Chapitre 20 (spécial) : Mouvement

(Voici un chapitre un peu particulier, puisque j'ai laissé la narration à notre chère Alys. J'espère que cette petite expérimentation vous plaira. Si vous souhaitez (ou pas) davantage de chapitres "spéciaux" après ça, n'hésitez pas à m'en faire part.  Je travaille l'intrigue en fonction ;-P .)

§ Alys §

Un peu tremblante, je raccroche et pose mon téléphone sur le canapé. Je ne pensais pas que mon secret serait si difficile à garder. Peut-être que j'en demande trop à Alek ? Si déjà il fait des recherches avec Emily, peut-être que m'incruster dans cette équation n'était pas la meilleure chose à faire. Je lui mets la pression... Après tout, tout ce que je voulais, c'était me rapprocher de lui, partager quelque chose. Mais depuis que j'ai mit mon nez dans ses affaires, il est encore plus distant. Que peut-il bien y avoir dans cette atroce maison ? Et que s'est-il passé ce soir ? En y repensant bien, je crois me souvenir qu'il y'avait en effet une histoire étrange concernant la sorcière : Une histoire de rivalité, avec un homme mystérieux. Les villageois de l'époque le voyaient lui aussi comme un sorcier. Ce que je ne sais pas en revanche... C'est la nature du désaccord. Une main sur mon épaule me tire de mes réflexions. Sam me regarde, perplexe. Il voit très bien que cet appel m'a quelque peu déboussolée.

"- Guten abend." dis-je avec un demi sourire.

Sam souri à son tour.

"- Wie geht es Ihnen ?

- Ça va, ça va... Je suis juste fatiguée Sam."

Sam m'adresse un clin d'oeil, il aime faire du zèle en allemand, tout autant que moi d'ailleurs. Je m'attends à ce qu'il aille se coucher, mais il vient s'assoir sur le canapé et me montre la bibliothèque du salon. Nous sommes dans une auberge à l'ancienne, et les livres ont l'air vieux. 

"- Qu'est-ce que tu veux Sam ?

- Moi ? Pas grand chose, mais je sais que tu as laissé des vieux bouquins chez Alek, j'ai entendu votre conversation en arrivant.

- Pardon ?

- Ce que je veux dire, c'est que si tu veux lire des vieilleries tu en as tout plein devant toi."

Avec un nouveau sourire, il se lève et quitte le salon en m'ébouriffant les cheveux. Je déteste ça, mais je n'ai aucune répartie. Alors que je suis seule dans le salon, je regarde les flammes dansantes dans la vieille cheminée en pierre. Tout le monde est parti se coucher, il n'y a plus que moi. Je n'ai pas sommeil, je meurs d'envie de savoir ce qu'a trouvé Emily, et en quoi cela perturbe Alek au point de m'appeler sans forfait. Un peu engourdie, je me lève et observe les vieux livres de la petite étagère. Je ne sais même pas si mon niveau d'allemand me permet de lire ce genre d'ouvrage. Sam ne sait rien de mes recherches, et heureusement qu'il n'a rien compris de notre discussion avec Alek. Mais malgré cela qui devrait me rassurer, pourquoi ai-je l'impression d'avoir mit un coup de pied dans une fourmilière ?

Pensive je parcours les tranches usées des vieux bouquins. Soudain un détail m'attire, l'un des livres s'intitule "Bewegung". En français cela signifie "mouvement". Je ne sais pas si c'est parce que cela me fait penser à Mouvants, mais j'extirpe l'ouvrage de l'étagère. Je feuillette les pages poussiéreuses un moment : Il s'agit d'une thèse sur la mécanique du mouvement, et des forces physiques qui sont en jeu. Avec amusement, je constate que les formules sont plus ou moins les mêmes que celle que nous utilisons en cours. 

Heureuse d'avoir trouvé quelque chose de compréhensible, je m'installe dans le canapé pour me repaître de ces délectables calculs. Je me laisse porter par mes réflexions, après tout, qui de moi ou du canapé exerce la plus grande force de poussée sur l'autre ? Pages après pages, j'ai l'impression de comprendre parfaitement ce que je lis. Le livre est vraiment ancien, et certains passages sont complétés à main levée. Quelqu'un est passé avant moi pour couvrir ces pages de notes. 

Au bout d'une bonne heure, je suis arrivée à la moitié du livre. J'ai l'impression de connaître le physicien comme si j'avais fait cette thèse à ses cotés. Je reconnais chaque angle de son écriture, à tel point que je devine les pointes d'excitations à chaque fin de démonstration, car ses lettres sont bien moins jolies, elles sont faites à la hâte. 

Alors que je m'amuse à étudier la graphologie de ce grand physicien, un détail me choque. Entre deux schémas, un paragraphe est écrit à la va-vite, et les angles des lettres me paraissent accentués. Et finalement le plus étonnant, c'est en fait que le paragraphe est écrit en français : "Mouvants recèle de secrets, et la rue Long-château est maudite. Cette rue cache un sombre secret, et lorsque que la nuit tombe, les chiens errants sortent et deviennent notre pire cauchemar...  Léonard". 

Un instant je reste béate, quelqu'un a écrit dans ce livre avant que j'y touche. Ce Léonard n'a rien à voir avec le brillant étudiant en physique que je me plaisait à lire. Je relis le titre sur la tranche : Mouvement... Cela ne peut pas être un hasard. Mais comment ici, en plein milieu de la campagne allemande, quelqu'un de Mouvants a-t-il pu écrire ceci dans un livre ? Et surtout, pourquoi ? J'ai soudain la tête qui tourne. Quelqu'un de Mouvants est venu ici, et a caché un message sachant, ou espérant que quelqu'un le lise. 

J'entends des pas sur le parquet grinçant du couloir, je lève les yeux et regarde par dessus le dossier du canapé. Sam est de retour, avec une brique de lait et des verres.

"- J'étais sûr que tu n'irais pas dormir si tu commençais un livre."

Je m'empresse de refermer la thèse, et pars la ranger un peu précipitamment. Sam lève un sourcil, suspicieux. D'un signe de tête je lui montre le lait.

"-Je ne voudrais pas en renverser dessus."

Je ne suis pas une mauvaise menteuse semble-t-il car il acquiesce et me remplit un verre. De sa poche, il sors un paquet de bretzels. Depuis qu'il a posé un orteil sur le territoire allemand, il ne jure que par ça. Je ne peux m'empêcher d'afficher un sourire moqueur, duquel il tente en vain de se défendre.

"- Il faut manger local !"

J'acquiesce, et lui dis que je devrais en ramener à Alek. Curieusement, je perçois un voile sombre passer dans son regard.

"- Quelque chose ne va pas ?

- Non non, parles-moi plutôt de ta lecture."

Je bois une gorgée de lait, et commence à lui exposer la thèse des forces et des mouvements, en omettant bien sûr le message de Léonard.

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