0.1
Je me suis toujours demandé pourquoi ils mettaient des miroirs dans les ascenseurs.
C'est vrai ça, ce n'est pas vraiment un endroit adapté. Premièrement, les gens qui montent dans un ascenseur, ils ne sont généralement pas au top de leur forme. Les sportifs et athlètes fringants, eux, prennent l'escalier. Alors que ceux qui préfèrent s'entasser dans une petite cabine qui monte et qui descend à répétition, ce sont habituellement soit des flemmards de première, soit des types qui ont déjà sué comme des bœufs dehors avec leurs gros sacs. C'est franchement cruel de les inciter à se regarder alors qu'ils ne sont pas du tout sous leur meilleur jour.
Moi, par exemple, je n'avais pas envie de me regarder, là.
Je savais pertinemment que je devais avoir le visage cerné de ma nuit écourtée par le stress, les cheveux décoiffés par le vent excessivement fort qui soufflait en ce mois de mai, et les vêtements mouillés par les averses intempestives contre lesquelles les parapluies ne pouvaient rien, les rafales les faisant se retourner instantanément. Et ça encore, c'était sans parler de l'hideuse allure que je devais avoir dans mon costard ridicule et ma cravate qui me serrait le cou. Je n'avais clairement pas besoin d'un miroir pour savoir que je ne ressemblais approximativement à rien.
Et pourtant, il était là.
Prenant toute la longueur du mur, comme pour me narguer, à me faire croiser mon reflet dès que j'avais le malheur de relever le regard. D'autant plus que pour ne rien arranger, l'étage auquel je devais me rendre était excessivement haut, et cet ascenseur excessivement lent. Autant vous dire que passer tout le trajet à ne pas céder à la tentation de s'observer, c'était impossible.
Alors finalement, c'est ce que je fis moi aussi. Comme à chaque fois que je rentrais dans un ascenseur avec un miroir.
Je plantai mon regard dans mon propre reflet, et détaillai l'homme qui me faisait face.
Dans cette affreuse tenue, j'avais presque l'impression d'avoir affaire à un inconnu. Ce pantalon bien taillé que j'avais emprunté à Taehyung, cette chemise soigneusement rentrée à l'intérieur, cette cravate rigoureusement nouée et cette veste idiote qui venait compléter la panoplie, ce n'était pas moi. Ce n'était pas la première fois que je portais ce genre de tenue, et pourtant, je trouvais toujours aussi ridicule ces conventions vestimentaires qu'on demandait aux entretiens d'embauche.
D'autant plus qu'elles ne semblaient pas porter leurs fruits, puisqu'aucun des entretiens que j'avais passés jusqu'ici n'avait abouti à quelque chose.
Je laissai échapper un soupir à cette pensée, et replantai mon regard dans le mien. J'avais une piètre allure. Mes cheveux commençaient sérieusement à devenir trop longs, et ils me tombaient devant les yeux sans que je ne puisse rien y faire, étant trop courts pour aller derrière mon oreille et également indisciplinés au possible, refusant de se mettre gentiment sur le côté comme dans les magazines de mode. Moi qui avais passé plus de dix minutes à me coiffer ce matin, j'étais réellement dépité de voir que les rafales avaient réduit tous mes efforts à néant.
Et dire que je voulais être présentable pour mon ( peut-être futur ) employeur...
Je n'avais même pas envie de regarder le haut de ma veste, qui devait encore être mouillé à cause des pluies impromptues.
Heureusement pour moi, le « ding » sonore de l'ascenseur me sortit de mes pensées, et les portes s'ouvrirent enfin sur l'étage où je descendais. Je m'empressai de quitter cette petite cage de fer traîtresse pour échapper à mon reflet, avant de déglutir silencieusement en me retrouvant devant ce qui ressemblait à une salle d'attente miniature.
Ok, épreuve de la pluie, passée. Épreuve de l'ascenseur, passée. J'étais face à la porte du boss final.
La terrible épreuve de l'entretien d'embauche.
Presque à reculons, j'allai m'asseoir sur une des quelques chaises qui traînaient dans le couloir, à côté de la porte dont la seule inscription « M. Seo, Patron » me donnait des sueurs froides. C'était le PDG d'un grand journal hebdomadaire qui commençait à prendre de plus en plus d'ampleur, et pour lequel j'avais postulé en tant que photographe officiel sans réellement y croire. Je ne vous raconte pas ma surprise lorsque j'avais reçu une réponse positive à mon CV qui m'invitait à passer un entretien avec le patron en personne.
Et là, actuellement, je me pissais dessus.
Non seulement les seuls autres entretiens d'embauche que j'avais passés avaient été pour des organismes bien plus petits, mais en plus, je m'étais fait recaler à chaque fois. Autant vous dire que ça ne me donnait pas particulièrement confiance pour aujourd'hui.
La porte à côté de moi s'ouvrit sans un bruit, et je sursautai furieusement lorsqu'une voix grave retentit dans la pièce.
« Monsieur Jeon ? »
Je me retournai vers elle – enfin, vers l'homme qui venait d'arriver – en me retenant de peu de porter ma main à mon cœur pour ne pas me ridiculiser davantage, avant de déglutir fortement en le reconnaissant.
Le patron.
J'espérais qu'il n'avait pas vu mon sursaut à son entrée, parce que si je commençais à détruire ma crédibilité avant même le début de l'entretien, j'étais mal parti.
Il me fit un sourire mi-amusé mi-rassurant qui ne me rassura pas du tout parce que l'amusement que j'y décelais voulait sûrement dire qu'il n'avait rien loupé de ma petite frayeur. Il rajouta poliment :
« Veuillez me suivre, je vous prie. »
Je reconnectai avec ce qui était en train de se passer, et me relevai maladroitement avant de m'incliner pour le saluer, honteux de ne pas l'avoir fait plus tôt. Il ne sembla pas m'en tenir rigueur, puisqu'il se contenta de retourner dans son bureau avant de m'indiquer sommairement un siège en face de lui.
« Vous pouvez vous asseoir. »
Et c'est ce que je fis, sans me faire prier. Le stress en moi était tellement intense que j'avais l'impression que mes jambes pouvaient lâcher à tout moment.
Il disposa quelques feuilles devant lui, qu'un rapide coup d'œil me permit de reconnaître comme mon CV et mon portfolio, puis il réorienta son regard vers moi.
« Jeon Jungkook, c'est bien ça ?
- Euh, oui, c'est ça.
- Enchanté. Vous avez dû le voir sur la porte, mais je suis Seo Youngjae, le patron du journal. C'est moi qui vais vous faire passer cet entretien aujourd'hui. »
Je bafouillai un vague « enchanté aussi », les mains moites et parcourues de tics nerveux, puis hochai légèrement la tête pour lui faire signe que j'étais ok avec ça, même si en vrai, je n'étais pas ok du tout. J'aurais mille fois préféré que ce ne soit pas lui mais un de ses employés qui me reçoive aujourd'hui, ça m'aurait bien moins mis la pression.
Mon pauvre cerveau était déjà en surchauffe.
« Vous allez bien ? » me demanda-t-il soudain, et je restai un peu confus car je ne m'attendais pas à ce type de formule de politesse.
Généralement, dans les autres entretiens que j'avais passés, ils commençaient directement avant de me virer dès qu'ils en avaient fini avec leurs questions. Ils me lançaient un beau sourire hypocrite en me disant « On vous recontactera », ce qu'ils faisaient une fois sur deux, et pour me dire que je ne correspondais pas au profil recherché. Tout ça pour dire que je n'avais pas prévu cette question. J'avais beau repasser mentalement tout le briefing que j'avais reçu de mes amis de la fac et de Taehyung, aucune réponse préfabriquée ne me venait.
Alors, maladroitement, je répondis simplement :
« Ouais, ça va. »
Puis, après un silence :
« Et vous ? »
Il me sourit de son sourire conventionnel de quadragénaire au travail, et me répondit à son tour :
« Bien, merci. »
Il trifouilla ses papiers pour mettre ce qui devait être mon CV bien visible face à lui, puis se repositionna sur sa chaise de pdg.
« Commençons, si vous le voulez bien. »
Je ne voulais pas.
Mais, très logiquement, parce que j'espérais sincèrement avoir ce travail et que je ne pouvais pas agir simplement comme un gamin, je hochai à nouveau la tête, le cœur tambourinant à toute allure dans ma poitrine.
Il commença par me poser des questions basiques, que j'avais vues et revues cent fois avec mes amis : « Parlez-moi de vous. », « Depuis combien de temps faites-vous de la photographie ? », « Pourquoi notre journal et pas un autre ? », « Qu'attendez-vous de ce poste ? », et j'en passe.
Je ne devais pas m'en sortir trop mal, puisqu'il me souriait à la fin de chacune de mes réponses. Ou alors, je lui faisais trop pitié, du coup il me souriait simplement pour me rassurer.
Possible aussi.
Toujours est-il qu'après cette phase de questions classiques, c'est mon portfolio qu'il posa bien en vue devant lui.
Je déglutis instantanément. Cette fois-ci ça touchait directement à mon travail, et ces photos qu'il avait devant lui, j'avais mis tant de cœur pour les prendre que la peur qu'il les critique me retournait l'estomac. J'avais envie de me lever et de les récupérer avant de les planquer loin de son regard jugeur, mais si je faisais ça, je pouvais dire adieu à mon potentiel futur poste.
À contrecœur, donc, je laissai ses yeux les parcourir. Il resta silencieux un moment tandis qu'il détaillait patiemment mon travail, me mettant d'autant plus mal à l'aise. Ses cheveux parfaitement ramenés en arrière et son regard adulte et mature ajoutés à sa carrure plutôt imposante m'intimidaient. Il semblait si sûr de lui que s'il me disait que ce que j'avais fait était nul, je le croirais sur parole.
Puis, finalement, après quelques secondes qui me parurent être une éternité, il laissa échapper en reportant son attention sur moi :
« Elles sont jolies, ces photos. C'est artistique, j'aime bien. »
Je ne savais pas trop comment prendre ce « artistique », mais j'imaginais que le « j'aime bien » qu'il avait prononcé était un bon point pour moi.
Je bafouillai donc un vague "merci", sans trop savoir quoi dire d'autre. Je n'avais jamais su répondre aux compliments.
Et puis, alors que je m'attendais à ce qu'il me pose des questions sur mes photos, il les reposa sur son bureau pour orienter son regard sur moi, avant de me demander d'un ton bien moins formel et avec un sourire étrangement trop sympathique :
« On s'est déjà vus, non ? »
Je restai confus un instant, cherchant dans ma mémoire un moment où j'aurais pu croiser sa route. Je n'en voyais aucun. On n'oubliait pas quelqu'un comme lui, je m'en serais souvenu si je l'avais déjà croisé.
Étais-je con à ce point ?
Il lâcha un petit rire face à ma mine décontenancée, puis se corrigea :
« Excusez-moi, c'était un peu soudain. Ce que je voulais dire, c'est que je vous ai déjà vu, moi.
- ... Ah bon ? »
J'ignorais que j'étais quelqu'un de notable pour des gens à qui je n'avais jamais parlé.
« Oui, reprit-il simplement. Vous avez fait la une des journaux avec Kim Taehyung le mois dernier, non ? »
À ces mots, je me crispai brutalement.
Pitié, pas encore.
J'ouvris la bouche une première fois avant de la refermer sans un mot, ne sachant pas quoi dire. Oui, je m'étais retrouvé en couverture des trois quarts des magazines people de la Corée du Sud. Non, je ne l'avais jamais voulu. Ni Taehyung, d'ailleurs. Et surtout, ce sujet n'avait rien à faire dans notre conversation.
Je déglutis silencieusement, et tentai en affichant une apparence la plus calme possible :
« Vous devez faire erreur.
- Allons, pas à moi Monsieur Jeon. Le journalisme est mon travail, je me suis un minimum renseigné. Je dois dire qu'on vous reconnaît très bien, même sans votre masque.
- Je n'ai pas envie d'avoir cette discussion. » l'arrêtai-je.
Ma réponse sembla le faire sourire, et d'un coup, je n'avais plus du tout envie d'être ici. N'importe où serait bien mieux, loin de son regard intrusif et de son petit rictus en coin. Je détestais la manière dont ses yeux me jaugeaient, dont ils semblaient se jouer de moi et chercher à déceler le moindre petit détail dans mon attitude. Il avait le même air que tous ces paparazzis qui n'étaient pas fichus de s'occuper de leur vie, et ça m'incitais juste à fuir le plus loin possible.
Mais c'était un entretien d'embauche. Et je ne pouvais pas me permettre de partir comme ça.
« Excusez-moi. » lança-t-il finalement, et je me sentis soulagé un instant avant qu'il ne rajoute l'air de rien : « Donc, les rumeurs seraient fondées... »
Cette fois-ci, je fulminai intérieurement. La colère grimpa en moi aussi rapidement que s'il avait insulté toute ma famille, et je serrai les poings pour tenter de la retenir.
« Quelles rumeurs ? osai-je demander d'une voix blanche en espérant me tromper.
- Quelles rumeurs ? » répéta-t-il.
Il fit mine d'être surpris, puis sourit simplement.
« Allons, c'est évident. Je parle de celles comme quoi Kim Taehyung serait en couple avec le jeune homme de Jeju – vous, j'entends. »
Je crus bien que ma mâchoire allait tomber. Le culot de cet homme me sidérait.
Comment osait-il me dire ça, en me regardant droit dans les yeux et alors même que j'étais clairement concerné par cette affaire ? L'énervement que j'avais tenté en vain de contrôler explosa, mélangé à une forme de dégoût, et je lui répondis en me relevant :
« Je ne vous permets pas. Ce ne sont que des rumeurs grotesques ! Taehyung est mon ami, et merde, même si c'était plus, ça ne vous regarde en rien du tout ! Il faut sérieusement que la presse apprenne à se mêler de ce qui la regarde !
- Baissez d'un ton, je vous prie. Et rasseyez-vous. »
Son sourire quitta ses lèvres, et il ajouta comme si j'étais le dernier des abrutis :
« La presse est concernée par tout, absolument tout. C'est ce qui fait son essence même. Vous devriez le savoir puisque vous postulez ici. »
Je ne répondis rien, les poings serrés. L'amertume me montait à la gorge tandis que je réalisais peu à peu que l'idée de travailler ici, dans son entreprise, était désormais risible. Je refusais de bosser pour quelqu'un qui, s'il m'engageait, le ferait uniquement pour ma relation avec Taehyung et non pour qui j'étais. Je refusais de bosser pour quelqu'un qui faisait partie de ceux qui nous pourrissaient la vie.
Alors, après une faible inspiration, je rétorquai simplement :
« Et bien dans ce cas, je retire ma demande d'emploi. »
Au diable ce job qui me faisait pourtant tant rêver. Et tant pis si cet entretien se soldait par un énième échec.
Je me retournai sans rien rajouter et j'ouvris la porte de son bureau, avant de le quitter d'un pas décidé en ignorant ses paroles qui me disaient de revenir.
J'étais juste dégoûté.
___________
Ça faisait trois ans. Bientôt quatre.
Bientôt quatre ans que je partageais la vie de Kim Taehyung, acteur célèbre à la renommée internationale. Presque quatre ans de bonheur, même si comme tous les couples, nous n'avions su échapper à des hauts et des bas. Nos quelques disputes ne changeaient rien à l'amour qu'on se portait, et ça, on le savait bien tous les deux.
Taehyung et moi, c'était une longue histoire. Une histoire un tantinet improbable, aussi. Il était entré dans ma vie lors de ma dernière année de lycée, et il avait tout bousculé. Mes habitudes, mes certitudes, mon mode de vie ; absolument tout. Un peu comme une tempête qui vient tout mettre sens dessus dessous sans prévenir. Au début, c'était dérangeant. Incommodant pour moi, qui n'étais qu'un simple adolescent faussement bien dans sa peau et qui aspirais juste à une vie simple.
Et puis, sans trop le réaliser, j'étais tombé amoureux. Fou de lui, de ses rires, de sa voix, de son être tout entier. À tel point qu'il m'avait forcé à regarder en face mon homosexualité, que j'avais fini par accepter après une phase de déni. Et on s'était mis ensemble. En couple.
Depuis, la vie avait continué son cours. J'avais quitté le lycée pour l'université, tandis que lui avait continué de tourner dans des films, et de paraître sur les plateaux télés qui l'invitaient. J'avais fini par tout avouer à mon père, aussi. Par lui dire que j'aimais les hommes. Mais que par-dessus tout, j'aimais Taehyung. Et Dieu sait que ça n'avait pas été évident pour moi. Finalement, il l'avait accepté, et à peine quelques mois plus tard, à la rentrée de ma deuxième année de fac, j'avais emménagé chez l'acteur. Son appartement était plus proche de mon université, et mon père n'avait absolument pas les moyens de me payer un studio dans la mégalopole qu'est Séoul.
Alors j'en étais là.
À vivre depuis deux ans avec l'homme que j'aimais.
Ok, la licence que je suivais à la fac ne me passionnait pas des masses. Ok, je pouvais même dire que j'allais à l'université en traînant des pieds, uniquement pour voir les quelques amis que je m'étais faits là-bas. Ok, je ne faisais pas vraiment ce qui me plaisait.
Mais malgré tout, j'étais aux côtés de Taehyung, et ça, ça valait bien tout le bonheur du monde.
___________
22h32.
Les pâtes que j'avais préparées reposaient sur la table basse, sûrement froides depuis le temps.
Je soupirai en regardant une énième fois l'heure. Qu'est-ce qu'il fichait, bon sang ? Taehyung était censé être rentré du travail depuis une bonne trentaine de minutes. Déjà qu'il terminait le boulot tard en ce moment...
Un soupir de frustration m'échappa lorsque mon ventre émit des drôles de gargouillis. J'avais faim. Mon plat de pâtes froides qui reposait en face de moi me donnait l'eau à la bouche, et je dus me faire violence pour ne pas le dévorer sur le champ. Je voulais attendre que Taehyung rentre pour manger avec lui. Alors à la place, je cessai de ronger mon frein et j'allais resservir une portion de croquettes à Yeontan, qui me remercia en poussant des jappements excités. Puis, pour tuer le temps, j'allumai la télé, en zappant sans grand intérêt les chaînes sur le grand écran plat.
Nul, pas intéressant, nul, pub, nul, anxiogène, nul...
Décidément, la télé c'était de pire en pire....
Le bruit caractéristique des clés qu'on tourne dans la serrure retentit alors, et je me redressai d'un coup.
« Je suis rentré ! »
Il retira son manteau et se déchaussa, puis sa tête que j'aimais tant apparut dans la pièce.
« Excuse-moi pour le retard, la dernière scène a été plus longue que prévu. »
Je secouai la tête pour lui faire signe que ce n'était rien, et il vint se poster derrière le canapé, avant de se pencher pour me faire un petit bisou sur le front qui me fit instantanément sourire de bonheur.
« Tu as passé une bonne journée ?
- Hm, j'ai pas fait grand-chose. » répondis-je simplement.
Il ne rajouta rien là-dessus, et en même temps, il faut dire que depuis que les cours de la fac étaient terminés, j'avais rarement un emploi du temps très palpitant. Je sortais voir des amis de temps en temps, mais rien de plus. J'attendais juste les résultats de mes partiels en priant pour ne pas être envoyé au rattrapage, auquel cas mes vacances prendraient vite fin. Mes journées étaient globalement affreusement vides.
Taehyung glissa une main dans mes cheveux, et regarda la télé en demandant :
« Tu regardais quoi ?
- Rien. Je t'attendais. Je nous ai fait à manger. »
Son regard tomba alors sur les deux bols de pâtes froides, et il ouvrit la bouche dans un petit « oh ». Il contourna le canapé pour venir s'asseoir à côté de moi, et se saisit d'un d'entre eux dans un petit soupir épuisé.
« Merci. »
Il commença à manger, tandis que je saisissais à mon tour mon plat.
Il avait l'air fatigué. Sa mine était morne, et son regard habituellement si vif avait quelque chose de plus voilé. Je n'aimais pas ça.
« Tu veux pas réchauffer ton bol ? proposai-je alors qu'il glissait une fourchette de pâtes froides entre ses lèvres.
- Pas besoin, ça ira. »
Habituellement, il les réchauffait toujours. Ça commençait à m'inquiéter.
Du coin de l'œil, je l'observais donc manger pendant que j'en faisais distraitement de même de mon côté. Un peu trop distraitement même, si on prend en compte le fait que je manquai de peu de louper ma bouche et d'en foutre partout. Une pâte tomba sur le canapé à côté de moi, et je la récupérai en grognant mentalement.
Jeon Jungkook, 21 ans, et toujours pas fichu de manger correctement. Enchanté.
Je la disposai sur la table basse en face de nous, ayant très peu envie de manger les poils de Yeontan qui parsemaient malgré nous le canapé, puis n'y tenant plus, je lançai finalement à Taehyung :
« Ça s'est bien passé au boulot aujourd'hui ?
- Hm. »
Il haussa simplement les épaules, et ne rajouta rien.
Bon.
On tente autre chose.
« T'as pas l'air dans ton assiette. » lançai-je alors plus directement.
Cette fois-ci, il releva le regard vers moi. Un nouveau soupir lui échappa, puis il fouilla dans sa poche pour en sortir son téléphone avant de me le tendre, ouvert sur une page internet.
« Lis ça. »
Je le saisis, et parcourus curieusement les lignes des yeux. Rien que le titre de l'article me suffit pour comprendre. Encore un article sur la prétendue relation de l'acteur Kim Taehyung avec un mystérieux jeune homme. Agacé par ce que je venais de voir, je verrouillai son portable sans prendre la peine d'en lire plus et plantai mon regard dans le sien.
« Laisse-les parler Tae. Tu sais très bien que de toute manière, ils n'arrêteront pas. Arrête de te prendre la tête avec ça. Qu'ils continuent à répandre leurs rumeurs stupides si ça les amuse.
- Ouais, sauf que leurs rumeurs stupides, en plus d'être vraies, elles prennent tellement d'ampleur que l'autre jour un journaliste m'a posé une question là-dessus alors que ce n'était pas du tout le sujet de l'interview, grogna Taehyung en récupérant son téléphone. Bientôt ce seront des chaînes qui vont refuser de me recevoir parce que je suis soi-disant gay.
- Exagère pas. Ils ont aucune preuve.
- Pour certains, me voir rentrer dans une chambre d'hôtel main dans la main avec un autre homme c'est une preuve suffisante... » grommela-t-il en rangeant son portable dans sa poche.
Je soupirai.
Vivre avec Taehyung, être en couple avec lui, tout ça, oui, c'était génial. Mais à côté, il y avait malheureusement des inconvénients. Et autant vous dire que même en sachant qu'il était une personnalité publique et que ça pourrait influer sur certaines choses, jamais je n'avais imaginé que ce serait à ce point.
Au début, ça avait commencé doucement. Des photos de nous à l'aéroport lorsqu'on était partis en vacances à Rome. Des photos de fans qui le reconnaissaient quand on sortait tous les deux et qui circulaient sur les réseaux. Quelques spéculations par-ci par-là déjà un peu irritantes, mais rien de bien méchant en soi.
Et puis, il y avait eu Jeju, et là, tout s'était décuplé. Aux dernières vacances, Taehyung et moi avions décidé de partir un week-end sur l'île, juste pour se faire des petites vacances en amoureux. Des vacances tranquilles. Sauf qu'il avait fallu qu'un paparazzi vienne nous prendre en photo alors qu'on rentrait dans notre chambre d'hôtel main dans la main. La photo était sortie, et la presse people s'était empressée de lui sauter dessus pour raviver les rumeurs naissantes sur l'acteur qui était souvent vu en compagnie d'un jeune homme.
Et si déjà, moi, j'avais mal vécu cette intrusion dans ma vie privée, pour Taehyung j'avais l'impression que c'était encore pire. Il avait été d'une humeur exécrable pendant toute la semaine qui avait suivi la parution de la photo dans les médias, et depuis, il paraissait plus nerveux. Plus irritable.
Ces paparazzis me laissaient un goût amer dans la bouche.
Là, ce soir, je n'avais pas envie de ça. Pas encore, pas une énième discussion qui ne menait à rien puisque de toute façon, on ne pouvait rien y faire.
Alors, après ce léger soupir, je me rapprochai de Taehyung et passai mon bras autour de son cou avant de blottir ma tête contre son épaule. Je lui flanquai un petit baiser sur la joue, et lui soufflai d'un ton qui se voulait réconfortant :
« Allez, arrête de te torturer l'esprit avec ça pour ce soir. Il est trop tard pour se brûler les neurones.
- Ah, parce qu'il y a une heure pour réfléchir maintenant ?
- Parfaitement. »
Il leva les yeux aux ciels en s'arrachant un léger sourire qui me mit le baume au cœur, puis sa main vint finalement encercler ma taille.
« Hm. Tu as raison, allons nous coucher. »
___________
J'adorais être avec Taehyung.
Peu importe la situation, sa présence suffisait toujours à me réjouir, à me donner le sourire, ou encore à m'apaiser. Mais il y avait un moment que j'aimais tout particulièrement. Et ce moment, c'était la nuit, quand on était tous les deux dans le lit et que la lumière était éteinte. J'adorais cet instant de tendresse, où on se prenait dans les bras et où on se câlinait parfois en silence, parfois en parlant doucement de tout et de rien.
Et c'était un de ces moments que je vivais actuellement.
Confortablement calé contre le torse de Taehyung, sa main jouant distraitement avec mes cheveux et son corps chaud contre le mien, je me sentais bien. Détendu. Apaisé. Comme dans une grosse couverture en plein hiver.
Bon, sauf que là on était bientôt en été et que l'air était plutôt chaud, mais vous avez capté l'idée quoi.
Il ne manquait plus qu'une petite berceuse et je partais directement au pays des rêves.
« Au fait, Kook... »
Je relevai légèrement la tête vers lui, pour lui faire signe que je l'écoutais.
« C'est demain ton entretien d'embauche, c'est ça ? »
Oh. Crotte. Sujet qui fâche en vue. Je retins de peu un rire à moitié nerveux et à moitié amer, et je me contentai de secouer la tête de droite à gauche en haussant les épaules.
« Non, c'était aujourd'hui, lançai-je simplement.
- Quoi ? »
Il se redressa, me faisant grogner d'inconfort lorsque ma tête jusqu'ici parfaitement calée manqua de tomber sur le matelas.
« Pourquoi tu ne m'as rien dit ? »
Peut-être parce qu'il s'était franchement mal passé, et que la raison pour laquelle il s'était mal passé était exactement la même que celle qui le foutait en rogne tous les soirs. Taehyung n'avait très clairement pas besoin de savoir ça. Et puis, personnellement, j'avais juste envie d'oublier ce moment désagréable de ma vie.
Alors simplement, je me reblottis confortablement contre lui, et je répondis d'un air détaché :
« Bah, ça s'est pas très bien passé. Je pense pas qu'ils vont me prendre.
- Kook...
- J'ai pas envie d'en parler. Câlin. »
Il ne répondit rien, et je sentis ses bras venir m'étreindre plus franchement, tandis qu'il reprit ses petites caresses réconfortantes dans mes cheveux. Le silence s'installa, agréable. Voilà, c'était précisément ça que j'adorais.
Ces moments de tendresse pure, où il n'y avait pas forcément besoin de mots, et où on était juste ensemble, tous les deux. Mon cœur s'enveloppa d'une douce chaleur, et je murmurai après un moment :
« Je t'aime. »
Il ne répondit pas tout de suite, mais son discret soufflement de nez attendri ne m'échappa pas. Il cessa un instant ses caresses pour venir placer son visage en face du mien, puis, après un regard doux, il déposa chastement ses lèvres contre les miennes.
« Je t'aime aussi. » murmura-t-il.
Je souris, sûrement un peu niaisement. Lui aussi, il souriait, alors ce n'était pas bien grave.
Je passais mon bras autour de sa taille moi aussi, avant de me laisser aller contre son torse, les bras de Morphée prêts à m'accueillir. Je crois qu'il en était de même pour lui.
Enfin, voilà : c'était ça ma vie. Une vie de jeune homme qui galérait un peu avec ses études, mais qui était accompagné de l'homme qu'il aimait, et qui avait la chance de s'endormir chaque soir dans ses bras.
Alors, franchement, je ne voyais pas de raison de ne pas être heureux.
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Et me revoilà, avec ce premier chapitre de Rumors !
Je suis tellement contente de poster de nouveau, vous n'imaginez pas à quel point ça m'avait manqué ! J'espère sincèrement que cette nouvelle histoire vous plaira, et j'ai hâte de vous la partager !! 〜(꒪꒳꒪)〜
On retrouve donc Jungkook et Taehyung quatre ans plus tard !
Surpris de ce qu'on voit d'eux pour l'instant ou pas ? Des ressentis ? Avis sur ce premier chapitre ?👀
Je suis curieuse hehe
Enfin bref, je ne vais pas m'éterniser d'avantage, et je vous dis à dimanche prochain pour la suite, en espérant que cette nouvelle aventure vous plaira ! ♡♡
( Un grand merci à Anuryane, __un_cafe_ et Aveny_de_Girondif qui m'aident sur cette histoire en corrigeant les fautes et en lisant les chapitres à l'avance pour éviter des incohérences et tout ça ! Coeur sur vous, merci de vous être proposées ♡♡ )
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