Chapitre 88
Contrairement à ce que j'imaginais, la cour est plongée dans la pénombre quand Royce gare sa Camaro en plein milieu. Seuls les phares encore allumés de la voiture évitent une totale obscurité. J'étais pourtant certaine que Chris serait posté sur le porche, prêt à me faire la morale. Je suis soulagée de m'être trompée. À travers ma vitre ouverte, je distingue vaguement les formes floues de quelques chevaux encore éveillés dans le pré. La silhouette du fantôme reste invisible, je devine qu'il est encore terré dans l'abri. Hélas, je ne pourrais pas lui tenir compagnie ce soir, j'ai un feu follet mate à boucles qui m'attend sûrement dans ma chambre en préparant un petit laïus anti Royce. Ce dernier vient de tirer le frein à main et ouvre sa portière pour s'extirper de son siège.
Je fais de même, surprise qu'il ne fasse pas simplement demi tour après avoir déposé son paquet, à savoir moi. Rambo, qui devait attendre un peu plus loin, se précipite pour saluer son maître et j'essaye de toutes mes forces d'empêcher mon coeur de dégouliner comme une glace fondue quand Royce se penche pour lui flatter rapidement le poil. Je salue également le chien et l'embrasse sur la tête avant que mon mécanicien ne le fasse grimper sur la banquette arrière.
Je reste plantée à côté du véhicule en le regardant se diriger vers le coffre. Il en retire un bidon rempli d'un liquide violet et revient vers l'avant ouvrir son capot.
Je devrais sûrement dire bonne nuit et m'en aller. Dans quelques secondes, chronomètre en mains, il me lancera un courtois "Qu'est-ce que tu fais encore là, la môme?" et je préfère éviter.
Pourtant, c'est plus fort que moi, je reste immobile à côté de lui, les yeux rivés sur son dos alors qu'il déverse une partie du liquide coloré dans le réservoir approprié. Quand il a fini, il claque avec précaution le capot et jette le bidon presque vide dans son coffre avant de revenir vers moi. Il ne dit rien pendant une minute entière durant laquelle il m'observe, l'air songeur, alors que je gigote et danse d'un pied sur l'autre, mal à l'aise. Royce est ce genre de personne qui peut se permettre de prolonger un silence, voire même s'en repaître, sans ressentir la moindre gène. Ce sentiment lui est sûrement étranger, comme beaucoup d'autres, à mon avis.
En quelque sorte, il y a lui d'un côté, et le monde de l'autre, cette limite qui prend des allures de mur infranchissable est ce qui le rend hermétique aux réactions des autres. Reste à savoir s'il y a une brèche ou une échelle pour l'escalader.
- Donne ton portable, lâche soudain Royce, brisant la quiétude nocturne seulement nuancée par les discussions enjouées des cigales et le ronronnement du filtre de la piscine.
Mes yeux s'agrandissent alors qu'un point d'interrogation invisible flotte au dessus de ma tête mais Royce ne donne pas de précision et je lui tends mon téléphone portable sans rechigner, curieuse.
Je n'ai pas de code et il le déverrouille d'un geste du pouce. Il marque un temps d'arrêt devant le selfie de Nathan et moi qui tient lieu de fond d'écran, puis compose un numéro. Je comprends ce qu'il fait quand son propre appareil se met à vibrer dans sa poche. Il raccroche et me rend mon portable que je range , le coeur battant. Il m'a donné son numéro. Il a pris mon numéro. Je m'accorde trente secondes pour m'enthousiasmer comme la midinette au coeur d'artichaut que je suis devenue sans le faire exprès et décortiquer ce geste. Quand un homme vous donne son numéro, c'est bon signe, non? Je ne sais pas si Royce se rend compte que je ne peux pas m'empêcher d'édulcorer ses intentions ou s'il perçoit simplement le roulement de tambour aussi effréné que ridicule qui se joue dans ma poitrine mais il se charge de tempérer mes ardeurs.
- T'emballe pas. C'est juste en cas d'urgence, la miss. Pour que t'ailles pas emmerder Diego si sa connasse de soeur te traîne encore à une fête où t'as rien à faire.
Je n'ai pas le temps de relever parce qu'une voix outrée retentit derrière mon épaule.
- Tu sais ce qu'elle te dit la connasse?
Je sursaute en me retournant pour tomber sur Mia qui se tient juste derrière moi et fusille mon mécanicien du regard. Littéralement. Si elle avait des revolvers à la place des yeux, Royce serait sûrement mort. Enfin, la plupart du temps j'ai l'impression qu'il est bâti dans du roc, donc peut-être pas. Il ne cille même pas en se rendant compte de la présence de mon amie. Il ne répond pas non plus à sa provocation et lui décoche un regard vide.
- Salut Mia, je lâche avec un sourire pour détendre l'atmosphère toxique qui s'est installée et obliger la brune à se concentrer sur moi.
Ca marche. Un peu, du moins. Mia reporte son attention sur ma personne et son expression s'adoucit quand elle me sourit, bien qu'elle ne décroise pas les bras immédiatement. Elle finit par soupirer et venir vers moi en se raidissant légèrement parce que la manœuvre la rapproche également de Royce, qui ne daigne pas bouger. Elle parvient à m'embrasser sur la joue tout en continuant de mitrailler mon mécanicien indifférent du regard.
- Salut Lily, répond elle. Je suis arrivée il y a une heure et j'ai appris que t'étais sortie. Je me suis inquiétée.
- Il fallait pas, je réponds sans pouvoir m'empêcher d'être touchée, j'étais avec Royce.
- Justement !
Je soupire et Royce se raidit à côté de moi avant de répliquer d'une voix réfrigérante.
- Tu t'inquiétais un peu moins à cette putain de fête quand tu l'as laissée seule alors qu'elle était complètement déchirée pour t'envoyer en l'air.
Mia pince aussitôt les lèvres, à cours de répartie alors que la culpabilité ternit ses prunelles d'un brun lumineux. Elle semble oublier la présence de Royce pendant un instant et se tourne vers moi.
- Je suis désolée pour ça Lily. Vraiment! Je voulais passer il y a deux jours pour te le dire mais j'étais overbookée avec mes deux tafs.
Cette fois c'est à mon tour de jeter un regard désapprobateur à mon mécanicien. Il n'était pas obligé de remettre ça sur le tapis.
- C'est pas grave Mia, je...
- Si, c'est grave! C'était la première fois que tu buvais, j'aurais jamais dû te laisser seule, c'était complètement irresponsable. Surtout que t'as dû t'en remettre à ce connard, ajoute-t-elle en jetant un coup d'œil venimeux à l'intéressé.
- Je sais pas comment Diego peut te supporter, lâche froidement Royce en lui adressant un regard dégoûté.
- Non, JE sais pas comment Diego peut te supporter.
Bon, c'est pas bientôt fini? Pressée de mettre un terme à cette joute verbale qui oppose deux des personne que j'aime le plus sur cette île, je pivote vers Royce.
- Merci... pour le numéro.
Il reporte son attention sur moi et ses muscles se détendent légèrement l'espace d'une fraction de seconde avant que Mia ne lance d'une voix dégoulinante de sarcasme, apparemment incapable de s'en empêcher:
- Oui, merci de lui avoir filé ton num, le mécano! Quel preux chevalier tu fais ! Et au passage, évite de poser tes sales pattes sur elle.
Royce la fixe, les mâchoires serrées, puis pose sur moi un regard pensif, animé d'une étrange lueur. Le coin de ses lèvres s'étire imperceptiblement mais je n'ai pas le temps de me demander ce qui l'amuse qu'il saisit mon menton et se penche pour m'embrasser juste au coin de la bouche sous le regard médusé de mon amie.
Mes joues se mettent à brûler, rivalisant avec les phares encore allumés de la Camaro. Puis, presque aussitôt, il me relâche et s'éloigne sans rien ajouter. Encore hébétée, je me tourne pour le regarder grimper derrière son volant et exécuter un rapide demi-tour et s'en aller dans un vrombissement de moteur.
Mes yeux restent un peu trop longtemps accrochés au nuage de poussière qui perdure dans l'air après son départ alors que mon cerveau court-circuité me repasse en boucle les derniers instants. Est-ce que je viens de rêver ? Cette hypothèse me semble bien plus probable que Royce m'embrassant sur la joue devant témoin, même si c'était juste pour embêter Mia. Ça ne lui ressemble pas.
- Allo la lune, ici la terre. Est-ce que vous m'entendez, je répète, est-ce que vous m'entendez? tente de me ramener Mia en retrouvant son humour habituel maintenant que Royce est parti.
Je pivote vers elle en maudissant la chaleur qui n'a toujours pas quitté mon visage. Elle me dévisage un peu trop intensément.
- Ça y est, t'es remise? demande-t-elle avec une moue narquoise qui lui donne encore plus l'air d'un lutin diabolique.
Je marmonne un "ouais" à peine audible.
- Super, comme ça tu peux peut-être m'expliquer.
- T'expliquer quoi? je demande en jouant l'imbécile.
- M'expliquer ce qu'il vient de se passer.
- Et toi, tu peux m'expliquer pourquoi tu t'es sentie obligée de le provoquer, je contre.
Tout le monde sait que la meilleure défense est l'attaque.
- Hin? Mais c'est lui qui a commencé, s'insurge-t-elle. Il m'a traitée de connasse!
Aie. Oui, c'est vrai que, vue comme ça...
- C'est vrai. Mais tu aurais pu te retenir d'envenimer les choses.
- Non désolée, je ne peux pas m'en empêcher. Dès que je le croise, je ne peux pas m'empêcher de l'emmerder. C'est comme ça depuis que je suis en âge de parler. Je faisais la taille d'un dalmatien mais ça m'empêchait pas de l'insulter et de me barrer en courant, lâche-elle avec comme une pointe de nostalgie dans la voix.
- Attends une seconde! Tu connais Royce depuis quand?
- Trop longtemps hélas. Son séjour en taule m'a fait des vacances. Mais essaye pas de changer de sujet. Pourquoi Walters vient de t'embrasser?
Je jette des coups d'œil tout autour de moi comme si la solution pour me sortir de ce pétrin se trouvait dans l'air. Hélas, non.
- Il ne m'a pas vraiment embrassée, il m'a...
- Lily!
- Je ne sais pas.
- Comment ça, tu sais pas?
- Comme dans je-ne-sais-pas.
- Morte de rire. Sérieusement, tu dois bien avoir une idée?
- Il a dû faire ça pour t'énerver, je réponds après un soupir.
- Mouais, lâche-t-elle avec une moue dubitative.
- Bon, on rentre?
- Ok, j'ai toute la nuit pour te cuisiner de toute façon, jubile mon amie en m'emboîtant le pas en direction du porche.
- Et dormir, peut-être, accessoirement.
- Non, dormir n'est pas au programme.
Je lui jette un coup d'œil amusé en poussant la porte d'entrée et elle me suit dans le grand hall mortellement silencieux. Le genre de silence dans lequel le moindre bruit paraît multiplié par cinq, je songe en remarquant la lumière qui filtre sous la porte du bureau de Chris. Mince, il est debout. Franchement, je préférerais éviter de le croiser pour l'instant. Mia n'a pas dû recevoir le message que j'essaye de lui transmettre par télépathie parce qu'elle lance sans prendre la peine de baisser la voix:
- Au fait, j'espère que ça ne te dérange pas que je me sois invitée, hein? C'était quasiment un cas de force majeure, m'assure-t-elle en retirant ses boots et en agitant ses orteils dans ses socquettes dépareillées pour faire circuler le sang. Ton oncle m'a laissée entrer. Tu aurais dû le voir, il était en panique le pauvre. Il arrêtait pas de faire les cent-pas en marmonnant tout ce qu'il comptait faire à Walters la prochaine fois qu'il le croiserait, m'informe-t-elle avec un sourire amusé. C'était pire que tout ce que j'ai jamais rêvé de lui infliger.
Elle recule en enlevant sa veste et continue sans remarquer la légère grimace que je fais en voyant la porte du bureau de mon oncle s'ouvrir. Zut!
- Moi, j'étais juste là à hocher la tête d'un air grave, lâche-t-elle en reproduisant le geste et en mimant une mine affectée, mais en fait, j'arrivais pas à penser à autre chose que "qu'est-ce qu'il est sexy !" et...
Oh mon dieu! Chris est posté juste derrière elle et je plisse les yeux en secouant la tête pour faire comprendre à mon amie de s'arrêter là, mortifiée à sa place. Mon message silencieux pourtant peu subtil se perd en chemin et elle se trompe sur la raison de mon expression horrifiée.
- Désolée Lily, mais c'est vrai. Il me fait penser à ces acteurs hyper canons à qui la quarantaine va super bien comme... Bradley Cooper ou Ryan Gosling !
C'est finalement le toussotement dans son dos qui interrompt le flot de bêtises qui sortent en cascade de la bouche de Mia. Elle s'immobilise en haussant les sourcils et jette un coup d'œil derrière son épaule, sursautant légèrement en trouvant "Mr Sexy" en personne - notez que je grimace rien qu'en pensant ces mots- à un mètre d'elle. Passée la seconde de surprise, elle se reprend et lui adresse un sourire joyeux, pas gênée le moins du monde alors que j'ai juste envie de disparaître.
- Oh. Mr Williams, je ne vous avais pas entendu, lâche-t-elle avec une moue innocente qui s'accorde aussi bien avec son visage que le guacamole et la confiture de figue.
Mon oncle se passe une main sur la barbe, l'air un peu sonné et, si je n'étais pas aussi mal-à-l'aise, j'éclaterais sûrement de rire devant son expression ahurie, à des kilomètres de son éternel air imperturbable. Il reprend toutefois rapidement contenance et après un bref hochement de tête en direction de mon amie, il reporte une attention sérieuse sur moi.
Ses yeux me scrutent de la tête aux pieds comme s'il voulait s'assurer que Royce m'a bien ramenée "en un seul morceau" - selon ses propres mots- et fronce les sourcils. Aïe. Mauvais signe.
- Où est passée ton attelle? s'agace-t-il dans une imitation aussi réussie qu'inconsciente de la réaction de Royce devant l'hôpital.
- Le médecin a dit que je pouvais l'enlever à condition que je ne force pas trop sur mon poignet.
Ce n'est pas un mensonge. Je ne suis pas obligée de préciser que j'ai insisté pour qu'il me la retire, il suffit juste que je prie pour qu'il ne croise pas son ami docteur dans les jours qui suivent.
Chris soupire, l'air contrarié, mais n'insiste pas. Il ouvre la bouche mais la referme aussitôt comme s'il se retenait de prononcer certaines paroles, puis opte pour de vagues reproches bougonnées.
- Tu aurais pu m'envoyer un message que je sache où tu étais.
Mia s'est légèrement écartée et s'attelle à éliminer les restes de son vernis bleu écaillé pour nous laisser de l'intimité, même si je devine qu'elle ne loupe pas une miette de notre échange
- Je suis désolée, je n'y ai pas pensé.
Je ne comprends pas pourquoi il n'a pas tout simplement cherché à me joindre. Même quand il s'est décidé à appeler, c'était sur le portable de Royce. Il s'inquiète peut-être de me braquer en étant trop sur mon dos à cause de ce que je lui ai dit il y a un peu plus d'une semaine.
"J'ai pas d'ordres à recevoir de toi".
"T'as aucun droit de me dicter ma conduite".
Mes propres paroles me reviennent à la figure à la façon d'un boomerang et, pour la centième fois, je les regrette, même si sur le moment, elles m'avaient semblées appropriées.
- Tu t'es amusée? demande Chris sur un ton un peu forcé, me tirant de mon moment d'auto-fustigation.
- Oui! je réponds aussitôt avec peut-être un peu trop d'enthousiasme.
En répondant, je pensais aux stands et à la barbe-à-papa mais soudain, des images de Royce et moi enlacés, de la bouche et mon mécanicien sur la mienne envahissent mon cerveau comme du maïs soufflé qui éclate dans une poêle et je ne parviens pas à réprimer un rougissement incriminant. Chris ne semble pas rater ce détail mais il se contente de pincer les lèvres en me dévisageant minutieusement. Son attention n'arrange pas mon problème de teint et j'ai l'horrible impression qu'une bulle de bande dessinée en forme de coeur flotte au dessus de ma tête avec le prénom Royce écrit en majuscule à l'intérieur.
Mais ça ne doit pas être le cas parce que mon oncle se contente de lâcher, malgré son air moyennement convaincu :
- J'imagine que l'essentiel est que tu te soies amusée. D'où sort cette peluche? demande-t-il ensuite distraitement en désignant le panda que je tiens toujours sous le bras.
- C'est Royce qui me l'a gagnée au stand de boxe, je réponds sincèrement avec une ombre de fierté sûrement mal placée dans la voix.
Chris écarquille les yeux et Mia, qui semble momentanément oublier de jouer les absentes, éclate subitement de rire.
- C'est pas vrai? Dis moi que c'est une blague! Walters a joué à une boxing arcade machine pour t'obtenir un nounours? s'exclame-t-elle, incrédule et des larmes aux coins des yeux. Attends que je raconte ça à mon frère!
Même Chris a l'air vaguement amusé pour une raison qui m'échappe. Franchement, je ne vois pas ce qu'il y a d'exceptionnel la-dedans.
- C'est juste parce que je ne pouvais pas frapper de la droite, je lâche sans savoir pourquoi je cherche à me justifier.
Mon oncle secoue légèrement la tête sans rien ajouter et je juge que c'est le bon moment pour tirer ma révérence.
- Bon, nous on va monter nous coucher, je lance en indiquant Mia du menton tout en devinant à regret que nous "coucher" ne fait probablement pas partie de son programme.
Chris hoche la tête, sûrement aussi impatient que moi de mettre fin à cette étrange conversation, et lance comme par automatisme en retournant vers son antre:
- Ne vous couchez pas trop tard.
- Ouais papa, je marmonne avec un sourire amusé en imitant une adolescente exaspérée.
J'ai dis ça sans réfléchir, juste pour rire, mais je me fige sur le champ en réalisant et Chris sursaute. Bon sang ! Mais qu'est-ce qui m'a pris de lâcher un truc pareil ? C'était vraiment de très mauvais goût. Mon oncle s'est retourné et me dévisage, l'air choqué.
Évidemment, mon père est également son frère jumeau décédé. Il se demande sûrement ce qui m'est passé par la tête et la réponse est... rien du tout, comme d'habitude !
- Désolée, je m'excuse aussitôt, mortifiée. C'était vraiment nul comme blague, j'ai pas réfléchi.
- C'est bon, me rassure-t-il avec un hochement de tête.
La seconde d'après, il a disparu derrière la porte de son bureau qui se referme sur lui sans claquer.
Stupide-Lily a encore frappé.
Je plisse les yeux et me retourne vers Mia, toujours plantée en chaussettes près des grands escaliers.
- C'était vraiment nul, hein? je demande avec une grimace, en quête de réconfort.
- C'est clair, répond-elle en faisant mine de se tirer une balle dans la tête - pour le réconfort, on repassera-, t'as vraiment jeté le malaise.
- Maintenant, il va croire que j'essaye de remplacer mon père par lui, c'est l'horreur, je couine en réalisant ce qui a dû mettre mon oncle aussi mal-à-l'aise.
- Mais non, me rassure Mia en prenant la mesure de mon angoisse. Il doit juste se dire que sa nièce est un boulet qui réfléchit pas avant de parler et lâche des blagues un peu lourdes.
- Rappelle moi pourquoi on est amies? je marmonne en grimpant les marches deux par deux, pressée de m'éloigner du rez-de-chaussé.
Mia me suit en sautillant dans les escaliers.
- Hum... parce que je peux supporter la couleur des murs de ta chambre sans avoir mal aux yeux. Parce que je suis la moins mauvaise de tes options sur cette île? Parce que sinon, tu serais sûrement obligée de copiner avec Kimberly et Jessica, deux pimbêches qui passeraient leurs journées à te saouler avec leur fringues et leurs petits-copains?
Je m'arrête dans le couloir sombre du premier étage et lui adresse une moue dubitative.
- Tu viens d'inventer ces filles, non?
- Oui.
Je secoue la tête, amusée, et m'apprête à pousser la porte de ma chambre quand Mia m'arrête d'une main sur mon bras.
- On ne peut pas aller ailleurs? demande-t-elle.
- Hein? Pourquoi? Mets des lunettes de soleil si la couleur des murs te gêne.
- Mais non, ils sont cool tes murs, prends pas la mouche. C'est juste qu'il doit y avoir plein d'autres pièces intéressantes dans ce palace, non?
Je hausse les épaules.
- Je ne sais pas trop. La plupart du temps je suis soit dans la chambre, soit dans la cuisine, soit dehors. Je suppose qu'il y a pas mal de chambres d'invités vides et quelques salons inutiles.
- Tu sais même pas ce qu'il y a dans ta propre maison, tu te rends compte que c'est ridicule?
- C'est la maison de mon oncle, je me défends.
- Peu importe. Alors?
- Alors quoi?
- Tu me fais visiter? demande-t-elle avec cette lueur enthousiaste dans les yeux que la plupart des gens du Nord que j'ai croisés n'ont plus.
Son air excité est contagieux et me donne l'impression de retrouver cette fébrilité et cette complicité enfantine que je partageais avec Nathan avant chacune de nos bêtises.
- D'accord.
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