Chapitre 113
Je ne déprime pas. Non, j'écoute juste ma playlist de chansons mélancoliques – quoi ? Tout le monde en a une sur son téléphone, non ? – la joue enfoncée dans mon oreiller à m'en laisser des marques et le regard flou braqué sur la pile de manuels scolaires de mon année de fac à venir que je regarde sans vraiment les voir. Manuels que – soit dit en passant – je n'ai toujours pas ne serait-ce que feuilletés. Ne manquerait plus qu'en plus d'avoir fait fuir le seul homme qui m'ait jamais plu, je rate mon année par manque d'investissement.
Ça ne me ressemble pas du tout. Rien de tout cela ne me ressemble. La Lily de Londres aurait passé son été à étudier pour rester la meilleure, à monter à cheval, à reproduire à coups de crayons de couleur toutes les jolies choses qui lui passent sous les yeux - et par « jolies choses », je n'entends pas le mécanicien de son oncle. Cette Lily-là s'en serait tenue au plan initial : elle serait restée à bonne distance des garçons, n'aurait pas menti par omission à son meilleur ami et n'aurait pas le cœur en miettes pour un homme qui n'en a rien à faire.
Ok. Je déprime.
« Cause I'm only humain » chante Christina Perry à mon oreille avec un timing parfait et un timbre lancinant. Si je pouvais avoir un ciel magique comme à Poudlard, il serait gris, plein d'orage et de pluie. Non, aucun rapport avec les yeux de...
Je me retourne sur l'autre flanc avec un soupir et en fais de même avec mon oreiller pour avoir le coté frais sous mon visage. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis avachie sur mon lit à broyer du noir – ou du gris métallique - et pour être honnête, je n'ai aucune idée non plus de l'heure qu'il est. Je suppose quand même que l'après-midi est entamé si j'en crois le soleil éclatant qui vient baigner les murs de ma chambre d'une lueur dorée. Oui, très raccord avec mon humeur.
Dallas va certainement me sermonner parce que je ne suis pas descendue manger, Rose va s'inquiéter, Brutus va m'en vouloir de l'avoir délaissé trop longtemps. Je ne suis qu'une sale égoïste. Mais une égoïste qui n'avait aucune envie d'aller s'installer à la même table que Royce. De croiser son regard indifférent et de se demander pour la centième fois si elle n'avait pas rêvé toute cette histoire avec lui.
Comment est-ce que je vais faire pour survivre au reste de l'été ? Je ne peux décemment pas rester terrée dans ma chambre et même si je m'en sentais capable – ce qui est presque le cas – Dallas ne me laisserait pas faire.
Ignore-le, me souffle la petite voix dans ma tête et je sais qu'elle ne parle pas de Dallas.
Ignorer Royce, j'ai déjà essayé. Le moins que l'on puisse dire est que cela n'a pas été un franc succès. Nouveau soupir. J'ai à peine l'énergie pour me pencher et saisir mon téléphone qui vient de m'annoncer en vibrant l'arrivée d'un nouveau message. Je fronce les sourcils en voyant l'expéditeur et hésite à l'ouvrir mais mon moral est déjà au fond du gouffre donc je ne risque rien à jeter un coup d'œil.
Maman : Elisabeth, je ne sais pas à quoi tu joues en filtrant mes appels mais cela ne m'amuse plus du tout. J'ai discuté avec Cooper, l'agent dont je t'avais parlé, et il est très intéressé par ton profil. D'après lui, ignorer un tel potentiel serait du gâchis. Rentre à la maison s'il-te-plait, rien ne t'oblige à aller t'exiler aux États Unis.
D'accord. Là je suis au fond du gouffre. Je ne sais pas pourquoi je continue d'espérer à chaque message, à chaque parole que je reçois d'elle, trouver une infime trace d'affection. Il n'y en a pas. Je remplace mentalement le « mais cela ne m'amuse plus du tout » par un « mais je commence à m'inquiéter » et j'ajoute un « tu me manques » après le « rentre à la maison », juste pour imaginer ce que cela me ferait si elle avait réellement écrit ces mots. Je note quand même le compliment. J'imagine que mon « potentiel » se résume donc à un physique globalement symétrique pour lequel je n'ai aucun mérite. Sympathique.
J'hésite à ouvrir la pièce jointe qu'elle a glissée dans le message et passe finalement mon pouce dessus, poussée par une vague curiosité. C'est juste une photo de moi qui pose dans une petite robe jaune pour une page d'un magazine de mode anglais. Elle date de la fin de mes années college si mes souvenirs sont bons. J'y jette un coup d'œil réticent. Si ma mère pensait déclencher un élan de nostalgie en me faisant parvenir cette image, c'est raté de chez raté.
Je n'ai jamais aimé me voir sur ce genre de clichés sur lesquels j'ai toujours l'air froide et vide. Je me souviens que je détestais ce moment incontournable qui suit les shootings où le photographe vous fait visualiser toutes ses prises. Je me contentais de hocher rapidement la tête à tout ce que l'on me proposais pour en finir au plus vite.
Cette photo-là ne fait pas exception et je me sens mal à l'aise en croisant le regard bleu de l'inconnue. Elle se tient droite, ne sourit pas et fixe l'objectif bien en face avec un regard que ma mère qualifierait de mystérieux mais qui me parait surtout vide, le visage lisse et dénué d'expression. Si seulement je pouvais être aussi opaque dans la vrai vie. Hélas, si j'ai appris très tôt à laisser la vrai Lily de côté sous les flashs des appareils photo, je n'ai pas la moindre idée de comment on fait ça dans la réalité.
Je repose mon portable sur ma table de chevet en envisageant les jours à venir. Il me reste environ deux mois à passer ici. Il y a une semaine, ce délai me paraissait injustement court mais je ne suis plus très sûre que ce soit le cas. Je ne suis plus sûre de rien du tout. Par contre, je suis certaine d'avoir entendu la porte de ma chambre s'ouvrir dans mon dos. Je me redresse aussitôt sur les coudes pour jeter un coup d'œil à l'entrée de la pièce.
Qu'est-ce que...
- Salut ma belle... waouh ! Ta chambre me fait toujours le même effet choc ! Je crois que je viens d'ajouter "m'envoyer en l'air dans une chambre de poupée" à ma liste de fantasmes à réaliser.
Jace.
Il se tient dans l'encadrement de la porte avec son sourire de canaille trop grand pour son visage, ses yeux trop innocents pour lui et son jean beaucoup trop bas qui menace de se faire la malle à tout instant.
Je rougis à peine en entendant sa remarque salace, trop habituée à présent, et me contente de froncer les sourcils en le dévisageant. Il est mal tombé, je ne suis pas du tout d'humeur hospitalière.
- Contente de l'apprendre mais ça ne se fera certainement pas dans cette chambre de poupée, je rétorque. Qu'est-ce que tu fais là ?
Il est toujours planté sur le seuil de ma chambre et jette toutes les trois secondes des coups d'œil dans le couloir derrière lui.
- Je peux entrer ? demande-t-il sans répondre à ma question. Si Chris me chope ici, je suis un homme mort.
Je n'ai pas le temps d'en placer une qu'il s'autorise seul à pénétrer dans la pièce et referme la porte derrière lui. Bonjour les bonnes manières. Il se détend aussitôt une fois à l'intérieur et jette des coups d'œil partout autour de lui comme si je n'étais pas là. Je laisse mon crâne cogner contre ma tête de lit et patiente en silence le temps qu'il se décide à m'expliquer ce qu'il vient faire ici.
- Je ne te dérange pas ? je demande quand même quand il ouvre le tiroir de mon bureau pour fouiller dedans tout en plongeant la main dans un des paquets de bonbons qui trainent sur le meuble.
- Du tout, répond-t-il la bouche pleine avant de commenter avec un sifflement admiratif. Joli, le dessin.
Les sens en alerte, je jette un coup d'œil à la feuille qu'il tient à la main. Heureusement pour moi, il ne s'agit pas du portrait de Royce mais d'un croquis d'une cabine téléphonique londonienne que j'ai réalisé pour mon cours d'art plastique en première.
- Merci. Qu'est-ce que tu fais ici, Jace ? Est-ce que c'est Dallas qui t'envoie ? Parce que si c'est lui, tu peux lui dire que je vais b...
- Non, c'est pas Dallas, coupe-t-il en se dirigeant vers ma penderie. C'est Boyd qui s'inquiétait. Est-ce que t'as d'autres T-shirts fun comme celui de ce matin ?
Je suis tellement surprise par sa révélation que je ne proteste pas quand il se met à fouiller dans mes vêtements, fichant un bazar pas possible dans mon armoire.
- Boyd ? je répète en m'asseyant en tailleur sur mon matelas.
Je ne sais pas vraiment si je dois être touchée ou inquiète face à l'intérêt du métis.
- Ouais. Il a dit qu'il faudrait peut-être monter vérifier comment tu vas. Je lui ai conseillé de le faire lui-même mais il avait pas les couilles.
- Hé ! Ton langage jeune homme, je plaisante à moitié. Et peut-être que Boyd connait mieux les bonnes manières que toi, voilà tout.
Il hausse les épaules sans se retourner.
- Figure-toi que je les connais aussi. J'ai juste pas le temps pour ce genre de conneries, lâche-t-il distraitement en agitant un chemisier à carreaux Burberry que je ne porte jamais mais que ma mère trouvait « dé-li-cieux ». Putain, mais t'as que des fringues de marque !
- Oui, ma mère est mannequin alors je n'ai pas vraiment d'autres choix, je marmonne, embarrassée.
Il se retourne pour m'adresser un autre de ses clins d'œil légendaires.
- Mannequin, hein ? Si elle te ressemble, elle doit cartonner.
J'éclate de rire, sonnée par son toupet.
- Pas avec moi, Jace. Économise ta salive pour Maggie et... Hey !
Cette fois, je suis obligée de me lever et me précipite vers l'importun quand il ouvre mon tiroir à sous-vêtements. J'écarte sa main d'une tape et referme mon armoire.
- Quoi ? demande-t-il avec son air innocent quand je croise les bras sur ma poitrine. Je suis juste curieux.
- T'es un pervers. Et tu peux y aller maintenant.
- Non, je peux pas, je suis en mission.
- Oui, et bien, c'est fait. Tu peux dire à Boyd et à Dallas que je vais bien et que j'ai juste un petit coup de fatigue.
Je le tire par le bras pour l'emmener vers la sortie. Mais il se dégage sans difficulté de ma petite poigne et me contourne pour aller se jeter sur mon lit. Avec ses chaussures. J'écarquille les yeux quand il se met à l'aise, passant un bras replié derrière sa nuque et croisant les jambes sur l'édredon. Malgré mon moral qui frise le zéro, je note quand même avec une pointe d'humour à quel point sa tignasse flamboyante jure sur l'oreiller rose.
- Jace.
- Mmh ? lâche-t-il sans me regarder, trop occupé à faire connaissance avec mon panda en peluche.
- Vire-toi de là !
- Non.
Bon sang, il n'est pas possible ! Je serre les poings.
- Enlève au moins tes chaussures sales de mon lit !
Il n'y a que dans les films que les personnages peuvent se permettre de grimper sur le matelas avec leur souliers et ça parce que leurs semelles sont généralement impeccables. Personne ne fait ça dans la vraie vie, si ?
- Oh, j'en connais une qui s'est levée du mauvais pied, plaisante-t-il alors que – comme il vient de le faire remarquer – je ne suis pas du tout d'humeur. Walters et toi, vous êtes calés sur la même onde aujourd'hui ? C'est quoi l'histoire ?
Je sursaute tristement en entendant le nom.
- Hein ? Pourquoi tu dis ça ?
Il m'adresse un sourire diabolique qui révèle toutes ses dents bien alignées et hausse plusieurs fois les sourcils.
- Ça t'intéresse là, n'est-ce pas ? lâche-t-il sur un ton goguenard alors que je me renfrogne légèrement, dépitée d'être tombée dans son piège minable.
Je le regarde en silence tapoter la place libre à coté de lui sur le matelas.
- Allez, viens là raconter à tonton Jace ce qui va pas.
Cette fois, j'éclate de rire.
- Ha ! Dans tes rêves! Si tu penses que je vais venir m'allonger à coté de toi...
- Pourquoi pas ? Allez, je garderais mes mains pour moi, promis, jure-t-il en agitant les doigts d'une manière pas du tout rassurante. De toute façon, tu ne m'intéresses pas.
- Merci. C'est toujours plaisant à entendre.
Je me paye sa tête, bien plus soulagée qu'offensée par ses paroles, mais je crois qu'il le prend au premier degré.
- Allez Lily, tu sais que t'es super belle. Sérieux, t'es hyper mignonne. Tu pourrais poser pour un magazine si tu le voulais.
Je ne lui dis pas que c'est déjà fait.
- Mais je ne touche pas aux objets trop convoités, ça cause tout plein d'emmerdes. Tu vois, je suis plein de bonnes intentions. Allez viens.
Je ne relève pas le terme « objet » et ne pose pas de question sur le « trop convoités ». De toute évidence, il n'a pas l'intention de bouger. Un soupir de frustration m'échappe mais je rends les armes. Je tire sur les sneackers du rouquin pour les lui retirer - parce que, bon sang ! Je ne suis pas spécialement maniaque mais les chaussures dans le lit, c'est non - et les dépose au sol sous les yeux amusés de leur propriétaire. Puis je fais le tour du lit et vais m'asseoir à côté de lui. Oui, m'asseoir parce qu'il ne faut pas exagérer non plus. Quand je pense qu'il y a encore un mois, je n'adressais presque jamais la parole aux garçons – sauf à Nathan s'entend – et que j'en ai un juste dans mon lit en ce moment et pas de la meilleure espèce.
Tu as sauté le passage où tu embrasses les criminels en période probatoire, Lily.
Jace m'adresse une moue déçue en voyant la distance que je laisse entre nous deux mais n'insiste pas. Je triture mon dernier bracelet en date – un bleu blanc rouge aux motifs un peu plus compliqués – en attendant que mon manipulateur d'ami se décide à parler.
- Alors, qu'est-ce t'as fait pour nous mettre le mécano de cette humeur ? se lance-t-il.
- Tu trouves que Royce a besoin de moi pour être de mauvaise humeur ? je demande sombrement en levant un sourcil.
- Ouais, c'est sûr que j'ai connu des mecs plus fun mais là c'est pire. T'aurais dû voir la tronche qu'il a fait quand il m'a entendu suggérer à Boyd de monter te voir dans ta chambre. J'ai cru qu'il allait m'arracher la tête.
- Tu exagères.
- Même pas. Il avait ce regard-là, tu vois, son regard de serial killer. Mais bon, tu dois savoir de quoi je parle, tu le connais mieux que moi.
Je force le moindre de mes muscles faciaux à demeurer immobile et parviens in extrémis à conserver une expression neutre. Je sais qu'il veut me faire réagir en suggérant cela. Prêcher le faux pour savoir le vrai, une technique de débutant. Il ne sait rien.
- Pas tant que ça, je réponds en haussant les épaules. Tu es là depuis plus longtemps que moi.
- Moi en tout cas, je ne lui ai jamais léché les amygdales, balance-t-il avec un sourire retors.
J'en reste coite un instant pendant laquelle n'importe quel insecte motivé pourrait entrer dans ma bouche sans difficulté. Puis je passe par la phase clignotant alors que mes oreilles se mettent à bruler sous l'œil amusé de ce crétin de rouquin que je n'aurais jamais dû laisser entrer dans ma chambre.
Il s'est invité tout seul.
Bref.
Mon embarras est finalement chassé par de l'indignation. Je me redresse sur les genoux en fusillant l'impoli du regard. Il y en a un autre qui ne paie rien pour attendre.
- C'est Dallas qui t'a dit ça ? je m'offusque, sûre de moi.
C'est forcement Dallas. Qui d'autres ?
- Non, nie Jace en secouant la petite patte du panda en peluche de gauche à droite.
Je le dévisage sans être sûre de le croire. Je ne vois pas qui en dehors de Dallas aurait pu...
- Non ?
- Non. C'est Briana.
- Pardon ? Et qui est Briana ?
- Un ancien plan cul, on est restés potes elle et moi.
- Ton langage, Jace !
- Pardon, tu préfères sex friends ? Ou amis avec avantages en nature ? Copains de baise, c'est mieux ?
Je soupire et me pince l'arête du nez pour conserver mon calme.
- D'accord, peu importe. Je peux savoir ce que cette fille vient faire là-dedans ?
- On se parle de temps en temps et on s'est appelés ce matin pour comparer nos expériences de sexe spécial comète, lâche-t-il sans se soucier de mon air scandalisé. Elle était à la plage avec son mec hier pour voir l'étoile. Elle m'a dit qu'elle s'est retrouvée juste à côté de Walters et d'une petite blondinette.
Oh ! Zut. Il n'y a qu'à moi que ce genre de choses arrive. Alors comme ça, notre voisine de serviette Miss romantique qui mange des raisins dans la main de son homme est une... amie de Jace. Où est l'arnaque ? Il n'y en a pas, c'est ma vie l'arnaque.
- Et qu'est-ce qu'elle t'a dit d'autre ? j'ose en fixant le visage de Bob Marley qui m'adresse un sourire relax depuis le T-shirt du rouquin.
- Elle m'a raconté que le taulard et la petite blonde ont passé la soirée à s'engueuler et se faire la tronche pour finir par se rouler des patins comme des ados en chaleur dans le sable.
Oh mon dieu ! Je me sens blêmir, au comble du malaise.
- Qu'est-ce qui te dit que c'était moi ? je demande piteusement sans oser le regarder dans les yeux. Je ne suis quand même pas la seule blonde de cette île.
- Je connais aucune autre blondinette qui serait prête à approcher sa bouche de celle de Walters.
Je suis sûre du contraire – la bouche de Royce est très bien, je trouve – mais je me garde bien de le dire à voix haute, histoire de ne pas aggraver mon cas. Mortifiée, je baisse les yeux. Je ne sais même pas quoi dire pour me justifier. Je ne sais même pas si je suis censée me justifier. Un truc du genre « mais non, je t'assure, je ne suis pas particulièrement attirée par les criminels, juste par Royce ». Non, à éviter.
- Et... comment ça s'est passé ? demande Jace pour rompre le silence.
Je secoue la tête sans le regarder, la gorge nouée. Double, voir triple, le nœud. Jace se redresse aussitôt et m'adresse un regard désolé.
- Je te l'avais dit, tu te souviens ? Je t'avais prévenu qu'il allait abimer ton petit cœur. Pour un mécano, je trouve qu'il fait pas mal de dégâts, rit-il jaune.
Il parvient à m'arracher un pale sourire.
- Mon cœur n'est pas une voiture Jace. Et il va très bien.
- Non.
- Si.
Il soupire et incline la tête en arrière pour fixer les photos qui maculent mon plafond. Il reste un petit moment dans cette position, absorbé par son examen, à tel point que je pense qu'il va laisser tomber. Mais non. Son regard transparent rejoint le mien et il reprend.
- Écoute Boucles d'or, je ne suis pas venu pour te faire la morale...
- Merci.
- Mais je vais te la faire quand même.
- Jace, ce n'est pas la p...
Je me tais quand il m'attrape fermement par les épaules pour m'obliger à le regarder dans les yeux.
- Je vais te le dire une bonne fois pour toutes ! Il ne te mérite pas Lily ! Il ne mérite pas une fille comme toi. T'es tolérante, pleine de compassion et un peu naïve sur les bords mais lui, il en profite. Et moi, je m'inquiète pour toi.
- Royce n'est pas... Tu ne le connais même pas.
Je ne sais pas pourquoi je m'entête à le défendre alors que je ne suis moi-même pas sûre de ses motivations. C'est comme une sorte d'instinct destructeur.
- C'est vrai, concède Jace, quand je suis arrivé sur l'île, il était déjà en taule depuis un moment. Mais tout le monde parlait encore de lui. Les gens le décrivait comme un genre de kamikaze sans foi ni lois et il y avait encore sa gueule sur des avis de recherches périmés un peu partout. Il m'a rappelé quelqu'un. Un type que j'aurais préféré oublier.
Je reste silencieuse en avisant son air soudain sombre qui contraste terriblement avec son attitude jovial et bon enfant habituelle. Je note tout de même dans un coin de mon cerveau – le coin réservé aux raisons que j'ai d'oublier Royce que j'ai tendance à très peu consulter – que si le mécanicien de mon oncle a déjà figuré sur des avis de recherche, cela signifie qu'il était en cavale. Et en général, les gens ne s'enfuient pas à moins d'être coupables de quelque chose.
- Tu sais, ma sœur avait un Royce elle aussi, souffle Jace sans me quitter des yeux alors que les siens se voilent légèrement. Un gars des Queens, une vraie racaille.
Je déglutis en même temps que lui, alarmée par le ton sombre qu'il emploie, à des kilomètres de la voix enjouée du garçon auquel je suis habituée. J'ai un très mauvais pressentiment. Parce que Jace n'a que des frères, quatre pour être exact. C'est ce qu'il m'a dit, l'autre jour dans le pré
- Enfin, le « Royce » de ma sœur n'avait tué personne, lui, précise-t-il avant de se reprendre. Pas volontairement en tout cas. Julia était folle de lui. Évidemment, il était beau gosse, un peu torturé et tellement désagréable que la moindre parole pas trop blessante de sa bouche apparaissait comme un putain de compliment. Le parfait Bad-boy. Les mauvais garçons, c'est ce qui vous fait kiffer, non ?
Son timbre est plein d'amertume à présent mais je en relève pas sa pique parce que je comprend qu'au fond, elle ne m'est pas vraiment destinée.
- Qu'est-ce que... qu'est-ce qu'il s'est passé, Jace ?
L'espace d'un instant, ses yeux translucides prennent une allure de glacier. Pitié, faites que je me fasse des idées et que ce ne soit pas ce que j'imagine.
- Elle a été prise au milieu d'un règlement de compte entre lui et un gang de rue qu'il s'était mis à dos. Elle s'est pris une balle dans le front.
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