Chapitre 13
Légèrement perdue, je prend le chemin de pierres blanches qui mène au jardin arrière. Mes pas me portent jusqu'à la grande piscine. Le soleil fait scintiller la surface brillante de l'eau mais mon attention se concentre sur l'entrée du garage à une cinquantaine de mètres. Je ne distingue pas vraiment ce qu'y s'y passe parce qu'un énorme 4x4 très abîmé est garé n'importe comment devant le bâtiment.
Une musique agressive et beaucoup trop forte semble émaner par vague du sanctuaire de Chris. Je reconnais ces tonalités, c'est du métal. Pas besoin de préciser que c'est à des années lumière de mon style de musique et que ce n'est pas avec ce genre de sons que je vais pouvoir me détendre. Non je préfère encore le son des crissements d'ongle sur un tableau à craie. Avec un soupir et un dernier coup d'œil vers le garage, je m'assieds à même le sol et retire mes tennis pour tremper mes pieds dans l'eau fraîche de la piscine. Délicieuse sensation!
Après avoir observé quelques minutes les remous autour de mes chevilles, je sors mon téléphone de ma poche et déroule mes écouteurs. C'est un pur bonheur de remplacer cette cacophonie odieuse qui prétend être de la musique par ma playlist pop. Je passe le temps en regardant les dernières news people. J'en ai un peu honte mais tout le monde le fait, non? N'empêche, je ne met pas longtemps à être à cours d'activité. Après m'être perdue plusieurs fois sur YouTube entre le rayon chatons mignons et Ellen show, je pose mon portable et me laisse basculer en arrière, le dos et la tête dans l'herbe.
Je ferme les yeux pour me protéger d'un soleil particulièrement agressif. Je me demande ce que fait Chris. Il est surement sorti. Il est toujours sorti. Je suis ici depuis presque deux jours et je ne l'ai presque pas vu, à se demander pourquoi il m'a invité. Je m'ennuie. Ça y est, c'est dit. Je m'ennuie. Je ne suis plus habituée à me tourner les pouces. A Londres, il y avait toujours quelque chose à faire: les galas forcés, les cours de danse, de piano, les sorties avec Nathan, les cours... Et la...j'ai l'impression de flotter dans l'incertitude. Aucun planning strict, aucune obligation, pas d'horaires. Je ne sais pas quoi faire. Chris a dit qu'il me cherchait un chauffeur mais ce chantier n'a pas l'air d'avancer et j'ai besoin de bouger pour ne pas trop rester enfermée avec mes pensées.
- Bouh!
Je sursaute et ouvre les yeux avant de les plisser pour me protéger du soleil. Je me redresse un peu pour faire face à Jace. Les mains dans les poches d'un jean qu'il porte trop bas, il me regarde avec son sourire trop grand pour son visage. Et il porte un vieux T-shirt aux effigies d'une équipe de baseball et des sneakers rouges. Il n'a plus rien du cow boy qu'il était hier.
- Désolé princesse. Je ne voulais pas te faire peur.
- Euh...Si. Tu as dis "Bouh".
- Ah oui, c'est vrai, admet-il.
- Et ne m'appelle pas comme ça.
- Ok. Princesse.
Je secoue la tête et reporte mon attention sur ses chaussures.
- Quoi? demande-t-il.
- Rien.
- Si. Tu me regarde chelou.
Je le "regarde chelou" moi?
- C'est juste que...tu as décidé que le costume de cow-boy ne t'allait plus?
Il rit.
- Oh, tout me va, surtout le costume de cow-boy! Les filles kiffent en plus. Non mais t'as vu mon corps de rêve au moins?
- Je n'ai pas dû faire attention.
- Fais gaffe à ce que tu dis, princesse. Mate moi plutôt ça, lance-t-il en soulevant son T-shirt pour dévoiler un ventre ferme.
J'éclate de rire, éberluée par son culot.
- Tu peux toucher. Vas-y, sois pas timide. C'est super dur!
- Non, je te crois, je te crois.
Il finit par abaisser son haut avec l'air d'un paon qui vient de faire la roue.
- Bon alors tu es habillé en street-boy pour une raison particulière?
- Chris nous laisse le week-end, donc je rentre chez moi, dit-il en haussant les épaules, le "street boy", comme tu dis (il mime des guillemets avec c'est doigt), c'est mon charme naturel.
- Et c'est où chez toi?
Je m'apprête à m'excuser pour avoir été indiscrète mais la question ne semble pas le déranger.
- Brooklyn, New York. Tu y es déjà allé?
- Non. Je n'ai jamais rien vu d'autre que la Floride aux Etats Unis.
- Ah c'est vrai. Et bien, je ne suis jamais allé en Angleterre. Mais ça doit être cool.
À ce moment, une musique particulièrement violente fait vibrer l'air depuis l'extrémité de la cour et Jace et moi nous tournons de concert vers la source. J'intercepte le regard hostile du rouquin en direction du garage.
- Il a ramené ses compagnons de gouttières avec lui, c'est ca?
Je tressaille devant l'insulte et demande, même si sa question ne me semblait pas adressée:
- Tu parles de Royce?
- Mmm.
- Et bien, il y avait trois autre garçons avec lui ce matin.
Jace renifle de manière dédaigneuse:
- Parfois je ne comprends pas ton oncle. Je ne sais pas ce qu'il cherche en embauchant ce type.
Il se mord aussitôt les lèvres et me jette un coup d'oeil inquiet comme si je risquait de le dénoncer. Je hausse les épaules pour le rassurer.
- Tu n'as pas l'air d'aimer Royce.
Il me jette un regard surpris.
- Personne n'aime Walters, lâche-t-il finalement avec une moue dégoûtée.
- Mais pourquoi?
Ma voix monte légèrement dans les aiguës malgré moi. Je ne veux pas non plus avoir l'air trop intéressée. Je ne vois pas ce que tu lui trouves. C'est comme un disque rayé et désagréable qui se lit en boucle dans ma tête.
- J'oubliais que tu n'es pas du coin. C'est pas à moi de te raconter ces trucs, désolé. Mais crois moi, c'est pas un mec bien.
Il croise mon regard dubitatif et ajoute:
- Je suis sérieux, ce type est un vrai connard.
Ma gorge se sert et je sens mes épaules s'affaisser. Je ne sais pas pourquoi mais je n'ai pas envie que Royce ne soit pas un mec bien. Je repense à la réaction des invités autour de la table la veille. Elle était peut-être légitime pour ce que j'en sais. Je n'avais pourtant pas l'impression que c'était quelqu'un de mauvais. Enfin je ne dis pas qu'il est adorable mais... Depuis quand tu es douée pour sonder la vrai nature des gens qui t'entourent Lily? Je frissonne devant cet auto coup-bas mental.
- Mais qu'est-ce que tu entends par "pas un mec bien"? j'insiste au risque d'avoir l'air obsédée par le sujet.
Jace enfonce ses mains dans les poches de son jean en soufflant sur les mèches de cheveux qui lui tombent dans les yeux:
- Je suis désolée Lily mais ton oncle n'aime pas trop les commérages et il a choisi d'embaucher ce type, dit-il en haussant les épaules, et j'aimerai bien garder mon job.
- Hé!
Jace et moi pivotons en même temps vers la source de la voix. Rose se tient juste derrière nous, les poings sur les hanches, elle porte un tablier taché de sauce tomate. Jace se tape le front du plat de la main:
- Merde!
-Je t'ai envoyé chercher la petite mon garçon, pas lui faire du charme.
- Je ne suis pas si petite.
- Je ne lui faisais pas du charme, s'écrie Jace la main sur le cœur, l'innocence incarnée.
- Bien sûr mon ange, je suis désolée, me répond la vieille dame en ignorant le rouquin, venez manger maintenant, vous deux. Ça refroidit.
On emboîte le pas de Rose et cette dernière se tourne vers moi:
- Je ne t'ai pas vu ce matin ma puce, j'étais de sortie quand tu t'es levée, je suis vraiment désolé...
- Il n'y a aucun problème Rose. J'ai fais des cookies, j'adore faire ça, je vous assure.
- Oui j'ai vue les biscuits, très réussis. Tu as mis des noisettes dedans n'est-ce pas?
- Oui, je hoche la tête en essayant de dissimuler ma fierté.
- Je ne pensais pas que tu cuisinais, lâche Rose en m'observant d'un air intrigué.
- Oui, c'est ma...
J'hésite un instant, génée de prononcer le mot cuisinière devant elle. C'est idiot, je le sais mais je ne peux pas m'y résoudre.
- ...Maria qui m'a appris tout ce que je sais, achevé-je finalement.
- Attend nous interrompt Jace, t'as fait des cookies et je suis même pas au courant? Je suis le premier à prévenir dans ces cas-là princesse.
- C'est noté pour la prochaine fois, je me moque gentiment de lui.
La salle des employés est pleine lorsque je pénètre dedans et j'ai un temps d'arrêt en remarquant des gens que je ne connais pas, assis autour de la grande table. Évidemment, le sixième sens étrange que je semble avoir développé depuis mon retour à Key Haven repère immédiatement Royce, installé à l'écart des autres et concentré sur son téléphone portable, un air morose plaqué sur le visage et une cigarette éteinte entre les lèvres.
Mais en dehors de lui et quand mes yeux veulent bien se détourner de sa grande silhouette, je repère plusieurs hommes dont je n'ai jamais vu les visages avant, tous en pleine conversation. Un homme d'une cinquantaine d'années aux cheveux poivre et sel éclate d'un rire tonitruant en réponse à une phrase de son voisin à dreadlocks, deux autres, un peu plus jeunes et vêtus de bleus de travail, regardent une vidéo de hockey sur un téléphone portable. Je m'arrête sur le seuil, intimidée par une si forte présence masculine.
Rose à disparu dans la cuisine et Jace me dépasse pour aller discuter avec les deux amateurs de hockey après avoir entrechoqué son poing fermé contre les leurs. Le poids soudain d'une main sur mon épaule sur mon épaule me fait sursauter. C'est juste Dallas qui vient d'entrer dans la salle, Boyd sur les talons. Ce dernier hoche timidement la tête à mon intention sans croiser mon regard et rejoint la joyeuse tablée. Dallas pose son regard compréhensif et indulgent sur moi:
- Ce sont juste des employés comme moi Lily, il ne vont pas te manger, ajoute-t-il pour plaisanter.
- Je le sais bien, je rétorque piquée au vif.
- Non je dis juste ça parce que tu fais la même tête qu'un gars prêt à sauter dans un cuve pleine d'alligators. C'est pas beau à voir.
- Rien à voir, je me défend tout en essayant de visualiser l'expression de l'homme qui se trouve dans cette triste position.
Une fois, j'ai vu une vidéo d'un zèbre se faisant dévorer vivant par une famille de crocodiles- ou peut-être d'alligators- et je n'en ai pas dormi pendant trois jours.
Pour effacer la mine dubitative de Dallas, je m'avance dans la pièce et prend place sur une chaise. Mr dreadlocks, qui promène son regard dans la pièce tout en discutant, s'arrête en plein milieu d'une phrase quand ses yeux se posent sur moi. Ses sourcils remontent aussitôt pour se cacher sous sa masse capillaire. Évidemment, son voisin suit son regard et en quelques secondes, toute la table devient silencieuse. On entend seulement les cris du public dans la vidéo de hockey encore en lecture. Dallas, qui a dû me prendre en pitié, me rejoint aussitôt:
- C'est Lily, la nièce de Chris.
- Ah! La Lily? Celle dont tu n'arrêtais pas de parler depuis des mois? s'exclame un des deux amateurs de hockey.
Je jette un coup d'œil interrogateur à mon palefrenier préféré qui grommelle des phrases incompréhensibles, l'air embarrassé. Je lui souris en réalisant encore une fois à quel point il m'avait manqué. Autour de la table, les hommes me scrutent tous d'un air curieux qui me donne l'impression d'être un de ces animaux étranges dans les zoos qui poussent les gens à coller leurs nez contre la vitre. Le silence s'étend encore et me met mal-à-l'aise.
Je crois que ces gens n'osent pas parler et plaisanter devant moi parce que je suis de la famille de leur employeur. Après tout, je n'ai peut-être rien à faire ici, comme Chris avait l'air de le penser hier soir. J'en suis à réfléchir si je peux encore rebrousser chemin et quitter la pièce sans passer pour une impolie quand Jace lâche avec un grand sourire:
- Elle est cool les mecs! Bon, elle a palpé mes abdos un peu trop longtemps tout à l'heure, mais bon, qui pourrait lui en vouloir...
- Quoi? je m'écrie, mais pas du tout!
Les éclats de rire fusent de nouveau dans la pièce quand je tombe dans son piège. Et je comprends que Jace voulait juste détendre l'atmosphère et m'intégrer. Je lui lance un sourire mi reconnaissant, mi réprobateur auquel il répond par un clin d'œil aguicheur. Les hommes se tournent vers moi et se présentent un à un. Je ne suis pas sûre de retenir leur noms mais je hoche poliment la tête à chaque présentation jusqu'à ce que Rose réapparaisse dans la pièce avec un énorme plat dans les mains. Evidemment, pour nourrir presque dix hommes effectuant des travaux manuels sous la chaleur de Floride, il faut bien une grande quantité de nourriture, je songe.
Je retiens une grimace devant cet énorme ragoût de bœuf qui, j'en suis sûre, à été admirablement bien cuisiné. Rose sert tout le monde à l'aide d'une grande louche et me donne la même portion inhumaine qu'aux hommes. Je la remercie faiblement. Zut de zut de zut. Rien que l'odeur de chair cuite me retourne l'estomac. Je le jure. Les employés se jettent de concert sur leurs portions avec l'enthousiasme d'un enfant devant son premier spectacle de marionnette. Et moi je déglutis en fixant les restes d'animaux calcinés qui remplissent mon assiette. Je me sens pâlir. Heureusement personne ne semble me prêter attention. Enfin presque.
Je sens le regard piquant de Royce sur moi et quand je relève la tête, je remarque son expression sérieuse mais indéchiffrable alors qu'il semble attendre de voir ce que je vais faire. Cet homme cache bien ses pensées. Si ça se trouve, il jubile de me voir dans cette position inconfortable, pour ce que j'en sais. Ne sois pas mesquine Lily. De toute façon, qu'est ce qu'il m'a pris, à moi aussi, de lui donner une telle information? C'est surement à cause de ses yeux gris. Ils ont une sorte de pouvoir magique qui agit de la même manière qu'un sérum de vérité.
- Tu ne manges pas? demande mon voisin, l'homme aux cheveux poivre et sel.
D'autres personnes se tournent vers moi. Oh, pitié non!
- Lily, tu n'as pas aimé? Ce n'est pas bon? demande Rose avec inquiétude.
Je vais être malade, cette fois c'est certain, je me sens vraiment mal.
- Mais si, bien sur que si!
Je rougis, pourtant c'est surement la vérité. Ça n'empêche pas tout le monde de continuer de me fixer, y compris la cuisinière avec ses yeux de grand-mère triste. C'est la première fois depuis que je suis ici que je la vois sans son sourire et je n'aime pas ça du tout. Alors, je déconnecte mon cerveau- enfin j'essaye- et je coupe délicatement un morceau de viande avec mon couteau et ma fourchette puis l'enfourne sans plus de cérémonie. Je ne peux pas dire que ce soit mauvais, je me concentre sur le goût de la sauce au curry qui enrobe le morceau de vache. Mais mon cerveau proteste et se révulse.
Je souris faiblement et fait passer la nourriture avec une grande gorgée de jus d'orange comme si j'essayais d'atteindre un incendie dans ma gorge. Rose me sourit rassurée et les autres reprennent leurs conversations. Je repose doucement ma fourchette sur la table. Dans mon ventre, j'ai l'impression que cette bouchée pèse une tonne, ce qui, d'après le processus de digestion, est strictement impossible.
Quand je relève la tête, je tombe une fois de plus sur le regard de Royce, assis à ma diagonale, qui me fixe les sourcils froncés. Enfin, un peu froncés. Puis la seconde suivante, son visage se détend pour ne plus refléter qu'un vague ennui. Qui est cet homme? Et surtout, pourquoi est-ce que ça m'intéresse? Je ne vois pas ce que tu lui trouves relance le disque rayé dans ma boite crânienne. Je m'oblige à détourner la tête.
Rose débarrasse la table sans faire de remarque sur mon assiette encore pleine et apporte le déssert: des îles flottantes faites maison! Je retrouve presque instantanément des couleurs, je les sens revenir. Les hommes entament pour la plupart leurs deuxièmes crèmes dessert quand la porte de la salle des employés s'ouvre.
Toutes les têtes, la mienne compris, pivotent pour découvrir Chris debout sur le seuil. Comme un seul homme, tous se redressent sur leurs chaises d'une manière qui rappelle comiquement un salut militaire. Enfin, Royce est toujours négligemment appuyé sur son dossier et j'ai même l'impression qu'il se balance légèrement sur les deux pieds arrières de son siège. Il porte quand même son attention sur mon oncle. Ce dernier s'avance dans la pièce et balaye la table du regard. Je le vois tiquer quand ses yeux me trouvent au milieu de tous ses employés mais il se retient de faire une réflexion.
- Je décolle de Miami dans deux heures. J'en aurais pour quelques jours. Vous pouvez tous prendre votre congé ce soir, je vous recontacte à mon retour. Dallas, tu es responsable de la maison.
Qu'est-ce que c'est que ça? Un communiqué officiel? Je le regarde, surprise. Pas qu'il laisse la maison à Dallas, ça j'en avais l'habitude, notre palefrenier est également le contremaître, ici. Mais où est-ce qu'il part pendant plusieurs jours? Il a simplement dit " je décolle", qu'est-ce que ca veut dire? Et pourquoi me demander de passer l'été ici si c'est pour disparaître au bout de deux jours? Après tout, il voulait peut être simplement rendre service quand il a entendu que je ferai ma rentrée à Miami. Je me suis sûrement surestimée quand j'ai imaginé qu'il était impatient de me revoir, Chris ne m'a jamais paru spécialement sentimental. Ça c'était plutôt le domaine de mon père.
- Où est-ce que tu vas? j'ose quand même demander.
- J'ai quelques affaires à régler. Je n'en aurai pas pour longtemps.
Ok. Ça ne répond pas vraiment à ma question.
- Tu as besoin de quelque chose? demande-t-il d'une voix moins dure que celle avec laquelle il s'adresse à ses employés.
Et bien, en fait oui. J'ai besoin d'aller en ville. D'un stock de bonbons. De savoir où tu vas. Evidemment je ne dis rien de tout ça et secoue la tête.
- Ok, tu as mon numéro en cas de problème. Je devrais être rentré dans trois jours mais je préviendrais Dallas s'il y a un imprévu.
Les employés conservent un silence religieux et teinté d'un certain respect alors que Chris s'adresse à moi ; comme s'ils souhaitaient nous laisser un peu d'intimité. Pourtant, je ne crois pas que ce soit nécessaire: ce n'est pas comme si on faisait preuve d'effusions. D'ailleurs, mon oncle s'est déjà détourné:
- Walters, j'ai besoin de te dire deux mots, ajoute-t-il finalement par dessus son épaule avant de quitter la pièce.
Royce se lève et se dirige vers la sortie sans adresser un mot à quiconque. D'ailleurs, personne ne fait attention à lui. Enfin, personne sauf moi évidemment, qui ne peux pas m'empêcher de lorgner sur son dos en forme de triangle inversé dont le T-shirt laisse apparaître les moindres muscles en mouvement. Je reprends mes esprits quand la porte laquée se referme sur lui et croise le regard préoccupé de Dallas.
Pas besoin d'être diplômé de Harvard pour comprendre qu'il vient de me surprendre en flagrant délit de contemplation de muscles. Je rougis sur le champs. Dallas me connait depuis que j'ai un an. Je suis certaine qu'il lui est même arrivé quelquefois de changer mes couches- même si je préfère éviter de m'appesantir sur la question- et qu'il m'ait vu en train d'admirer le dos de Royce...c'est plus que gênant. C'est presque comme traverser tout un centre commercial sans se rendre compte qu'on a l'ourlet de la jupe coincée dans la culotte. Ce qui ne m'est jamais arrivé, je tiens à le préciser. Heureusement pour moi, Dallas a du tact et ne cherche pas à me mettre mal-à-l'aise outre mesure. Je suis soulagée quand il détourne les yeux.
Rose ramasse les restes de desserts que je lui fais passer et les pose sur un plateau avant de regagner les cuisines. Après cela, les employés dont je ne connais pas précisément les attributions quittent la pièce en file indienne. En sortant dans la cour, j'aperçois Royce et Chris en pleine conversation devant la façade du bâtiment des employés. Enfin, pour être exacte, mon oncle parle et Royce écoute- je crois- le regard vague et une cigarette fumante entre les lèvres. Il est adossé au mur, une jambe repliée et je remarque qu'il est légèrement plus grand que son interlocuteur qui me tourne le dos.
Si, je pouvais avoir un super-pouvoir, maintenant, tout de suite, je voudrais être une libellule et voler discrètement jusqu'à eux pour écouter leur conversation. J'ai choisis la libellule parce que c'est joli mais si c'est trop demander, je pourrais tout aussi bien être une mouche ou une abeille. Hélas, aucune force divine ne semble prête à exaucer mon vœu. Soudain, le regard métallique qui ne fixait jusqu'à présent que le vide se braque sur moi avec l'intensité d'un projecteur de scène. Je me pétrifie une seconde avant que Chris ne se retourne dans ma direction. J'ai le temps de voir ses sourcils blonds comme le blé se froncer avant de déguerpir vers la maison. Je prends l'escalier principal et remonte dans ma chambre.
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