiéter pour mon amie.
(Il faut qu'elle me dise ce qui s'est passé après mon départ à l'arrache !)
Je tacherai de lui envoyer un message plus tard.
Sans que je m'en rende compte, je me suis rongé les ongles et mon pied a commencé à tressauter sans que je le sache. Le stress tente de prendre le dessus. Je baisse la tête, resserre mes poings sur mes cuisses et fixe mes pieds. J'inspire lentement et expire bruyamment. Ryan prend sa main dans la mienne et cela me rassure un peu. En toute honnêteté, les postes de police me rendent inconfortable. Alors en sortant de la voiture, je n'ai pas lâché la main de Ryan. Nous pénétrons dans le vestibule rempli de personnes en tout genre. La pièce est mal éclairée et peut-être mal entretenue aussi. Les murs sont gris et ternes. Il y a également une odeur désagréable qui plane dans l'air mais je ne saurai dire quoi. Il a suffi à l'homme de l'accueil un regard pour comprendre qui il avait en face de lui. Il se présenta sous le nom de Martin. C'est un homme grand, peau de couleur foncée, dans la trentaine –plus proche de quarante que de trente–.
« Suivez-moi, l'inspecteur vous attend » est la seule phrase qui est sortie de sa bouche avant de nous guider le chemin.
Inspecteur ? Ne devions-nous pas faire une simple déposition ? Je fixe Ryan, il est interdit.
Nous passons devant plusieurs portes, certains sont des bureaux, d'autres sont les pièces pour les interrogatoires. Une pièce en particulière m'a hérissé les poils : à côté de la porte menant à celle-ci, sur un banc en fer, une jeune femme couvertes de bleus et de blessure renifle. Je dirai que nous avons à peu près le même âge. Elle était très maigre, ses vêtements ont été déchirés et elle tremblait comme une feuille. Je lui lançais un regard compatissant alors que nos yeux se rencontrèrent. Soudainement, un bruit sec se fit entendre venant de la pièce d'à côté ensuite des cris et des jurons. La porte s'ouvre brutalement, deux officiers restreignent un homme enragé. Lui aussi était blessé et avait les vêtements en lambeaux. Même s'il est déjà menotté, il ne cesse de se débattre, donnant du fil à retordre aux deux autres.
« Lâchez-moi ! Mais lâchez-moi ! Vous n'êtes qu'une bande de merdeux ! » crie-t-il.
Et alors qu'il passait devant la jeune femme, il réussit à s'extirper un instant pour foncer sur elle.
« Petite garce, tout est de ta faute ! »
Il empoigna son col de ses mains menottées et la jeune femme pleura en marmonnant. Mon corps failli réagir de lui-même mais en même temps, je me sentis immobilisée devant cette scène. Heureusement, les policiers ont de nouveau réussi à le tenir tranquille avant que ce fou n'aille plus loin. Ils lui donnent un coup au ventre et il s'agenouille de douleur tout en crachant de la salive... ou de la bile. La femme, apeurée, continua de pleurer. Alors qu'on allait emmener le détenu vers le vestibule, la jeune femme hurla.
« C'est décidé, j'arrête tout ! Je ne te supporte plus, ne t'avise plus jamais de t'approcher de moi ! »
Sa voix, instable est montée dans les aigus. Mais elle a réussi à dire ces mots avec un grand courage, tout en sanglotant.
Je suis restée pantelante devant cet accrochage. Un peu plus tôt, je voulais agir mais pas pour l'aider. En vrai, je voulais fuir cet homme. Tout en lui était rage et colère. J'ai pris peur.
Ryan pose une main sur mon épaule.
Ryan : « Tu viens ? Ne te préoccupe pas de ça. »
J'acquiesce d'un simple hochement de tête.
Je sais très bien que je ne devrais pas. Seulement, je ressens une sensation qui vient du plus profond de mon être. Elle est gênante, incommodante et me tique, comme si je faisais une réaction allergique. Une réaction invisible.
Je ne m'attarde pas dessus, Ryan s'impatiente.
Martin : « Ce que vous venez de voir... Les violences conjugales se font de plus en plus nombreuses ces temps-ci. »
Samantha : « C'est horrible... J'ai de la peine pour cette femme... »
Martin : « Cela dure depuis des années selon elle. Quand nous avons coffré le gars, nous avons également découvert qu'il trempait dans des affaires pas nettes. C'est leur voisinage qui nous a prévenus. Sans ça, cette femme serait peut-être morte à l'heure qu'il est. »
Ryan : « Je ne comprends pas. Pourquoi elle a mis autant de temps avant de se décider ? Elle aurait dû s'éloigner de son compagnon dès qu'elle a commencé à se faire battre. »
Samantha : « Ce n'est pas aussi facile que tu le crois. »
Ryan me jette un regard suspicieux mais je l'évite.
Martin : « Votre femme a raison. Les victimes évitent d'en parler pour diverses raisons. La principale serait le trauma causé par les actes de violence. Je salue celles et ceux qui ont eu assez de courage pour sortir de ce cycle infernal. »
(Il m'a l'air d'être un type bien.)
Et comme d'habitude, me faire traiter comme la ''femme'' du grand Ryan Carter me fait bizarre. Cela n'est pas entièrement vrai mais Ryan ne le contredit pas. Je n'y suis toujours pas habituée.
Samantha : « Vous êtes marié, Mr Martin ? »
Il se retourna avec un petit sourire.
Martin : « Oui, j'ai une femme merveilleuse et deux adorables enfants. Je les aime de tout mon cœur. Si j'ai décidé de rejoindre la police, c'est pour les protéger. »
Samantha : « C'est admirable. »
Martin : « Je dis ça mais tout ce que je fais ici, c'est les paperasses. Enfin, tant qu'ils ont de quoi vivre, cela me satisfait. Bon, nous sommes arrivés. »
Il coupe court à la conversation dès que nous arrivons devant une grande porte barricadée. D'après ce que je vois, ils ont réservé une pièce éloignée de tous, spécialement pour nous. Le policier Martin nous ouvre la porte et part de suite après avoir refermé la porte derrière nous.
La pièce est plongée dans le noir, deux petites lampes sont les seules sources de lumière présente. Il n'y a qu'une table entourée de quatre chaises devant. Je ne perçois pas très bien mais on dirait qu'il y a également un miroir à ma gauche. A part ça, le noir total.
« Asseyez-vous, je vous en prie. » s'élève une voix.
Ryan : « Inspecteur Phoenix. »
Phoenix : « Monsieur Carter. »
(Attendez... ils se connaissent ?!)
Un homme s'avance devant les lampes et je peux enfin le distinguer : des cheveux gris, un front plissé, des yeux marrons perçants, un long nez et quelques rides induis par l'âge. Un autre homme, blond aux yeux bleus et beaucoup plus jeune que lui avance et se place à ses côtés.
Phoenix : « Qu'avons-nous cette fois-ci ? »
(Cette fois-ci...)
Ryan s'assoit et je fais de même.
Ryan : « Elle vous dira tout. »
Il me désigne de la main puis il éclairci sa voix.
Ryan : « Excusez-moi, j'ai oublié les présentations : Samantha Hope, ma fiancée. Inspecteur David Phoenix, celui qui mènera l'enquête sur l'affaire. »
Phoenix : « Dois-je en conclure que les rumeurs à votre propos soient justes ? Vous n'êtes plus un cœur à prendre ? Ha ! »
Ryan : « Inspecteur, vous vous éloignez du sujet principal. »
Phoenix : « Toujours aussi rigide à ce que je vois. Moi qui pensais que vous vous dérideriez depuis le temps que nous nous connaissons. Passons. Mademoiselle, racontez-moi votre histoire. »
Un petit coup d'œil vers Ryan qui m'affirme que je dois tout déballer. Je commence alors mon récit...
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