Chapitre 7 - Uranus et le cœur de verre

Uranus ouvrit doucement ses paupières, les cils collés par sa longue nuit de sommeil. Il y avait longtemps qu'elle n'avait connu pareille sérénité, blottie contre les bras consolateurs de Morphée. La bouche pâteuse, elle se redressa difficilement, chassa les mèches émeraude qui obscurcissaient sa vision encore trouble. La jeune fille repoussa la fine couverture à regret. Le froid polaire s'engouffra aussitôt autour d'une Uranus grelottante. Sa longue robe bleu-vert ne la protégeait pas autant qu'elle ne l'aurait voulu.

Elle fit de son mieux pour lisser son vêtement – froissé comme un chiffon sale. D'un geste pataud, sa main aplatit sa chevelure coupée au carré, rendue indocile par l'électricité statique. Se levant d'une démarche hésitante, ouvrit la porte de sa chambre, non, de son jardin secret à vrai dire. Cette petite pièce n'était pas sa chambre. Uranus ne supportait plus cette dernière – les robots la surveillaient jour et nuit. Le placard qu'elle venait de quitter était le seul endroit où on lui accordait un peu de répit.

Avançant dans le corridor glacé, aux murs vert d'eau paraissant faits de cire refroidie, elle baissa les yeux lorsque deux squelettes d'argent l'encadrèrent. Ils ne la quitteraient pas jusqu'à son prochain songe, elle le savait. Cependant, ils avaient la bonté de se tenir légèrement en retrait, ce qui donnait à Uranus l'impression bénie et illusoire d'être libre. De longs sabres recourbés aimantés à leurs reins, du moins à ce qui y ressemblaient, indiquait la présence potentielle d'une perpétuelle menace. Le danger planait, tels de lourds nuages écarlates.

Uranus se souvenait vaguement du jour lointain où les androïdes muets étaient arrivés, en compagnie de Soleil. À l'évocation de son frère chéri, la jeune fille esquissa un demi-sourire.

Ils te protégeront. Cela n'arrivera plus jamais, lui avait-il soufflé avec un baiser sur son front.

Soleil avait tenu promesse. Plus aucun intrus ne l'avait approché. Elle secoua la tête, repoussant les brides de sa mémoire sombre. Non ! Je ne veux pas me rappeler ! Vas t'en ! Ses visions la narguaient, lui montrant le pire. L'horreur avant le choc. L'explosion. Boum.

Uranus chuta sur le sol glacial.

— Qu'est-ce qu'il fait froid dans ce trou ! jura Mars.

Saturne lança un regard interrogateur à Mercure, qui semblait vouloir dire : « Elle est tout le temps comme ça ? ». La cadette hocha la tête, mi-amusée, mi-exaspérée. Un silence pesant s'installa, interrompu régulièrement par les grognements de la rousse. Mal à l'aise, l'enfant se concentra sur sa marche. Saturne était taciturne, plongé dans son monde. Le type de personnes se cachant derrière une armure de placidité, pour mieux dissimuler ses desseins. Toutefois, la fillette aux yeux gris n'imaginait pas une seconde que malgré son air peu avenant, sa sœur avait prévu de se servir d'elles pour fuir loin, très loin, avant d'être rappelée à l'ordre par leur Mère.

Mercure songea que tout était allé si vite. Tellement vite que la présence d'une troisième sœur lui était désormais familière. Avec un peu de chance, nous serons bientôt quatre.

En effet, au milieu des plaines bleu-vert se dressait le palais d'Uranus, assemblage savant de tours rondes qui s'enlaçaient.

— Bon sang, c'est quoi ce cirque ? lâcha Mars bouche bée.

— Hein ? marmonna la jeune fille vêtue d'or. Que...

Tout à coup, la protégée d'Univers les aperçut. Les robots de Soleil, à quelques dizaine de mètres. Seulement, au lieu d'être constitués de cuivre comme celui resté sur son astre, ils brillaient d'une lumière argentée. Mars sentit le poids réconfortant de son arme se glisser dans sa paume. La jeune femme eut un rictus carnassier, prenant une position d'attaque tout en repoussant sa frange nerveusement. L'autre rousse, se saisit d'une dague au manche vermeil, dissimulée auparavant dans une botte. La petite fille grimaça – elle n'avait pas d'armes, et ne les appréciait pas non plus.

— On va enfin pouvoir s'amuser un peu, se réjouit l'aînée.

— Attendez, émit la blonde d'un ton hésitant.

— Qu'est-ce qu'il y a ? questionna la dernière venue.

La plus jeune doutait. Soleil savait qu'elles parcouraient son royaume pour trouver des alliées. Et les squelettes ne présageaient rien de bon.

— On ferait peut-être mieux de passer directement à la planète suivante, commença-t-elle.

Mars haussa les épaules, prête à en découdre avec les gardiens du palais. Le fil de sa lame parfaitement aiguisé, il ne demandait qu'à fracasser le crâne métallique de ces êtres sans conscience, construits par son frère dans le seul but de protéger ses semblables. Celles qu'il préférait tout du moins. Mercure, Jupiter, et maintenant Uranus. Grâce à Saturne, la rousse constatait avec plaisir qu'elle n'était pas la seule à être entrée dans les disgrâces de Soleil.

— C'est sûre qu'Uranus ne veut pas nous aider, poursuivit l'enfant aux cheveux frisés, regardez ! Elle nous attends ! Et nous fonçons droit dans un piège...

— Mercure, Mercure, Mercure, soupira Mars, c'est tout le contraire. Les robots sont là pour nous empêcher de persuader notre sœur de nous rejoindre.

— Et comment on fait pour entrer ? s'agaça la fillette en fronçant les sourcils.

Saturne faillit pouffer de rire. Que de sérieux dans ce regard pourtant enfantin !

— On défonce tout, ricana la jeune femme à la rapière.

— Pendant ce temps, renchérit Saturne, tu n'auras qu'à aller chercher Uranus. On mettra les androïdes hors d'état de fonctionnement.

La petite fille plissa les yeux avant d'acquiescer. Le doute la tiraillait encore mais puisque les autres voulaient y aller, elle respectait leur décision.

Le trio s'avança donc, tendu comme une corde d'arc. Les serviteurs ne remumèrent pas, jusqu'au moment où elles franchirent les marches du péron. Ils attrapèrent alors leurs sabres en une microseconde, puis en prirent une deuxième pour se placer en attaque. Placées dans diverses attitudes – Mars tenait son épée fine à la verticale de son visage, Saturne dissimulait son arme dans les plis de sa manche – elles resserraient l'étau autour de leurs adversaires, sabres aux poings. Les lames s'entrechoquèrent soudain dans un fracas grinçant de métal.

— Vas-y Mercure ! vociféra Mars tout en tournoyant telle une danseuse avant d'accuser un coup.

La fillette s'exécuta. Elle courut, évitant les duels qui se déroulaient à une vitesse fulgurante. Une immense porte close lui bloquait l'entré. Ses mains malhabiles se posèrent sur la surface froide, mais malléable. On aurait dit de la cire encore molle. Étrange... Pourquoi prendre le risque d'avoir des murs perméables ? pensa-t-elle. Cependant, ce fut sans plus de questions qu'elle enfonça ses bras, modelant une ouverture vers Uranus. Lorsqu'elle bascula son corps au sein du trou, la petite blonde découvrit un immense hall, aux multiples escaliers. Aux multiples gardes également. Elle déglutit. Les yeux sans âme l'avait repéré.

Uranus se réveilla une seconde fois, non pas dans son jardin secret, mais son lit, entourée de coussins moelleux. Elle jeta un coup d'œil au ciel étoilé, ses lunes de lumière ou d'ombre la fixaient d'un air narquois. Regarde-toi. Vois ce que tu es devenue, faible, inutile, lui sursuraient-elles. Uranus poussa un cri de rage.

— Ah ! Taisez-vous !

Pourtant, un vacarme subsistait. Bien réel cette fois. Des cavalcades dans les escaliers, le cliquetis des serviteurs solaires. La jeune fille s'agrippa au le mur le plus proche, vacillante. Enfin, elle poussa la porte puis franchis de le seuil.

Saturne évita subtilement une percée de son adversaire. Ce dernier faillit perdre l'équilibre, avant que la jeune fille lui assène un coup de pied, le faisant chuter pour de bon. Il voulut se redresser mais la rousse pâle fut plus rapide et lui planta sa dague dans la nuque. Ainsi, les câbles moteurs tranchés, il ne pouvait plus bouger. Elle sourit en constatant la véracité de cette information divulguée par sa compagne de combat.

Cette dernière l'attendait, le front perlant de sueur. Sans un mot, elles s'élancèrent à l'intérieur.

Une chose était sûre, Mercure n'avait jamais couru aussi vite de sa vie. La peur de se faire ratrapper par les squelettes d'argent lui donnait une force jusque-là insoupçonnée. Ses jambes se mouvaient d'elles même, et ne semblaient pas vouloir arrêter leur mécanisme infernal.

Soudain, elle rencontra dans sa cours effrénée un obstacle. Littéralement. Son visage où s'épanouissaient de fines cicatrices grises buta contre un corps inconnu. L'objet en question poussa un gémissement entre la douleur et la surprise. L'enfant vit des yeux clairs perdus au loin, une chevelure raide et verte, une peau incolore.

Uranus arqua ses sourcils. Loin de représenter une menace, l'inconnue d'une tête de moins qu'elle afficha un rictus timide.

— Viens, déclara la fillette.

Cette voix douce – le son le plus agréable jamais entendu – mis du baume sur ses blessures. Elle sut que le rêve où elle se voyait en compagnie de ses semblables pouvaient devenir réalité. Celui où Soleil explosait en un magnifique feu d'artifice. Celui où sa sœur perdue qui avait percuté son astre, la bouleversant à jamais, la consolait.

Celui où son cœur de verre se brisait, laissant place à une nouvelle ère, resplendissante.

Cependant, lorsque Uranus coupa le fil de ses pensés, sa sauveuse était plaquée contre elle, grelottante. Les androïdes les encerclaient, confus. Devait s'approcher au risque de blesser leur protégée, ou attendre ? Le duo se tenait l'un contre l'autre, impossible de savoir qui soutenait qui.

Mars et Saturne apparurent dans leur champ de vision. Mercure sut alors qu'il était temps et cria :

— Emmène-nous sur Neptune !

Dans son esprit, elle n'oublia pas d'englober les combattantes. Enfin, en un coup de vent aux couleurs indéfinissables, elles disparurent. 

Bonjour tout le monde, j'espère que vous allez bien !

Je suis vraiment, vraiment désolée, mon emploi du temps a été bousculé et je n'ai pas trouvé le temps de publier ce chapitre. Pour me faire pardonner, les chapitres 8 et 9 seront publiés juste après.

J'espère que vous avez appréciez votre lecture, à tout de suite !

- Cassandre


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