Chapitre 75

Les étoiles ne se montrent pas. Sous mes yeux, le ciel s'est lentement obscurci mais demeure à présent d'un noir profond, large flaque d'onyx fondu. Aucune fenêtre lumineuse, aucune luciole ne viennent l'égailler. C'est comme s'il était relié à mon chagrin, aussi obscur que mes pensées du moment.

Bah. Elles reviendront demain, je songe sans quitter l'univers des yeux. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là, allongée sur le ponton réchauffé par une journée de canicule, les jambes dans le vide et les orteils effleurant l'eau fraîche. Il commence à se faire tard même si je n'ai pas d'idée précise de l'heure. Je me rassure en me convainquant que Chris et Dallas pensent sûrement que je suis montée me coucher plus tôt, je ne crois pas qu'ils s'inquiètent pour moi.

Seule au milieu de l'océan nocturne, la lune est l'unique source de lumière. Son faisceau effleure l'eau, fait scintiller sa surface dans le noir et confère à l'endroit une allure presque surnaturelle. Féerique. À force de la fixer, j'ai la saisissante impression qu'elle me sourit. Je distingue de vagues traits d'expressions alors que ce ne sont sûrement rien que les déformations et irrégularités de son sol, et je suis presque certaine de voir la forme d'une mine joviale. Je deviens folle, la solitude doit me pousser à de vraies extrémités si j'en suis réduite à voir une amie en un satellite naturel.

Si converser mentalement avec le ciel empêche mon cerveau de trop fonctionner, pourquoi pas? Je préfère ça que songer au presque rateau que Royce m'a mis. Je n'ai jamais autant été à même de compatir avec les adolescents qui font leurs premiers pas sur le plan sentimental. Je ne veux même pas imaginer ce que j'aurais ressenti si Royce m'avait jetée de la sorte alors que j'avais treize ou quatorze ans. À cette âge là, les jeunes sont encore en pleine construction de soi, je me demande comment ils peuvent supporter ce genre de déception. C'est peut-être moi qui fait toute une histoire de pas grand chose. J'ai cru qu'il allait m'embrasser ce qui n'était pas le cas. La belle affaire!

Remets toi et passe à autre chose, Lily.

Zut! Et voilà que j'y repense. L'embarras et la peine se disputent de nouveau la place dans ma tête. Je prends plusieurs inspirations et ferme les yeux, les mains jointes sur ma poitrine. J'essaye de mettre en pratique l'unique cours de yoga auquel ma mère m'ait jamais convaincue d'assister. Ce sport est une belle arnaque. Ça n'a aucun effet.

Mieux vaudrait que je plonge la tête sous l'eau pour un concours d'apnée solitaire mais je n'ai pas de maillot de bain donc je laisse tomber l'idée.

Avec un soupir las, je rouvre les yeux et les écarquille presque aussitôt. L'espace d'un instant, je crois à un mirage, une illusion provoquée par la magie d'un rayon de lune, et bats plusieurs fois des paupières. Ce moment d'égarement ne dure toutefois pas longtemps et je comprends qu'il n'y a aucun mirage et que Royce est bien penché au dessus de moi.

Je me redresse d'un bond et il recule la tête à temps pour éviter une collision de fronts. Je reste assise à l'extrémité du ponton, le dos raide, à réfléchir à ce qu'il peut bien me vouloir encore. J'écarte d'office l'hypothèse selon laquelle il se baladait simplement par hasard sur cette plage pour profiter du clair de lune.

- Qu'est-ce que tu veux? je demande après deux minutes de silence sans lui faire face quand il ne fait toujours pas mine de parler.

- Et toi? Tu comptes rester dehors encore longtemps?

Je lui jette un coup d'oeil par dessus mon épaule. Les mains dans les poches, il conserve une distance de deux mètres entre nous. Volontairement ou non? Aucune idée. J'en ai fini de décrypter ce genre de signes.

- Qu'est-ce que ça peut te faire? je demande en reportant mon attention sur l'infinie étendue d'eau.

Animée uniquement d'un imperceptible mouvement et assombrie par la nuit, elle m'évoque la surface lisse d'un grand miroir.

- Tu trouves ça intelligent de traîner seule sur une plage en pleine nuit? demande-t-il d'un ton sérieux sans répondre à ma question.

Je ne peux pas m'empêcher de frissonner en imaginant ce qu'il sous-entend.

- Ce quartier ne risque rien, je rétorque néanmoins à contre-coeur. Je ne crois pas que des voyous viennent traîner dans le coin.

Je l'entends ricaner dans mon dos sans saisir la raison de son amusement.

- Si tu le dis, marmonne-t-il finalement.

Mes muscles ne se détendent pas alors que je perçois toujours sa présence sur le pont. Mes jambes se balancent nerveusement dans le vide -une mauvaise habitude que je viens d'acquérir- et mes orteils soulèvent des gerbes d'eau à chaque mouvement. 

Un soupir m'échappe. Qu'est-ce qu'il attend? Je n'arrive pas à penser clairement quand il est là.

- Tu peux rentrer, je ne vais pas tarder, je lance dans le but de le rassurer même si je ne comprends toujours pas la raison de son apparente inquiétude.

Ma réplique n'a pas l'effet escompté. Brusquement, Royce réduit l'espace qui nous sépare en deux pas et s'accroupit avec souplesse à côté de moi. Un frisson me traverse l'épine dorsale malgré moi, comme si mon corps ne pouvait pas s'empêcher de réagir à sa présence. Le pathétique vient de prendre une forme humaine: il a mon visage!

Résolue à ignorer Royce jusqu'au bout, je pivote vers la gauche et lui tourne puérilement le dos. De toute façon, il me prend déjà pour une gamine sans intérêt.

- Tu fais la gueule?

- Non, je réponds un peu trop vite sur un ton qui semble dire le contraire.

Pourtant, je ne pense pas être en colère contre lui. Enfin, pas vraiment. C'est surtout à moi et a ma stupidité que j'en veux.

- Lily...

Je me raidis un peu plus en percevant son ton hésitant qui n'est pas celui auquel je m'attendais. Tout en moi me pousse à me tourner vers lui pour voir son visage et décrypter l'expression qui accompagne ce timbre nouveau afin d'assembler une pièce supplémentaire au puzzle Royce.

Je résiste. Pas par fierté, non ce trait de caractère ne fait décidément pas partie des miens. C'est un besoin de préservation qui me dicte cette réserve.

Près de moi, la voix grave de Royce perce de nouveau le silence.

- Je croyais que tu me repousserais. Je ne pensais pas que tu t'attendais vraiment à ce que je...

Les muscles de mon dos se contractent à l'extrême comme pour me préparer à une nouvelle pique de souffrance et Royce s'interrompt en prenant conscience qu'il ne fait qu'empirer les choses. Un léger soupir m'échappe et j'avoue dans un souffle.

- Je ne suis pas fâchée, Royce. En tout cas, pas contre toi.

- Contre qui, alors?

Je ne réponds pas et le silence emplit de nouveau l'air qui nous sépare, seulement rompu par les murmures incompréhensibles de l'eau.

- Ça te dérangerait de te retourner? finit par s'agacer Royce.

De mauvaise grâce, je pivote lentement sans toutefois lui faire face. Je me contente de rester droite, lui prêtant mon profil sans le regarder. Mes yeux restent résolument braqués vers un horizon presque invisible alors que j'attends la suite.

- Je ne pensais pas que t'en aurais envie, admet Royce au bout d'une minute avec le même air incrédule qu'il affichait quand j'ai ouvert les yeux après avoir cru qu'il m'embrasserait.

ll ne précise pas de quoi il parle, c'est plutôt évident. Le malaise me reprend et je me mets à triturer mes bracelets.

Je ne résiste toutefois pas à l'envie de poser la question. Elle sort dans un chuchotement, comme si j'espérais presque qu'il ne l'entende pas.

- Pourquoi?

Je le sens plus que je ne le vois me dévisager et passer distraitement la main dans sa tignasse. Je lui jette un coup d'oeil. C'est difficile à dire avec ses traits fermés et l'obscurité mais il me semble que la conversation ne le met pas très à l'aise non plus.

- T'as dit que t'avais jamais embrassé de mec. C'est pas censé être un moment spécial pour les filles de ton genre? ricane-t-il.

Je laisse couler le "filles de ton genre", plus intéressée par d'autres détails.

- Spécial comment? je demande avant de pouvoir m'en empêcher.

Il hausse les épaules.

- Qu'est-ce que j'en sais? Tu voudrais pas embrasser un gentil gars de ton âge dans un ciné ou un resto cher?

- Non. Je déteste les gens qui s'embrassent dans les cinémas et qui dérangent tout le monde autour. Et les restaurants sont fait pour manger.

Il m'adresse un rictus amusé et je déglutis en forçant mes yeux à se détourner de ses lèvres.

- Comment ça se fait que t'aies jamais embrassé personne? s'étonne-t-il avec de nouveau ces accents d'incrédulité dans la voix. Et ne me raconte pas qu'aucun mec ne s'est proposé.

Je hausse les épaules, mal à l'aise. Terrain glissant. Je déteste aborder les raisons de mon retard sur le plan des relations sentimentales.

- Je ne sais pas, je n'ai pas fait attention. Et je n'ai jamais voulu embrasser personne.

À part toi. Je ne le dis pas mais les mots flottent presque entre nous, tangibles. Je les sens et je suis presque certaine que lui aussi. D'ailleurs, il ne me fait pas la grâce de m'épargner.

- À part moi, hin? formule-t-il à haute voix avec un rictus moqueur comme s'il s'amusait d'une blague que lui seul connaît. Je suppose que je devrais être flatté. En quel honneur j'ai cette place à part?

Bon sang! Lui est-il déjà arrivé de se regarder dans une glace? Mes joues s'échauffent mais je les ignore. Ce n'est pas le moment de me laisser dévorer par la timidité.

- Que je te considère comme le plus bel homme de l'île n'est pas suffisant comme raison? je lâche avec un brin d'ironie.

Il éclate de rire. Ce son grave, pas tout à fait joyeux mais presque, me semble fascinant, rare. Comme un objet précieux à chérir. Il s'éteint bien trop rapidement cependant et l'air distant et réservé reprend naturellement sa place sur les traits anguleux.

Royce hausse les épaules.

- C'est sympa mais ça change rien. J'ai pas l'intention de t'embrasser, de toute façon.

Je pensais avoir renforcé mes défenses, les maintenir en place. Je ne sais pas à quel moment elles ont cédé mais le nouveau coup fait aussi mal que le premier. Sauf que celui ci s'accompagne d'une vague de colère. À quoi bon venir me parler si c'est pour me renvoyer les mêmes paroles douloureuses à la figure? Pour me rejeter encore?

Sans réfléchir, seulement dominée par le besoin de prendre des distances, je me laisse glisser en avant en appui sur mes bras et atterris dans l'eau avec un bruit d'éclaboussures. Elle m'arrive jusqu'à la taille mais je me fiche bien de mouiller mon short.

- Qu'est-ce que tu fous, putain? siffle Royce retrouvant ses accents familiers.

Je ne réponds pas. Lui tournant de nouveau le dos, je pose les paumes ouvertes de mes mains à plat sur la surface fraîche en regardant les légers remous qui se forment autour, un millier de petites ridules. Mouiller mon atèle est le dernier de mes soucis.

La frustration et la peine m'envahissent de nouveau quand je prends conscience d'à quel point j'ai envie de ce qu'il refuse de me donner. Une pensée me traverse brutalement alors que la réplique acerbe et peu délicate qu'il avait prononcée au Lust face à la fille qui voulait lui voler un baiser me revient en mémoire. Est-ce pour cela?

Pourtant s'il sait que je n'ai jamais embrassé personne, il doit se douter que je n'ai pas fait... ce genre de choses, non? Mais j'ai fait certaines choses, me rappelle sournoisement une voix infecte dans ma tête. Ou plutôt, j'ai laissé faire...

Le dégoût me casse presque en deux et je m'accroche de toutes mes forces à l'instant présent pour éloigner les images et pensées malsaines qui s'engouffrent par toutes les brèches dans mon cerveau.

Je relève la tête vers Royce, toujours sur le ponton, qui me fixe en silence. C'est le moment de la jouer cartes sur table. Si j'essuie un nouveau rejet, ce sera le dernier et je cesserais de lutter pour cette chose attirante mais imprécise que je semble courser en sa compagnie. J'oublierais ce qu'il me fait ressentir. Je l'oublierais lui.

Ma bouche s'ouvre et se referme plusieurs fois comme celle d'un poisson alors que je cherche péniblement mes mots. Royce me scrute avec attention mais pas moyen de savoir ce qu'il pense.

- Tu sais, je n'ai jamais... je n'ai pas...

Non, je n'y arriverai pas. Impossible. Le sang jaillit dans mon visage pour aider mon cerveau à me sortir de cette impasse. Sans succès, à part me faire rougir, cet instinct ne m'est d'aucune utilité.

- T'as jamais quoi? insiste Royce, sentant sûrement que je suis sur le point de me dégonfler.

Sous l'eau, mes orteils s'agitent nerveusement, remuant le sable mouillé.

J'hésite, me demandant si le jeu en vaut la chandelle. Mon cœur qui bat trop vite, avec une brutalité avide et la fébrilité qui m'habite le confirment.

Raah! Dans les films, ça a l'air tellement plus simple. La fille a juste à se planter sur le porche le moment adéquat en regardant dans les yeux le garçon de ses rêves qui percute aussitôt et lui donne un baiser passionné. En aucun cas elle n'a besoin de négocier ou de convaincre. Ce serait bien trop gênant et personne ne payerait pour voir ça.

- Tu te souviens de cette soirée au Lust? je demande en essayant d'empêcher le courage de me filer entre les doigts.

Autant essayer d'attraper de l'eau dans un poing.

- Ouais, répond-t-il, circonspect.

- Ce que tu avais dit à cette fille qui voulait t'embrasser? Je poursuis malgré les flammes qui me lèchent les joues. Moi, je n'ai jamais... rien fait de tel. Alors si c'est pour ça que tu ne veux pas...

Je n'achève pas ma phrase espérant qu'il comprendra tout seul ce à quoi je fais référence. Sinon, j'abandonne.

D'abord il fronce les sourcils et secoue la tête d'incompréhension alors que son front se plisse sous la concentration. Puis, brusquement, son expression se fige en un masque de marbre. Il pâlit sous mes yeux et me dévisage d'un air horrifié.

La seconde d'après, il retire ses bottes et les jette sans ménagement sur le ponton avant de sauter dans l'eau sans se soucier de tremper son jean.

Ahurie, je le regarde approcher et mon dos se retrouve appuyé contre l'un des pieds du ponton.

Royce s'arrête à quelques centimètres de moi et sa proximité me fait déglutir. J'ai beau le dévisager avec attention, je ne parviens pas à déchiffrer son expression. Colère? Horreur? Incrédulité?

Comme si on était pas déjà assez proche, il se penche vers moi. Quand il parle, son souffle m'effleure le visage avec la douceur d'une caresse.

- Tu crois que je ne veux pas t'embrasser parce que ça me dégoûte? demande-t-il ahuri.

Et bien, je ne l'aurais pas formulé ainsi mais...

Il semble attendre une réponse. Je n'en ai aucune à lui donner.

Ses lèvres s'étirent en un léger rictus mais son regard reste dur, sévère. Ses yeux passent des miens à mes lèvres et restent un instant concentrés dessus. Puis sa main droite se lève et son pouce se pose au même endroit que son regard. Mon cœur réagit aussitôt, battant tellement fort que je manque de ne pas entendre les paroles suivantes.

- Tu peux me dire quel mec n'aurait pas envie de poser sa bouche la dessus? chuchote-t-il d'une voix presque féroce sans relever les yeux.

Les miens sont écarquillés de surprise alors que je suis pétrifiée. Est-ce que j'ai bien entendu? Est-ce qu'il veut dire que... ?

Ahurie, je prends une brève inspiration qui m'emplit de son odeur étourdissante.

- Pourquoi alors? je demande prudemment en utilisant le peu de neurones qu'il me reste pour formuler ces deux mots.

Ma question semble le ramener quelque peu à la réalité et il recule légèrement son visage, retrouvant son expression neutre. Son regard se recentre sur le mien et sa main retombe pour ma plus grande déception.

- Parce que tu ne me connais pas, s'emporte-t-il. T'as aucune idée de qui je suis ou de ce que j'ai fait. Si c'était le cas, je t'assure que tu ne me demanderais jamais ça, tu ne voudrais pas que je pose mes mains sur toi. Tu ne m'adresserais même pas la parole.

Ses traits se figent comme s'il regrettait d'en avoir trop dit sans se douter que ses paroles ne changent rien pour moi. C'est sûrement trop tard.

Ses lèvres se durcissent, son regard se vide de toute expression alors que le masque neutre du Royce en société reprend sa place. Je n'avais même pas réalisé qu'il était tombé l'espace de quelques minutes. Voir ses traits reformer cet air robotique m'est soudain très désagréable. Royce recule d'un pas et une forme de désespoir m'envahit alors qu'il m'échappe dans tous les sens du terme.

C'est sûrement ce sentiment qui me pousse à tendre les bras et à m'accrocher à lui pour l'empêcher de s'éloigner. Je n'en ai aucun droit mais je le fais. Mes doigts s'agrippent au tissu de son haut pour le maintenir près de moi. Il ne se dégage pas.

- J'en sais assez, je souffle en réponse à ses précédentes paroles.

Son air sceptique ne m'échappe pas mais il est vite remplacé par de l'indécision. Je profite de cette faiblesse momentanée dans son armure de fer et lève la tête, ployant le cou en arrière comme pour contempler le ciel. Sauf qu'en cet instant, c'est autre chose qui concentre mon attention. Un visage incliné vers moi, à quelques centimètres du mien. Ce même visage qui hante mes rêves depuis des jours.

- Lily...

Ce mot sonne comme un avertissement. Je ne bouge pas et attends, le sang rugissant dans mes oreilles. Le visage plissé de contrariété, Royce me dévisage. Son regard revient plusieurs fois à mes lèvres avant d'y rester.

- Ça ne voudra rien dire, précise-t-il comme un avertissement.

Mais je ne l'écoute que d'une oreille peu attentive, trop concentrée sur sa personne, sur sa proximité. Il a l'air de se rendre compte qu'il parle dans le vide parce qu'il insiste, me soulevant le menton pour m'obliger à le regarder dans les yeux.

- Je suis sérieux, lâche-t-il sur un ton qui confirme ses dires. Tu ne dois rien attendre de moi. Je n'ai rien à t'offrir.

Je n'en demande pas plus. Je hoche la tête, fébrile, alors que mon cœur se rapproche à chaque battement de l'implosion.

Royce fouille mon regard et doit y détecter mon assentiment. La seconde d'après, il fond sur ma bouche.

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