Chapitre 15 : L'histoire se répète


Une main s'abat fermement sur mon épaule. Je sursaute et me retourne. Harold est sorti de l'eau et me toise avec une expression que je ne saurai déchiffrer. Je vois du coin de l'oeil Alys le foudroyer du regard. Je suis perplexe.

"-Tout va bien Harold ?

-Vous devriez venir vous baigner avant que le temps ne se rafraîchisse."

Le ton d'Harold est relativement dur. Alys nous dépasse d'un pas furibond et plonge dans le lac. Harold me lance un nouveau regard étrangement froid, puis retourne à l'eau. J'aperçois Sam, plus loin, me faire signe de les rejoindre. Mais tout compte fait je n'ai plus envie de me baigner. Je salue Alys de loin et disparaît. 

Je décide de m'arrêter devant la maison. Je sais qu'Emily est encore là. J'appuis ma mobylette contre une vieille boite à lettres rouillée, puis avance vers la porte entrouverte. Dans le salon je trouve mon acolyte, observant la fresque. Je lui adresse un signe de tête et m'éloigne dans une petite pièce. Je n'ai même pas envie de la questionner à propos d'inconnue, je ne suis pas d'humeur.

Je suis resté enfermé à broyer du noir jusqu'à a nuit tombée. Sur un des murs, je gratte le vieux ciment avec mes griffes. Dans le reflet d'une vitre cassée, je reconnais mes yeux violets, prêts à percer l'obscurité. J'ai soudain envie de sortir, et qu'importe mon apparence. Je pousse la porte qui s'ouvre en grinçant. Emily est étendue au sol, elle s'est endormie devant la fresque. Sans un bruit je quitte la maison et commence à errer dans les rues de Mouvants. 

Après plusieurs heures de marche je me retrouve à Cieti-Bourg, je me rends compte que je ne sais pas comment je suis arrivé là. Tout en relevant la capuche de mon sweat, j'observes les alentours. Sur la place où plus tôt je dégustait une glace avec Alys, la fontaine est éteinte. Tout est silencieux, à l'exception de deux hommes baraqués qui s'approchent de moi. 

"-T'as de l'argent ?"

L'un des hommes me saisi le bras, serrant un peu fort à mon goût. Il répète sa question mais je ne réponds pas. Je reste immobile, de dos. Mes yeux me brulent, je ferme les paupières afin de cacher la lueur que je sens apparaître. L'homme me secoue, et réitère sa demande avec véhémence. L'autre commence à vouloir m'immobiliser. S'ils savaient... Je ne suis pas d'humeur. A cet instant je ne contrôle plus ma rage, je me retourne les yeux brillants. Mes griffes dépassent des manches de mon sweat. Les hommes ont un mouvement de recul, mais après un échange de regard entre eux je les vois fondre sur moi. Je ne peux réprimer un grognement rauque. Ma main droite empoigne le bras de mon premier ravisseur, tandis que je bondit avec agilité sur le deuxième. Les deux agresseurs se retrouvent au sol, ahuris, l'un d'eux se tenant le bras ensanglanté. Un autre grognement se fait entendre, j'ai presque l'impression d'avoir aboyé. Je cours sans me retourner, je dois regagner la maison.

Alors que je passe la porte d'entrée, Emily se lève et se précipite vers moi, furieuse.

"-Tu es sorti comme ça ?! Alek qu'est-ce que tu as fait ?!"

Je lève les yeux au ciel et lui marmonne un "rien" presque inaudible. Je retourne m'enfermer dans ma petite pièce. A présent, des meubles sont apparus, il y'a une petite bibliothèque ainsi q'un sofa en velours kaki. Je m'étends sur ce dernier et ne tarde pas à m'endormir.

* * *

Le lendemain matin, j'ouvre les yeux sur le visage courroucé d'Emily. Je suis allongé par terre, toisé avec mécontentement. Je ne sais absolument pas quelle heure il est, mais je constate que le soleil est déjà haut dans le ciel. Un bruissement désagréable attire mon attention. Emily agite un journal sous mes yeux. A coté de la plaque je lui demande :

"-Tu lis le journal toi ?"

Emily ouvre grand les yeux, visiblement outrée. Elle feuillette le pauvre papier manquant d'arracher des pages avec ses griffes, puis me tend une photo. Je crois reconnaitre les deux hommes de la nuit dernière, mais surtout je reconnais mon vigoureux coup de patte. Emily est tellement crispée que je peux voir les muscles de sa mâchoire trembler de rage. J'ouvre la bouche pour tenter de m'expliquer, mais elle me coupe la parole d'un ton sec.

"-Je lis le journal quand je sens que tu fais des conneries Alek ! Dis-toi qu'il y quelques années j'ai eu affaire à la même situation, puis j'ai bien failli me faire prendre. Et ma réputation ne m'aide en rien.

-Alors tu t'inquiètes pour moi ?

-Absolument pas, au moins on sait pourquoi tu n'es pas la tête la plus futée ! Le témoignage dit que les hommes ne savent pas si tu était une femme ou un homme. Alors réfléchis, je m'inquiète pour moi. Je suis déjà soupçonnée !"

Le titre indique "La bête est de retour à Cieti-Bourg".  Je suis une bête, un animal sanguinaire et enragé. Je sors de la maison, laissant Emily plantée là. Je redresse ma bécane et pars la ranger.

Sur mon perron, Alys m'attend les poings sur la taille, et frappant du pied. Je m'arrête à sa hauteur.

"- Salut... Avant que tu me le demandes, oui j'ai dormi dans la maison d'à coté."

Alys acquiesce silencieusement, et m'accompagne à a cabane. Sur un ton neutre elle finit par me répondre.

"- J'ai dormi chez mon cousin. Et officiellement, pour tes parents qui on vu ta bécane garée devant la maison, nous avons fait une soirée de rentrée avec Emily et Harold."

J'imagine que mes parents ont dû tiquer sur le fait que j'aurais pu ranger ma mobylette avant d'aller dans la maison. Mais je suis convaincu qu'Alys a su consolider mon histoire habilement. Alors que je referme la porte de l'abris, elle me frotte énergiquement le dos. La poussière...encore. Tout semble se répéter. Mon cauchemar me poursuit. J'ai agressé deux hommes, comme Emily auparavant. Alys me couvre, comme elle l'a déjà fait.

Je monte dans ma chambre le temps de poser mon portefeuille, et ainsi vérifier que je n'ai pas perdu la bague. Et, l'histoire se répète. Le gros livre vert est de retour.

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