Royce

Je regarde le cambouis se décoller de mes mains et disparaître avec le jet d'eau dans la bouche d'évacuation du lavabo. 

Une fois que mes doigts ne sentent plus le pétrole et l'huile de moteur je m'essuie sur la serviette de bourge extra rembourrée suspendue au mur et sors de la salle de bain des employés. 

J'ai terminé ma journée et je ne sais pas où est Chris mais si il pense que je vais l'attendre pour me barrer il peut se foutre les doigts bien profond là où je pense. 

Au dernières nouvelles, il devait aller chercher je ne sais quelle gosse de sa famille à l'aéroport. 

J'ai envie de rire en l'imaginant bloqué dans sa caisse avec une fille à papa capricieuse et coincée au possible. 

Merde, qu'est ce qu'il fout? 

J'ai même pas les clefs pour fermer le garage. Je m'attendais à trouver Dallas ici mais il a dû sortir en ville avec Boyd. Fait chier, jamais là quand on a besoin d'eux. 

Je pousse la porte pour sortir de cette salle qui empeste les produits nettoyants de riches. Avant de comprendre ce qu'il m'arrive, quelqu'un me fonce dedans.

Merde !

Une gamine s'écrase contre mon torse et titube en arrière sous l'impact. Par réflexe plus qu'autre chose, je tend les bras pour l'empêcher de s'exploser le crâne sur les marches. Je la redresse mais la relâche aussitôt.

Elle finit par se stabiliser toute seule et relève la tête.

Merde.

Qu'est-ce que Chris avait dit déjà ? « Une fille de ma famille ». 

L'enfoiré. 

Soit il se fout de ma gueule, soit il juge que ce ne sont pas mes affaires. 

Cette gamine est sa fille. 

C'est son putain de portrait craché. Les mêmes yeux d'un bleu cyan absurde et des boucles blondes beaucoup trop claires. Même ses cils sont blonds. Je ne savais pas que c'était possible avant de rencontrer Chris. 

Après, certains détails font la différence : comme des taches de rousseur sur un tout petit nez et des joues de poupée de porcelaine qui s'accordent avec sa petite bouche rose. Mais bon, je n'ignore pas que Chris n'a pas fait cette gosse tout seul. 

Merde, je songe vaguement que les gènes de Chris vont beaucoup mieux à une fille qu'à lui mais j'imagine que ce n'est pas super objectif comme réflexion.

En plus je la reconnais maintenant. 

Je l'ai vu plein de fois sur la photo encadrée, dans le bureau de son paternel. Sur le cliché elle devait avoir cinq ans et elle était déguisée en un genre d'Angelot de Noël mais je suis sûr que c'est elle. 

Là, elle doit avoir quinze ou seize ans maximum. C'est l'âge où elles sont les plus chiantes, surtout quand elles sont pleines aux as.

Je regarde ses yeux étranges se poser un peu partout sur moi et je me demande un instant si elle me mate. 

Mais en fait, elle est sûrement en train de compter avec désapprobation les déchirures et les taches de graisse sur mon jeans et mes boots. Peste. 

Te gènes pas, surtout. 

J'attends patiemment qu'elle ait fini son examen. 

Elle semble se rendre compte qu'elle m'a regardé plus longtemps que le code de courtoisie de ces bourgeois ne l'autorise parce qu'elle relève brusquement la tête vers mes yeux...et s'empourpre d'un seul coup. 

Vraiment, ses joues sont en feu. C'est poilant. Peut-être qu'elle me matait tout compte fait. Je ne sais pas ce que ça me ferait.

- Excusez-moi.

Je suis un instant surpris devant son accent anglais très prononcé. Je ne savais pas que Chris avait de la famille en Angleterre. Je trouve que ça lui donne l'air encore plus snob. 

Wow. 

Pourquoi elle demande pardon? Ce genre de fille ne s'excuse jamais. Pas avec les gens comme moi en tout cas. Je ne sais même pas de quoi elle parle. Et elle m'a vouvoyé. Personne ne me vouvoie jamais. Elle est super bizarre.

- Pourquoi tu t'excuses ?

Elle tressaille comme si elle avait jamais entendu de voix d'homme. Sérieusement, elle sort d'où cette fille ?

- Euh...pour courir sans regarder devant moi ?

Là, elle a vraiment l'air mal. 

D'ailleurs elle ne regarde même pas mes yeux mais fixe un point vers mes sourcils. Elle doit être très timide. 

Je m'amuserai bien avec elle mais je ne pense pas que ça plairait à son cher papa qui se trouve pour le moment être ma principale source de revenu. 

Comme si elle avait entendu mes pensées, elle redresse vivement le menton et se détourne pour aller ramasser sa valise en bas des marches. Là, j'ai vraiment du mal a rester impassible. 

 Ses bagages sont décorés d'un personnage de dessin animé féminin dans les tons rose. J'ai peut-être surestimé son âge finalement. 

 Elle prend la même teinte que sa valise en comprenant le chemin de mes pensées. 

Je la regarde galérer à remonter les marches. Je devrais peut-être proposer de porter sa valise. Elle a l'air de peser une tonne. Mais merde ! Bien sûr que non. Ça sort d'où ça ? Je suis pas majordome, qu'elle se démerde. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top