Chapitre 10

Je cligne des yeux et met moins longtemps à reconnaître ma chambre d'été. Des bruits de voitures et de moteurs qu'on coupe me parviennent depuis la fenêtre ouverte. C'est surement ce qui m'a réveillé. Je me lève et me dirige vers la vitre. Dehors le soleil commence à se coucher, déversant une flaque orangée dans le bleu sombre du ciel. Le tableau mériterait d'être croqué mais je déchante rapidement en remarquant les voitures garées dans l'allée et le petit attroupement qui s'est formé dans le jardin. 

Les invités. Zut de zut. Un soupir m'échappe alors que je me dirige vers la salle de bain pour me recoiffer. Je me passe un coup de peigne, puis attache mes mèches plus courtes avec deux barrettes pour éviter qu'elles ne me retombent dans les yeux. Et tant pis si elles me donnent l'air d'une gamine de douze ans, pour ce que ça change. Allez Lily, tu peux le faire. Une minute plus tard je suis toujours agrippée au lavabo à observer mon reflet. Mes yeux trop grands me renvoient un air angoissé. Je me détourne et quitte la chambre avant de changer d'avis. 

Je traîne un peu dans les escaliers mais finis par sortir. Une grande table a été installée dans la cour arrière et quelques invités sont déjà en train de saluer Chris. Comme je m'y attendais je ne les reconnais pas. Est-ce que je dois faire semblant de me souvenir d'eux? Est-ce que je suis censée leur faire la bise ou leur serrer la main? Je déteste ce genre de moments inutilement gênants. Je ne supporte pas d'être le centre d'attention. Je suis prête à rebrousser chemin et me faire porter pâle quand une voix de femme s'écrie: "oh mais c'est Lily!"

Zut. Vu la trajectoire de son regard, j'imagine qu'elle parle de moi. J'ai l'impression d'avoir une cible sur la tête, un peu comme le petit point rouge au milieu du front dans les films de snipers. Et je suis bel et bien supposée les connaître. Maintenant que je suis repérée, plus moyen de me dérober. Je descend les marches du perron et me dirige vers eux sans pouvoir m'empêcher de rougir. Puis je plaque mon sourire de fille modèle dévoilant des dents qu'un traitement orthodontique plus que coûteux à rendu "parfaites". De nouveaux invités sont arrivés et tout le monde m'observe avec des regards curieux. 

Je n'ai pas le temps de réfléchir à la manière de les saluer parce que les premières femmes que je croise me prennent dans leurs bras. Ce ne sont pas vraiment des câlins, c'est plutôt ce genre d'étreinte fausses ou l'on effleure à peine le corps de l'autre dont j'ai l'habitude. Je me prête au jeu que je maîtrise parfaitement a force d'entraînement. Je souris et je serre dans mes bras plusieurs autres personnes qui s'enthousiasment sur à quel point j'ai grandi. "Elle est tellement jolie, elle ressemble de plus en plus à son père", " Moi je trouve qu'elle tient plutôt de Victoria. Comment va-t-elle d'ailleurs?". Je répond poliment aux questions.

 La plupart des invités sont des adultes de l'âge de mes parents et de Chris. Je repère quand même un garçon et une fille de mon âge. Je reconnais la dernière, c'est celle qui était en jupe lors de la balade sur la plage. Le garçon en revanche, m'est inconnu. Il a des cheveux couleurs paille ramenés en arrière et des yeux clairs.

- Bonjour, je m'appelle Dan, lance-t-il à mon intention en se penchant vers moi pour me serrer la main.

La fille à la jupe m'ignore complètement et va s'asseoir à la table, les lèvres pincées. Je jette un coup d'œil aux plats qui recouvrent pratiquement le plateau. Rose s'est surpassée: plusieurs salades à l'aspect très esthétiques, un grand plat de poulet au miel, des mini quiches aux champignons... 

Je me sens aussitôt mal-à-l'aise en pensant qu'elle ne va même pas participer à ce dîner qu'elle a entièrement préparé. J'ai toujours détesté cet aspect dans la vie de riche: laisser les autres derrières sous prétexte qu'ils ont quelques zéro en moins sur leurs comptes en banque. Ce n'est pas que je me prenne pour mère Theresa. Je sais que le monde est injuste mais...cela me gène, c'est tout.

 A Londres, c'était différent, maman n'était presque jamais là, alors je mangeais avec Maria, notre femme de ménage et cuisinière. Elle m'a appris à préparer seule mes repas, ça, je ne pense pas que maman aurait apprécié pour peu qu'elle en ait quelque chose a faire. Je croise le regard interrogateur de Chris, encore debout.

- Et Dallas et les autres? je demande.

- Lily...

Il soupire comme si il s'attendait à ma réaction. Je m'apprête à laisser tomber pour ne pas faire de vague quand un des adultes que j'ai salué, un grand bonhomme chauve et bedonnant qui respire l'argent, s'exclame:

- Ce bon vieux palefrenier! Comment va-t-il?

Je n'aime pas sa façon de dire "palefrenier" comme si Dallas se résumait à son métier mais je garde cette réflexion pour moi.

- Bien, il ne peut plus s'occuper des chevaux tout seul alors je lui ai pris un assistant, un petit jeune.

- Ah, mais où sont ils? Chris, invite les donc à la table! Ah, ce cher Dallas...

Mon oncle à l'air d'hésiter alors je le devance:

- Je vais les chercher.

Je ne lui laisse pas le temps de riposter et me dirige déjà vers le bâtiment des employés en trottinant. Je frappe à la porte et elle s'ouvre sur Dallas qui s'écarte pour me laisser entrer. Je me retrouve dans la salle de repos. 

Rose est assise sur une chaise, un livre à la main et Jace discute sur le canapé avec un jeune métis aux yeux bridés que je ne connais pas. Je ne m'attarde pas sur l'inconnu parce que mon regard est rapidement aimanté vers le fond de la pièce ou Royce est assis sur le plan de travail de la cuisine, les bottines sur un tiroir ouvert qui a l'air de protester contre le poids, les coudes en appui sur les cuisses, il lit un feuillet ou une sorte de notice. 

Au moment même où mon regard se pose sur lui, j'ai l'impression qu'il commence à aspirer tout l'oxygène de la pièce. Son berger allemand est couché à ses pieds et promène un regard supérieur sur la salle. Comme si il avait senti mon regard sur lui, Royce relève brusquement la tête et me dévisage de son air froid. 

Mon cœur a cette réaction étrange quand il me regarde et bat désagréablement dans ma cage thoracique. Je suis happée dans l'argent fondu de ses prunelles et l'espace d'une minute j'oublie pourquoi je suis la. Ah oui, c'est ça, inviter Dallas et Jace à notre table. Je secoue la tête pour m'éclaircir les idées. Maintenant que j'y pense, je serais très gênée de laisser Rose, Royce, Jace et l'autre homme ici.

- Lily?

Dallas me lance un regard interrogateur.

- Chris m'a demandé de vous dire que vous êtes aussi invités au dîner, je lâche.

Jace et l'autre homme se taisent et portent leur attention sur moi.

- Nous?

- Oui vous tous.

J'espère que c'est bien ce que mon oncle voulait mais de toute façon je ne peux pas faire autrement.

-Cool, j'ai vraiment la dalle depuis que j'ai senti ce que tu cuisinais Rose! Allons nous mélanger avec les riches, lance joyeusement Jace en se levant.

- Tu es sûre? demanda Rose surprise.

- Oui, je lâche.

Dallas se frotte distraitement la barbe, signe de réflexion chez lui.

- D'accord on y va, dit-il finalement alors que Rose, Jace et son ami se dirigent déjà vers la porte.

Mais Royce ne bouge pas et se replonge dans sa lecture comme si je n'étais pas intervenu.

- Royce, l'appelle Dallas.

C'est comme si il n'avait pas ouvert la bouche.

- Royce! Tu viens aussi.

- Non.

Il ne lève même pas la tête et reste concentré sur sa lecture mais un pli amer barre son front.

- Fais pas le con.

- Casse toi Dallas.

Je sursaute devant ce manque de respect évident pour un adulte. Je veux dire, Royce en est un aussi mais Dallas est beaucoup plus vieux. Mon palefrenier préféré ne bouge pas et croise les bras sur son torse.

- Je croyais que tu te foutais de ce que pensent ces gens.

- Je m'en fous. Mais je vais pas bouffer avec eux.

- Donc, t'as peur qu'ils te jugent, c'est ça?

Je fais un bon de coté au moment où Royce saute brusquement sur ses pieds avec l'air d'un fauve énervé. Il se pointe devant Dallas et amène son visage déformé par la colère à quelques centimètres du sien. De toute évidence, Dallas souhaitait le faire sortir de ses gonds et savait parfaitement comment s'y prendre. Je ne peux rien faire d'autre qu'assister à l'échange, pétrifiée. Rambo, qui a dû percevoir l'état d'esprit de son maître, s'est remis sur ses pieds et commence à gronder.

- Fais gaffe à ce que tu dis, siffle Royce entre ses dents.

- Alors arrête de te cacher.

Royce sert les dents et je vois un muscle tressauter à sa mâchoire.

- Je ne me cache pas.

- Si. Et en le faisant tu confirmes ce qu'ils pensent. Mais bon, ils ont peut-être raison pour ce que j'en sais.

Cette fois Royce demeure silencieux et se contente de le fusiller du regard.

- On y va, lâche Dallas à mon intention avant de quitter la pièce.

Je me retourne vers Royce avec appréhension. Il me fixe sans desserrer les mâchoires, une lueur dangereuse au fond des yeux. Comme je ne sais pas quoi dire ni si je dois lui parler, je reste silencieuse. Il finit par me dépasser en me frôlant négligemment l'épaule. Il claque deux fois des doigts et Rambo se lance à ses trousses. Je lui emboîte le pas dans la cour, un peu secouée. Dehors, j'entend Dallas rire à une blague mais je connais son vrai rire et je sais que celui ci n'est qu'une façade de politesse.

Je garde les yeux fixés sur le large dos de Royce moulé dans un T-shirt noir et au fur et à mesure qu'on approche de la table je peux voir ses épaules se raidir sous le tissu.

On a bien fait de les inviter à dîner, je pense en voyant les nombreuses chaises vides restantes autour de la table. Je met un temps à me rendre compte du silence pesant qui a remplacé les discussions conviviales. 

Royce s'est immobilisé mais je peux voir que tous les visages sont tournés vers lui et figés dans un masque d'horreur qui me rappelle ceux que portaient les acteurs grecs à l'antiquité pour exprimer les émotions. Le silence dure quelques minutes, puis des murmures se répandent comme une traînée de poudre autour de la table. Qu'est-ce qu'il se passe? Royce s'avance finalement vers la table d'un pas raide et s'assied sur la chaise la plus proche. 

Je sens ma mâchoire se décrocher quand le monsieur qui était assis à côté se décale de deux places. Mais où est passé tout leur fichu savoir vivre, je n'ai jamais rien vu d'aussi mal élevé. Peut être que Royce à une maladie contagieuse mais dans ce cas la je trouve la réaction de ces gens encore plus mesquine et déplacée. J'essaye de relier ce que je vois à la conversation que j'ai entendue entre lui et Dallas.

- Lily.

Je me tourne vers Chris qui me regarde d'un air grave et me fait signe de m'asseoir. Je m'avance et prend la place à côté de Royce ce qui déclenche quelques exclamations étouffées parmi les invités. Royce me jette un regard surpris avant de remettre un masque neutre et de fixer ses couverts.

- Bon, et si on évitait de laisser tout ça refroidir, lance Chris d'un ton faussement enjoué.

Ça marche, les invités finissent par se détourner de mon voisin et affichent des sourires pincés. Les discussions reprennent peu à peu alors que tout le monde commence à manger. Je jette un coup d'œil à l'énorme cuisse de poulet qui trône dans mon assiette et réprime un haut-le-cœur. J'évite de songer à un volatil se dandinant joyeusement dans une basse-cour, ou pire à un poussin, et je pique des morceaux de salade avec ma fourchette. De toute façon, j'ai déjà perdu l'appétit.

- Alors, tu es ici pour l'été? Tu es anglaise, c'est cela?

Je jette au coup d'œil au jeune garçon blond à ma droite. Dan. Il me sourit d'un air avenant et il a l'air plutôt inoffensif.

- Oui, c'est ça. Et toi, tu es la pour l'été?

- Moi, c'est pareil. Je reprend en deuxième année l'an prochain. Je suis à Boston. Je fais spécialité commerce mais ce qui m'intéresse surtout c'est le hockey. Tu aimes?

- Y jouer?

- Non bien sur que non, rigole t-il, je voulais dire regarder.

- Non, pas spécialement, je lâche un peu refroidie.

- Ça ne fait rien, les filles n'aime pas le sport en général.

- Mmh.

Après cela, je n'ai plus vraiment besoin de parler, Dan s'en occupe très bien tout seul sans faire attention à la fille à la jupe, à sa droite, qui me fusille du regard de temps en temps. J'aimerai bien la rassurer mais je ne pense pas que lui lancer un "ne t'en fais pas, ton petit ami prétentieux et macho ne m'intéresse pas pour un sou" à table soit très approprié. 

Je me concentre de toute mes forces sur mon verre de jus quand mon voisin se met en tête de me raconter en détaille sa dernière partie de chasse avec son père et la façon dont ils ont "dégommé ce cerf". Oh seigneur!

Je me détourne de lui pour mettre fin à la conversation et il finit par se souvenir de la fille qui l'accompagne. Je continue de triturer la nourriture dans mon assiette un moment, puis entreprend de fabriquer une rose avec ma serviette en papier. C'est Nathan qui m'a appris à les faire. Cela nous a souvent été utile pendant les nombreux dîners où les métiers de nos parents nous obligeaient à faire acte de présence. Je replis une nouvelle fois le papier. 

Finalement, je n'avais pas à m'en faire pour ce repas, les invités se sont rapidement désintéressés de moi à mon grand soulagement, je n'étais qu'un prétexte pour qu'ils puissent se rencontrer. Quelque chose d'humide effleure ma cuisse sous la table. Je baisse les yeux pour découvrir sans surprise la truffe de Rambo. Le Berger Allemand me jette le regard triste dont tous les chiens ont le secret. Même si je sais qu'il joue la comédie, son air malheureux me fend le cœur. 

Je balaye les invités du regard pour m'assurer que personne ne fait attention à moi. Les gens discutent entre eux ou se concentrent sur le contenu de leurs assiettes. Je découpe quelques bouts de poulet dans mon propre plat en m'excusant mentalement pour ce volatile innocent, puis les fait glisser sous la table. Rambo semble se régaler.

- Tu ne mange pas ton poulet.

Je sursaute au son de cette voix grave qui semble résonner dans la nuit. Je suis surprise qu'il m'adresse la parole sans y être obligé, même de son air neutre et froid. Il parle de cette voix calme et basse et personne ne fait attention à nous, autour de la table. Puis je me rend compte qu'il m'a surement grillé en train de nourrir son chien en douce. Zut!

- Euh, non. Je n'aime pas ça, je chuchote comme en pleine confession.

- Tout le monde aime le poulet.

Ses yeux gris me transpercent et je soutient difficilement son regard. Je rougis sans aucune raison et je maudis ma peau trop pâle. Et sans réfléchir, j'avoue à demi voix:

- Je suis végétarienne.

Il me fixe un instant sans montrer ni surprise, ni exaspération, ni intérêt. Ça y est, j'ai compris! Ce type est un robot. Une intelligence artificielle spécialisée dans les voitures de sport que Chris s'est offert pour une petite fortune. Comment ça, ce n'est pas crédible?

- Pourquoi tu ne l'as pas dit à la cuisinière?

- Parce que ce serait parfaitement impoli, c'est elle qui a cuisiné.

- Tu vas te retrouver avec de la viande dans ton assiette à tous les repas si tu ne dis rien.

Je ne comprends pas où il veut en venir. Cette conversation ne rime à rien mais je m'y accroche, comme l'imbécile que je suis, soulagée qu'il m'adresse la parole. Oui je sais, pathétique.

- Oui mais je ne vais pas priver tout le monde de viande pour tout l'été et il est hors de question que je lui demande de me préparer des repas à part.

Cette fois il me regarde comme si je venais de lui annoncer que la terre est plate.

- C'est stupide, lâche-t-il.

Je réfléchis à une bonne répartie mais il s'est déjà détourné, un air vaguement ennuyé imprimé sur son visage si masculin. Je fixe ses longs doigts tapoter négligemment sur la surface de la table à un rythme régulier.

C'est à ce moment que le monsieur chauve et bedonnant, à l'autre bout de la table, s'exclame:

- Et si on disait une prière?

Euh... Il a les joues très rouges et je devine qu'il a dû vider plusieurs fois son verre et que ce dernier ne contenait pas du jus d'orange.

- Byron, les prières se disent avant de manger, le rabroue une femme.

- On s'en fiche. Disons une prière, persiste-t-il, provoquant une vague hilarité autour de la table.

Les invités finissent par prendre les mains de leurs voisins en soupirant d'un air exaspéré. Ah, j'imagine qu'on va vraiment le faire. Je n'ai jamais fait de prière à table, mes parents ne sont pas des gens vraiment croyants et je n'ai jamais mis les pieds à l'église non plus mais je préfère éviter de me faire remarquer alors je ne dis rien quand mon voisin blond me prend la main avec un peu trop d'enthousiasme. 

Royce de son côté ne bouge pas d'un pouce. Je tend doucement la main pour prendre la sienne en m'attendant presque à ce qu'il me repousse mais curieusement, il n'en fait rien et se contente de me regarder faire. Sa main est immense en comparaison à la mienne, elle est aussi plus rêche et un peu calleuse mais ce n'est pas désagréable. Il se contente de garder son autre main sur la table et la boucle n'est pas fermée mais personne ne trouve rien à redire. 

J'essaye d'ignorer les picotements qui me remontent dans le bras. Mon pouce effleure le dos de ses doigts et je sens que la peau y est différente, je jette un coup d'œil et étouffe une exclamation en remarquant ses jointures éclatées. Des éraflures à vifs parcourent sa peau comme si il avait balancé le poing plusieurs fois contre un mur...du moins j'espère que ce n'est pas sur le visage de quelqu'un. J'écarte un peu les doigts pour ne pas toucher sa peau blessée et relève la tête vers lui.

 Il me dévisage d'un air...intrigué? Je ne sais pas, c'est difficile à dire. Son visage est vraiment fascinant dans la pénombre, ses traits dures semblent plus prononcés, comme dessinés au fusain par une main de maître, son regard plus sombre... Je sens ses doigts s'agiter légèrement dans ma main et prend conscience que la prière est finie, je n'ai même pas entendu ce qu'ils ont bien pu demander au bon Dieu. Je relâche la main de Royce en rougissant. 

Maintenant qu'il est assez proche, je distingue un peu mieux les motifs qui s'enroulent autour de son bras. L'encre noire forme un enchevêtrement de flammes et de fumées sombres qui se meuvent à chaque contraction de ses muscles. Le dessin est très réaliste, avec la couleur, son bras aurait l'air réellement en flamme. Les langues de feu semblent lécher des objets à moitié calcinés. Je distingue une plume en cendre, les restes d'une petite voiture et ce qui ressemble à une clef à molette rouillée. Je remarque également des lettres mais il croise brusquement les bras sur sa poitrine, me cachant en grande partie le dessin. 

Je relève les yeux par réflexe et croise son regard indéchiffrable. Rose annonce qu'elle amène le dessert et revient quelques instants plus tard avec deux grandes tartes aux pommes et l'odeur de la cannelle me redonne l'appétit. Les invités font tourner les assiettes au fur et à mesure qu'elle découpe les parts. 

Un raclement de chaise à ma gauche me pousse à tourner la tête. Royce quitte la table. Encore. Il claque deux fois des doigts et son chien se lève d'un bond pour lui emboîter le pas. Je regarde ses larges épaules s'éloigner d'un pas rapide dans l'obscurité. Il ne se dirige pas vers la maison mais vers le portail, il s'en va.

- Lily? Tu ne mange pas?

Je sursaute et me tourne vers Dan. Quelques personnes me regardent de travers autour de la table. Mince. Ça va devenir une habitude, les gens vont commencer à croire que j'étais en train de regarder Royce. Enfin...j'étais bien en train de regarder Royce, c'est vrai, mais pas...pas de cette façon là.

- Euh...si, je répond avec un temps de retard qui à force de répétition risque de provoquer des doutes sur mes capacités mentales.

Je prend ma petite cuillère et commence à picorer dans ma part de tarte. C'est vraiment bon.


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