Septembre 1598.
Château de Fushimi, Japon.

Toyotomi Hideyoshi, 61 ans, chef militaire suprême du Japon, voit sa fin approcher.
À genoux devant la table où sont posé l'encre et le papier qui doivent lui servir à composer son dernier poème, il pense.

Il revoit sa vie derrière lui, défilée en souvenirs. Sa carrière dans l'armée, son accession au rang de général, ses nombreuses victoires.

Il repense à son ancien seigneur, Oda Nobunaga, mort 20 ans plus tôt.

C'est Nobunaga qui a permis à Hideyoshi de devenir ce qu'il est aujourd'hui : il l'a engagé dans son armée à ses côtés, malgré ses origines paysannes. C'est Nobunaga qui lui a montré la voie, qui lui a assuré que le rêve suprême était possible : voir le Japon réuni sous une seule autorité.

Après la mort violente et inattendue de Nobunaga, Hideyoshi s'est battu durement pour faire de ce rêve commun une réalité, pour devenir l'égal de son ancien seigneur, le dépasser même.

Et il avait réussi. Après dix ans de campagnes acharnées, Hideyoshi tenait le Japon entier entre ses mains. Plus de 150 ans de guerres continues venaient d'arriver à leur terme, le pays était de nouveau réuni sous une seule autorité, la sienne.

Hideyoshi se souvint de ce sentiment de victoire, de puissance absolue, qu'il avait ressenti en sachant que désormais, tous s'inclinaient devant lui. Il était alors au sommet de sa gloire.

Pourtant, maintenant, dans les bras de la mort, il a peur. Non pas du trépas, car il avait côtoyé la grande faucheuse sur les champs de bataille durant toute sa vie.
Il a peur pour la suite.

Qu'allait-il advenir du pays après sa mort ? Le clan des Toyotomi allait-il réussir à se maintenir au pouvoir, à préserver la paix ?

Hideyoshi avait tout fait pour. Et pourtant, il doute.

Le visage de son jeune fils, son héritier, lui apparaît. Hideyori n'a que cinq ans. Ce fils chéri, qu'il avait tant espéré avoir un jour pour prendre sa relève, qu'il avait attendu si longtemps, voilà qu'il allait se retrouver seul avec le poids du pouvoir suprême sur les épaules. Un agneau blanc de pureté dans un monde de loups.

Et des loups avides de pouvoir, il n'en manque pas.

Hideyoshi avait anticipé ce risque. Dès la naissance de son enfant, il avait désigné cinq des plus grands hommes du Japon pour lui servir de protecteurs, de tuteurs, et l'aider à grandir en apprenant les ficelles du pouvoir.

Cinq personnages qui formaient le Gotairo, le Conseil des cinq Anciens.

Maeda Toshiie, ancien général de Oda Nobunaga, un compagnon en qui Hideyoshi a toute confiance.

Mori Terumoto, le seigneur le plus puissant de l'ouest du pays.

Ukita Hideie, jeune beau-fils de Hideyoshi et son vassal le plus loyal.

Uesugi Kagekatsu, seigneur d'un clan célèbre du nord.

Et enfin, Tokugawa Ieyasu, seigneur de la province de Kanto, le plus puissant des cinq. Rusé, patient et ambitieux. C'est en lui que Hideyoshi a le moins confiance.

Hideyoshi espérait qu'en réunissant ces cinq seigneurs autour de son fils, il pourrait s'assurer qu'aucun d'entre eux ne deviennent trop puissant : car celui qui oserait vouloir s'approprier le pouvoir se retrouverait contré par les quatre autres.

Il fallait que cet équilibre tienne, jusqu'à ce que son fils atteigne l'âge requis pour commencer à régner seul.

Le plan avait l'air sûr. Mais Hideyoshi sent son front se plisser en y repensant. Il sait, au fond de lui, que ce ne sera pas si simple. Il suffirait d'un rien pour qu'une nouvelle guerre civile s'annonce après sa mort. Il ne peut que prier dans ses derniers instants.

Il prend son pinceau, le trempe dans l'encre noir, et écrit son poème de mort :

"Pareil à la rosée j'apparais

Pareil à la rosée je disparais.

Telle est ma vie.

Même la splendeur de Naniwa

N'est qu'un songe dans un songe"

***

Le 18 septembre 1598, Toyotomi Hideyoshi s'éteint. Le dirigeant suprême du Japon n'est plus. Les temps sont à l'incertitude.

C'est dans ce contexte que vous commencerez à jouer !