Chapitre 1 - Mercure et la boucle infernale

À @CandesiaLight

Merci pour ce commentaire sur  Solar System qui m'a rappelé de vieux personnages d'enfance, qui commençaient à s'effacer de ma mémoire. Merci pour eux, sans toi, ils s'existeraient plus...


☼ 


Un rire enfantin ricocha contre les parois du château de fer. L'agréable son se répandit dans chaque couloir, dans chaque pièce avant de s'éteindre trop vite, comme une chandelle soufflée trop tôt. Puis, un autre bruit se fit entendre, celle d'une démarche longue et pénible, claudicante, accompagné de l'échauffement d'un moteur.

Un androïde rouillé apparut, contrastant avec les murs gris du corridor dans lequel il progressait. Des fils usés sortaient des capteurs qui lui servaient d'yeux. On aurait dit un squelette de cuivre qui avançait malgré les grincements de ses rouages. Il s'arrêta devant une imposante porte de métal, close. Le robot sans âme poussa les battants.

À présent, une petite fille à la tignasse blonde l'observait, sa bouche formant un O d'étonnement avant d'esquisser un sourire. Son teint était aussi terne que la planète aux cratères où ils vivaient depuis que Soleil les avait laissés ici, donnant à l'androïde sa seule raison d'être par la même occasion. Protéger la fillette qui gambadait, joyeuse dans l'immense salle, collant son visage crasseux sur la baie vitrée afin de se rapprocher de l'horizon.

Le spectacle restait toujours le même, néanmoins, il n'en était pas moins saisissant. L'astre solaire avait la fâcheuse habitude de se lever, puis de décliner pour se réveiller de nouveau, et tout cela en une même journée. Ce qui avait amené le serviteur à construire cette bâtisse qui avait la facultée de se mouvoir au moyen de gigantesques arcs mécaniques, métamorphosant l'ensemble en araignée.

En effet, sur ce minuscule astre, le jour brûlant les réduisait en cendres, et la nuit glaciale les endormait à tout jamais. Il fallait donc rester dans l'entre-deux pour survivre. Telle était la loi dictée par cette proximité avec l'étoile autour de laquelle ils gravitaient. Chaque instant se répétait, à l'instar d'une boucle infernale. Il fallait faire preuve de prudence et d'anticipation pour échapper aux caprices d'Univers.

Heureusement, le robot veillait sur sa protégée, celle-ci s'amusait à faire glisser de la poussière de silicate entre ses doigts potelés. Mercure avait dû profiter d'un arrêt temporaire pour en chiper à la surface. Ses yeux grisâtres comportaient des taches plus sombres, et semblaient attentifs. Des cheveux frisés et emmêlés couronnait son visage rond. La fillette flottait dans une robe d'un argenté mat, bien trop grande pour ses sept ans.

Elle se souviendrait toujours de ce moment où Soleil – son frère adoré – l'avait laissé sur ce lugubre cailloux. Il lui avait dit que tout irait bien, que c'était son destin. Mercure était la reine d'un territoire mort, balayé entre feu et glace. L'enfant se mordit la lèvres inférieure. Son aîné lui avait également promis de venir la voir de temps en temps... Promesse qu'il n'avait jamais tenu.

Sans un mot, Mercure sortit de l'immense pièce sous le regard perçant de son seul compagnon. Le temps était si long, perdu au milieu de nulle part. Elle courut dans les couloirs, assemblages de plaques, jusqu'à en perdre haleine. Ses pas la menèrent en haut de la plus haute tour, d'où elle pouvait voir le firmament.

Le ciel était parcouru d'étoiles, et même si le soleil prenait une place importante, un autre objet céleste attirait souvent l'œil acéré de l'enfant.

Vénus.

— Est-ce que tu m'entends grande sœur ? Est-ce que tu me vois ?

Mercure soupira, malgré son jeune âge, elle avait vite compris qu'elle était prisonnière de cette boule de poussière. Sa planète, celle qui portait son nom.

— Je m'ennuie. Enfin, cela ne change pas beaucoup par rapport à d'habitude... Tu es si brillante, et moi si chétive, se plaignit-elle.

Elle parlait dans le vide. Personne ne l'entendait, pas même le droïde. Allongée sur le toit froid et anguleux, elle se sentait désarmée face à la magnificence du paysage astrale. Tout était à la fois si proche, et si lointain. De même, la fillette n'avait jamais foulé le « vrai » sol plus de cinq secondes. Se recroquevillant, des larmes salées perlèrent sur ses joues.

Depuis toujours, ce moment de tristesse faisait parti de sa routine avant d'aller sombrer dans les bras de Morphée. Comme s'il y lui fallait un moment précis chaque jour pour se lamenter sur son sort.

— Pourquoi pleures-tu Mercure ? entonna une voix douce et fluide, comme le murmure du vent qui n'existait pas.

L'enfant fit volte-face en sursautant. Ses sourcils dorés s'arquèrent.

Devant elle se tenait une femme à la beauté sans égale. Son teint diaphane contrastait avec la brume opaque et multicolore qui lui servaient d'habits, constituant une longue robe. Son nez fin se retroussait tandis que ses lèvres fines esquissaient un sourire. Ses yeux en amande reflétaient toute la bienveillance du monde. L'inconnue s'approcha, puis caressa tendrement les cicatrices qui se dessinaient sur la peau de la petite fille. Cette dernière ressentit un sentiment de plénitude, le plus agréable qu'elle n'ait jamais connu.

— Je... Je ne sais pas vraiment... avoua-t-elle piteusement.

L'autre la consola d'un regard maternel. Enfin, un pli soucieux apparut, ridant son front lisse.

— Sais-tu qui je suis ? interrogea la femme.

L'autre battit des cils, intriguée, puis secoua sa tignasse, ne sachant que dire.

— Je suis la Créatrice, l'Inventrice, la Rêveuse. Je suis le Néant et l'Infini à la fois. Je suis le Bien et le Mal, le Commencement et la Fin, je suis les étoiles rayonnantes, les planètes ternes, les trous noirs ténébreux. Je suis la Réalité et l'Imaginaire, je suis l'Oubli et la Mémoire, le Mensonge et la Vérité. Je suis Univers, je suis ta Mère.

Mercure entrouvrit ses lèvres d'étonnement. D'admiration aussi... Pourquoi celle qui était à l'origine de tout venait voir une petite fille comme elle ? Dans un réflexe de soumission respectueux, elle se plaqua au sol, consciente son rôle vain face à celui d'Univers. Cette dernière la releva ensuite elle l'étreignit, attendrie, murmurant le nom de sa protégée.

— Tu es forte, tu le sais, n'est-ce pas ? ajouta-t-elle en fermant ses paupières.

L'enfant confirma vigoureusement, songeant pourtant le contraire.

— J'ai besoin de toi.

— De... De... De moi ? bafouilla l'intéressée, surprise.

— Oui... Vois-tu cette étoile ?

La main gracieuse de la femme désigna d'un geste dégoûté le soleil. Les yeux de la fillette devinrent ronds comme des soucoupes. Quelle était la raison de cette révulsion envers son astre chéri ?

— À chaque début de rotation de Voie Lactée, les étoiles de cette galaxie doivent m'offrir une part de leur énergie pour me permettre de subsister. Or, cette fois-ci, un seul corps a outrageusement refuser de céder son offrande. Soleil, ton frère, qui t'a abandonné.

Mercure frissonna. Univers semblait furieuse, ses traits étaient à présent déformés par un désir de vengeance sans limites. Son air rassurant avait disparu, laissant place à une tempête froide, déchirée par un rictus carnassier.

— Voilà ta quête : je ne peux atteindre Soleil s'il reste dans son domaine brûlant, alors, toi et tes sœurs aller l'attirer dans le Nuage d'Oort. Et enfin, je le punirai de sa désobéissance.

La petite fille n'osa pas protester, tremblant malgré elle. Certes, son aîné l'avait délaissé depuis trop longtemps dans ces contrés hostiles mais leur fraternité l'empêchait de s'imaginer l'attirer dans un piège. Et pourtant... C'était exactement ce que sa Mère lui ordonnait.

Naïvement, elle se questionnait chaque fois un rayon lumineux la touchait. Pensait-il à elle ? Regrettait-il de ne pouvoir être à ses côtés ? Pouvait-il voir sa tristesse, étant omniscient dans son royaume ? Un sanglot la prit à la gorge, elle s'était toujours voilée la face mais il fallait se rendre à l'évidence.

Elle n'était rien pour Soleil, rien qu'une gamine inutile.

— Mais comment vais-je aller aux confins du système ? Comment rejoindre mes semblables ? s'informa celle-ci.

— Ferme les yeux, et ton cœur t'emmènera où tu voudras. Je te donne le don de parcourir l'espace à ta guise, déclara Univers en imposant sa main sur le front de sa protégée.

Un cercle lumineux se dessina sur ce dernier avant de s'éteindre. Le passage furtif de cette marque laissa une sensation de chaleur agréable, aussi douce qu'une plume. Mercure songea subitement au droïde. Comme si elle l'avait entendue, l'autre secoua tristement la tête.

— J'ai bien peur que tu doives le laisser ici, et échapper à sa vigilance. Il serait capable de prévenir son maître.

Univers soupira tandis son corps prit une teinte translucide. Le contour de sa silhouette commençait déjà à s'effacer. Elle était appelée ailleurs, laissant l'enfant à son étrange mission.

— Quand toi et tes sœurs aurez piégé le traître, tu crieras mon nom par trois fois. J'ai confiance en toi. N'échoue pas, Mercure.

Cette dernière acquiesça, frissonnante. Ensuite, lorsque Univers sortit définitivement de sa vision, elle se retourna vers ce château de fer, cette cage métallique qu'elle considérait comme sa maison. La fillette mémorisa chaque tourelle, chaque fenêtre, chaque arabesque ou angle, afin de de graver le moindre détail au sein de sa mémoire.

Dans quelques instants, elle formenterait un complot contre son propre frère, abandonnerait son seul gardien et rencontrerait ses semblables dont elle ignorait tout pour qu'elles se joignent à sa cause. Non, pas la sienne, celle de leur Mère. Après un dernier regard, Mercure leva ses yeux gris vers le firmament puis les ferma. Je voudrais aller sur Vénus... pensa-t-elle. Alors que son cœur se joignait à sa supplication, elle se sentie emportée par un tourbillon aux mille nuances.

Sa quête ne faisait que commencer... 



Bonjour ! Comment-allez vous ?

J'espère de tout cœur que ce chapitre vous aura plu.

Enfin ! Cela fait bientôt un an que j'ai écrit les premiers mots de ce récit, qui était censé être publié à la rentrée 2018. Comme vous pouvez le constater, tout ne s'est pas déroulé comme prévu *tousse*. 

Vos avis ? 

Que pensez-vous des personnages ? 

L'intrigue est-elle assez claire à ce niveau ? 

D'autres recommandations ?

La couverture et le résumé ?

Je sais que c'est pénible de rédiger un commentaire, mais c'est extrêmement important pour ceux qui écrivent, car cela leur permet de progresser. Merci beaucoup beaucoup à ceux qui le feront. 

Passez tous une bonne journée ! Le prochain chapitre sera publié dans une semaine, et je pense garder ce rythme de publication.

À bientôt ! 

Cassandre



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