Chapitre 9
Ray
— Voilà la chambre d'invités, énonce Maria lorsque nous arrivons chez elle.
Je suis mal à l'aise à l'idée de m'imposer ainsi. J'aurais pu louer une chambre d'hôtel, mais la jeune femme a insisté pour m'héberger chez elle.
— Tu es certaine que ça ne pose pas de problème ? questionné-je pour la énième fois. Qu'est-ce que ta mère va dire ?
Je peux déjà m'imaginer les propos de la dame à mon encontre. Elle a déjà une piètre opinion de moi, alors lorsqu'elle apprendra que je suis une sans-abri...
— Ne t'inquiète pas, ma mère est un peu présomptueuse envers ceux qu'elle ne connait pas, mais je vais lui expliquer la situation.
— Tu vas lui dire que je suis sans maison à cause de son fils ?
Le visage de Maria se crispe.
— Euh...non pas dans ces termes, bafouille-t-elle. Elle ne sait pas qu'Estéban participe à des courses de voiture illégales.
— Oh...je vois.
— Mon frère n'est pas quelqu'un de mauvais, soutient Maria, seulement, mes parents l'ont trop gâté lorsqu'il était enfant et il est devenu vaniteux et jaloux envers ceux qui possèdent ce qu'il n'a pas.
— Mais tu n'es pas ainsi, pourtant...lui fais-je remarquer.
Elle laisse échapper un petit rire.
— Tu te trompes, j'étais exactement comme lui, m'assure-t-elle. Mais j'ai changé après avoir eu Lilia. J'ai appris à aimer inconditionnellement et à ne plus penser seulement à ma petite personne. Maintenant, je ne vis que pour elle.
Je hoche la tête, comprenant où elle veut en venir.
— Estéban est l'héritier de mon père, ajoute la jeune maman. Lorsqu'il prendra sa retraite, mon père lui lèguera son empire automobile. Mais ça ne suffit pas à mon frère.
— Pourquoi ?
Elle hausse les épaules.
— Il cherchera toujours à avoir plus. Un peu comme une femme qui a tout l'argent qu'elle veut pour s'acheter des fringues. Elle devient acheteuse compulsive et en veut toujours plus malgré le fait qu'elle a un walk-in rempli de vêtements. Ça devient une obsession. Eh bien, mon frère est ainsi.
— Donc, il est jaloux de Jarek, en déduis-je. Pourtant, ce dernier n'a rien, contrairement à Estéban.
— Je crois que c'est justement de ça dont il est jaloux. Jarek n'a pas besoin de plaire ; il fait ce dont il a envie et n'a pas de pression de la part de ses parents. Estéban, oui. Il veut tout ce que Jarek possède. Il pense qu'ainsi, il sera plus heureux.
— Je vois...
Je déteste ce genre de personne.
— Pourquoi ne m'as-tu pas dit qu'Estéban était ton frère ? demandé-je à Maria.
— Je pensais que tu connaissais notre famille. Tout le monde sait qui nous sommes. C'est à se demander où tu te terrais toutes ces années.
Elle essaie de faire de l'humour, mais je trouve que ses propos sont trop près de la vérité. J'ai été complètement déconnectée de la réalité ces dix dernières années. Je vivais dans mon petit monde sans me soucier que Jarek jouait avec sa vie...et ses biens. D'après ce que je comprends, perdre une course peut vous déposséder plus que je ne l'imaginais.
— Et toi ? Ton ami très protecteur, c'est Jarek, n'est-pas ? s'informe Maria. Il avait l'air furieux de te voir.
Je hoche la tête.
— Comment vous êtes-vous rencontrés, au juste ? Vous semblez très différents, tous les deux.
— Ça remonte à très longtemps, lui réponds-je. Jarek et moi nous trouvions dans la même famille d'accueil et, un jour, nous en avons eu marre et nous nous sommes barrés.
Ça résume sommairement notre histoire, même si elle est un peu plus complexe.
— Et vous habitez ensemble depuis ce temps ?
— Oui. Je ne connaissais personne dans cette ville lorsque nous sommes arrivés et il m'a offert d'habiter chez lui. En échange, je l'aide un peu au garage.
— Ah bon... Étrange...
— Qu'est-ce qui est étrange ?
Elle n'a jamais entendu parler de colocation mixte ?
— Jarek est de type solitaire. Il n' pas beaucoup d'amis et ne fait confiance à personne. Ça m'étonne qu'il vive avec une fille qui n'a pas de lien familial avec lui.
— Comment le sais-tu ?
— Ray, je dois te dire quelque chose.
Maria s'assoit sur mon lit, ou plutôt, sur le lit d'invités, et j'en fais de même. J'ai l'impression qu'elle est sur le point de lâcher une bombe et je ne suis pas sûre d'être prête à entendre de nouvelles informations compromettantes à son sujet.
— Je connais Jarek depuis environ cinq ans, me dit-elle. Je l'ai rencontré à une course. Ou plutôt, je lui ai rentré dedans. En voiture.
J'écarquille mes yeux de surprise.
— Pardon ?
— J'étais une gamine, à l'époque. J'aimais prendre des risques et j'ai décidé, sur un coup de tête, d'emprunter une des voitures de mon frère. Je voulais lui prouver que j'étais capable de courser même si j'étais une fille.
— Que s'est-il passé ?
Maria laisse échapper un rire.
— Je n'ai même pas fait cent mètres, ricane-t-elle. Ma voiture a percuté celle de Jarek pour ensuite faire des tonneaux.
— Oh !
— La voiture de Jarek a également fait une sortie de route, mais il n'a subi aucun dommage, contrairement à moi. Quelques individus, dont lui, m'ont aidée à sortir de la voiture. J'ai eu une clavicule brisée et quelques bleus, mais c'est tout. J'ai eu de la chance.
Effectivement, elle aurait pu se tuer.
— Jarek et moi nous sommes croisés quelques fois par la suite et, à chaque rencontre, j'étais de plus en plus attirée par lui. Nous nous sommes rapprochés physiquement et sommes devenus amis...avec bénéfices.
Je ne sais pas quoi répondre, trop estomaquées. Maria et Jarek ? Ensemble ?
— Hélas, fidèle à sa réputation, Jarek se lasse des filles. Après quelques coups avec moi, il est allé voir ailleurs, ajoute-t-elle avec un haussement d'épaules.
Je ne suis guère surprise puisque je suis déjà au courant des habitudes de Jarek concernant la gent féminine. Toutefois, ça me fait tout de même mal de savoir à quel point il a été près d'elle, même si ce n'est que physiquement. Tandis que moi...il n'a jamais manifesté une quelconque attirance pour moi. Ni physiquement, ni amicalement. Je me sens tellement moche à côté de Maria et de ses amies...
— Il a couché avec presque toutes les filles de cette ville, ajoute Maria, comme pour tourner le fer dans la plaie.
— Pourquoi me dis-tu ça ? dis-je, énervée.
Désormais, chaque fois que je croiserais une fille de mon âge, je me demanderai si Jarek se l'est tapé.
— Pour que tu ne fasses pas la même erreur que moi.
— Tu es tombée amoureuse de lui ?
— Je connaissais les rumeurs à son sujet, mais j'ai cru qu'avec moi, ce serait différent, qu'il finirait par m'aimer un peu. Alors, je lui ai ouvert mon cœur, même si nous nous sommes fréquentés sommairement.
Mince ! Pauvre Maria ! J'imagine très bien Jarek lui annoncer sans état d'âme que c'est terminé et de passer à une autre fille.
— Ne t'inquiète pas, Maria, la rassuré-je. Je sais très bien quel genre d'homme est Jarek.
— Tu en es sûre ?
— Euh...
Sait-elle quelque chose sur lui que j'ignore ou fait-elle exprès pour me faire douter ?
— Il n'est pas très expansif lorsqu'il est question de sa vie, reconnais-je.
— Alors, tu ne peux pas savoir.
— Savoir quoi ?
Je déteste le mystère qu'elle laisse planer à son encontre.
— Je ne crois pas que ce soit une bonne idée que tu en apprennes plus, me dit-elle d'un air pensif. S'il t'a laissé en dehors de tout cela, il y a forcément une raison. Peut-être qu'il t'apprécie, après tout...
Tout ça quoi ? Je déteste ne pas savoir de quoi il s'agit, la curiosité étant un de mes plus vilains défauts.
— Tu es certaine que tu veux savoir ? reprend-elle.
— Oui.
Je veux connaître davantage Jarek. Pourquoi ? Je l'ignore, mais je déteste le mensonge et j'ai l'impression de baigner dedans depuis dix ans...peut-être même plus puisque je ne connais pas le passé du jeune homme.
— Dans ce cas, prépare-toi à bien des surprises...
Elle se lève et me tend une clé.
— Qu'est-ce que c'est ? questionné-je.
Pendant un instant, je pense que cette clé me permettra de pénétrer dans la tête de Jarek. Cette idée ets tellement absurde que j'étouffe un rire.
— La clé de la porte arrière de la maison. Je suppose que tu as des effets personnels à récupérer à ton appartement, alors tu pourras le faire sans réveiller tout le monde. Bonne nuit.
— Bonne nuit, Maria, et merci pour ton aide.
— Ça me fait plaisir.
Sur ce, elle me laisse seule dans ma chambre temporaire. Je veux rester le moins longtemps possible ici. Cette opulence me dérange. Je me sens comme une étrangère, ce que je suis effectivement. Travailler dans ce manoir et y loger est différent. Maria et sa famille évoluent dans un monde à part, un monde dont les orphelines comme moi ont toujours rêvé...jusqu'à voir les dessous de cette vie idyllique. Je le sais car plusieurs enfants ont été adoptés par des familles riches et ensuite rejetés pour des raisons toutes aussi stupides les unes que les autres. Un détail important revient toujours dans les histoires que j'ai entendues : l'argent ne fait pas le bonheur. L'amour, si. Bon...je n'ai aucun des deux, mais c'est d'après les récits des enfants que j'ai côtoyés dans les familles d'accueil. À quoi cela sert-il d'être riche comme Crésus si la désolation nous ronge de l'intérieur ? À rien du tout. Et je crois qu'Estéban en est la preuve vivante. Ce type ne sera jamais heureux s'il cherche seulement à faire fortune et à voler les possessions des autres. Mais bon...qui suis-je pour le juger ?
Je suis seule depuis des années. Je ne suis personne dans cet univers hostile.
Il est presque minuit et j'ai seulement envie de m'étendre sur le lit et de laisser mes peurs et mes doutes de côté. Cependant, je n'ai aucun vêtement de rechange. J'aurais pu en demander à Maria, mais nous n'avons pas du tout la même taille. J'aurais eu l'air d'un gros jambon dans ses fringues. Bon...peut-être pas, mais ses pantalons ne m'iraient sûrement pas avec mes hanches larges et mes fesses dodues.
Je prends la clé que Maria m'a prêtée et décide d'aller chercher mes effets personnels comme me l'a proposé Jarek. Ensuite, il sera trop tard et Estéban s'en débarrassera.
Je me déplace silencieusement dans la maison. J'ai l'impression d'être une voleuse se mouvant dans une atmosphère hostile. Pourtant, je suis une invitée. Mais je n'oublie par ce que Jarek m'a dit : de faire attention. Maria a beau être gentille avec moi, j'ignore ses intentions. J'ai l'impression qu'elle a de la rancœur envers Jarek...et j'en connais maintenant la raison. Pourquoi veut-elle me divulguer des informations à son sujet ? Pour m'aider ou pour me brouiller ? Je vais probablement bientôt le savoir...
Je déteste me promener en ville la nuit, néanmoins, je n'ai pas vraiment le choix. Je n'aime pas non plus être aussi dénudée. J'ai froid, n'ayant pas de veste avec moi, et je marche le plus rapidement possible. Je cours même un peu, mais n'étant pas la plus sportive, j'abandonne.
J'arrive devant le garage vers une heure du matin. Je remarque deux voitures inconnues dans la cour et je devine qu'elles sont là pour guetter Jarek et s'assurer qu'il ne fasse pas de bêtises, comme mettre le feu au garage. Certains individus sont tellement mauvais perdants qu'ils feraient n'importe quoi par orgueil. Mais pas Jarek. À moins qu'il veuille attendre que j'aie récupérer mes affaires avant de tout flamber.
Je dis vraiment des bêtises. Je crois que je suis plus fatiguée que je ne le pensais.
Je contourne le garage et me dissimule derrière la pile de vieux pneus. Puis, j'avance rapidement et entre par la porte arrière. Je dois avouer que les portes arrière sont parfois bien utiles, comme cette nuit.
Je me faufile à l'intérieur, monte les escaliers et entre dans l'appartement sombre. Je jette un coup d'œil vers le canapé. Ouf ! Jarek n'est pas là. Cela m'apaise de savoir qu'il ne m'attend pas tel un psychopathe. Il m'a fait peur la dernière fois. Au moins, il a retenu la leçon.
Je n'allume pas la lumière et me dirige aussitôt vers la salle de bain, où je prends mes produits d'hygiène. Je n'ai pas dix mille lotions, mais je tiens à mon shampoing aux agrumes et à ma brosse à dents. Je me rends ensuite dans ma chambre. Je ne peux apporter l'intégralité de mes affaires puisque je suis à pied, alors j'opte pour l'essentiel, comme les vêtements et mon ordinateur portable. Probablement que le reste ira à la poubelle car je ne doute pas que ce salaud d'Estéban va louer l'appartement.
Je retire mes photos du mur et les place dans une pochette de carton. Puis, je roule ma couette et l'attache sur mon sac. J'ai l'air d'une voyageuse qui part faire le tour du monde avec son pack sac. Pourtant, je ne quitte pas la ville, seulement mon ancienne vie. Plus de garage, plus de Jarek. Quant à Adam, il n'a pas donné signe de vie depuis deux jours. J'espère qu'il va bien. Le connaissant, il est sans doute parti chez sa grand-mère en montagne, mais j'aurais bien aimé qu'il m'avertisse. J'ai tellement de choses à lui raconter.
Voilà ! La chambre est vide. Je ne sais pas si un jour j'y reviendrai, mais je dois avouer que je m'y sentais bien. Seule, mais bien.
La porte de la chambre de Jarek est ouverte. Il a sans doute pris ses affaires et est parti. Même chose pour Jean-Simon.
Ont-ils déjà été attachés à cet endroit ?
Les deux hommes n'étaient jamais là, de toute façon. Je suppose qu'ils peuvent dormir n'importe où. C'était uniquement pour cette raison qu'ils venaient à l'appartement. Ils n'y mangeaient pas et je me demande s'ils s'y lavaient. Je n'ai jamais vu de drap de bain sale. À mon avis, ils se lavent au gymnase où ils s'entraînent. Et dire que j'en ignore l'endroit. Cela me prouve encore une fois que Jarek est comme un fantôme ; on ne le voit jamais, mais on sait qu'il est là, quelque part.
Je ne suis jamais entrée dans la chambre de mes colocataires. Je me fiche de celle de Jean-Simon, toutefois, j'ai toujours été intriguée par celle de Jarek. Je me demande s'il l'a décorée tout comme j'ai fait ou s'il l'a laissée blanche. J'opterais pour la dernière option.
Je m'approche de la porte. Il fait sombre, ce qui n'a rien d'étonnant puisque l'endroit est désert. Merde ! Je me comporte comme une adulatrice. Je me fiche de Jarek, après tout. Ce type se fiche complètement de moi, alors pourquoi est-ce que je songe encore à lui ? Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?
Je me tourne, abandonnant l'idée de pénétrer son antre, mais je n'ai pas le temps de réagir qu'une main se plaque sur ma bouche, étouffant mon cri. Jamais auparavant que n'ai eu aussi peur. Lorsque Monsieur Windwood venait dans ma chambre, je m'y attendais. J'en tremblais d'effroi, mais au moins je savais à quoi m'attendre. Mais là, je suis prise complètement par surprise. Je sursaute violemment et mes jambes lâchent tellement je suis sous le choc.
Deux bras fermes me soutiennent, mais lorsque je réalise qu'un homme me touche, je commence à me débattre. Des souvenirs qui me hantent encore la nuit défilent devant mes yeux comme si c'était hier et je panique, ne distinguant plus le réel du faux. Tout ce que je sais, c'est que quelqu'un m'agresse et que je suis terrorisée. J'essaie de donner un coup de genou, mais je frappe le vide. Pour l'auto-défense, on repassa, mais qui aurait cru que je me ferais attaquer chez moi ?
C'est peut-être un homme à Estéban qui m'a vu pénétrer dans la bâtisse et qui pense que je suis en train de voler. Officiellement, tous mes biens appartiennent désormais à Estéban, mais le temps qu'il ne sait pas que j'habitais toujours ici jusqu'à aujourd'hui, c'est encore à moi. Officieusement.
— Calme-toi, claque une voix qui me fait immédiatement cesser de gigoter.
Il me lâche et allume la lumière. Je cligne des yeux et fixe Jarek comme s'il était un revenant. Merde ! Et moi qui croyais qu'il ne se tapirait plus dans un coin ! Ce mec est imprévisible.
— Jarek ! m'exclamé-je. Espèce de psychopathe ! J'ai eu la peur de ma vie.
— Chut, me dit-il avec autorité. Personne ne doit savoir que nous sommes ici. C'est pour cette raison que je t'ai bâillonnée. Si j'avais su que tu me mordrais, j'aurais utilisé autre chose que ma main.
La situation aurait été comique si je n'étais pas aussi effrayée. Je ne regrette même pas mon geste. Il aurait pu m'attendre dans l'entrée, et non me surprendre...et dans sa chambre, en plus !
Comme s'il avait lu dans mes pensées, Jarek demande :
— Que faisais-tu à l'entrée de ma chambre ?
Mes joues s'empourprent alors que je chercher une explication à lui donner. Comment lui expliquer que j'essaie de déchiffrer cet homme, sans succès, depuis des années ? J'aurais aimé découvrir le style de décoration qu'il apprécie. S'il aime les posters de voitures ou s'il préfère ceux de filles nues. Finalement, je crois que je préfère l'ignorer.
En jetant un rapide coup d'œil autour de moi, je remarque que l'endroit est vide et que les murs sont dénudés. Je m'attendais en effet à ça. Après tout, c'est inutile d'essayer de lire en lui. Il est impénétrable.
— Euh...je te cherchais.
J'étais certaine qu'il était absent, mais il n'a pas à le savoir...et à quel point je suis déterminée à résoudre les énigmes le concernant.
Son visage impassible m'empêche de connaître ses pensées. Sait-il que je mens ? Probablement pas...
Puis, alors que je pense que la conversation est terminée, il me prend de cours en agrippant mon bras et en me tirant à l'intérieur de sa chambre. J'ai l'impression que je viens de merder...
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