Chapitre 22 : Mensonges et révélations
"- On pourrait croire que tu as vu un fantôme..."
Emily me détaille comme une bête curieuse. Je dois sans doute faire une drôle de tête. Dois-je lui parler des voix ? Avant que je ne mette fin moi même à ce débat interne, elle me tend les archives d'un air sérieux, avant d'ajouter.
"- Tu les as entendues n'est-ce pas ?"
Elle savait, pourquoi m'a-t-elle fait passer par là dans ce cas ? J'attrape la pile de carnets qu'elle tient, avant de répondre.
"- Oui... Tu aurais pu me prévenir...
- Je ne savais pas si j'étais la seule à les entendre...
- Apparemment pas. Qu'est-ce que tu sais et que tu ne m'as pas encore dit ?
- Et toi ? Tu es blanc comme neige toi ?"
Je détourne le regard. Non, loin de là. Un silence de plomb s'abat sur nous. Plus froidement que je ne le voulais, je commence à trier les différentes notes dans un ordre chronologique. Un petit son sec que des tympans humains n'auraient pas perçu me fait sortir de ma concentration. Je jette un oeil à Emily. De petites perles cristallines reflètent les flammes des lampes sur ses joues. C'est la deuxième fois que je la vois pleurer, j'ai vraiment un don pour la mettre dans cet état on dirait... Je n'arrive cependant pas à cerner la cause de sa soudaine tristesse. J'attrape une des couvertures et lui couvre les épaules. Suis-je un monstre à ce point là ?
"- Je suis désolé si...
- C'est pas toi. Juste, je n'en peux plus.
- Je ne comprends pas.
- Quand cela fera des années que tu vivras dans la crainte tu comprendras, Alek. Ces voix me hantent depuis trop longtemps. Je ne les supporte plus. Je ne dors que lorsque je suis épuisée, car dès que je ferme un oeil, elles viennent me tourmenter..."
Maladroitement, je prends Emily dans mes bras. Je me prépare à un coup de griffe, mais finalement, cette dernière se laisse complètement aller. Je ne saurai dire combien de temps elle a bien pu pleurer ainsi sur mon épaule, mais j'ai cru que le temps s'était arrêté. Je repense à la fois où elle m'a raconté son histoire. Personne n'a jamais été là pour partager ses peurs. Alors que ses sanglots semblent s'espacer, je l'entends murmurer.
"- Si tu tiens à Alys, ne la laisse pas s'engouffrer dans cette histoire. Tu sais comme moi que c'est déjà trop tard quand on se rend compte qu'on aurait dû s'abstenir.
- Je sais, c'est pour ça que je m'éloigne moi aussi. On doit trouver quelque chose à lui mettre sous la dent pour qu'elle arrête...
- Elle n'arrêtera pas. Car tu continueras à me parler, et surtout, tu continueras de venir ici. Tu verras. J'ai déjà essayé d'abandonner cette maison avant toi, mais c'est pire.
- Tu dois me dire comment tu sais qu'elle fait des recherches.
- Ses archives empestent le vieux papier à des kilomètres, et son odeur est aussi dessus."
Je ne saurais dire pourquoi, mais sa réponse résonne comme un mensonge. Que veut-elle à tout prix cacher ? Je décide de jouer franc-jeu. Si je suis honnête, peut-être qu'elle sera plus confiante à mon égard.
"- Je dois te dire, cette maison ne me manque vraiment pas... Car il se passe des choses aussi dans la mienne."
Emily relève vivement la tête et bondit en arrière, les yeux incandescents de colère.
"- Tu te fous de moi ? rage-t-elle
- Non. Un second livre est apparu dans ma chambre. Il ne s'entend pas avec celui que tu m'as donné.
- Comment-ça "ne s'entend pas" ?
- Ils sont vivants Emily. Ils se battent."
Ces derniers mots prononcés, je me revois à l'infirmerie, bardé de blessures. Soudain tout prend son sens. Je ferme les yeux et hume l'atmosphère qui m'entoure. Les archives sentent fort, c'est vrai. Mais l'odeur d'Alys est à peine présente, pas assez pour en tirer d'aussi solides conclusions. Une autre odeur me fait frémir, je la sens depuis le début, je la reconnais. Une odeur bestiale, une odeur de chien. J'ouvre les yeux sur Emily, qui me fusille du regard. Sur sa couverture s'entremêlent des poils dont l'appartenance ne fait plus aucun doute.
"-Inconnue. C'est toi Emily. Pourquoi tu viens te réfugier chez moi ?
- Je ne sais pas de quoi tu me parle. grogne-t-elle sur la défensive.
- Tu es le rottweiler que je nourris régulièrement.
- Non. Je t'ai déjà dit qu'il y avait des chiens errants dans la rue.
- Arrêtes ça, pourquoi c'est si important pour toi de me le cacher ? Comment tu fais ? Comment cela se fait que je ne puisse pas me changer en chien aussi ?
- Alek je viens de te dire que ce n'est pas moi ! rugit-elle
- Mais tu mens ! je hurle hors de moi."
L'écho de ma voix résonne dans le silence. Emily me fixe, l'air mauvais, et les yeux brillants de haine. Avant que je ne comprenne ce qu'il se passe, je la vois bondir de sa couverture, toutes griffes dehors. J'ai le temps de pousser un râle tout sauf humain, avant de sentir mon sang ruisseler le long de mon visage qu'elle vient d'attaquer. Elle est rapide, la garce. Je passe une main sur ma joue, elle n'y est pas allé de main morte. Je la foudroie du regard alors qu'elle se terre dans un coin, souillant les archives de mon sang qui perle à ses ongles. Une chose est sûre, je devrais dire à Alys que je les ai égarées. Impossible de les lui rendre dans cet état. Je commence à rassembler les carnets encore propres, et me dirige vers la porte. Cette soirée ne m'a apporté que des problèmes, et hors de question que je risque une seconde fois ma vie en passant par la fenêtre. Emily m'arrête.
"- Tu aurais dû me parler des livres...Et des archives...
- C'est cela oui. je lâche, les mâchoires serrées."
Je commence à tourner la poignée de la vieille porte qui tient je ne sais comment. Quand Emily reprend, d'une voix chevrotante.
"- La sorcière, elle vivait ici... C'est écrit là.
- On le savait déjà. dis-je froidement.
- C'est une lettre d'amour, elle espérait retrouver un homme qui vivrait des siècles plus tard. Un certain léonard."
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