chapitre 2






En ce deuxième jour, je traversais le campus d’un pas mesuré, les échos de mes pensées troublées par l’image de l’étudiante mystérieuse de la veille. Ses yeux gris et perçants, son regard intense… cette rencontre m’avait profondément marqué, plus que je n’osais l’admettre. Alors que je m’approchais de la salle de classe, je ressentis une sensation d’appréhension mêlée d’excitation.

Qu’allait-il se passer aujourd’hui ?

La reverrais-je ?

Je m’installai derrière le pupitre, disposant mes notes tout en révisant mentalement le plan du cours. La psychologie criminelle et les symboles nordiques – des thèmes que je savais envoûtants et dérangeants à la fois. Mon choix de mêler ces sujets relevait d’un défi personnel : inviter mes étudiants à explorer les recoins les plus sombres de l’esprit humain, là où le rationnel se confond avec l’archaïque, avec les symboles ancestraux qui survivent dans notre inconscient collectif.

Ils arrivèrent peu à peu, prenant place dans la salle. J’observais leurs visages, certains encore endormis, d’autres déjà plongés dans leurs carnets. Elle n’était pas encore là. Ce constat éveilla une étrange déception en moi, mais je me ressaisis. Je devais rester concentré. Les pensées qui s’égaraient vers cette étudiante n’avaient pas leur place ici.

Enfin, la porte s’ouvrit et, comme si le destin s’amusait à jouer avec mes nerfs, elle apparut, s’installant dans un coin plus visible que la veille. Elle ne me regardait pas encore, mais je pouvais sentir cette même intensité émanant d’elle, cette aura qui semblait envelopper chaque geste, chaque regard.

Je pris une inspiration et décidai de lancer le cours.

― Aujourd’hui, nous allons plonger un peu plus profondément dans les mythes nordiques, dis-je en balayant la salle du regard. Je vous rappelle que ces légendes, loin d’être de simples contes pour enfants, offrent des métaphores puissantes pour la condition humaine. Les dieux nordiques et leurs tribulations symbolisent souvent nos propres luttes internes.

Je marquai une pause, espérant capturer leur attention.

― Prenons, par exemple, le mythe de Loki, dis-je en scrutant leurs visages. C’est un personnage qui se situe entre l’ordre et le chaos, un faiseur de troubles mais aussi un indispensable catalyseur d’évolution. Loki est celui qui dérange, qui transgresse, et, dans bien des aspects, il représente cette part de nous qui veut explorer ce qui est interdit, ce qui est hors des normes.

Certains prirent des notes. D’autres me regardaient d’un air pensif. Je vis l’étudiante lever les yeux, me fixant intensément comme la veille.

― Loki nous invite à nous demander : dans quelle mesure sommes-nous attirés par le chaos ? Jusqu’où sommes-nous prêts à transgresser pour comprendre le monde… ou nous comprendre nous-mêmes ?

Elle me fixait avec ce regard qui me troublait, une lueur presque imperceptible dans ses yeux, comme si elle comprenait bien plus que ce que je disais.

― Mais il y a plus, continuai-je. En psychologie criminelle, ce personnage de Loki nous rappelle aussi ceux qui flirtent avec les limites de la loi, ceux qui éprouvent une fascination pour le crime. Cela ne signifie pas nécessairement qu’ils souhaitent être des criminels… mais ils sont attirés par l’inconnu, par le côté sombre de l’esprit humain.

Un étudiant leva la main.

― Pourquoi cet intérêt pour le côté sombre, professeur ? Pourquoi ne pas se concentrer sur la lumière ?

Je souris, amusé par la naïveté de la question.

― La lumière a son importance, bien sûr. Mais sans l’ombre, elle n’a pas de substance. Notre esprit est fait de ces dualités ; pour comprendre la lumière, il faut parfois explorer les ténèbres. Dans les mythes nordiques, la confrontation avec le chaos et le danger n’est pas un acte gratuit ; il s’agit d’une quête pour un savoir supérieur, pour une vérité plus profonde.

Je jetai un coup d’œil vers elle. Son regard s’était intensifié, et elle semblait boire mes mots, comme si chaque syllabe trouvait en elle un écho particulier.

― Mais il y a un risque, repris-je. Explorer les zones sombres de notre psyché n’est pas sans conséquence. Prenons encore un exemple : la symbolique de la rune Thurisaz, liée à la force brutale, au conflit. Utilisée sans discernement, elle peut causer des ravages. Elle incarne la puissance primordiale, une énergie qui, si elle n’est pas maîtrisée, peut être destructrice.

J’approfondis le thème des runes, décrivant leur potentiel symbolique et les différents aspects psychologiques qu’elles pouvaient représenter. Le cours progressait, mais mon attention revenait sans cesse vers elle, comme si elle seule comprenait réellement la portée de ce que j’évoquais. Mes paroles semblaient la captiver, l’envoûter même, et je me surpris à ressentir une étrange satisfaction à cette idée.

Alors que le cours touchait à sa fin, je pris quelques instants pour donner une perspective plus large :

― En fin de compte, ce que nous tentons de comprendre ici, c’est l’équilibre instable qui existe en chacun de nous. Tout comme les mythes et les runes nous le rappellent, la question n’est pas de savoir si nous sommes fondamentalement bons ou mauvais. La question est : jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour comprendre notre propre nature ?

Le silence s’installa dans la salle. Mes paroles flottaient dans l’air, absorbées par les murs sombres et imposants, comme si même le bâtiment s’imprégnait de ces réflexions. Mon regard se posa une dernière fois sur elle. Cette étudiante. Ce mystère.

Elle ne me lâchait toujours pas des yeux, et cette intensité avait quelque chose d’électrisant. Je ressentais cet étrange mélange d’attraction et de malaise, et, alors que les étudiants commençaient à rassembler leurs affaires, je restai un instant figé, le regard toujours accroché au sien.

Elle ne bougea pas. Elle ne détourna pas le regard. Son visage demeurait impassible, mais ses yeux semblaient me sonder avec une profondeur qui dépassait l’entendement.

Finalement, elle se leva à son tour, me laissant seul au centre de la salle, envahi par des sentiments contradictoires. Cette rencontre, aussi brève qu’elle fût, marquait déjà le début d’une énigme que j’avais la sensation d’avoir voulu percer depuis toujours.

À mesure que les étudiants se dispersaient, récupérant leurs affaires dans un léger murmure d’après-cours, je remarquai qu’elle restait en retrait, ses gestes mesurés, presque comme si elle attendait quelque chose. Mon regard se porta naturellement vers elle, et pendant une seconde, j’hésitai. J’avais un pressentiment étrange, une intuition qui me soufflait qu’une conversation avec elle allait inévitablement franchir une frontière invisible.

Alors que je rassemblai mes propres notes, un autre étudiant s’approcha du pupitre, visiblement intéressé par le contenu du cours. Son visage était sérieux, les sourcils légèrement froncés.

― Professeur, demanda-t-il, vous avez mentionné la rune Thurisaz et ses implications. Vous dites qu’elle représente un pouvoir brut, mais comment cela se traduit-il dans la psychologie criminelle ? Est-ce qu’on peut voir ce symbole chez des individus…

La question était pertinente, mais mon attention restait invariablement focalisée sur l’étudiante à l’arrière de la salle. Elle semblait observer, calmement, sans impatience. Lorsqu’elle remarqua mon regard, elle esquissa un sourire subtil, comme si elle comprenait ce qui se passait, comme si elle attendait simplement son tour.

Je fis un effort pour recentrer mon attention sur le jeune homme.

― La rune Thurisaz, répondis-je, représente effectivement un pouvoir archaïque, une force brute qui, lorsqu’elle n’est pas maîtrisée, peut provoquer la destruction. En psychologie criminelle, on pourrait l’associer aux impulsions incontrôlables, aux pulsions qui échappent à toute logique rationnelle.

L’étudiant acquiesça, une lueur d’intérêt brillant dans ses yeux.

― Merci, professeur. Je n’avais pas encore envisagé cet aspect.

Il s’éloigna, satisfait de ma réponse, et enfin, la salle se vida, me laissant seul avec elle. Elle s’était approchée, maintenant à une distance raisonnable, ses yeux posés sur moi avec cette intensité particulière. Elle ne semblait pas pressée, comme si chaque mot allait être pesé avec soin.

― Alors, professeur, reprit-elle doucement, avec un léger sourire au coin des lèvres. Elle prononça le mot sans la déférence habituelle, comme si ce titre ne signifiait pas grand-chose pour elle. Vous semblez passionné par le chaos et les ombres.

Sa voix était calme, posée, mais elle avait cette assurance discrète, cette façon de me fixer qui me donnait l’impression d’être à découvert.

― Et vous… vous vous intéressez également aux ombres, me risquai-je à demander.

Elle haussa légèrement les sourcils, un geste imperceptible, puis acquiesça sans un mot. Un silence tendu s’installa entre nous, comme une pause calculée, avant qu’elle ne prenne la parole à nouveau.

― Disons que je m’intéresse à ce qui se cache sous la surface, aux vérités que l’on préfère ignorer. Ce cours… Il résonne d’une certaine manière pour moi.

Je hochai la tête, incapable de masquer ma curiosité.

― Et qu’est-ce qui vous a poussé à suivre un cours comme celui-ci ? lui demandai-je, essayant de garder un ton détaché, mais sentant l’intérêt pointer malgré moi dans ma voix.

Elle soutint mon regard, un sourire énigmatique sur les lèvres.

― Peut-être que je cherche des réponses. Ou des explications… à des choses que les autres ignorent, que même mes anciens professeurs ne voulaient pas explorer.

Un frisson me parcourut. Il y avait dans ses mots une ambiguïté troublante, comme si elle laissait volontairement planer le mystère.

― C’est ambitieux, dis-je. Mais ce n’est pas un chemin facile.

Elle ne répondit pas immédiatement, ses yeux s’attardant sur moi avec une intensité presque déstabilisante.

― La facilité ne m’a jamais intéressée, répondit-elle finalement, un sourire mystérieux effleurant ses lèvres.

Elle sembla alors prendre conscience que nous étions seuls, son regard se détachant du mien pour glisser autour de la salle vide, avant de revenir se poser sur moi.

― À demain, dit-elle finalement, son ton légèrement plus doux, presque comme une promesse.

La conversation se poursuivit, fluide et captivante, chacun de ses mots éveillant en moi un mélange d’admiration et d’étonnement. J’étais sur le point de refermer mes notes, mais elle se rapprocha légèrement, son regard brillant d’une intensité qui n’avait rien de la curiosité ordinaire. Nous plongeâmes dans les profondeurs de la psychologie criminelle, abordant des sujets que j’aurais rarement osé partager avec un étudiant.

― Vous parlez de l’attrait pour le mal comme d’une pulsion incontrôlable, commença-t-elle, mais si le mal n’était pas simplement un instinct primitif ? Si c’était un choix conscient, une sorte de… de quête d’un absolu que la morale refuse ?

Je la regardai, stupéfait par la clarté de sa pensée et par sa capacité à verbaliser des concepts aussi complexes. La plupart de mes collègues eux-mêmes auraient hésité devant de telles réflexions. Comment pouvait-elle, à son âge, manier aussi aisément ces idées ?

― C’est une interprétation audacieuse, répondis-je en choisissant mes mots. Le mal, sous cet angle, pourrait presque être vu comme un acte philosophique… mais qui pourrait aussi devenir dangereux.

Elle sourit, un sourire énigmatique.

― Dangereux, peut-être, mais n’est-ce pas précisément ce qui rend ce sujet fascinant ? Les limites que nous ne devrions pas franchir, et ce besoin d’aller malgré tout au-delà. La notion même de « tabou » nous incite à la transgression.

Il y avait quelque chose de troublant dans la manière dont elle parlait, comme si elle ne décrivait pas seulement une théorie mais un vécu, une compréhension intime de ces zones sombres.

Je tentai de diriger la conversation vers des terrains moins ambigus, mais elle suivit chacun de mes détours avec une aisance déconcertante. Elle évoqua l’inconscient freudien, l’idée que le « ça », cette part primaire et instinctive en nous, pouvait être mis en tension avec le « surmoi » – non pour être contrôlé, mais pour en explorer la puissance.

― La plupart des gens préfèrent éviter de regarder dans l’obscurité de leur propre psyché, continuai-je, m’efforçant de reprendre un semblant de contrôle sur cette discussion. Mais vous… on dirait que vous êtes prête à explorer ces zones.

Elle baissa légèrement les yeux, comme pour réfléchir à ma remarque, puis releva la tête, un éclat dans le regard.

― Peut-être parce que je sais ce que c’est de vivre avec une part d’ombre. Parfois, il faut comprendre cette noirceur pour s’en libérer.

Je ressentis un frisson, comme si elle s’était dévoilée brièvement, sans que je puisse totalement saisir ce qu’elle voulait dire.

― Les mythes nordiques eux-mêmes parlent de cette ambivalence, reprit-elle, changeant légèrement de sujet. Ils traitent de destin, d’ombres et de lumière. Les dieux nordiques ne sont ni entièrement bons, ni entièrement mauvais. Ils incarnent les deux faces d’une même nature humaine.

Elle connaissait donc également ce sujet. Je ne pus m’empêcher de poser la question qui me brûlait les lèvres.

― Vous semblez très informée, dis-je avec un sourire. Votre curiosité dépasse largement celle de la plupart de vos camarades.

Elle soutint mon regard, un éclat de malice dans les yeux.

― Peut-être que j’ai simplement eu de bons professeurs… Hakon.

L’entendre prononcer mon prénom me déstabilisa un instant. Elle ne m’avait pas appelé « professeur » ni même « monsieur », comme si elle avait choisi de s’adresser à moi non pas comme à une figure d’autorité, mais comme à un égal, un interlocuteur sur un pied d’égalité. Je réprimai un sourire, tentant de retrouver un semblant de maîtrise de la situation.

― Eh bien, si c’est le cas, j’espère que je serai à la hauteur, répondis-je en haussant légèrement les sourcils.

Elle m’offrit un dernier sourire, mystérieux, énigmatique, presque complice. Puis elle tourna les talons et s’éloigna, me laissant seul au centre de la salle, absorbé par la richesse de cet échange. Je tentai de rassembler mes pensées, mais son visage, son regard, ses mots… tout revenait en boucle, comme un refrain entêtant.

Alors que je quittais la salle à mon tour, une question continuait de tourner en moi. Comment une simple étudiante, apparemment à peine plus âgée que ses camarades, pouvait-elle manier avec autant de justesse et de profondeur des concepts aussi complexes et sombres ?

Alors que la conversation dérivait vers des considérations plus philosophiques, je sentis un glissement dans l’attitude de mon interlocutrice. Sa voix se fit plus basse, son regard plus intense, presque complice.

― Vous savez, cette université n’est pas comme les autres, dit-elle. Peu de gens voient au-delà de ses murs, au-delà de ce qu’on veut bien leur montrer.

Je fronçai les sourcils, intrigué. C’était la première fois que j’entendais un étudiant parler de cet endroit de cette façon, avec cette gravité qui contrastait avec sa jeunesse apparente. Elle poursuivit, les yeux brillants d’un feu secret :

― Il y a des histoires ici, des choses que même les professeurs ne connaissent pas, murmura-t-elle, comme pour tester mes limites. Des recoins oubliés, des symboles cachés… L’université renferme des secrets que peu de gens peuvent vraiment comprendre.

Je me sentis pris entre la tentation de lui demander de développer et la prudence qui s’imposait en tant que son professeur. Je savais qu’en m’aventurant davantage sur ce terrain, je risquais de franchir une frontière que j’avais moi-même tracée.

― Des secrets, répétai-je pensivement. Mais de quel genre ?

Elle esquissa un sourire énigmatique, ses yeux fixés sur moi, comme si elle jaugeait ma réceptivité.

― Des secrets que seules certaines personnes peuvent percevoir. Disons que cette université attire des individus… particuliers. Des gens qui possèdent une certaine sensibilité aux choses invisibles, aux zones d’ombre.

Je ne savais pas exactement ce qu’elle voulait dire, mais ses paroles éveillaient en moi une curiosité presque coupable, un besoin de comprendre ce qu’elle laissait volontairement dans le flou.

― Vous parlez comme si vous en saviez beaucoup sur cet endroit, dis-je prudemment. Je pensais être ici pour enseigner, mais peut-être suis-je venu pour découvrir moi aussi.

Elle éclata de ce rire étouffé et mystérieux qui semblait lui être propre, un son doux et pourtant empreint de quelque chose d’indéchiffrable.

― Peut-être que vous êtes ici pour les deux, Hakon.

Elle insista à nouveau sur mon prénom, et je sentis ce frisson étrange me traverser. Elle semblait, de manière subtile et calculée, ébranler cette façade professionnelle que je m’étais efforcé de maintenir. Mais je savais que ce n’était pas le moment de questionner davantage. En tant qu’homme de raison, je ne pouvais pas simplement me laisser emporter par des mystères sans fondement… et pourtant.

Le silence s’installa quelques instants entre nous. Elle finit par baisser les yeux et fit mine de s’éloigner, un léger sourire toujours accroché à ses lèvres.

― Avant de partir, pourrais-je au moins savoir votre prénom ? demandai-je, le ton plus léger, comme si je cherchais à dissiper ce voile de mystère.

Elle s’arrêta, sans se retourner immédiatement. Pendant une fraction de seconde, je crus qu’elle ne me répondrait pas, qu’elle me laisserait avec cette énigme irrésolue, cette impression de ne rien connaître d’elle.

― Solveig, dit-elle finalement, ses yeux rencontrant les miens par-dessus son épaule.

Ce nom résonna en moi, presque familier, comme une ancienne mélodie que l’on n’a pas entendue depuis longtemps. Elle esquissa un dernier sourire, un sourire d’ombre et de lumière, et s’éloigna lentement, me laissant seul, envahi par des questions sans réponses et par une fascination qui ne cessait de grandir.

Alors que je regardais Solveig s’éloigner, un étrange mélange d’émotions se frayait un chemin en moi. Elle semblait incarner cette contradiction même que j’avais toujours cherché à explorer dans mes études : la fascination pour l’obscurité et la lumière, pour la beauté intellectuelle et la complexité des ombres. Elle était, en somme, un mystère vivant – une énigme qui résonnait d’une manière qui dépassait toute rationalité.

Je m’efforçai de recentrer mes pensées, mais la vérité était inévitable : cette jeune femme éveillait en moi une curiosité qui n’avait rien d’ordinaire. Ses réflexions sur les secrets de l’université, ses connaissances en psychologie criminelle, son sens de l’observation, tout cela dépassait les attentes que je pouvais avoir pour une étudiante. Elle semblait presque… intemporelle, comme si elle appartenait à un autre monde, à une autre époque.

Je ressentais une attirance, une sorte d’admiration étrange et un respect pour l’intensité qui émanait d’elle. Mais derrière cette admiration, il y avait aussi quelque chose de troublant. Une gêne, subtile mais persistante, liée à cette barrière invisible entre nous – la barrière de la relation professeur-élève, une frontière que la morale et la raison s’accordaient à me rappeler en permanence.

Pourtant, l’aura qu’elle dégageait rendait cette barrière presque illusoire. Sa présence semblait effacer les règles de bienséance, renverser l’ordre établi par l’université elle-même. Elle n’était pas simplement une étudiante qui cherchait à impressionner par ses connaissances ou ses questions bien préparées. Non, elle était quelqu’un qui maîtrisait une forme de langage silencieux, presque mystique, une sorte de savoir profond que je ne comprenais pas entièrement.

Je me rappelai alors de l’intensité de son regard, de la façon dont elle m’avait observé, analysé peut-être. Elle possédait cette capacité rare à transcender les mots et à communiquer quelque chose de plus vaste, quelque chose d’à peine perceptible mais qui vibrait en moi. Ce n’était pas seulement une étudiante brillante ; elle incarnait un mystère à elle seule, un mystère qui m’attirait et m’inquiétait à parts égales.

Une question me revenait sans cesse : comment une si jeune femme pouvait-elle posséder cette profondeur ?

Cette clairvoyance ?

Avait-elle vécu quelque chose d’intense, de sombre, pour avoir une telle compréhension des zones d’ombre de l’esprit humain ?

Malgré moi, je me retrouvais à analyser la situation comme s’il s’agissait d’une énigme philosophique.

Était-elle une simple étudiante, ou y avait-il quelque chose de plus ?

Était-elle attirée par mes cours pour des raisons purement académiques, ou était-ce un prétexte pour autre chose, quelque chose que je ne percevais pas encore ?

Je secouai légèrement la tête, comme pour chasser cette fascination qui menaçait de me faire perdre toute objectivité. Peut-être étais-je simplement flatté de trouver enfin un esprit qui comprenait, ou semblait comprendre, les aspects les plus sombres de la philosophie et de la psychologie criminelle. Peut-être que cette attirance n’était qu’une illusion, une projection de mes propres obsessions et de mes recherches inachevées.

Mais même en tentant de me raisonner, je sentais ce frisson persistant, cette curiosité irrépressible qui prenait racine quelque part dans mon inconscient. La puissance de son esprit m’impressionnait, mais m’effrayait aussi.

Était-ce seulement moi qui ressentais cette énergie ?

Ou Solveig savait-elle exactement ce qu’elle faisait en me révélant, par petites touches, des fragments de son monde intérieur ?

Je pris une grande inspiration, tentant de calmer mon esprit. Le rôle que j’avais à jouer ici devait demeurer professionnel ; je n’étais pas là pour satisfaire mes propres intrigues personnelles. Ce genre de fascination était un chemin glissant, périlleux même. Et pourtant, la tentation de creuser davantage restait tapie, comme une ombre qui refuse de disparaître.

Après avoir remercié avec une politesse simple, Solveig avait laissé échapper un sourire fugace, chargé d'une ambiguïté qui ne cessait de me troubler. Juste avant de franchir la porte, elle me jeta un dernier regard intense, plein de promesses implicites, comme si elle savait que cet échange n'était que le début d'un chemin inexploré. Ce regard me fit frémir, comme si je recevais un message silencieux, une invitation à plonger plus profondément dans les mystères qu'elle représentait.

Une fois seul, je demeurai immobile, plongé dans le silence de la salle désormais vide, les pensées en ébullition. Ce n'était plus de la simple curiosité, ni même de l'admiration pour une étudiante brillante. Non, cet échange dépassait les limites d'un rapport pédagogique ordinaire. J'étais devenu conscient d'une certitude étrange: Solveig incarnait quelque chose de plus profond, un mystère qui résonnait avec l'âme même de ce lieu.

Je rassemblai mes affaires, mais mes gestes étaient lents, presque mécaniques. Dans ma tête, des questions se succédaient sans fin.

Qu’y avait-il en elle qui éveillait de tels échos ?

Était-ce cette compréhension intuitive qu’elle avait des ténèbres humaines, ou bien l’aura de secret qui semblait l’entourer ?

Il me semblait que cet échange avait remué des strates de ma propre psyché que j’avais depuis longtemps enfouies sous des couches de rationalité.

Tandis que je traversais les couloirs pour sortir du bâtiment, l’atmosphère paraissait plus lourde que jamais. Le silence oppressant, les ombres s’étirant le long des murs gothiques… tout renforçait cette impression de marcher dans un sanctuaire oublié, un lieu où des vérités anciennes dormaient sous la surface.

Je ne pouvais ignorer cette sensation d’obscurité qui semblait habiter l’université, cette impression diffuse mais persistante que quelque chose m’observait, me jaugeait. Depuis mon arrivée, ce sentiment ne m’avait pas quitté, mais c’est comme si Solveig en avait soudain ravivé l’intensité, comme si sa présence était intrinsèquement liée à cette aura de mystère.

Était-elle la clé de ces secrets latents, cette présence cachée dont elle avait elle-même évoqué l’existence de manière voilée ?

Il était tentant de croire que tout cela n’était que des coïncidences, des projections de mon esprit influencé par l’atmosphère de cet endroit, mais chaque rencontre avec elle me rappelait que quelque chose de plus obscur se tramait. C’était comme si Solveig détenait des réponses à des questions que je n’osais même pas formuler.

Je quittai enfin le bâtiment, mais le sentiment ne s’évanouit pas. En rejoignant le chemin qui longeait les bâtiments anciens, j’observai les fenêtres sombres, les statues de pierre aux regards figés qui semblaient me suivre. Je me rappelai ses mots, ses réflexions sur la transgression des limites, sur le « mal » comme quête de l’absolu. Solveig… ce nom même semblait une invitation à explorer des territoires interdits.

Alors que je franchissais le seuil du portail principal pour rentrer chez moi, je pris une dernière inspiration, cherchant à calmer cette étrange excitation mêlée d’angoisse. Mais je savais déjà que je ne pourrais échapper à l’idée obsédante que cette étudiante n’était pas simplement là pour apprendre ; elle incarnait peut-être un lien entre cette université et ses secrets, un lien dont l’ombre s’étendait, m’enveloppant peu à peu.



Alors que je dépasser le portail, un mélange d’appréhension et de fascination me rongeait. La silhouette de Solveig restait gravée dans ma mémoire, ses yeux brûlants d’une intelligence silencieuse, ses mots entrelacés de sous-entendus et de mystères, comme une promesse murmurée que seul moi, parmi tous ceux qui foulaient ce sol, pouvais entendre.

Le vent frais de l’extérieur s’engouffra dans mon manteau, une invitation à reprendre pied dans la réalité. Mais l’aura de Solveig et le poids de ses paroles restaient, immuables, comme une marque indélébile. Je dévalai les quelques marches menant à l’allée principale, mes pas m’entraînant presque inconsciemment en direction d’un sentier de pierres qui serpentait derrière le bâtiment et longeait le campus, se dirigeant vers un petit lac isolé.

Je n’avais jamais vu le lac jusqu’ici, mais j’en avais entendu parler : un endroit discret et ombragé, bordé de pins immenses et de saules penchés, comme un sanctuaire naturel à l’écart de tout. Son existence même semblait être en harmonie avec l’atmosphère de cette université, tout aussi sombre, mystérieuse et profondément ancrée dans le passé.

La surface de l’eau, immobile et d’un bleu presque noir, renvoyait mon reflet déformé, un miroir imparfait qui semblait souligner l’étrangeté de cette journée. Mes pensées revenaient sans cesse à Solveig. Il y avait en elle quelque chose d’insaisissable, d’intangible mais puissant, qui éveillait en moi une soif de compréhension. Depuis que je l’avais rencontrée, il me semblait qu’elle s’était infiltrée dans mon esprit, dans mes obsessions mêmes, comme une énigme dont le dénouement m’échappait.

Je me penchai légèrement au-dessus du lac, observant la surface plane se troubler sous l’effet du vent.

― Quelle est sa place dans tout cela ?  me demandai-je.

Était-elle ici pour une simple raison académique, ou y avait-il une part de destin dans notre rencontre ?

Mon esprit rationnel tentait d’écarter cette idée – l’idée qu’un être humain puisse représenter autre chose qu’un hasard, une simple coïncidence. Mais chaque échange avec elle affirmait une réalité qui dépassait cette rationalité.

Il était impossible de la réduire à une étudiante ordinaire, une simple présence passagère dans ma carrière. Elle semblait savoir bien plus que ce qu’elle ne disait, comme si elle devinait les questions qui se débattaient en moi depuis longtemps. Ses mots sur l’obscurité et les secrets résonnaient encore, ravivant des doutes que j’avais pourtant cru enterrer.

Y avait-il réellement des mystères enfouis dans cette université ?

Était-elle la clé d’une porte que je n’avais jamais envisagé de pousser, avant qu’elle n’apparaisse ?

Je fermai les yeux un instant, laissant le silence et la fraîcheur de l’endroit calmer les pensées qui s’entrechoquaient dans ma tête. Une part de moi était tentée de croire qu’elle pouvait m’apporter une compréhension profonde, un savoir caché que j’avais passé ma vie à chercher. Dans ma quête d’explication et de vérité, Solveig semblait incarner cette promesse muette.

Cependant, il y avait ce danger, cet interdit que je ne pouvais ignorer. Une attirance puissante et indéfinissable me poussait à m’en approcher davantage, mais chaque pas vers elle risquait de me conduire vers quelque chose d’irréversible. Ce que j’avais ressenti au contact de son regard n’avait rien de rationnel, rien de sûr – c’était une invitation enveloppée de mystère, presque hypnotique.

Je rouvris les yeux, contemplant une dernière fois mon reflet perdu dans le lac obscur. Une décision silencieuse s’imposa en moi : je ne pouvais m’arrêter là, je ne pouvais ignorer cette voie qui semblait s’ouvrir devant moi. Tout en me redressant, une résolution se forgeait : j’allais en apprendre plus sur elle, sur les secrets qu’elle semblait dissimuler. Je le devais – non seulement par simple curiosité, mais parce que cette quête semblait désormais faire partie de mon existence même.

Ce n’était pas un simple désir académique, ni même un besoin d’enseignant envers un étudiant prometteur. C’était un besoin plus profond, un appel irrésistible, sombre et envoûtant, qui m’attirait vers des territoires inconnus, vers des vérités oubliées que seule elle semblait détenir.

――――――

NDA :

ALORSS ce Deuxième chapitre ??? Des supposition pour la suite ?

Hakon

Hakon est un nom à consonance forte et noble, qui signifie "celui qui a été choisi" ou "noble" en vieux norrois. Ce choix de nom évoque un personnage destiné à un grand destin, une figure qui porte un poids de responsabilité intellectuelle et émotionnelle. Dans le contexte de l’histoire, Hakon pourrait être perçu comme un mentor qui s'est engagé à éclairer ses élèves sur les ténèbres de la psyché humaine et sur les secrets enfouis dans l'histoire et la culture nordique. Son nom souligne son rôle d'éducateur, mais aussi de gardien des vérités cachées qui peuvent s’avérer dangereuses si elles ne sont pas abordées avec prudence.

Solveig 

Solveig : Ce nom d'origine scandinave signifie "chemin du soleil" ou "la force du soleil". Bien que cela semble positif à première vue, dans le contexte de l’histoire, il  symbolise une lumière qui éclaire les vérités sombres et cachées, révélant des secrets qui, une fois exposés, peuvent être à la fois révélateurs et déstabilisants. Solveig pourrait être perçue comme une source d’inspiration, mais aussi comme une force qui pousse à affronter les ombres de la psyché humaine, la rendant ainsi complexe et ambivalente.

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