Chapitre 20

Je ne peux pas empêcher mes yeux de converger vers lui. Il conduit d'une seule main et son bras qui tient le volant est détendu, sûr. Il a l'air de conduire comme on se mouche ou boit un verre d'eau, de manière tellement naturelle. Ça me donne presque envie d'apprendre aussi. Il se passe plusieurs fois les mains dans les cheveux, les ébouriffant encore plus sur le dessus. 

Je me demande ce qu'il a à faire au Nord mais je ne pose pas la question pour ne pas avoir l'air de me mêler de ce qui ne me regarde pas. Peu importe ce qu'il fait, je n'aurai qu'à m'occuper avec mon nouveau matériel à dessin. J'ai renoncé à regarder par la vitre. Je suis le moindre de ses mouvements. Je le regarde tripoter les boutons de la console centrale et allumer la radio. 

Une musique désagréable emplit l'habitacle de sons métalliques agressifs. Heureusement pour moi, il diminue le volume. De toute façon, je ne me serai jamais plainte. Par contre, je ne peux pas m'empêcher de froncer les sourcils quand il sort un paquet de cigarettes du vide poche. Je déteste la cigarette. C'est pire que ça, je ne la supporte pas. Je me souviens qu'il en fumait tout le temps. Royce en extrait une du carton imprimé du fameux "fumer tue" qui n'arrête jamais personne, et lâche le volant un instant pour l'allumer avec son briquet. 

Presque aussitôt, l'odeur âcre envahit l'espace et me soulève le cœur. La fumée me brouille la vue et m'irrite les yeux. Cette odeur m'est tellement familière, c'est la sienne. L'odeur de son souffle répugnant, de ses vêtements hors de prix, de sa peau... Mon cœur se met à battre sourdement dans ma poitrine alors que je ferme fort les yeux pour effacer les pensées parasites qui envahissent ma boite crânienne. Mais c'est encore pire, à présent je sens simplement son odeur et je peux le voir avec une netteté terrifiante derrière mes paupières closes. Ses yeux délavés qui me dévisagent avec cette lueur démoniaque, emplis de toute la saleté du monde. Le reptile se réveille dans mon estomac et le goût de la bile me remonte dans la gorge. Non, non, non, non. Je ne veux pas.

- Eh.

Je serre les paupières encore plus fort parce que je ne veux pas l'entendre. Pourtant cette voix est différente de la sienne, plus grave, presque rassurante. Ce n'est pas sa voix...

- Lily!

C'est celle de Royce. J'ouvre brusquement les yeux et un immense soulagement m'envahit lorsque je croise le regard métallique posé sur moi. Je suis à Key Haven, dans la voiture de Royce, pas dans sa maison. Le conducteur me regarde d'un air inquiet et je remarque que la voiture a ralenti parce que plusieurs véhicules nous doublent.

- Ça va, je le rassure en me demandant quelle tête je faisais.

Je préfère éviter d'y penser. Sur mes genoux mes mains tremblent encore légèrement. Je les presse l'une contre l'autre.

- Qu'est-ce que t'avais? insiste Royce. J'ai cru que t'allais faire un malaise.

Génial. Je hausse les épaules mais il ne se détourne pas et fronce toujours les sourcils. Il regarde à peine la route ce qui ne me rassure pas du tout.

- Rien. C'est juste que...je n'aime pas l'odeur de la cigarette. Ça me rappelle de mauvais souvenirs.

Je hausse une nouvelle fois les épaules pour dédramatiser. Son examen de ma personne se prolonge un moment. Puis il éteint sa cigarette du pouce et la pose dans sa portière avant d'ouvrir les vitres sans un mots. Je le regarde, surprise mais reconnaissante. Je peux de nouveau respirer correctement. Je pose ma tête sur l'appuie tête en soupirant de soulagement. Par contre, si par un quelconque miracle Royce ne me prenait pas encore pour une folle coincée, c'est maintenant chose faite.

Le paysage change progressivement à travers la vitre. Les routes sont en moins bon état avec un goudron craquelé. Des maisons aux façades abîmées par les caprices du temps font peu à peu barrage à la vue sur mer. Leurs jardins sont petits et mal délimités, l'herbe y est très haute, le genre de pelouses sur lesquelles vous marchez en imaginant à tout moment un serpent en surgir et vous planter son crochet dans la cheville. Certains lampadaires sont tordus comme si on avait essayé de les déraciner du sol et je remarque des ampoules éclatées. 

Royce nous conduit dans le centre-ville. D'une certaine manière, il s'apparente à celui de la zone Sud: des commerces se succèdent: coiffeurs, restaurants, cafés, boutiques... Pourtant ça n'a strictement rien à voir. Aucun touriste sain d'esprit ne se rendrait ici volontairement. Les bâtiments sont totalement dépareillés mais s'accordent plus ou moins sur le niveau d'usure. La plupart sont couverts de tags de mauvais goût. Les peintures s'écaillent ici et là et font douter sur les couleurs initiales des façades. Les trottoirs sont fendus à certains endroits et paraissent discontinus. 

Pas de doute, le lieu est conforme à mes souvenirs. Ici, la circulation est plus dense et la voiture se retrouve rapidement au pas, coincée derrière un triporteur. Les klaxons retentissent de partout et j'aimerais pouvoir expliquer à tous ces conducteurs que ce n'est pas avec un bruit de trompette qu'ils vont faire avancer le trafic plus vite. 

À côté de moi, Royce semble s'impatienter. Je le vois parce qu'il tapote le volant de ses longs doigts et qu'il a posé sa tête sur son bras accoudé à sa portière. Au moins il ne klaxonne pas. Cette zone de l'île est beaucoup plus bruyante que le côté sud. En plus des klaxons, les vitres ouvertes des autres véhicules laissent échapper des musiques tellement bruyante que je m'inquiète pour les tympans à proximité, les miens compris. Ajoutons à cela que les gens ne cessent de s'interpeller à grands cris dans la rue. Deux hommes se battent devant l'entrée d'un bar et je ne saurais dire si la foule agglutinée autour d'eux essaye de les séparer ou de les encourager.

Lorsque je tourne la tête à ma gauche, je remarque que Royce me regarde observer le quartier. Je sais qu'il habite quelque part dans le coin d'après ce que Chris m'a dit alors j'essaye de garder un regard neutre. Le triporteur devant nous se décide à avancer et Royce passe la première vitesse.

- Toujours ok pour passer ta journée ici?

Il me pose la question sans me regarder et une pointe d'ironie transparaît dans son ton. Je ne sais pas vraiment ce qu'il compte faire dans les prochaines heures et cela ne me rassure pas spécialement mais je n'ai pas de problème à être ici dès l'instant que je ne cours aucun risque. J'espère que je ne cours aucun risque. Comme je ne répond pas à sa question il pivote la tête vers moi et m'écrase de son regard de fer.

- Oui. C'est ce que j'ai dis. Je n'ai pas changé d'avis.

Ses yeux restent posés sur moi un instant avant de se concentrer de nouveau sur la route.

- Mais est-ce que je peux savoir où on va? Enfin, qu'est-ce que tu comptes faire?

J'essaye de ne pas laisser percer l'inquiétude dans ma voix mais je n'ai pas l'impression que ce soit un succès. Royce me jauge d'un coup d'œil avant de répondre:

- J'ai quelques commandes de cocaïne auxquelles je dois répondre.

L'air quitte brusquement mes poumons et je me sent pâlir. Quoi? Il...il a vraiment dit ce que j'ai cru entendre. Oh mon dieu! Alors, c'est pour ça que les gens le regardent de travers? C'est un dealer? Qu'est-ce que je fais maintenant? Est-ce que Chris est au courant de ça? Je devrais peut-être sortir de la voiture et rentrer à pieds, je ne veux pas assister à un trafic de drogue. Un rire rauque qui ressemble plus à un jappement me sors de cet instant de panique pure. 

Je me retourne brusquement vers Royce qui...est-ce qu'il...? Il est en train de rire. Ce n'est pas non plus un rire à gorge déployé mais il a basculé la tête sur le dossier de son siège est il est secoué d'un rire léger qui semble sortir de sa poitrine et fait tressauter sa pomme d'Adam. Son sourire dévoile des dents blanches parfaitement alignées et me coupe le souffle. C'est la vérité. Je ne peux pas m'empêcher de fixer sa bouche et j'en oubli presque mon inquiétude. Presque. Royce finit par se tourner vers moi, le côté de sa bouche légèrement relevé dans une moue moqueuse.

- T'as vraiment cru que j'allais te prendre dans ma caisse pour dealer? demande-t-il.

Alors...c'était une blague?

- C'était une blague?

Je pose la question d'une voix tremblante juste pour être sûre mais il ne se donne même pas la peine de répondre et secoue la tête avant de se reporter son attention sur la route.

- Je dois bosser dans un garage, lâche-t-il.

- Un garage à voiture?

Non Lily, un garage à lapins! Il hoche la tête. Je ne comprend pas. Il travail déjà dans celui de Chris.

- Je ne bosse pas que chez ton oncle, ajoute-t-il comme s'il lisait dans mes pensées.

Je n'ai pas le temps d'analyser cette information parce que Royce gare la voiture dans une rue peu fréquentée devant un bâtiment légèrement défraîchi qui doit justement être le garage en question. Sur la facade, de grandes lettres abîmées indiquent : Tom's. Le volet métallique est grand ouvert est dévoile en partie l'intérieur de l'espace. De mon siège, je distingue les silhouettes caractéristiques de voitures et plusieurs personnes, des hommes, qui  s'affairent autour. Royce coupe le moteur et reste immobile un moment en regardant distraitement l'intérieur du garage. Il semble réfléchir. Je le regarde se passer plusieurs fois la main dans les cheveux puis frotter distraitement sa barbe de quelques jours et soupirer.

Il finit par descendre de la voiture en claquant sa portière derrière lui. Je fixe son dos alors qu'il se dirige vers le bâtiment. Il se retourne avant d'y arriver et fronce les sourcils en croisant mon regard. Je me redresse dans mon siège alors qu'il revient vers la voiture d'un pas rapide. Il a l'air vaguement agacé et j'ai du mal à croire qu'il riait pour de vrai il y a quelques minutes.

Il ouvre ma portière et se penche vers moi.

- Qu'est-ce que tu fais?

Euh...Je pensais que je devais l'attendre.

- Pourquoi tu ne sors pas de cette caisse?

Il veut que je l'accompagne dans le garage? Merci mais non merci. J'ai autant envie d'aller me mélanger avec des inconnus- qui plus est des hommes- que d'avaler une branche de cactus. Les rires rauques qui s'échappent du garage me confortent dans ma décision.

- Non, je vais t'attendre dans la voiture.

- Quoi? Qu'est-ce que tu racontes?

Plusieurs jurons que je ne répéterais pas nous parviennent depuis le groupe de mécaniciens et je tressaille involontairement en jetant un coup d'œil inquiet dans leur direction. Royce se retourne un instant puis reporte son attention sur moi.

- Tu ne peux pas rester dans la voiture, la carrosserie va absorber toute la chaleur et tu vas cramer.

Maintenant que j'y pense, c'est plutôt vrai. Mais je préfère fondre comme une bougie en fin de vie que de rentrer dans ce garage. Royce semble lire ma réponse dans mon regard parce qu'il fronce les sourcils et soupire.

- Lily, je te l'ai déjà dis, j'ai besoin de t'avoir sous les yeux et je ne peux pas bosser en m'inquiétant de savoir si un malade ne va pas s'approcher de la caisse sans que je le vois.

Est-ce que cela fait de moi une folle si la seule chose que j'ai entendu dans sa phrase, c'est la manière dont il a prononcé mon prénom de sa voix grave. Comme si on se connaissait. Le reste de ses paroles trouve tout de même son chemin jusqu'aux rouages rouillés de mon cerveau. Un malade? qui s'approcherait de la voiture? Est-ce que c'est possible? Évidemment Lily, tu es dans la zone Nord, à quoi tu t'attendais? Je déglutis et hoche la tête convaincue. 

Royce semble légèrement soulagé, il recule pour me laisser descendre et claque la portière derrière moi. Il verrouille la voiture et je lui emboîte le pas en direction du garage. On traverse une rue jonchée de déchets, passe devant une pizzeria fermée avant d'atteindre le bâtiment. 

L'appréhension me noue la gorge et je frotte mes mains moites à plusieurs reprises contre mon jean.

- Putain, mec t'as tardé, on a cru que tu ramènerai jamais ton cul, lance une voix masculine lorsque Royce pénètre dans le bâtiment.

Je reste derrière lui comme si cela pouvait me dissimuler aux regards. Quoique, vu la largeur du dos de Royce, ce n'est pas impossible.

- J'avais un truc a faire, répond-il d'une voix neutre.

L'homme qui s'adresse à Royce doit avoir la quarantaine mais son visage semble usé par des années de travail. Ses cheveux sont grisonnants et il a plusieurs cicatrices sur le front et sur les bras. Il porte une combinaison de travail dont il a enlevé les manches.

- On t'as sorti le moteur de la BM mais tu dois encore la...

L'homme s'interrompt brusquement en m'apercevant derrière Royce.

- Qu'est-ce que c'est que ça Royce? Tu m'explique?

Je suppose que je suis le "ça". Flatteur.

- C'est la nièce de Chris, répond l'interpellé d'un ton peu concerné.

On semble avoir attiré l'attention parce que les autres hommes se rapprochent, l'air intéressés. Ils sont cinq. Parmi eux, je reconnais le latino avec son bandana et Hunter, à qui j'avais offert des cookies. Le premier est impassible mais Hunter affiche un sourire entendu.

- Salut Lily, content de te revoir!

Royce lui jette un regard froid qui ne déride pas le grand blond mais le retient de s'approcher.

- Chris a une nièce? demande un homme afro-américain habillé en bleu de travail.

Je me demande comment ces gens peuvent connaître mon oncle. Mais en même temps il vend des voitures donc ce n'est pas complètement improbable.

- Ok. Je te demande pas qui est cette fille mais ce qu'elle fait ici, s'impatiente le quadragénaire qui doit sûrement être le patron.

Royce hausse les épaules:

- Elle était dans la voiture et j'ai pas le temps de la ramener. Laisse tomber Tom.

Pourquoi est-ce que j'ai l'impression d'être un paquet encombrant et non une vraie personne? Cela a peut être quelque chose à voir avec le fait que personne ne semble me calculer. Sauf Hunter, lui il me calcule même un peu trop avec son sourire carnivore.

- Je peux savoir ce que la gosse de Chris faisait dans ta caisse? s'énerve le dénommé Tom.

Je ne me formalise même pas d'être la "gosse de Chris". Tous les yeux sont braqués sur moi et si je pouvais avoir un super pouvoir, maintenant, tout de suite, je voudrais pouvoir me transformer en souris et disparaître sous une de ces voitures. Royce sert les poings.

- Qu'est-ce que ça peut te foutre?

- Ça me fout que Chris fait des affaires avec nous, c'est même grâce à lui qu'on coule pas, et ça risque d'être compromis si tu baises sa nièce.

Je sursaute et une exclamation étouffé m'échappe. Je ne sais pas si je rougit de gêne ou de colère, sûrement des deux à la fois. Je vois les muscles de Royce se crisper sous sa chemise.

- Ferme ta gueule ça vaut mieux, prévient-il d'une voix glaciale.

- Tu l'as peut-être oublié mais c'est moi qui commande ici. Être doué avec les bagnoles fait pas de toi le chef.

Devant moi, Royce ouvre et referme ses mains de manière compulsive et ce geste n'augure rien de bon. C'est ce qu'ont l'air de penser les autres hommes parce que Hunter se positionne entre les deux en levant les deux mains en signe d'apaisement.

- C'est bon les mecs, relax. Y a aucun problème ok, alors on se détend.

- C'est pas moi qui rendrai des comptes à Chris quand il apprendra que Royce saute sa...

- Eh! Mec, l'interrompt Hunter en poussant son épaule. Cherche pas la merde, ok. Sauf, si tu veux te faire péter la gueule, dans ce cas, continue t'es sur la bonne voix.

Tom jette un regard haineux à Royce qui est toujours parfaitement immobile le corps raide. Il a l'air de décider qu'il y a effectivement un risque qu'il se fasse casser le nez parce qu'il se détourne après un sec:

- On se remet au travail.

Les autres le suivent du regard alors qu'il quitte la salle par une porte latérale.

- Sérieux, mec, est-ce que tu...? commence l'afro-américain.

- Lâchez l'affaire, coupe Royce sur un ton qui ne laisse pas de place à la discussion.

Plus personne ne parle mais à présent, tous les regards sont fixés sur moi.

- Vous avez pas de travail? s'impatiente le fauve.

Ils finissent par se détourner et retournent se pencher au dessus de différentes voitures. Royce s'approche de moi:

- Bon, tu peux trouver un endroit où te poser et attendre que j'ai fini.

Je balaye le garage du regard. Il est très différent de celui de Chris. Des étagères dépareillées longent les façades et un désordre monumental règne à l'intérieur. Des canettes de bière et de soda sont éparpillées un peu partout et je repère également quelques emballages vides de pizza. Des taches d'huile de moteur ou autre liquides sombres maculent le sol et répandent dans l'air une très forte odeur d'essence. Certaines voitures sont montées sur des espèces de rehausseurs et ont presque l'air suspendues au plafond: seul leur ventre- si je puis dire- est visible depuis ma position.

 Au fond de l'immense pièce, des véhicules qui à mon sens ne reverront plus jamais la lumière du soleil se tiennent compagnies, la plupart n'ont plus de carrosserie. Malgré le désordre qui règne dans ce garage, je ne distingue aucune chaise ou banc sur lequel je pourrais m'asseoir pour patienter. 

Je jette un coup d'œil interrogateur à Royce et sursaute imperceptiblement en le voyant déboutonner sa chemise. Qu'est-ce qu'il fait? Et surtout, pourquoi est-ce que je continue de le regarder? Mes yeux sont comme aimantés. Royce atteint le dernier bouton puis roule des épaules pour repousser le tissu et faire tomber la chemise au sol. Il porte un débardeur blanc en dessous et le fin tissu ne cache presque rien de son impressionnante musculature. 

Les mannequins dans l'agence de maman avaient aussi des muscles, souvent gonflé par des heures d'acharnement à la salle de sport (s'ils ne se faisaient pas aider par des protéines). Mais le corps de Royce est différent, sec, tout en puissance, il semble taillé comme une arme. Je pose les yeux sur les flammes d'encre qui lèchent ses bras et semblent serpenter sur sa peau à chaque contraction de muscle. Je me demande si il a également des tatouages sous ses vêtements. 

Et il relève la tête pour croiser mon regard. Mince. Prise la main dans le sac en flagrant délit de contemplation. Mon visage me brûle immédiatement. Royce hausse les sourcils à mon intention.

- Euh, je bégaye,... je ne trouve pas d'endroit où m'asseoir. Mais ça ne fait rien. Je peux rester debout, ca ne me dérange vraiment pas.

- Amène toi.

Royce me guide jusqu'au fond du garage vers les voitures démantelées. Il indique l'une d'elles du menton:

- T'as qu'à t'asseoir dans celle-ci.

Je fixe son visage pour être sure qu'il est sérieux. Il me rend mon regard, impassible. Message reçu. Il est sérieux.

- D'accord.

Je ne manque pas son léger haussement de sourcils. Il s'attendait à ce que je proteste. Qu'est-ce qu'il pense? Qu'un peu de poussière me fait peur? Si c'est ça, il doit avoir une bien piètre opinion de moi. C'est surement le cas d'ailleurs. Je lui tourne le dos et me dirige vers la carcasse de voiture qu'il m'a indiquée. Je me glisse facilement sur le siège conducteur- il n'y a même plus de portière- en songeant que le volant fera un bon support pour dessiner. Enfin, ce qu'il reste du volant. Je me demande comment ces véhicules ont pu se retrouver en si piteux état. J'ai la réponse quelques minutes plus tard. 

De ma position, j'ai une vue dégagée sur le garage et ce qui s'y passe. J'observe les mécaniciens aller et venir entre leurs postes de travail et les restes automobiles qui m'entourent pour y piocher les pièces qui les intéressent. C'est une sorte de casse, je comprend, et je suis assise en plein milieu. Si on m'avait dit il y a une semaine que je passerai une journée dans un cimetière de voitures, je ne l'aurais surement pas cru! Sans surprise, mon attention est rapidement attirée vers Royce, comme les papillons sont tristement aimantés par les flammes.

Il est allongé sur une espèce de lit roulant à l'air peu confortable, une jambe repliée pour pouvoir se propulser d'un coup de botte, il est en train d'ausculter le dessous d'une voiture surélevée. J'ai une vue parfaitement dégagée sur son corps puissant moulé dans son jean et son débardeur. Mais c'est son visage qui a toute mon attention. Une expression concentrée semble imprimée sur ses traits marmoréens alors qu'il démonte plusieurs pièces à l'aide d'une clef à molette. Il sort plusieurs fois de l'ombre du véhicule sans se lever de son support pour prendre un nouvel outil avant de regagner son poste de travail. Mes doigts me démangent d'une manière familière et avant même de m'en être rendue compte, j'ai sorti mes feuilles et un crayon neuf. La minute suivante, ma main parcourt le papier pour une première esquisse. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top