Chapitre 10 - Soleil et la trahison des planètes

— Maman !!! cria Pluton.

Étourdie par la tendresse de l'étreinte donnée par sa fille, Neptune vacilla malgré sa position assise. Son cerveau était pâteux, ne comprenant rien à la situation actuelle. Que fabriquait-elle dans une caverne ? Avec son enfant perdue ? Au milieu de silhouettes inconnues qui dormaient profondément ?

Elle enserra ses bras autour du corps frêle collé contre elle. Elle ne voulait plus la perdre, plus jamais. Peu importait les circonstances qui les réunissaient, elle étaient de nouveau ensemble, et Neptune se fit la promesse de ne plus être séparée de la fillette qui riait de bonheur à présent. La jeune femme passa ses doigts fins dans la chevelure charbon, caressant le crâne de Pluton dans un geste apaisant.

Soudain, elle se souvint. L'annonce d'Univers. Son entrevue avec Soleil, puis le gouffre. Sa mémoire la transporta loin de la chaleur de sa fille, au plus profond des ténèbres...

— Bonjour chère sœur, entonna une voix masculine.

Neptune réprima le moindre signe de surprise, feignant l'impassibilité. Quelles raisons amenait son frère dans son domaine glacé ? Voilà bien longtemps qu'il ne s'était tenu devant elle. Ses boucles blondes entourait un visage fendu d'un sourire à la fois innocent et mâture. Sa tunique lumineuse flottait, ondulant doucement. L'apparition de ce fantôme doré tranchait avec le reste du décor pétrifié. Plus jeune, elle se serait sans doute précipitée dans les bras de son frère.

Mais les temps avait changé.

Et Neptune aussi.

Fini la jeune femme qui espérait revoir Soleil patiemment. Cette dernière était morte, enfermée quelque part dans le Néant. Déçue, seule. Elle avait compris que Soleil ne tenait jamais ses promesses. Qu'il vienne aujourd'hui ne l'étonnait pas cependant. À l'instar des ses semblables, Univers lui avait imposé un choix.

Vivre ou mourir. Abandonner un frère ou trahir une mère.

Discrètement, la jeune femme fit tomber un poignard dans sa main, tout en se levant.

— Bonjour mon cher frère. J'attendais ce moment depuis si longtemps...

Neptune fut coupée dans sa réflexion par une exclamation de surprise. Pluton agitait sa petites mains, comme si elle assistait à un miracle. En effet, des silhouettes levaient leur têtes péniblement.

Les paupières lourdes, Mercure observa son environnement proche. Le premier mot qui lui vint à l'esprit fut : « Comment ? ». Comment la lumière était-elle revenue, illuminant la caverne d'une lueure bleutée ? Comment Neptune était-elle sortie des limbes du désespoir ?

Cependant, elle balaya toute ses interrogations, mobilisant ses forces afin de se redresser. Ses yeux captèrent le sourire rassurant que lui envoya Mars. Ce dernier vira à l'horreur.

— On dégage !!! s'époumona la rousse.

La terre tremblait jusqu'aux profondeurs enfouies.

Le premier pas de Soleil sur le petit astre rocheux ébranla le sol. Suivi de près par ses semblables, il contempla un instant cette planète où son destin se jouerait avant de reporter son attention sur les silhouettes variées.

La voix de Vénus lui vrillait les tympans, tandis que son rire hystérique résonnait étrangement. Jupiter – plus réservée – arborait un mince sourire satisfait. Quant à Terre, ses cernes et son rictus absent montrait son désir de fuite. Elle voulait partir, retrouver Vie et Mort coûte que coûte. Ses prunelles brillaient de chagrin.

Le souverain du royaume solaire se força à détourner la tête. Exhalant, il sursauta en apercevant le groupe multicolore qui se dirigeait vers eux. Son cœur se pinça méchamment lors qu'il reconnut Mercure et ses compagnes. Une jeune femme à la frange rousse, dont la langue était aussi acérée qu'un serpent. Deux adolescentes, l'une à l'air mûre et réfléchi, l'autre, aux tics témoins de sa démence. Une fillette, dans les bras de sa mère.

En apercevant sa sœur aux cheveux saphir puis sa détermination, Soleil poussa un profond soupir.

Il les avait perdues...

Une petite voix douce lui chuchotait de tout arrêter pendant qu'il était encore temps... D'implorer le pardon d'Univers, espérer sa clémence, et lui jurer éternelle servitude. Prêt à se laisser abattre, un éclair lui fit faire volte-face. Son courage afflua soudain dans ses veines. Pas question de baisser les bras.

Et puis s'il savait quelqus chose, c'était bien cela.

Univers ne pardonnait pas.

Il était temps pour lui... Temps d'affronter la trahison des planètes...

— Le voilà... murmura Mercure tremblante.

Son corps ne lui répondait plus, le froid engourdissait ses nerfs paralysés tandis que le sol tournait autour d'elle. Qu'allaient-elles faire ?

Mars posa une main sur son épaule, comme si elle percevait son trouble. Ce contact rassura Mercure, bien plus qu'elle ne voulait l'admettre, laissant place à l'enfant effrayée qui se cachait toujours en elle. Un double qui la dégoûtait, qu'elle désirait faire périr. La jeune femme rousse lui souriant.

La fillette secoua la tête. Sa quête était terminée, il était temps de faire à appel à leur mère.

Quand toi et tes sœurs aurez piégé le traître, tu crieras mon nom par trois fois. J'ai confiance en toi. N'échoue pas, Mercure, lui avait dit Univers.

Elle releva la tête, résolue. Mercure avait complété sa mission, malgré les obstacles. L'enfant bomba le torse, d'abord avec l'hésitation caractérisant les enfants, puis avec une fierté humble. De loin, elle osa enfin observer son frère.

Ce dernier, juché sur un rocher, les confrontait de son regard blond. Sa peau lumineuse écartait l'obscurité, illuminant les alentours. La protégée d'Univers ne parvenait pas à fixer sa tunique, tellement que son doré éclatant blessait sa rétine. Il s'avança, ensuite, sa main se saisit prestement d'une longue épée à la garde ornée. Mercure frissonna mais n'afficha aucune crainte, se concentrant sur les doigts réconfortants de Mars, qui avait également dégainé sa rapière.

Une dizaine de mètres les séparaient à présent, tandis que l'atmosphère s'électrifiait, à la fois pesante et instable.

— Mes chères sœurs... Voilà une belle surprise ! ironisa-t-il.

Uranus poussa un cri, avant de tomber à genoux. Saturne vola aussitôt à son secours, murmurant des paroles maternelles à son oreille. Pendant ce temps, Neptune fit signe à Pluton de se cacher, malgré leur douleur d'être séparées de nouveau.

— Mercure devrait aller avec elle, commença-t-elle la jeune femme aux cheveux bleus, elles sont trop jeunes...

— Elle reste avec moi, objecta Mars, que l'idée de voir sa fille disparaître de son champ de vision ne rassurait guère.

Un rictus cruel fendit alors le visage de Soleil.

— C'est vrai que tu sais t'occuper des enfants. Dis-moi, comment vont Phobos et Déimos ? ironisa l'homme brillant.

— Enfoiré ! jura l'intéressée dans un hurlement de rage, avant de s'élancer sur sa cible.

Ses pas effrénés martelaient le sol avec autant de violence qu'une tornade de feu et de ténèbres. Son cri furieux résonna comme le déclenchement du dernier combat tandis que Mercure poussa une exclamation d'horreur.

Alors qu'elle s'apprêtait à abattre son arme sur son adversaire, ce dernier esquiva avec nonchalance l'éclair argenté. La jeune femme tournoya un instant, semblable à une danseuse écarlate, avant de rencontrer le sabre que Soleil lui opposait. Ce dernier lui envoya un rictus provocateur auquel Mars répondit par plissement de paupière excédé. Elle plongea vers le cœur de son frère ; il se déplaça sur le côté – toujours avec cette aisance exaspérante. Passant de l'attaque à la défense, Soleil frappa à l'horizontale, visant le cou pâle de sa semblable. La jeune femme se baissa, pour ensuite accuser de justesse un coup à sa gauche. Elle faillit déraper à cause du sol instable mais retrouva son équilibre en serrant les dents.

Les lames d'or et d'argent s'entrechoquaient dans un vacarme crissant alors que les duellistes se fatiguaient à petit feu. Leurs cheveux trempés de sueur les gênaient dans leurs mouvements à présent. Nul ne paraissait prendre l'avantage. Soudain, une étrange épée torsadée s'incrusta dans la violence du combat. Jupiter poussa un ricanement triomphant.

Marmonnant un juron, Mars recula et ressera à deux mains son emprise sur le manche. Les trois bretteurs formèrent alors un triangle, tels trois lions prêts à en découdre.

C'est du suicide !!! pensa Mercure qui sortit enfin de sa torpeur.

— Qu'est-ce que tu attends ??? hurla Neptune les yeux exorbités.

L'enfant déglutit.

— Univers !

Tous firent volte-face. Mars glapit quelque chose d'inaudible pendant que Vénus fut secouée d'un fou rire aux allures démentes.

— Faites-la taire ! enragea Soleil.

Ses deux sbires – Terre s'était écartée du combat dès son commencement – fondirent sur la fillette qui ferma les yeux. Elle ne vit pas Neptune, tirant ses poignards, s'interposant face à ses sœurs. Ni l'air mi-désespéré mi-éperdu de Mars lorsqu'elle réalisa qu'elle était trop loin pour la protéger, ni la lueur de remord dans les prunelles de l'homme lumineux.

— Univers, déclara la petite fille au bord des larmes, sentant son courage vaciller.

Uranus vociféra son nom en même temps que Saturne. Terre, elle, se tut. Le silence ne tenait plus qu'à un fil, à l'instar de la vie de Mercure. Un fil tout fin, fragile. Il suffirait d'un coup pour le briser. Elle sanglota, laissant libre cours aux sillons salés sur ses joues rondes. Les bras de sa mère lui manquait cruellement. L'enfant aurait tant voulu se lover contre elle une dernière fois... Neptune se jeta sur Vénus qui s'approchait trop près à son goût.

— Univers... murmura Mercure.

Sa rage déformée à l'extrême, Jupiter abattit son arme sur la fillette dans un hurlement qui ébranla la planète entière.

Puis, rien.

Rassurez-vous, ce n'est pas le dernier chapitre ! Il arrivera dans une semaine. Encore désolée, j'ai encore un peu de retard. Bref... 

J'espère que vous aimez le chapitre, n'hésitez pas à laisser vos impressions ! 

- Cassandre

PS : Wahou, la publication de tous ces chapitres m'a semblé tellement rapide ha ha.

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