De retour au bureau... Je vais être honnête, ça ne m'a absolument pas manqué. Je pars pour une semaine et je perds pieds par la suite. En même temps... je n'y peux rien. Après que j'ai « failli » être écrasée, je ne cesse d'être tourmentée. La nuit qui a suivi cet incident, j'ai tremblé de tout mon être. Je me réveille en pleine nuit avec des sueurs froides. J'ai fait des cauchemars mais je ne m'en rappelle pas. Il me faudra du temps en plus pour me réhabituer au rythme effréné de New-York. Mais c'est connu de tout le monde, « New-York n'attend personne ». Mon téléphone vibre, ce qui me sort de mes pensées. Un message de Ryan.

« Viens dans mon bureau. Tout de suite. »

Un problème ? Des nouvelles ? Bonnes ou mauvaises ? Ces derniers temps, je deviens totalement paranoïaque, c'est à peine si je ferme l'œil aussi.

Je toque à la porte du bureau de Ryan et m'y engouffre après avoir entendu un « entrez » de sa voix grave et rauque que j'aime tant. Je le vois alors assis sur son fauteuil, chemise déboutonnée sur trois boutons. Il souffla d'exaspération et passa une main nerveuse dans ses cheveux. Je referme immédiatement la porte derrière moi et accours vers lui.

Samantha : « Ryan, tout va bien ? »

Ryan : « Il faut croire que je me laisse trop aller ces temps-ci... à cause de toi. »

Il sourit mais ses paroles sonnent comme un reproche à mes oreilles. Je ne suis pas dans mon état normal.

(Il essaie de blaguer là ? Devrais-je rire ? Ou ça n'a rien de drôle ? Voilà que je recommence... ça suffit !)

Voyant que je suis perdue, Ryan me sort de mes pensées obscures.

Ryan : « À moi de demander : tu vas bien ? »

Il plisse des yeux, inquiet. Je prends place devant lui et baisse la tête pour fixer mes cuisses. Devrais-je lui dire finalement ? Jusqu'ici, je me suis abstenue parce que je ne voulais pas l'inquiéter d'avantage. Mais je suis sur le point de devenir folle donc me confier m'allègera peut-être...

Samantha : « Ryan... Je– »

Il me coupe la parole sans me laisser le temps de compléter ma phrase.

Ryan : « Ça me rappelle, j'ai une surprise pour toi. »

Samantha : « Une... surprise ? »

Qu'est-ce que ça peut être ? Ryan recule son siège et tapote sur ses cuisses, m'invitant à m'asseoir dessus. J'hésite un peu mais il insiste. Je m'assois donc entre ses cuisses, mon dos collé à sa poitrine, avec ses mains qui m'entourent. Il dépose des baisers sur ma nuque. Un frisson parcourt ma colonne vertébrale. Il sait que cet endroit est sensible et il est parfaitement conscient que j'adore ses petits bisous.

Ryan : « Tu vois le tiroir à ta droite ? Ouvre-le. »

Ses lèvres restent collées à ma peau, j'entends sa respiration, je sens son souffle chaud et je sens aussi qu'il fixe chacun de mes mouvements. J'ignore quel regard il a en ce moment mais je m'exécute et ouvre le dit-tiroir. J'en ressors une enveloppe, scellée. Qu'est-ce que c'est ?

Je reste perplexe. Qu'est-ce que Ryan manigance encore ?

Samantha : « Tu m'expliques ? »

Ryan : « Vois par toi-même. »

Samantha : « Et si je ne veux pas ? »

Je ne peux m'empêcher de le défier, j'adore ça ! Ses mains descendent sur mes cuisses et viennent les caresser. Que dis-je, il vient carrément me déshabiller, oui ! Monsieur a les mains baladeuses.

Ryan : « Qu'est-ce que tu as à perdre ? »

Samantha : « Est-ce que j'ai une quelconque raison de me méfier ? »

Ryan : « Non, je parie que tu vas aimer même. »

Alors là, il pique totalement ma curiosité. Je déchire l'enveloppe –sans délicatesse– à un tel point qu'il n'en reste plus que du papier mâché. Je m'émerveille devant la surprise de Ryan. Je n'y crois pas ! Ce sont des photos de nous, à Hawaï ! Ce n'est que maintenant que je me rappelle qu'en effet, nous avions pris des photos. Je parcours ces dernières unes à unes et une photo en particulier mérite toute mon attention : Ryan me porte sur son dos, nous sommes sur la plage. Enfin, Ryan a les pieds dans l'eau, jusqu'à ses jambes et nous rions ou crions, je ne sais plus trop parce qu'une énorme vague nous a éclaboussé. C'est une photo prise au naturelle, nous sommes tellement joyeux. On sent que ce ne sont pas les poses forcées et les sourires figés. C'est juste... nous, appréciant le moment.

Samantha : « Qui a pris cette photo ? Nous n'en avions pas pris sur cette plage, si je me souviens bien. »

Ryan : « C'était après le match de volley-ball. Un des gars qui a participé avec nous l'a prise. Il m'a dit... que c'était le ''cliché parfait d'un couple heureux'', un instant qu'il ne fallait surtout pas oublier. »

Je remercie intérieurement ce gars. C'était avant notre départ donc. Avant le cours de surf où Ryan s'est ratatiné la face. J'en ris encore.

Samantha : « Il n'a pas tort. »

Soudain, les mains de Ryan se crispent sur mes cuisses. Je me tourne alors vers lui mais il enfouit son visage derrière mon épaule. Je pose alors ma main sur sa tête et caresse ses cheveux pour le calmer.

Samantha : « Qu'est-ce qui ne va pas ? »

Il inspire bruyamment, le temps de reprendre une respiration normale.

Ryan : « J'y ai beaucoup réfléchi et... Je veux essayer à nouveau. »

De quoi il parle ? Comme s'il lisait dans mes pensées, il continue de parler.

Ryan : « Je voudrais qu'on dîne tous les trois ensemble... avec Jenny. Une nouvelle fois. »

(Oh non)

« Mais Ryan, n'as-tu pas compris ?! » est ce que j'aimerais lui répondre. Pourtant nous savons tous...

Ryan : « Et nous n'irons pas au restaurant. Le dîner se passera chez moi, cuisiné par Sarah. »

Ah, Sarah... cette bonne femme. C'est une belle personne. Elle s'inquiète énormément pour Ryan et est également celle qui m'a avoué sa peur secrète. Ça aussi, j'en jubile encore. Mais je reprends immédiatement mon sérieux parce qu'on n'est pas encore sorti de l'auberge.

Ryan : « Je sais que ça ne s'est pas bien terminé la dernière fois cependant j'y tiens. Je veux réellement que vous vous entendiez parce que... vous êtes les femmes les plus importantes de ma vie. »

Mon cœur fond par tant de douceur... Comment résister à ça, hein ? Ryan sait comment obtenir ce qu'il veut. Je prends ses mains dans les miennes et hoche seulement la tête. Je sens que je vais subir une nouvelle descente aux enfers.

***

Nous sommes à table, personne ne parle. Seul le bruit des couverts se font entendre et les pas de Sarah qui se promène dans la salle à manger pour servir les plats. Puisque nous sommes là, j'en profite pour savourer le repas, Sarah est un vrai cordon bleu. Sa blanquette de veau au vin est un délice. Je m'essuie délicatement la bouche avec ma serviette de table et jette un regard à Jenny. Elle a les yeux rivés sur son plat et je crois qu'elle ne s'intéresserait à rien d'autre ce soir. Quant à Ryan... Je ne sais pas à quoi il pense. Il se décide à prendre la parole.

Ryan : « Alors Jenny, que penses-tu du plat ? »

Jenny joue avec un morceau de viande sur sa fourchette.

Jenny : « Mmh... Oui, c'est plutôt basique. Personnellement, j'aurai ajouté plus d'épices pour accentuer le goût. »

Peut-on être plus hautaine ? Je ne crois pas. Comment elle se permet ! Pauvre Sarah, heureusement elle n'a pas entendu ces propos. Pour ma part, tout ce qu'elle cuisine est délicieux et non « basique ». Je voudrais bien cracher ça au visage de Jenny mais vu que Ryan est là, sauvons les apparences. Je me retiens en serrant le plus fort possible ma serviette.

Ryan : « J'ai oublié à quel point tu adores les épices. J'aurai du t'en rapporter après notre voyage. »

Ryan sourit et c'est la plus belle expression qui convient à son visage. Par contre, celle de Jenny vient de sombrer en un instant. Ryan a du lui parler de notre petite escapade en « amoureux ». C'est écrit en lettres capitales sur son front qu'elle est agacée. Il est temps que je monte sur le podium.

Samantha : « Jenny, tu aimes la cuisine française ? »

Elle se tourne vers moi avec les sourcils froncés, ne s'attendant pas à m'entendre parler.

(Vas-y, c'est ça. Essaie de me tuer avec tes yeux, pour voir.)

Jenny : « J'aime la cuisine, tout court. »

(Un peu sec comme réponse. Je parie que ça a du lui prendre de gros efforts, la pauvre !)

Ryan : « Elle veut ouvrir son propre restaurant. »

Jenny foudroie Ryan du regard.

(Est-ce qu'elle ne sait faire à part froncer les sourcils ou bien, elle ne peut pas faire autrement ?)

Son visage est bloqué sur cette fonction ce soir. Ses rides vont apparaître aussi rapidement qu'une étoile filante.

Jenny : « Ry ! Faut pas en parler ! »

Ryan : « Pourquoi pas ? Nous sommes entre nous. »

Il rigole et porte son verre à ses lèvres. Je trouve mignon le fait qu'il m'inclut dans sa vie. « Nous sommes entre nous » est une phrase tellement personnelle. J'en rougirai presque.

Ryan : « Jenny adore la cuisine. Et je ne cesse de lui répéter que je pourrai l'aider avec son projet mais elle refuse à chaque fois. »

Jenny : « Parce que je veux le faire par mes propres moyens ! Je n'ai pas besoin de ton aide. »

Plutôt étonnante comme révélation. Ce qu'elle fait est admirable et je la comprends. On n'est jamais mieux servi que par soi-même, le sentiment de satisfaction et d'accomplissement sont complètement différentes. Si elle ne me vouait pas autant de haine, on s'entendrait à merveille ! Je ne comprends tout simplement pas son problème.

Ryan : « Oui, d'accord. Mais ne le dis pas comme si je n'étais personne pour toi... »

(Oh, sa voix est vite descendue decrescendo...)

Jenny : « Mais bien sûr que non ! Tu n'es pas personne, Ry. Tu es la personne que j'aime le plus au monde, mon seul frère, mon unique univers. »

Samantha : « Vous dites si je dérange, hein. »

Ryan : « Samantha... »

(Merde, je l'ai dit tout haut ?)

Jenny : « Absolument pas ! Pourquoi tu crois ça ? »

Elle est sérieuse ? C'est quoi ce changement de comportement soudain ? C'est un choc. Mais son sourire est tellement faux, plus faux que certaines contrefaçons chinoises. Elle pousse sa chaise et se lève.

Jenny : « Excusez-moi, je vais me retirer un instant aux toilettes. »

Elle part nous laissant seuls. C'est alors que Ryan me murmure à l'oreille.

Ryan : « Tu ne pouvais pas t'en empêcher ? Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, elle fait des efforts, là ! Mais ce n'est pas ce qui me semble pour toi. »

(Si elle ne simulait pas, j'aurai fait des efforts, crois-moi !)

Ses actions puent le mensonge. J'ai cette impression au fond de moi. Pour Ryan, ce serait seulement de la mauvaise foi si je lui expliquais mes pensées. Répliquer est inutile.

Samantha : « Excuse-moi, Ryan... C'est juste... Je suis tellement stressée ces derniers temps... »

Il passe un bras autour de moi et il entrelace ma main avec sa main de libre.

Ryan : « Je sais que l'on a beau être ensemble mais je me dois de traiter mes employés au même niveau. En plus, tu es ma secrétaire générale donc je me dois d'être un peu plus strict avec toi. »

Samantha : « Non, ce n'est pas par rapport au travail... »

Je sers un peu plus fortement sa main et je me sens larmoyante. Ça y est, ça va sortir.

Ryan : « Qu'est-ce qu'il y a ? J'ai remarqué depuis un moment que tu étais morose. Seulement, je ne voulais pas te forcer, j'attendais que tu viennes m'en parler de ton gré. Pourtant, je me sens quand même obligé de demander maintenant parce que je vois que tu n'es pas bien du tout. Allez, dis-moi. »

Il caresse tendrement ma joue, une larme coule mais ce geste me remplit d'un peu de courage.

Samantha : « Samedi dernier... J'ai failli me faire écraser par une voiture. Et ce n'était pas par accident. J'ai plus l'impression que c'était une menace. »

Ryan se rembrunit, la colère-, non la rage, se lit sur son visage. De toutes les fois où je l'ai vu en colère, celle-ci est la plus effrayante de toutes. Pour la première fois, je me demande réellement si c'est Ryan que j'ai en face de moi.

Ryan : « Pourquoi tu ne m'en as pas parlé plutôt ? »

Son ton est sec, sonnant presque comme un reproche.

Samantha : « J'allais t'en parler mais tu ne m'as pas vraiment laissé le temps de le faire. À la place, tu m'as annoncé ce foutu dîner. »

Ryan : « ''Foutu dîner'' ? Alors c'est comme ça que tu considères mes efforts ? »

Samantha : « Non ! Ryan, ce n'est pas ça... c'est... c'est juste que... c'était allé tellement vite... je n'ai rien vu venir. Cet incident me hante, ça fait des jours que mon niveau de stress est à son maximum. Si Jake n'était pas là, cette voiture m'aurait fauché à coup sûr. »

Ryan se redresse et croise les bras. Si tout à l'heure, son visage était fou de rage pour moi, là c'est contre moi.

Ryan : « Jake Stewart ? Qu'est-ce que mon chauffeur vient faire là-dedans ? »

Je soupire d'exaspération. Ça y est, c'est reparti : les montagnes russes émotionnelles. Ryan va encore s'imaginer des choses.

Samantha : « Je lui ai demandé qu'on se voit. Parce que je lui devais des excuses. »

Ryan : « J'ignorais que vous étiez aussi proches. Assez pour que tu lui ''doives des excuses''. »

Il devient odieux et ça commence à m'agacer. Il n'est pas obligé d'être aussi méprisant. Jake m'a quand même sauvé la vie. Je prends sur moi-même.

Samantha : « C'est une longue histoire mais à un moment, j'ai cru que Jake-, enfin, il était de mèche avec ceux qui t'en voulaient. Mais je me suis trompée. Je l'ai accusé à tort, sans preuves et... je me devais de m'excuser. »

Je lève les yeux vers Ryan mais il ne me regarde pas. Il fixe un point au loin, songeur.

Ryan : « Et si ces preuves n'étaient tout simplement pas encore évidentes ? Tu l'as accusé sans preuves, mais en as-tu seulement cherché ? »

(Pardon ? Pourquoi est-il aussi suspicieux d'un coup ? Qu'est-ce qu'il insinue ?)

Samantha : « Non, je n'en ai pas cherché. Cependant je suis certaine qu'il n'a rien à voir dans cette histoire. »

Ryan : « Pourquoi tu en es autant assurée ? Samantha...est-ce que tu me caches quelque chose ? »

Samantha : « Ryan, comment tu peux penser à une chose pareille ! Je ne te cache rien ! »

Ryan : « Permets-moi de douter de toi. Tu viens de m'annoncer à l'instant que tu es assez proche de mon chauffeur, mon employé, assez pour que vous vous voyez en dehors du bureau. Sans parler de cette fois où tu minaudais avec Spencer qui est également mon employé. »

Je tombe de haut. Je ne cache pas mon expression de surprise. Et si possible, ma mâchoire serait déjà par terre. Est-ce qu'il vient réellement de supposer que je suis une girouette ? Enfin, façon de dire. Mais que je tourne autour de « ses » employés ? Et pourquoi au juste ? Limite, il me compare à Cassidy, ma parole ! J'en suis outrée. J'ai bien le droit de choisir qui je veux dans mon entourage, quand même !

Samantha : « Que veux-tu insinuer exactement ? »

Ryan : « Je n'insinue rien, les faits parlent d'eux-mêmes. »

Au moment où je m'apprête à répliquer, Jenny débarque en trombe, revenant des toilettes.

Jenny : « Excusez-moi, je dois partir. Ry, je ne pourrai pas rester pour le dessert, pardon. J'ai une affaire urgente à régler. »

Ryan se lève brusquement. Il plisse des yeux.

Ryan : « Rien de grave, j'espère ? »

Jenny glousse. Elle est bien la seule qui reste de bonne humeur. Je suis soulagée qu'elle n'ait pas assisté à la scène. J'aurai été dans un état pitoyable et elle se serait délectée de cette situation.

Jenny : « Non, rassure-toi. Disons... que c'est le travail. Business is business and time is money ! »

Sur ce, elle embrasse Ryan sur la joue et file comme si elle n'était jamais venue. J'entends la porte claquer nous voilà dans le silence. Un silence pesant.

Ryan se pince l'arête du nez et soupire. Il est temps de jouer carte sur table. Que la bataille du Colisée commence ?