Épisode 1

Marley, candidate : Si je devais définir ΦΜ (phi mu) en un seul mot ? Purgatoire. Pourquoi ? Je crois que vous le verrez bien avec ce que vous avez filmé.

Constance, candidate : Le rêve ! J'ai toujours rêvé d'en faire partie !

Kylie, candidate : Féminité. ΦΜ est l'épitome de la féminité et c'est ce que j'ai de plus précieux. J'y tiens plus qu'à ma propre vie.

Virginie, trésorière ΦΜ: Responsabilité. Porter l'emblème de la sororité c'est la représenter, donc pas le droit à l'erreur. Je sais que c'est culotté venant de ma part, mais c'est la vérité.

Lassie, membre de ΑΔΠ: Exclusivité. Elle sont méticuleusement sélectionnées et dresser pour entrer dans le moule, d'où le manque criant de diversité.

Theodore, VP social ΣΧ: BB cream. Bonnes, baisables... je crois que vous avez compris le reste. Souris à la caméra et fait un clin d'œil.

Gilbert, doyen de l'université : Ça va peut-être vous surprendre mais ces filles sont les élèves les plus performantes du campus. Elle manque de jugement et ne font pas toujours les meilleures décisions, mais sur le plan académique elles sont loins devant leur pairs masculins. Alors je dirais paradoxe. Cette sororité est un paradoxe.

Melania, marraine ΦΜ: Privilège. Ce sont toutes des filles de cadres et de politiciens qui investissent à coup de million dans l'université. Aucune d'entre elles ne sait ce qu'est la vie sans l'argent ou l'influence de daddy.

Alexander, frère de Virginie : Dégradant. Personnellement, je n'aime pas trop l'idée de hiérarchiser ainsi les filles sur des critères aussi superficiels. ΦΜ c'est le tombeau de la solidarité féminine. Mais ma petite sœur semble s'y épanouir alors — lève les épaules — tant qu'elle s'amuse. Je serai toujours là pour veiller sur elle.

Elle, rédactrice au Bama Times: Riche. C'est hallucinant d'avoir à payer autant juste pour faire partie d'un groupe de filles. Et les contraventions, n'en parlons même pas.

Charlotte, membre ΦΜ: Sacrifices. La compétition est féroce, qu'on soit membre de la sororité ou pas. Celles qui ne sont pas prêtes à tout donner sont broyées par Irene.

Aeri, ex membre ΦΜ: Pression. C'est un remake de Big Brothers et Gossip Girl; toutes les filles s'espionnent et se dénoncent. Les règles sont très strictes, donc tout le monde est constamment à cran. L'hypocrisie y règne en maître et l'amitié n'existe pas.

Gisèle, VP ΦΜ: Amitié. J'y ai fait mes meilleures rencontres ! De véritables amies pour la vie ! Toutes les filles sont hyper sympas quand on apprend à les connaître... enfin, « toutes », Irene est un cas à part. Qu'est-ce que je veux dire par là ? Eh bien, Irene est... suis-je obligée de le dire ? D'accord, mais vous le couperez au montage hein ? Irene est une-

Irene, présidente ΦΜ : Pétasses. C'est juste un groupe de pétasses niaises et ingrates shootées à l'auto bronzant qui ne cessent de se plaindre du matin au soir et qui ne sont pas foutue de suivre le code. Admire sa manucure, lève les yeux vers l'équipe de tournage. Quoi ? Qu'est-ce que j'ai dit ? Oh, ne faites pas les choqués. Vous vouliez un bain de sang non ? J'espère que vous avez bien profité du massacre.


Queensboro Correctional Facility, Long Island NY.

12 Mars 2023

Ça fait presque douze ans que je m'assois sur cette chaise, mais je n'ai toujours pas pris l'habitude. Le jaune verdâtre qui tapisse les murs et le néon qui clignote au-dessus de ma tête me donne toujours autant la nausée. Comme toujours, mon père est assis en face de moi, la vitre renforcée et sale entre nous, le téléphone projette sa voix, le gardien de sécurité fixe le néant au fond de la pièce.

— Bonjour ma chérie. Je suis très content que tu sois venue me rendre visite.

— Je viens chaque deux fois par mois

— C'est vrai, ricane-t-il. Mais ces derniers temps tu ne venais plus alors j'ai cru que- ah laisse tomber.

— Tu as cru que quoi ?

Il hésite à me le dire, puis soupire avant de m'offrir un sourire, le même qu'il a depuis qu'on l'a jeté dans ce trou ; un sourire empli de tristesse et de mélancolie.

— J'ai cru que je t'ennuyais, que je te faisais honte et que toi aussi tu allais me tourner le dos et m'oublier une bonne fois pour toutes...

Comme l'a fait ta mère.

Cela, il ne le dit pas. Il n'oserait jamais médire au sujet de ma mère, la femme dont il était éperdument amoureux, combien même cet amour elle ne le lui a pas rendu. Avant nous venions ensemble, maman et moi, pour voir papa. Mais au bout de trois ans, maman a raréfié les visites, puis ne s'est plus jamais pointée ici.

Trois ans plus tard encore, c'est moi qu'elle abandonnait pour aller « profiter de la vie » en Europe avec son nouveau mari richissime qui a presque le double de son âge.

Je pose ma main sur la vitre où d'autres empreintes indiquent que d'autres gens comme moi voudraient qu'elle vole en éclats pour qu'ils puissent toucher l'être aimé de l'autre côté.

— Jamais papa... je ne t'oublierai jamais.

Il sourit et cligne des yeux à la manière d'un père qui ne veut pas pleurer devant sa fille qui l'admire tant, malgré tout ce dont il est accusé.

Wyatt Ford, mon paternel, purge une peine de 25 ans pour corruption, abus de confiance, fraude fiscale et conspiration. Il y a 12 ans, quand le FBI a fait une descente dans notre résidence de Tuscaloosa, je n'avais que 7 ans, je ne comprenais rien à ce qui lui arrivait, de ce qui nous arrivait. J'ai vu mon père se faire amener, menottes aux mains, bombardées par les flashs des médias... j'ai vu ma famille perdre absolument tout ce qu'on possédait.

— Et ta mère, comment va-t-elle ?

Mes yeux retournent vers sa barbe rousse marbrée de blanc.

— Elle est en lune de miel. Je suppose qu'elle va bien.

Je veux dire, une personne qui entre à peine dans son quatrième mariage de la décennie ne peut qu'aller bien non ? Quand je mentionne le mariage de ma mère qui a eu lieu il y a à peine deux semaines, la tristesse traverse son regard.

— Tu sais... même si je savais que je ne devais pas trop espérer, quelque part j'aurais voulu qu'elle m'ait vraiment aimée et non mon compte en banque. J'ai été si naïf.

Trop naïf.

Mais je vais y remédier. Ils vont payer. Tous autant qu'ils sont, ils vont payer.

Il tape sur la surface en face de lui pour me ramener sur terre, sans doute après avoir vu la colère assombrir mes traits.

— Cessons de parler d'elle maintenant. C'est toi qui es là, alors, quoi de neuf, ma chérie ?

Je me repositionne dans ma chaise.

— Les universités ont envoyé les lettres de réponses aux demandes d'admission la semaine dernière.

— Oh ! Combien d'universités ont accepté mon petit génie ?

Il m'arrache un sourire.

— Presque toutes. Columbia et Harvard n'ont pas voulu de moi... je suis sur liste d'attente à Yale, mais j'ai été prise par Brown, Princeton, Upen, Stanford et Dartmouth. J'attends encore la réponse de Cambridge.

Son visage s'illumine et il lève son bras libre en signe de célébration.

— J'en étais sur ! Tu es formidable, ma chérie, toi et ton formidable cerveau.

Et le fait que j'ai changé d'identité. Si j'avais postulé sous mon véritable nom, après le scandale d'il y a douze ans, il est certain que même les universités d'États n'auraient pas voulu de moi. Qui veux de la fille d'un homme emprisonné pour mensonges, vole et possible complicité de meurtre ? La mauvaise graine engendre de mauvais fruits selon les gens, alors je me devais de devenir une nouvelle personne.

Je ris et célèbre avec lui. Chaque fois que je viens le voir, je repars de bien meilleure humeur, car papa me contamine de la sienne. Je ne comprends pas comment il fait pour rester aussi optimiste après tant d'années dans un tel endroit, après avoir été trahi par toux ceux qu'il aimait et tenait en estime, après avoir perdu tout ce pour quoi lui, son père et son grand-père ont sacrifié leur vie.

Il dit que c'est parce qu'à présent, il n'a que moi et quand je viens le voir, c'est comme s'il avait tout.

— Et alors ? Tu as choisi laquelle ?

— Aucune.

— Oh, je vois, tu n'as pas encore fait un choix. Tu voulais les conseils de ton papa avant ?

— N-

— Stanford est très bien, en plus il y fait beau à longueur d'année, tu pourrais te faire un bronzage, mon petit fantôme.

Je roule les yeux quand il mentionne mon teint. Il est vrai que pour un sudiste comme lui, les gens comme moi qui ont vécu dans le Massachusetts paraissent bien pâles.

— Mais Princeton a un des meilleurs programmes de gestion du monde, tu t'y plairais et tu y trouveras des gens à la hauteur de-

— Alabama.

Il hausse les sourcils.

— J'ai choisi l'université d'Alabama.

Il cligne deux fois des yeux, comme s'il avait un bug et que l'information ne passe pas... ou plutôt il ne la laisse pas passer.

— Quoi ?

— Je commence en gestion au prochain trimestre à l'université d'Alabama. À la maison.

C'est quand je mentionne ma ville natale que son visage se décompose.

— Mais- non... mais pourquoi ?!

Je ne réponds pas à sa question et le fixe, certaine qu'il comprendra. Et il comprend bien assez vite, car il recule et s'adosse sur son siège, abattu avant de secouer la tête.

— Non Camilla-

— Marley.

Il soupire.

— Ne fais pas ça.

— Je le dois. Je dois te sortir d'ici.

— Ne gâche pas ta vie pour moi. Ne tourne pas le dos à toutes les opportunités que tu as pour moi. Ça fait 12 ans que je suis là. C'est ici ma vie maintenant. J'ai tout perdu, je n'ai que des ennemis. Il n'y a absolument rien qui m'attend là dehors.

Quand il dit cela, mon cœur se serre et les larmes me montent aux yeux.

— Moi papa... moi je t'attends là dehors. Ça fait douze ans que je t'attends. Et je ne veux pas attendre 13 ans pour t'avoir de nouveau...

Je vois qu'il veut protester, mais ne fait que soupirer. À croire que je viens de lui allonger sa peine.

— Tu as la vie devant toi maintenant, Marley. Tu devrais accepter l'offre d'une bonne université, obtenir ton diplôme, te faire des amis, trouver un mari... ou une femme, qu'est-ce que j'en sais ! Arrête de faire une fixette sur ces gens-là, ils ne t'apporteront que du malheur et des regrets.

— Je ne veux pas un diplôme d'une bonne université, des amis ou même un partenaire. Tous ces trucs sont futiles et éphémères. Ils n'ont d'intérêt que quand tout va bien, quand c'est la merde ça ne sert à rien.

— Mais non !

— Tu as eu tout ça toi et ils sont où maintenant ?! Tes diplômes d'une Ivy league t'ont-ils aidé ? Toute ta fortune t'a-t-elle servi à autre chose qu'engraissent des avocats qui n'ont rien pu pour toi ?! Où sont tes amis ?! Où est ta femme ?!

Quand je dis cela, je vois la douleur s'installer sur son visage et regrette immédiatement d'avoir ainsi remué le couteau dans une plaie ouverte depuis 12 ans.

— Je suis désolée... ce que je veux dire c'est que tout ce que la vie a à m'offrir, je pourrais les perdre aussi facilement et rapidement que toi... il suffit que quelqu'un découvre ma véritable identité et tout s'effondre. Il n'y a que toi qui seras là avec moi. Et c'est toi que je veux avec moi, papa.

— Oh, Camilla...

— C'est-

— Je sais... Marley. Bon... te connaissant, ta décision est déjà prise et tu ne reviendras pas déçu.

— Non.

— Têtue comme un âne... et qu'est-ce que tu comptes faire une fois là-bas ?

Un sourire étire mes lèvres. Je me tourne vers le garde qui fixe toujours l'horizon pour m'assurer qu'il ne nous écoute pas, puis j'expose mon plan à papa.

Mon plan pour le faire sortir d'ici, faire éclater la vérité au grand jour et écraser tous ceux qui sont responsables de notre chute aux enfers, eux et leur progéniture.

C'est demain.

C'est demain que tout commence. C'est demain que je vais devoir saisir ma chance et prouver que je mérite ma place parmi elles.

Le regard fixe vers la gigantesque maison de style coloniale, typique du Sud, je fantasme déjà sur la semaine à venir. Je sais que je vais y arriver.

Papa ne m'appelle pas son petit génie pour rien. Il n'y a rien au monde que je ne puisse faire si j'y mets un peu du mien. J'ai changé ma vie, mon identité, j'ai décroché des dizaines de bourses, remporté des prix et concours. Ce n'est pas un groupe de blondasses écervelées qui vont m'empêcher d'atteindre mon objectif.

— Elle est magnifique n'est-ce pas ?!

Je quitte mes pensées et porte mon attention vers la voix féminine qui vient de m'interpeller. Une jeune fille, mon âge se tient à ma gauche, sourire aux lèvres, étoiles dans les yeux en direction de la maison. À mon tour, j'étudie l'architecture de la résidence ΦΜ. Un véritable manoir.

— Je voudrais bien apprécier, mais ce style est typique des plantations de coton... tu sais l'esclavage tout ça, tout ça.

Je peux lire le malaise sur son visage.

— Oh... je l'ignorais...

Marley : Connie est la première candidate que j'ai rencontrée. Je n'en ai pas eu une très bonne impression au départ, car elle semblait idéaliser la sororité et était un peu mièvre et naïve.

Je la toise. Vu son bronzage et son accent, elle est bien d'ici. Comment peut-elle ignorer l'histoire de cet état ? Du pays ? Je crois bien que c'est une de ces blondes à tête creuse que je vais devoir affronter durant la semaine.

Je vérifie mon hypothèse.

— Tu voudrais y vivre.

Comme si notre précédente conversation n'avait pas existé, ses yeux s'illuminent.

— Ouiiii, sautille-t-elle en poussant un cri. Ça a toujours été mon rêve d'intégrer ΦΜ. Il paraît que c'est la meilleure sororité de la terre entière ! Ils vont même faire une téléréalité ici ! Les filles qui y vivent sont si jolies en plus ! Leur maison est trop belle et-

— Alors tu participes au Rush de cette année ?

Elle hoche la tête.

— Toi aussi ?

Elle finira bien par le savoir...

— Oui.

Mais pas pour les mêmes raisons. Je me fiche un peu de la sororité, ce que je veux moi, c'est me rapprocher de l'une des membres. Le reste n'est qu'un bonus. Le rose, les paillettes, les commérages et les cris suraigus de filles plus méchantes les unes que les autres, c'est pas trop ma came.

— Oh ! Alors tu es une concurrente, feint-elle de se méfier.

Ça me fait sourire.

— Marley, Marley Stewart, dis-je en tendant la main.

Elle la prend et la serre.

— Constance Vaillancourt, mais tu peux m'appeler Connie.

Alors que je lui serre la main, je prends le temps de la détailler. Une bien jolie fille à la longue chevelure blonde qui lui arrive au milieu du dos, aux yeux verts striés d'or, au visage picoté de taches de rousseur et aux lèvres au remarquable arc de cupide. Ses joues, rondes et pleines, trahissent le petit surpoids que le reste de ses vêtements cachent, mais elle est tout ce qu'il y a de plus charmant. Son accent du Sud fait que chacune de ses phrases sonne comme du beurre.

Je l'aime bien.

Constance : Je ne suis pas conne. Je sais que Marley m'a apprécié dès le départ parce qu'elle a estimé que je ne serais pas une menace. J'ai l'habitude qu'on me sous-estime.

— Si jamais nous sommes prises toutes les deux, soyons amies, proposé-je.

Marley : Dans toutes les compétitions de longue durée, il est crucial de se faire des alliées. C'est encore plus vrai quand la compétition consiste à montrer votre capacité à appartenir au groupe. Préférablement des filles malléables et discrètes. Le genre qui me seront utile sans représenter un danger. Constance était parfaite pour le rôle.

Elle écarquille les yeux.

— Vraiment ?!

Je confirme et elle me prend dans ses bras, ce qui me surprend un peu. Dans le Nord, les gens ne sont pas aussi... tactiles. Ça m'avait manqué, cette hospitalité.

Connie et moi discutons encore en faisant le tour du campus que nous allons fréquenter à l'automne. Elle me parle un peu d'elle. Elle va faire des études de droit, adore la mode et son film préféré est, je vous le donne dans le mile, Legally Blond. Elle est très impliquée dans la cause animale et vient de se séparer de son ex parce qu'elle a refusé de le suivre jusqu'en Californie où lui a été accepté.

Constance : On faisait toujours comme lui voulait. Si je pouvais céder pour des trucs aussi futiles que le resto, mes vêtements, mon régime ou la déco, il était hors de question que je délaisse mon rêve pour le sien.

Marley : Elle n'était pas si naïve finalement. Rien que cela la fit remonter dans mon estime.

Après quoi, nous allons prendre un verre dans un steakhouse non loin du campus pour célébrer la naissance d'une nouvelle amitié. Je sais qu'elle sera éphémère. Une fois que j'aurai fini ce que j'ai à faire ici, je m'en irai, mais ça ne coûte rien de s'amuser un peu en bonne compagnie.

Connie accepte de faire une exception sur le régime qu'elle s'est imposée en prévision du recrutement et mange avec moi. Les sororités ont la réputation de n'accepter dans leur rang que des filles belles, souvent blondes, minces et riches, le genre de filles qu'on envie et qui font la promotion de la sororité rien qu'en existant.

Moi je ne suis pas blonde et j'étais riche, mais plus maintenant. Je n'ai aucun parent qui pourrait faire pression, je ne suis pas célèbre. J'ai un énorme désavantage sur les autres concurrentes. Connie, elle a une grande sœur qui a déjà fait partie de la sororité. Rien que cela, c'est déjà un ticket d'entrée.

Ma mère en a été membre, mais sous ma nouvelle identité, ça ne me sert à rien.

Après des heures à manger, boire et nous raconter des anecdotes, nous sortons de l'institution, repues, saoules et hilares. Dans le parking, nous rions assises au sol en prenant de l'air que la tombée de la nuit a rafraîchi.

Mais je finis par me rappeler de l'heure qu'il est et de l'épreuve qui m'attend demain. Il faut que j'aie une bonne nuit de sommeil, je suis sûr que dans leur monde de Barbie du Sud, les cernes sont un motif d'élimination. J'appelle un taxi pour Connie qui n'est pas en état de rentrer seule après tout ce qu'elle a pris au bar du steakhouse.

Une fois qu'ils sont partis, je me dirige un peu titubante vers ma voiture, une Chevrolet Bel Air 1955. Alors que je fouille dans mon sac à la recherche de mes clés, des bribes de la dispute d'un couple dont la voiture est stationnée juste derrière la mienne me parviennent.

— Tu t'excuses, mais c'est toujours la même chose avec toi. J'ai l'impression que tu ne fais pas attention à moi, que tu ne m'aimes pas !

C'est le type qui parle, les bras théâtralement levés dans les airs. Il est brun, grand, la mâchoire carrée et je ne sais pas si c'est ça colère qui lui rajoute ce petit plus de virilité, mais à cet instant, je le trouve tout à fait à mon goût.

— Je ne veux plus en parler. Toi et moi, c'est fini. Point.

Oh... j'assiste en direct à un largage. Quelle veinarde je suis!

La fille qui est en train de le plaquer en prenant le moins de pincettes possible est probablement la plus belle fille que j'ai jamais vue de mes propres yeux. Elle est grande et mince comme un mannequin, mais avec des courbes généreuses. Sa peau brille sous le lampadaire d'un reflet presque doré, témoignant d'un parfait bronzage. Sans longue chevelure blonde cascade le long de son dos et vient brosser ses fesses en partie révélées par un short en jeans très court. Des lunettes de soleil reposent sur son crâne.

— Je ne comprends pas. C'est toi qui voulais être avec moi au départ, qu'est-ce que j'ai fait de mal ?! Quoi ? Je ne suis pas assez bien pour toi ?! Je t'ai servi de trophée et maintenant tu passes à autre chose ?!

Ok, je devrais y aller là. Je trouve mes clés et ouvre la portière de ma voiture.

— Alex...

À la mention de ce nom, je tourne la tête dans leur direction. Elle a à présent sa main sur le visage de son mec - ou son ex, qu'est-ce que j'en sais - pour le consoler. Mais lui ne semble pas se laisser amadouer par elle. Il croise les bras pour exprimer son mécontentement. Il jette un furtif regard dans ma direction et je le détourne aussitôt, avant d'établir un nouveau contact visuel avec lui.

La blonde lui parle toujours, mais il ne l'écoute plus. Moi non plus d'ailleurs, je suis trop absorbée par ses yeux gris derrière des mèches sombres. Le contraste m'hypnotise l'instant de quelques secondes.

Pour ne pas le fixer trop longtemps alors même que sa copine est entre nous, je dirige mon regard vers cette dernière. Je ne vois plus son visage, rien que son dos, ses hanches à damner les anges et ses cuisses fuselées qui introduisent des jambes qui n'en finissent plus.

— Tu veux ma photo ?!

Je sursaute quand je l'entends crier en ma direction et constate que j'ai été prise en flagrant délit de matage. Elle est à présent tournée vers moi, elle aussi les bras croisés dans une posture qui invite au conflit.

Marley : Vous voulez un conseil si vous comptez rusher ?

— Oh euh... non... je-je-

— Je-je-je... quoi ?! Tu ne sais pas parler ?!

Pardon?!

— Oui, je sais parler conasse, je sais aussi écouter et vous ne me donnez pas le choix d'écouter votre petite dispute ridicule. D'ailleurs, je ne sais pas pourquoi tu la supplies de ne pas te laisser. Elle a l'air d'être une migraine sur talon haut, conclus-je en la toisant, de la tête à sa pédicure soignée.

Il pouffe de rire et elle lui jette un regard noir avant de s'éloigner de lui jusqu'à venir se planter en face de moi, sans doute dans une tentative de m'intimider. J'avoue que sur le moment, avec ses quelques centimètres en plus, je déglutis.

— Qu'est-ce que tu viens de dire ?

— Je viens de dire que tu m'as l'air d'une migraine sur talons hauts, tu veux encore que je répète, blondie ?

Elle ouvre la bouche pour riposter quelque chose d'aussi vicieux qu'elle, mais plisse les yeux en affichant une drôle d'expression.

— On se connaît ?

Sa question me prend au dépourvu et me fait paniquer un peu. Et alors moi aussi, je la regarde en cherchant dans ma mémoire qui elle peut être et d'où elle pense me connaître. Mais je n'ai pas le temps de creuser dans ma mémoire qu'Alex, son petit ami vient lui saisir le poignet.

— Laisse tomber Irene, ce n'est pas le moment de chercher des embrouilles.

On pourrait voir l'ampoule s'allumer dans ma tête quand un nom que je n'ai pas entendu depuis des années est prononcé.

Irene Grant. La fille du sénateur Grant.

Marley : N'insultez pas la présidente de la sororité la veille de la compétition.

Maintenant, même son maquillage ne m'empêche pas de reconnaître sa tête de vipère, son regard glacial et hautain, son nez mutin, la cicatrice que je lui avais faite lors d'une bagarre alors que nous étions au jardin d'enfants au niveau du sourcil droit, ses fines lèvres roses et sa luxuriante chevelure qui la faisait ressembler à un soleil partout où elle passait.

Je suis encore scotchée de la voir après plus de 12 ans, différente, et pourtant toujours aussi elle, capricieuse et méchante alors que son copain l'entraîne vers leur voiture. Je réalise par la même qui se trouvent juste en face de moi.

Alexander Woodbury. Le fils de l'homme qui a trahi mon père. Le frère de ma cible. Ainsi que sa petite amie, Satan elle-même.

— T'as de la chance qu'il soit là. Si jamais je te revois, je t'enfonce mes ongles dans les yeux.

Je crois bien qu'elle est un peu saoule. Elle continue de cracher des menaces et des insultes alors qu'il l'enfonce dans la voiture. Alexander claque la portière, fait le tour du véhicule et vient jusqu'à moi.

Je constate alors combien il est grand quand ses yeux que la lune fait briller d'une splendide lumière descendent sur moi. Je n'avais encore pas vu de photo récente de lui. Il est le type de personne qui a des réseaux sociaux mais ne les alimente pas de sa personne. Il ne fait que reposter différentes causes et manifestations.

— Excuse-la s'il te plait. Elle a beaucoup bu et quand elle boit elle est méchante.

Faux, elle a toujours été méchante.

— Oh, ce n'est rien. Désolée qu'elle t'ait largué dans le parking d'un steakhouse.

Il ricane.

— Elle reviendra bien assez vite sur sa décision. C'est toujours comme ça avec elle. Elle est très volatile.

— Et toi tu acceptes ça ?

Il soupire.

— Je n'ai pas le choix.

Pas le choix?

— Quoi ? Toi non plus tu ne l'aimes pas ?

Il me fixe de longues secondes et ouvre la bouche pour répondre, mais la voix nasillarde d'Irene crisse derrière lui comme des ongles sur une ardoise.

— ALEX !!!

— Je dois y aller. Désolé encore...

Happée par la fraicheur de son regard, je tarde à me rendre compte qu'il attend de moi que je lui donne quelque chose. Mon nom.

— Oh ! Marley.

— Marley...

Il roule mon prénom sur sa langue d'une manière si sexy que je suis prise d'une bouffée de chaleur et je ferais tout pour l'entendre le dire à nouveau. Il exauce ma prière secrète en le répétant deux ou trois fois, à voix basse, comme s'il le savourait.

Ses yeux quittent les miens et se dirigent vers ma veste rouge avec l'emblème de l'université dessus et il m'offre le plus craquant des sourires.

— À bientôt, Marley, dit-il en reculant sans jamais me tourner le dos.

Leur voiture démarre bientôt avant de quitter le stationnement. À présent seule, j'embarque également dans ma voiture et vais au motel pour essayer d'avoir une nuit semi-réparatrice.

Le Rush c'est demain et je dois être au top de ma forme.

Espérons qu'elle était suffisamment saoule pour oublier que je l'ai traitée de migraine sur talons hauts.

À suivre...





Oh we are so back !

Comme dit en avant-propos, je vous reviens avec une histoire que j'affectionne particulièrement. Je vous parlais également d'un format que je n'avais encore jamais vu sur Wattpad et comme vous avez pu le voir sur ce chapitre, il y aura une alternance entre le récit raconté par Marley et les moments d'entrevue filmés par la chaine de télévision venue faire une télé-réalité sur le BamaRush. Si vous regardez les Anges, Love Island ou Keep It Up With The Kardashian, on est dans le même délire.

Vous en pensez quoi de ce format ?

Que pensez-vous de Marley notre protagoniste ? Et ceux qu'elle a pu rencontrer jusqu'ici ?

J'espère que ce chapitre vous a plu et avant de nous laisser, une petite précision sur les prénoms :

Wyatt se prononce Waye-at

Marley se prononce Mar-lé

Irene se prononce Aye-rine

Lassie se prononce Ley-ssi

Voilà, c'est tout ! Rendez-vous au prochain chapitre !

Love,

Luxe 🎀

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