Chapitre 10
Jarek
Je bouillonne de rage à l'intérieur, mais je n'en montre rien à la jeune femme, qui ne s'attendait pas à ce que je l'attire à l'intérieur de ma chambre, dont je ferme la porte d'un coup de pied. Je ne veux pas que Jean-Simon se pointe, même si je sais qu'il est parti dormir ailleurs. Néanmoins, je ne prends pas de risque.
J'agrippe le bras de Ray et la pousse un peu brutalement sur le lit, la forçant à s'asseoir. Je ne veux pas lui faire de mal, mais je suis hors de moi et, la voyant se débattre, je coince ses jambes à l'aide des miennes et l'agrippe par le cou afin qu'elle se tienne tranquille. Bien que je ne serre pas, elle ne peut bouger. Je distingue une terreur sans nom dans ses prunelles, mais je ne me laisse pas amadouer par ses grands yeux marron.
— Tu mens, affirmé-je d'une voix que je veux placide.
Je ne le suis pas du tout.
Ray écarquille ses yeux d'incompréhension.
— Les Rodriguez t'ont envoyée afin me m'espionner, n'est-ce pas ?
Si j'avais su que Maria était la sœur de cet enfoiré d'Estéban, jamais je n'aurais fréquentée cette fille. Je ne l'ai su que quelques semaines plus tard. J'ai alors mis fin à nos rencontres fréquentes. Bon...je ne peux nier qu'elle était un bon coup, mais elle reste une Rodriguez. Elle travaille pour l'entreprise de son père, cet arnaqueur qui vend des voitures à des prix exorbitants. Ses voitures sont fabriquées en Chine et valent le quart du montant qu'il les vend. Le pire, c'est qu'il sous-paye ses employés. D'accord, je ne suis pas un ange, mais je traite bien les gars qui travaillent pour moi. Et je ne vole pas mes clients. Ils repartent toujours avec une voiture en bon état.
Je vole autrement.
Je devrais plutôt parler au passé puisque je ne pourrai travailler avant un petit moment.
— Je suis seulement v...venue récupérer mes affaires comme tu me l'as conseillé, répond Ray. Lâche-moi, putain.
— Cette salope n'est qu'une manipulatrice, grogné-je.
Maria a essayé de me faire croire que je l'avais engrossée afin de m'inciter à rester avec elle. Mais je ne suis pas dupe. Je mets toujours un condom lorsque je baise et je vérifie plusieurs fois à la fin de mes ébats afin d'être certain de ne pas l'avoir déchiré. Ça m'est déjà arrivé à quelques reprises et j'ai tiré les filles jusqu'à la pharmacie la plus proche afin qu'elles prennent la pilule du lendemain. L'une d'elles a même été récalcitrante et je lui ai moi-même fait avaler. Pas question que je fasse un bébé à qui que ce soit !
— Elle a été gentille avec moi, la défend Ray.
Cette fille est trop naïve. Maria a quelque chose en tête. Elle n'est pas du genre à faire de la charité à qui que ce soit. J'aurais presque préféré que Ray dorme à la rue. Au moins, j'aurais pu la récupérer et l'emmener avec moi. Maintenant, je ne le peux plus sinon Estéban va découvrir le subterfuge.
— Ce sont des conneries, Ray, lui assuré-je. Ne fais pas confiance à ces gens ou ils ne feront qu'une bouchée de toi.
— Dit celui qui me maintient comme si j'étais une criminelle, crache-t-elle.
Je lâche son cou et elle y porte sa main en grimaçant. Elle exagère ; à peine si j'ai appuyé sur sa gorge. Je tiens toujours ses jambes entres les miennes tandis que mon autre main entoure sa taille afin qu'elle ne m'échappe pas. Je suis debout et elle assise, alors j'ai l'air encore plus grand dans cette position. Mon corps est penché vers le sien afin de la maintenir et je peux presque sentir son souffle s'échapper de ses lèvres rosées.
— Pourquoi te trouvais-tu dans ma chambre si ce n'est pas pour m'espionner ? reformulé-je.
Elle ne répond pas et je dois prendre une grande respiration afin de ne pas la secouer comme un prunier. Que cache-t-elle ? Je déteste lorsqu'elle se mure dans le silence. Ça lui arrivait tout le temps lorsque je la faisais venir dans mon bureau au garage... du moins, au début. Je l'intimidais et elle se renfrognait en hochant la tête, mais, il y a quelques mois de cela, elle a commencé à développer de la confiance en elle et à me répondre effrontément, ce qui finissait toujours par une porte qui claque. J'ai essayé de l'éviter le plus souvent possible car, après chaque discussion animée, j'avais envie de détruite mon bureau...ainsi que tout mon garage. Et la seule solution pour me calmer car ces cas-là, c'est une bonne baise. Cependant, impossible d'en baiser une autre alors que je ne peux chasser le regard pénétrant de Ray de mes pensées.
Cependant, cette nuit, je ne suis pas prêt à la laisser partir sans avoir de réponse. Le temps où elle m'ignorait est révolu. J'ai trop laissé passer l'occasion de pénétrer ses pensées.
— Parle, hurlé-je, incapable de rester impassible plus longtemps.
Elle tressaille et je ressens les tremblements de son corps. J'ignore si elle a peur de moi, si elle est furieuse ou si elle ressent ce crépitement entre nous. Je m'efforce de ne pas frissonner d'anticipation à l'idée qu'elle perde le contrôle avec moi. L'atmosphère est pesante comme la veille d'un orage. Ray respire rapidement, ses pupilles sont dilatées et elle s'agite, alors je resserre ma poigne sur sa taille. Grosse erreur. Je sens son corps chaud et tout en courbes alors que je le mien s'approche dangereusement du sien.
J'ai envie de la titiller et de voir jusqu'où je peux aller avec elle.
— Tu sais que j'ai les moyens de te faire parler, grondé-je en caressant sa cuisse moulé dans ce pantalon qui met en valeur toutes ses formes.
Elle se tend, déstabilisée par mon geste plus qu'audacieux à son enconte, puis se reprend vite.
— Arrête ça, Jake, dit-elle entre ses dents.
Je réalise qu'elle vient de m'appeler par mon ancien prénom. Ce prénom qui ne me ressemblait pas et qui me rappelle à quel point mon ancienne vie n'était qu'une farce.
Au moins, je peux faire ce que je veux dans celle-ci. Dont me planter. Et je ne peux blâmer personne d'autre que moi, cette fois-ci.
— Arrêtez quoi, Marélie, la nargué-je.
— Arrête de m'aguicher pour me faire parler. Tu sais bien que je n'ai aucun intérêt pour ces...ces choses.
Ces choses ? Elle a une drôle de perception des jeux de séduction. Néanmoins, elle a raison sur ce point : elle n'est pas comme les autres meufs qui fondent devant moi.
— Pourtant, tu as des frissons, avancé-je. Regarde comme ta peau est couverte de chair de poule !
— Ce sont des frissons d'appréhension, se défend-elle.
Hum...je ne suis pas sûr qu'elle dise la vérité. Ray n'a jamais eu peur de moi, alors pourquoi tout son être tremble-t-il ? Maria lui a-t-elle menti à mon propos ? Ça ne m'étonnerait même pas.
— Ah, d'accord, réponds-je d'un air léger. Donc tu envisages le fait qu'il pourrait se passer quelque chose en ce moment.
Elle halète alors que je saisis une mèche de ses cheveux entre mes doigts et l'amène jusqu'à mon nez. Putain ! Ses cheveux sentent comme son parfum de citron et d'oranger. Je peste en me morigénant. Je n'aurais pas dû la humer ainsi. Maintenant, j'ai envie de la dévorer. Cette odeur est comme une drogue pour moi.
— Jarek, la seule chose qui pourrait se passer en ce moment, ce serait mon coup de pied dans tes couilles. Maintenant, lâche mes cheveux, s'il te plaît. Je n'aime pas qu'on me touche et tu le sais.
— Tu adores avoir mon attention, la reprends-je. Ne le nie pas.
Elle pousse un soupir, excédée.
— Nous allons rester ici tout la nuit si tu ne me dis pas ce que tu fabriquais dans ma chambre, l'avertis-je.
— Et qu'est-ce qui se passera lorsqu'Estéban nous découvrira ensemble demain ? me lance-t-elle.
— Si j'étais toi, je me demanderais plutôt ce qu'il se passera jusqu'à l'aube.
Elle est encore plus mignonne lorsqu'elle rougit. J'adore la rendre mal à l'aise. C'est si facile de la provoquer. Je peux presque entendre ses pensées et elles sont loin d'être innocentes. Ses yeux dévient vers ma veste, qui est entrouverte. Mon t-shirt moule mes pectoraux et son regard s'y attarde assez longtemps pour que je connaisse ses pensées. Elle se demande ce qui s'y cache.
Je n'ai pas l'habitude de me déshabiller entièrement lors de mes ébats sexuels. La plupart du temps, je garde mon haut, probablement parce que je veux disparaître le plus rapidement possible par la suite. J'ignore pourquoi, mais avec Ray, je prendrais plaisir à ce qu'elle découvre mon corps de A à Z. Je suis certain que son regard de convoitise me ferait perdre la tête.
— Tu ronflerais probablement toute la nuit, répond-elle enfin en haussant les épaules.
Ray a l'art de lâcher une bombe. C'est ce qui m'amuse le plus chez elle : elle est capable de sortir un commentaire tout à faire déroutant. Et c'est une bonne chose car mes pensées devenaient un peu trop perverses. Je ne dois pas oublier que Ray et moi sommes trop différents pour nous accorder. Et je ne veux pas salir son innocence avec mes goûts douteux.
Je me recule légèrement afin de reprendre contenance et croise mes bras.
— J'attends, annoncé-je.
Va-t-elle me répondre un jour ? Ma confiance en elle vacille depuis que je l'ai aperçue rôder dans l'embrasure de ma porte de chambre. Qu'est-ce qu'elle y trafiquait, putain !
Ray lâche un long soupir et répond finalement :
— J'étais curieuse de voir à quoi ta chambre ressemble. Je me suis dit que peut-être que je pourrais ainsi te cerner.
Je hausse un sourcil. C'est tout ? Elle pense que ma chambre reflète ma personnalité ? J'éclate de rire, amusé.
— La curiosité est un vilain défaut, Ray, lui rappelé-je. Elle t'implique souvent dans de dangereuses situations. Et, en passant, ce n'est pas en analysant la chambre à coucher d'un gars que tu vas découvrir qui il est. Nous ne sommes pas comme les meufs qui décorent leurs murs avec du papier mâché.
À moins que ce ne soit du papier peint. Bref...elle a compris le concept...
Elle ouvre la bouche, outrée par mes paroles. J'ai tout de même raison. Je préfère me concentrer sur la décoration de mon garage, l'endroit où je passe la plupart de mon temps, qu'une pièce où je ne fais que dormir.
— Regarde plutôt les voitures des gens et tu comprendras qui ils sont, ajouté-je.
C'est à son tour de croiser ses bras sur sa poitrine. Je ne peux m'empêcher de lorgner ses deux seins d'apparence fermes. Habituellement, elle porte des chandails amples, mais c'est toujours un plaisir pour les yeux de contempler un tel spectacle.
Je suis peut-être pervers, mais au moins j'assume.
— Donc, si je te définie en fonction de ta voiture, tu es quelqu'un d'arrogant, d'égocentrique et d'imprévisible, qui effleure seulement la surface de ce qui est important et qui essaie de dissimuler ses faiblesses derrière une carapace. Ah oui ! Et tu cherches à noyer ta noirceur en te perdant soit dans le sport, soit dans le corps d'une femme.
Mince ! Elle est douée pour cerner les gens. Je ne pensais pas qu'elle m'avait observé à ce point ces dernières années, ni qu'elle se doutait que mon enfance ne m'avait pas laissé indemne. Après tout, peut-être que nous nous ressemblons un peu, elle et moi, avec nos fantômes du passé.
Cependant, je ne suis pas si égocentrique qu'elle le croit. Je donne peut-être l'impression de ne me soucier que de moi, mais je ne peux m'empêcher de me préoccuper de Ray. J'essaie de veiller sur elle depuis le jour où nous sommes partis, faute de ne pas avoir pu le faire avant...
Toutefois, je ne lui dirai jamais. Je ne lui avouerai pas non plus que j'essaie de placer de l'argent de côté pour ses études, ni que j'aide Paul, le mécanicien le plus âgé du garage, à épargner pour sa retraite. Elle ne saura jamais non plus qu'Emilio est parvenu à se sortir de la drogue grâce à mon aide.
J'expose seulement ce qu'il y a à la surface, comme Ray l'a si bien dit.
— Tu crois bien me connaître, lui dis-je, mais tu es loin du compte. Un petit conseil, Ray : Arrête de fourrer ton nez où il ne faut pas. Tu pourrais perdre bien plus qu'un simple logement.
Elle pourrait y perdre la vie si jamais elle se retrouve mêlée à un règlement de compte. Je ne veux pas qu'elle se promène parmi des gens comme...comme moi. Ils ne la protègeront pas comme je le fait.
— Est-ce que c'est des menaces ? me provoque-t-elle d'un air de défi.
— Non, seulement un avertissement. Tu ignores à quel point le monde peut être perfide.
— Oh, crois-moi, je le sais.
Si elle avait assisté à tout ce que j'ai vu, elle ne parlerait pas ainsi.
— Une semaine, lui lancé-je. C'est le délai que je te donne pour te libérer du joug de la famille Rodriguez, est-ce clair ?
— Pardon ? C'est moi qui décide où je travaille, espèce de taré.
Je pousse un long soupir. Comment la convaincre que cette famille a une mauvaise influence sur quiconque. La preuve : Rodriguez père oblige ses enfants à travailler pour lui bien qu'ils ne soient pas du tout intéressés par son entreprise. Estéban a un penchant pour l'argent sale tandis que Maria préfère se limer les ongles que répondre au téléphone. Son père la force à bosser dans les bureaux de son entreprise, et si elle n'était pas sa fille légitime, il la mettrait certainement à la porte.
— Écoute, Ray, tenté-je à nouveau. Tu ignores peut-être qui ils sont, mais je les connais bien. Tout le monde les connait.
— Je crois que tu fais fausse route. Maria est une chic fille. Je l'aide à apprendre le langage des signes. Personne ne m'a contrainte à quoi que ce soit, d'accord ? Vos problèmes, à Estéban et toi, ne sont pas les miens.
Elle ne comprend absolument rien.
— Tu ne sais pas ce qu'il se passe à l'extérieur de ton petit monde, Ray.
Ses iris s'obscurcissent et je comprends que ce n'était pas la chose à dire.
— Dis-moi, Jarek, pour quelle raison étais-je dans mon « petit monde », comme tu l'a si bien dis ? Peut-être parce que tu m'as caché le vrai monde. Tu m'as fait croire que tu étais un simple mécanicien, mais je suis bien loin du compte, n'est-ce pas ? Que caches-tu, exactement ?
— Rien qui ne te regarde.
Un éclat que je peux déchiffrer traverse son regard. La curiosité. Maria l'a bien attisé. Et je suis certain qu'elle n'en restera pas là, alors je dois y mettre un terme.
— Je ne veux plus jamais que tu viennes à une de mes courses, Ray, est-ce bien clair ? C'est dangereux.
— D'accord, tu ne me verras jamais plus à une course, répond-elle.
Hum...pourquoi n'a-t-elle pas argumenté ? A-t-elle détesté me voir courir ? Peut-être, bien que je sache à quel point Ray aime les voitures. Mais pas l'adrénaline. Elle a peut-être eu peur pour moi.
— Je dois y aller, annonce la jeune femme en regardant sa montre.
Une pensée traverse mon esprit.
— Es-tu venu à pied ? lui demandé-je.
— Oui, je ne voulais pas appeler un taxi à cette heure.
Furieux, j'éclate :
— Tu es inconsciente, ma parole ! C'est la nuit. Imagine si tu avais croisé un psychopathe !
— Parfois, ce n'est pas nécessaire de sortir de chez soi pour rencontrer un fou.
Ma colère s'envole aussitôt que je saisis de qui elle parle. Effectivement, le danger peut se cacher bien plus près qu'on ne le pense.
— Comment vas-tu récupérer ton garage ? me demande alors Ray.
— Qui t'as dit que je veux le récupérer ?
Elle hausse les épaules.
— À moins que tu ne veuilles t'orienter dans la restauration, je ne vois pas ce que tu pourrais faire d'autre...
— Ne t'inquiète pas, les possibilités sont infinies, lui réponds-je.
Je vois d'ici sa curiosité revenir au galop, alors je m'empresse de préciser.
— Je n'ai pas encore pris de décision.
— Tu ne sembles pas si peiné de perdre ton job et ta maison.
Je hausse les épaules. Pendant dix ans, cela m'a suffit, mais maintenant, j'ai l'intention d'élargir mes horizons.
Ray se dirige vers la porte, mais se tourne vers moi avant de sortir.
— Tu es vraiment con, me lance-t-elle. Je t'avais dit qu'il y avait un problème avec ton pneu.
Effectivement, j'ai peut-être oublié de le vérifier après sa recommandation...
— Une semaine, lui rappelé-je tout juste avant qu'elle ne claque la porte.
Si elle n'est pas sortie de là après le délai que je lui ai donné, je jure que je vais tout faire péter.
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