Chapitre 58~

Je ne remercierai jamais assez Colin pour toute l'aide qu'il m'a fournie. Grâce à lui, j'ai récupéré les coordonnées de Jenny ainsi que l'adresse de son appartement.

Il se trouve dans les quartiers chics, évidemment. Les propriétés privées avec une sécurité optimisée au maximum. Rien qu'à l'entrée, on m'a arrêté pour me demander mon identité et ce que je faisais là. Apparemment, ces agents de sécurité connaissaient tous les résidants, tous les va-et-vient et tous les trajets qu'une tierce personne pourrait engager ? Un visage inconnu doit passer par tous les check-up et autres mesures. Tout ça, encore et toujours par « sécurité ». Moi qui pensais devenir paranoïaque ces dernières semaines... Qui sais-je, peut-être le suis-je maintenant ? Parce que j'ai eu un avant-goût de la vie que mènent les gens qui vivent dans ces quartiers. Quand bien même, j'ai passé ces « mesures », ils ont failli ne pas me laisser entrer. J'ai dû... être imprudente. Déjà, il y avait deux entrées : une pour les voitures et une autre pour les passants.

(Cette dernière ne doit pas être beaucoup utilisée... Je vois mal les gens d'ici venir à pieds. Ils seront plus du genre... limousines et voitures de sport.)

Il n'empêche que je suis l'exception à la règle et que pour une fois depuis des lustres, je serai celle qui passera par le petit portail. La grande entrée était un portail automatique d'au moins deux mètres avec des fils barbelés en-dessus. Et les dit-barbelés ont un panneau de signalisation où il est écrit « Danger : Attention au courant électrique ». Il y a des caméras partout autour de moi. Le petit portail est tout juste à côté du grand et entre les deux se trouvaient un interphone. A peine je me situais en face, qu'une voix se fit entendre via l'interphone.

« Identité et motif de visite. » fit la voix.

Je devrais avoir l'habitude des vents. La politesse ne serait-elle plus gratuite de nos jours ? L'a-t-on jeté aux orties ? Que sont devenus les Droits de l'Homme et le respect de l'être humain ? La nouvelle mode c'est d'être un parfait trou du cul ?

(Celle-là, je l'ai exagéré...)

Mon principal objectif est de pénétrer dans cette forteresse, ce n'est pas le moment pour tout foirer. Je fais alors mon plus grand sourire –aussi faux soit-il– et arbore même une voix un peu plus aigu que d'habitude.

(Une notion de savoir-vivre ne devrait pas non plus leur faire de mal. Et c'est gratuit, sans frais ! Prenez-en de la graine !)

Samantha : « Bonjour, je m'appelle Samantha Hope. Je viens rendre visite à Jenny Carter. »

« Il n'y a aucune Jenny Carter ici. »

La voix tranchante me fit perdre mon latin. Pardon ? Vous pouvez répéter ? C'est un foutage de gueule là ! Une caméra cachée ? Il est impossible que Colin se soit trompé.

(Allez Samantha... réfléchis deux secondes...)

Comme le « ding » d'un appareil à micro-onde, un souvenir refait surface.

Samantha : « Jenny Blake alors. La sœur de Ryan Carter, le célèbre PDG de Carter Corp. Vous voyez qui c'est au moins ? »

Quelques secondes de silence.

« Qui êtes-vous ? »

Je lève les yeux au ciel. Cet homme a les oreilles bouchées, ma parole... Il devrait immédiatement se faire licencier.

Samantha : « Samantha Hope, je viens de vous le dire ! »

« Vous n'êtes pas dans nos données. Veuillez quitter les lieux immédiatement. »

Je pousse un cri d'exaspération. Bien sûr que je ne suis pas dans vos données, c'est la première fois que je viens ! Qu'est-ce qu'ils sont pénible...

Samantha : « Je ne repartirai pas sans avoir vu Jenny ! Nous devons parler, c'est important ! Ouvrez-moi cette fichue porte ! »

« Si vous ne partez pas dans la minute qui suit, nous serons dans l'obligation de relâcher les chiens. » me prévient-il.

Parce que c'est sensé me faire peur ? Je suis l'amie des bêtes ! Quoique... Il n'y a que Max qui m'adore. Je n'ai plus tellement le choix. Pour leur prouver mon identité, je dois utiliser celle de Ryan. Cette idée ne m'enchante aucunement. Et je suis loin de prétendre être celle que je ne suis pas. Je commence à avoir peur de ce monde... celui de Ryan... et de Jenny. J'ai peur parce que je m'immisce petit à petit dedans, adoptant leurs méthodes et manières. J'ai l'impression de ne plus être moi-même. Je n'étais jamais autant déterminée et gonflée à bloc avant. C'est une bonne chose. J'étais plus du genre à suivre la vague parmi tant d'autres. Pourtant ce que je m'apprête à faire est ce qu'on appellerait une magouille. Les remords seront pour plus tard, je ne le fais pas pour moi. C'est une excuse, certes.

Je pose une main sur ma poitrine, de telle sorte que ma bague leur soit bien visible via la caméra et inspire un bon coup. Je dois faire ressortir mon plus beau jeu d'actrice.

Samantha : « Vous me navrez réellement... Ne savez-vous pas qui je suis ? »

L'homme à l'autre bout du fil se retient de se moquer. Qu'il est difficile d'être pris au sérieux. Malheureusement pour vous, je ne suis pas ni le clown de service qui fera le pitre ni un personnage secondaire ou tertiaire. Je suis le metteur en scène. Je suis celle qui décide de celui ou celle qui fera partie de la pièce. Et l'acte qui va prochainement être joué va vous clouer le bec.

Samantha : « Croyez-vous que c'est une bonne chose de me rire au nez ? Mon fiancé n'appréciera pas en tout cas. »

« Allez vous plaindre chez qui vous voulez sauf chez nous, Madame. Nous n'avons pas que ça à faire. »

Samantha : « Eh bien, croyez-moi je le ferai. Qu'est-ce que Ryan Carter penserait s'il savait que vous n'avez pas laissé sa fiancée rendre visite à sa belle-sœur ? »

De nouvelles secondes passent et aucune réponse. Ai-je réussi à les convaincre avec mon jeu à deux balles ? Je n'ai pas de temps à perdre.

Samantha : « Alors ? Vous me laissez entrer oui ou non ?! »

« Bien essayé mais nous avons l'habitude des canulars. »

(Je vous jure que si je tombe nez à nez avec cet homme, je le trucide !)

Samantha : « Je ne plaisante pas ! Ne voyez-vous pas ma bague ? Et les nouvelles alors ? Vous êtes au courant ou pas ? On parle de moi n'importe où maintenant ! Rien que récemment une journaliste m'a harcelé ! Hé oh ! Hé ! »

Ils m'ont raccroché au nez ! Et maintenant... ?

Je poireaute une quinzaine de minutes de plus devant le portail et toujours rien, silence radio. Je vais péter un plomb dans pas longtemps. Pourtant je me retenais pour Jenny, enfin bon...

Je manque de moyens alors en acte désespéré, je donne un coup de pied au portail et hurle une nouvelle fois.

Samantha : « Ouvrez ! »

Un long bip assourdissant se fait entendre et le portail s'ouvre. J'ai cru qu'ils accédaient enfin à ma demande... j'ai parlé trop vite. Un grand homme en uniforme bleu nuit et casquette sort du portail accompagné d'un berger allemand d'une main et d'un bouledogue de l'autre qu'il tient à l'aide de laisses. Ce n'était pas une plaisanterie...

« Alors maintenant, vous allez être gentille et déguerpir ou mes amis vont se faire un plaisir à vous déchiqueter. C'est mon dernier avertissement ! »

C'est l'homme de l'interphone ! Je déglutis. Il est plus intimidant que je le pensais. Je la ramène moins, il a des chiens avec lui ! En combat en un contre un, je pense pouvoir le battre grâce aux entrainements de Matt. Des fois, la force et le gabaris ne font pas tout. Vu comment il est baraqué, il doit tomber comme une pierre au fond de l'eau. Devrais-je essayer de l'assommer et foncer ensuite ? Mais il y a d'autres gardes, c'est certain ! Et les chiens vont me courir après aussi... je ne vois pas d'autre choix que de capituler. Personne ne me croit de toute façon. Je ne pourrai jamais mettre les points sur les ''i'' avec Jenny du coup...

Samantha : « C'est bon, je vais partir. »

Gardien : « Vous avez intérêt. »

En retournant vers le portail, je l'entends murmurer.

Gardien : « Enfin débarrassée de cette folle... La fiancée de Ryan Carter, bien sûr. Et moi je suis la Reine. »

Je fais volte-face et croise les bras.

Samantha : « Je vous ai entendu ! Et je ne suis pas folle, je dis la vérité. Je peux même vous le prouver. »

Le gardien ne me calcule plus d'un pouce et il allait refermer le portail lorsque...

Samantha : « Attendez ! Si je vous donne une confirmation de mon identité, vous me laisserez entrer. »

Gardien : « Je ne comprends pas votre entêtement. Mais bon, essayez toujours... un peu d'amusement ne fera pas de mal. »

Il se permet de me rire au nez, il la ramènera moins quand je vais... appeler Ryan ? Non, je ne peux pas le déranger ! Je ne peux rien lui dire du tout ! Je suis en train de me ridiculiser...

L'homme attend que je fasse quelque chose et il ne dissimule même pas son air hautain devant moi. Je sors mon téléphone et compose un numéro. Après plusieurs bips, on décroche.

Samantha : « Allo... Chéri ? »

Colin : « Tu t'es pas trompée de numéro, par hasard ? »

(Je ne vois que lui qui pourrait m'aider... S'il te plaît Colin, comprends ma combine !)

Samantha : « Non, non, ça va. Alors écoute-moi chéri, j'ai un problème là. »

Colin : « Arrête avec ce surnom, j'en ai des frissons dans le dos. T'imagines si Carter t'entends là ? »

Je passe un regard vers le gardien qui me fixe toujours et j'échappe un rire nerveux.

Samantha : « C-Ce n'est pas important. Mais écoute-moi s'il te plaît. Je suis actuellement à la résidence de Jenny et ils ne veulent pas me laisser entrer. Tu pourrais faire quelque chose... chéri ? »

Colin : « J'te l'avais dit que débouler là-bas comme une furie, c'était insensé. Faut pas te plaindre ici. »

Je me masse instinctivement la tempe. Les leçons de morale seront pour plus tard. Comment lui faire comprendre sans me faire prendre ?

Samantha : « Oui, tu es occupé mais tout ce qu'il me faut c'est une confirmation de ta part, de Ryan Carter... que je suis ta fiancée sinon ils ne me laisseront pas entrer. Tu en es bien capable, n'est-ce pas, chéri ? »

J'entends Colin souffler et il me demande de le laisser quelques instants. J'entends ensuite le son d'un clavier d'ordinateur et il revient à l'appareil.

Colin : « Alors j'sais pas dans quelle merde tu t'es encore foutue mais tu m'dois beaucoup. Je viens d'envoyer ta ''confirmation''. Demande-leur d'ouvrir leur boîte mail. »

Samantha : « D'accord. »

J'éloigne le téléphone de mon oreille et m'adresse au gardien.

Samantha : « Il vous demande d'ouvrir votre boîte mail. »

Il cligne des yeux et se refrogne aussitôt. Je ne peux plus compter sur cet abruti. Je me place à nouveau devant la caméra et leur répète d'ouvrir la boîte mail.

Gardien : « C'est bon, on va le faire ! »

Il sort un talkie-walkie accroché à sa ceinture et parle à je-ne-sais-qui. J'entends à peine leur conversation.

Gardien : « Ouais... il y a quelque chose ? ... Non... tu déconnes... Alors... Ouais... Ouais... J-Je... tout de suite... »

Le bip insupportable du portail retentit à nouveau et on m'ouvre grand le chemin vers le Saint Graal, si je puis dire. J'ignore ce que Colin a envoyé mais le gardien semble être sur le point de mourir d'embarras. Il ne tient pas en place et évite un contact direct avec moi. Je remercie rapidement Colin, décroche et avance devant le portail.

Gardien : « Ahem,... Je... N-Nous... Nous sommes désolés de ne pas vous avoir pris au sérieux... Miss Carter. Et je suis... s-sincèrement désolé pour mon comportement de tout à l'heure. »

(Alors toi, tu ne vas pas t'en tirer aussi facilement !)

Je passe à côté de lui et m'arrête à son niveau.

Samantha : « J'espère que vous trouverez un autre travail... rapidement. »

Son visage se décompose devant moi et je pars sans me retourner. Si seulement il savait que ce n'était pas vraiment Ryan... cela m'étonne que je n'aie pas explosé de rire en face de lui. Je me dépêche de m'éloigner de ce foutu portail et me dirige vers l'appartement de Jenny. Ces rues et résidences privées sont fascinantes. On se croirait dans une mini-ville coupée du reste du monde. Hormis les appartements, il y a des villas et même des manoirs ! Je n'en avais jamais vu un de près avant. C'est très imposant. J'arrive devant un immeuble moderne d'environ six étages. C'est bizarre, il n'y a que quatre sonneries, pas plus.

(Il n'a donc que quatre résidents dans un immeuble aussi gigantesque ?!)

Je vois le nom de Jenny, elle est au cinquième. Et il me semble que la porte ne s'ouvrira pas sauf si j'ai une clé ou si quelqu'un de l'intérieur ne m'ouvre. Pourquoi tout est automatisé ou électrique de nos jours ? Elles sont passées où les bonnes vieilles portes en bois ? Au pire, les portes rotatives non-automatiques !

A travers la porte, je vois l'ascenseur de l'immeuble en train de s'ouvrir. Une personne se dirige vers moi et je me colle au mur afin qu'elle ne me voie pas. Heureusement, la personne était trop occupée par son téléphone et la porte automatique mettait un peu de temps pour fermer. Je saisis ma chance et me faufile sauf que... mon chemisier bleu manque de se faire coincer par la porte, j'ai du tirer dessus pour m'extirper de là. Pour mon grand soulagement, il n'est pas déchiré. Je pousse le bouton de l'ascenseur et prie intérieurement pour que celui-ci ne soit pas automatisé également, tout comme à Carter Corp. Là-bas, il faut une carte magnétique pour ouvrir toutes les portes et les ascenseurs. C'est-à-dire que seul le personnel autorisé peut y avoir accès.

La cabine s'ouvre et je ne peux m'empêcher de souffler. Mon cœur s'allège.

(C'est un ascenseur normal !)

Direction : quatrième étage.

(C'est certain, ma mésaventure ne s'arrêtera pas ici. Je vais en baver...)

~***~
Bonsoir !
Merci beaucoup pour votre patience 😘
je publie moins parce que je suis débordée en ce moment 😅
En plus, l'histoire commence à devenir un peu plus compliqué et pour la première fois depuis longtemps, le syndrome de la page blanche est revenu 🤐 faudra que je me creuse la tête...
Selon vous, comment se passera cette énième confrontation avec Jenny ? Est-ce qu'enfin cela va aboutir à quelque chose ? 🤔

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