Chapitre 2
« Toute pratique de la magie, qu'elle soit blanche ou noire, est strictement interdite. Quiconque est découvert utilisant des pouvoirs surnaturels sera jugé pour trahison et exécuté. »
Code des Lois de Petras, Décret II, clause 1.
Capital de Kesber, continent de Petras.
Tout le monde le savait pourtant.
Tout le monde le savait, la magie était prohibée sur le continent de Petras. Plus particulièrement dans la capitale de Kesber, dirigée par un seul et même homme, le roi Taron Elmond Stark III, surnommé le Fléau.
Torture, bûcher et billot étaient la finalité du pauvre crétin qui osait enfreindre les lois. Seuls quelques élus avaient été désignés par le souverain pour pratiquer des sortilèges afin d'asseoir son règne et renforcer son oppression.
Quiconque osait en user serait tué. Point.
Pourtant, une minorité aussi silencieuse qu'une ombre continuait à exercer de la magie de manière invisible, inaudible dans chaque recoin du territoire.
Elle était partout.
Aideen Sarallard faisait partie de ces crétins, pour qui la discrétion et le mensonge étaient les maîtres-mots pour rester en vie. Elle se tenait là dans la cité endormie.
Plusieurs minutes, défilèrent alors qu'elle essayait de se fondre dans la pénombre de cette nuit froide, dont la pluie monstrueuse n'eut aucune pitié à inonder les rues boueuses de la ville.
Grunt ! On se fait drôlement chier, petit serpent, raillait la voix râpeuse au fond de son être.
L'ombre tapie dans les remparts de son esprit frétillait d'impatience, alors que Kesber semblait suspendu dans le temps. Chaque goutte de pluie ressemblait à une larme tombant des cieux.
Il faisait froid, si bien que sa respiration se transformait bien vite en une fumée opaque.
L'air portait un parfum de soufre, mêlé à l'odeur humide des pavés inégaux et des murs en pierres encrassés. Au loin, les lanternes accrochées aux façades projetaient des reflets mouvants, dansant comme une valse inquiétante. L'atmosphère était lourde, suffocante et mystérieuse.
Chaque coin de cette maudite ruelle semblait abriter une épopée, chaque ombre une promesse odyssée.
Que diable est-il en train de faire ? songea Aideen en serrant un sac en toile de jute, ses mains gantées tremblant d'impatience.
Au cœur de cette suffocante symphonie aqueuse, Aideen s'impatientait... Chaque seconde d'attente pouvait s'avérer mortelle !
Bien que son visage fût dissimulé sous la capuche de son manteau de voyage, son regard perçant fouillait les volets battants d'une bâtisse voisine. Derriere l'un d'eux, un rideau de dentelle jauni par le temps virevoltait, créant un sifflement désagréable à ses oreilles. Chaque mouvement semblait orchestré par une force invisible. À cet instant, un souvenir cuisant fit surface, comme une gifle violente et cruelle. Un souvenir empreint d'amertume s'infiltrait dans son esprit.
Aideen aurait pu prendre le temps de vous décrire cette journée ensoleillée où, vêtue d'une robe modeste, elle captivait l'œil sans effort. Son voile léger, orné de feuilles de bouleau, laissait passer les rayons du soleil, qui baignaient l'herbe fraîche d'une lumière douce. Cette création était simple et humble, ce qui donnait un certain charme singulier à cette œuvre d'art.
Si tu pouvais penser a des choses qui ne plombent pas l'ambiance ça serait sympa, jasa l'entité qui lui privait de toute chaleur.
La voix avait raison. Ce n'était ni l'heure ni le moment d'élaborer une dissertation poétique sur ce magnifique souvenir aux paysages matinaux et aux palettes de couleurs ardentes. Refoulant cette scène empreinte de mélancolie, elle tendit l'oreille, à l'affût d'une clé qui s'insérait dans la serrure de la porte vétuste.
C'est pas trop tôt ! grogna la voix.
Aussitôt, son impatience se transforma très vite en une excitation malsaine. La personne qu'elle attendait depuis ces longues minutes se présenta à elle.
Les yeux inquisiteurs du Passeur regardèrent de gauche à droite, répétant l'action plusieurs fois, avant de lui faire signe de rentrer.
C'est d'un pas rapide et léger qu'ils traversèrent les innombrables couloirs obscurs d'une auberge lugubre, où l'on côtoyait toutes sortes de vermines louches, où potins, complots et trahisons étaient monnaie courante. Les étrangers étaient rarement accueillis les bras ouverts. Aideen se demanda un court instant comment cet homme avait pu se retrouver à côtoyer un tel lieu.
Une telle personne, aussi gracieuse, n'avait rien à faire dans de pareils endroits...
Moi, je me sens comme un poisson dans l'eau, siffla la voix.
Le Passeur était un homme, au corps svelte et élancé. Ses cheveux blanc évoquaient la pureté d'un paysage enneigé, où chaque flocon scintillant reflétait la brillance d'un monde figé dans une beauté glaciale. Tout son être semblait formé dans la grâce et la souplesse. Il se déplaçait calmement, ses pas silencieux et mesurés semblaient calculés.
L'attention de la jeune femme se posa sur son ensemble d'un bleu foncé ainsi que sur ses bottes montantes arrivant à ses genoux. Presque semblables à celles d'Aideen à l'exception près que celles du Passeur devaient coûter une petite fortune.
En la présence de cette personne, on ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine admiration, mais également de la méfiance.
Le Passeur...songea-t-elle.
Son nom véritable demeurait un mystère pour tous. Cependant, les villageois de Kesber, habitués à vivre en communauté étroite, ne pouvaient tolérer un visage sans nom. Dès lors, ils le baptisèrent « Le Passeur » en référence à ses activités farfelues. D'autres le nommaient « Le Fantôme » pour son penchant à rendre fou le roi et à s'échapper insatiablement des griffes des gardes.
Un étranger sans nom qui avait réussi à se faire une petite réputation à la capitale.
Après quelques minutes interminables, ils arrivèrent à l'arrière cour de l'auberge mal famée.
Dépourvue de ménagement, Aideen entra sans la permission du Passeur, laissant l'ourlet de son manteau balayer le sol pavé sur son passage.
L'homme mince eut une lueur amusée qui dansait dans ses yeux d'un bleu moussu, semblable à l'écume de mer.
Il entra à son tour, fermant la porte et les volets, pour aussitôt allumer quelques chandelles.
— Il fait un froid de canard, ces temps-ci, ronchonna-t-il, en se frottant les mains.
Il disait vrai. Même à l'intérieur d'une pièce, le froid mortel n'épargnait aucun refuge. Un frisson glacial la traversa, et Aideen n'aurait su dire si c'était à cause du froid ou de l'appréhension...peut-être des deux.
— Comment se porte mon client préféré ?
— Si c'était une conversation amicale que tu souhaitais, il fallait me prévenir. Je me serais vêtue pour l'occasion, renchérissait-elle, le visage crispé. J'aurai même apporté des biscuits.
— Voyons, voyons, tu sais bien que je ne refuserais jamais une bonne discussion de commérages avec toi. Mais une prochaine fois, veux-tu ? Nous avons d'autres priorités ce soir, n'est-ce pas, ma vieille amie ?
Elle inspira à pleins poumons en tenant fermement le sac en toile de jute contre son corps amaigri.
— Je suis là comme convenue avec dix pièces d'or et le doigts d'Alexander Mortigan, dit-elle.
Aussitôt, le Passeur lâcha un rire sournois, alors que la demoiselle s'asseyait brusquement sur une chaise.
Elle posa ses bottes sales sur le bureau, témoins de ses escapades nocturnes, en se renversant sur les pieds arrière de celle-ci. De ses doigts fins, Aideen abaissa sa capuche, révélant un visage aux cernes marquées.
— Enfin ! Le fumier va comprendre qu'on ne met jamais son nez dans mes affaires. Oh grand jamais !
Il marqua une pause, en regardant de ses cils maquillés, Aideen, comme s'il cherchait à élucider les secrets de son client. Puis, d'un air taquin, il reprit la parole :
— Tu en a mis du temps pour le traquer... pourtant avec sa corpulence, il est facilement repérable. T'a-t-il donné du fil à retordre ?
— Tu as oublié de me mentionner qu'il était protégé par des gardes du corps, répondit-elle.
Ces gaillards ? Ils avaient des muscles qui auraient pu servir de barreaux pour une prison. Grunt !
— Ce n'était qu'un détail ! Si je l'ai omis, c'est que je savais que cela ne poserait aucun problème à ta mission, ria le Passeur. L'as-tu menacé ?
Aideen s'éclaircissait la gorge, prenant un air hautain et récita d'une voix aux sonorités aussi malicieuses que celle du Passeur.
— La prochaine fois que tu essaies de rivaliser avec moi, je te couperai l'entre-jambe pour m'en faire un collier que je porterais fièrement. Avise de recommencer salopard, avant qu'on ne retrouve ton corps dans les égouts !
La silhouette androgyne du Passeur sautilla presque de joie, une lueur bien trop forte illumina son visage aux pommettes hautes.
Cette soudaine gaieté semblait étrange, presque déplacée. Il posa brusquement son postérieur sur le tabouret roulant, se déplaçant pour se mettre au plus vite en face de la demoiselle aux pupilles rétrécit, signe de son état négatif.
— Je songe vraiment à t'embaucher, avoua le Passeur en remettant les mèches blanchâtres de ses cheveux derrière ses oreilles.
— Tu n'as pas les moyens de payer mes services.
D'un geste délibéré et délicat, elle plongea sa main dans le pot de bonbons qui trônait sur le bureau.
Ses doigts effleuraient brièvement les friandises colorées avant de se refermer sur une sucrerie particulière, choisie presque instinctivement. Aideen porta le bonbon à ses lèvres et suçota bruyamment le caramel.
— C'est toujours un plaisir de travailler avec toi, avoua-t-il. Montre moi son index !
— Donne-moi les documents que je t'aies demandés.
— Malgré nos années de collaboration, la confiance n'a jamais été de mise entre nous, dit-il emprunt d'une joie calculée. Faire confiance à une sorcière, c'est comme donner un poignard à son ennemi.
Tranche lui la tête. L'ombre dans son esprit miroitait dans les ténèbres, prête à bondir sur le Passeur.
Aideen releva son menton, puis plongea aussitôt sa main gantée dans le sac. C'était sous le regard obnubilé du Passeur qu'elle lança le doigt au centre du bureau acajou du maître des lieux. L'odeur de chair en décomposition s'empara soudainement de la pièce, tandis que les éclats de rire du faquin résonnaient comme sadique, éveillant ainsi un certain malaise diffus chez Aideen.
— Fantastique ! Je pourrais m'en servir pour remuer mon thé, où me curer le nez, tu en penses quoi ? demanda-t-il en pointant le membre cadavérique sur elle.
— Fais ce qu'il te chante, souffla-t-elle. J'ai fait ma part du contrat.
— J'attends toujours mes pièces.
Aideen leva les yeux au ciel, avant de faire retomber la chaise sur le sol avec fracas.
Elle jeta le sac, et reprit une sucrerie, sous le regard du Passeur, qui commença à vérifier le contenu du réticule.
— Une, deux, trois...
— Les bons comptes font les bons amis.
— Le compte y est ! s'exclama-t-il, en rangeant le sac et le doigt d'Alexander dans un écritoire.
Bien sûr !
Bien sûr, le compte y était. Sarallard Aideen avait passé deux semaines éprouvantes à espionner, analyser et traquer Alexander Mortigan, un aristocrate au ventre bedonnant dont l'apparence reflétait des années d'excès. Dont l'odeur puissante de son eau de Cologne avait été si désagréable qu'elle avait irrité les narines de la sorcière.Cette nuit-là, Aideen l'avait trouvé dans un bar, où des combats clandestins avaient lieu aux sous-sols. Elle l'avait laissé prendre la fuite et alors qu'il pensait être tiré d'affaire, l'aristocrate fut coincé dans un cul-de-sac. La sorcière était donc apparue dans la brume de la pluie comme si elle ne faisait qu'un avec celle-ci.
— Mes hommes te retrouveront, lança-t-il avec assurance.
S'ils ne sont pas déjà en train de rêver de tartes aux pommes, je serais très surpris ! Mon petit serpent les a endormis avec une vieille comptine de bébé, gloussa la voix.
— Bâtard !
Il s'exprimait avec un accent du Nord, bien plus sec que celui des terres du sud qu'Aideen avait l'habitude d'entendre. Elle était arrivée sans un mot, avant qu'elle ne passe à l'action.
Il n'eut le temps de comprendre ses attentions qu'elle le bloqua au sol, Alexander essaya tant bien que mal de voir son agresseur. Mais Aideen avait pris le plus grand soin de dissimuler son identité sous son masque et sa capuche, il fut donc impossible de savoir qui cela pouvait bien être. À tel point qu'il ne put déterminer si cette présence était un homme ou une femme.
— De l'or, supplia Alexander, j'ai de l'or.
Piquée à vif, elle plongea sa main dans les poches du comte, pour y extirper un trousseau en soie, qui laissait penser à sa bourse. Elle en fut convaincue quand la sorcière entendit les sonorités des pièces.
— Merci, merci de m'épargner ! hurla-t-il, alors que ses joues rouges et son double menton rasé à blanc encadré un sourire suppliant.
— Ce n'est que partie remise, lança-t-elle.
— Comment ?
Il transpirait abondamment, si bien que son pourpoint luxueux froissé, n'était plus qu'une serpillère humide. La sorcière détestait ce genre d'énergumène. Alexander Mortigan menait une double vie, oscillant entre l'apparence d'un comte respectable et d'un homme embourbé dans de sales histoires.
Il apparaissait inévitablement impliqué de manière suspecte mais jamais formellement accusé.
Dans un silence de mort, où seuls les rats et les chats errants étaient témoins de ce moment, Aideen dégaina son poignard avant de lui trancher le doigt. Alexander s'écria de douleur pour aussitôt tourner de l'œil en voyant l'abondance de son sang couler sur son vêtement. Il lui lança les pires insultes qu'il connaissait, avant qu'Aideen ne répète mots par mots la menace du Passeur.
En parlant de celui-ci, ses doigts claquèrent devant la sorcière, la ramenant subitement et brutalement à la réalité. Il ricana en se levant pour sortir de sa cachette derrière un tableau d'une tête de cerf une pochette.
— Bien, voici tes faux papiers Aideen.
Le silence l'accueillit. Elle regardait l'objet de tous ses désirs dans ses mains. L'entité dans sa tête semblait elle aussi saliver.
— Tu trouveras tes documents officiels, passeport, carte d'identité, livret de famille, tout y est.
Afin de vérifier ses dires, elle ne tarda pas à plonger sa main dans l'enveloppe, pour y ressortir les documents. A première vue, le travail semblait parfait, les faussaires qui travaillaient pour le Passeur étaient talentueux.
C'était d'ailleurs la première fois qu'Aideen lui demandait un service si gros.
Habituellement elle laissait ça aux gens désespérés qui cherchaient une nouvelle vie, aux criminelles, et aux immigrants clandestins. Le Passeur ne faisait pas de discrimination tant que l'argent alimenter son petit marché.
— Tu viens d'une famille de fermiers au sud de Bel-minard. Tous morts d'une maladie incurable. Tu es la dernière Myrthe, Emery Myrthe, confirma-t-il. Voilà une vie bien tragique. Une orpheline livrée à elle-même dans ce bas monde, s'écria le Passeur en posant sa main sur son front de manière théâtrale.
Grunt ! Nous y sommes presque, petit serpent.
Les minutes semblaient s'étirer interminablement, et chaque seconde qui passait pesait un peu plus lourd. Rien ne semblait pouvoir dissiper sa vengeance qui pesait en elle, pas même l'ironie que prenait l'homme devant elle.
Aideen, rangea aussitôt les documents cruciaux qui lui permettraient de mettre son plan à exécution entre son ventre et son pantalon, elle resserra sa ceinture, sentant au passage les coins des papiers piquer sa peau.
— Je me languis de connaître la fin de cette histoire ! avoua-t-il en refermant le cadre du tableau.
— Qu'est-ce que tu racontes comme connerie encore ? demanda-t-elle, piqué par la curiosité.
— Quand on découvrira qu'Aideen Sarallard, la plus célèbre des sorcières est en vie, qui puisse est, fait un coup d'Etat. Ça sentira le roussi, reprit-il en prenant une sucrerie comme pour se délecter de l'avenir morne de la sorcière.
— Personne ne découvrira qui je suis.
— Ils te pendront sur la place du village, sans compter que les journaux locaux, feront de toi de magnifiques caricatures. Hum... tu es plutôt charmante malgré tes trois ans d'enfermement à la prison Crimsone. Si je peux me permettre...il se fit couper la parole.
— Je ne te permets pas.
— Tu ne ressembles pas à l'imaginaire collectif, avoua le Passeur. Je parie qu'ils te feront un nez crochu, je vois également des verrues sur les joues et une peau verdâtre. Si tu me donnes trois pièces en plus, je pourrai négocier ton image.
Tu as juste à dire un seul mot, et je m'occupe de lui.
Au souvenir de son enfermement, l'ancienne esclave serra les mains à tel point que ses ongles s'enfoncèrent dans les paumes de celle-ci. Ses yeux s'assombrissaient par une lueur d'amertume.
Le Passeur distingua les traits marqués de son visage, une colère contenue qu'elle n'arrivait point à cacher. Une frustration émanait d'elle lorsque ces souvenirs douloureux refit surface, si bien que la pièce froide se transforma presque en une atmosphère chaude.
— Si cela s'apprend, répondit Aideen, la voix sèche. S'ils découvrent que je suis bel et bien vivante, cela sera par ton manque de compétence à faire ton boulot. Je ne me gênerais pas pour dire qui tu es, et ce que tu manigances.
— Voyons, je ne manigance rien...
— En es-tu certains Passeur ? On te jettera au cachot et Alexander Mortigan reprendra les rênes de ton petit trafic. Après tout, il pourra toujours se munir de son doigt d'honneur quand tu le regarderas avec des yeux de veau qui beuglent.
Le tonnerre gronda dans le ciel. Un avertissement.
— Tu aurais dû lui couper le majeur !
— Ça n'aurait pas été drôle sinon.
— Sorcière !
— C'est le moins que l'on puisse dire, pouffa-t-elle d'un rire léger.
Une autre détonation déchira le ciel. La sorcière plongea une dernière fois sa main dans la boîte à bonbons.
— Ne remet jamais en cause mon travail, s'écria le Passeur.
— Je sais. Si j'ai fais appel à toi c'est pour une bonne raison. Je ne joue pas avec les novices et les petites vermines de basses besognes, avoua-t-elle, en se levant d'un calme surprenant et en enfournant le caramel dans sa bouche.
Elle ramena la capuche sur sa tête cachant dans la foulée ses longs cheveux noirs dans une tension palpable. Remis la chaise a sa place et partit en direction de la porte, avant que la voix aiguë du Passeur ne l'arrête soudainement, alors qu'elle avait déjà baissé la poignée.
— Soit meilleurs qu'eux, et fait-les regretter de ne pas t'avoir tué.
— Je serais leur pire cauchemar, dit-elle sans douleur physique ni émotionnelle.
Sans lui laisser le temps de répondre, Aideen se faufila à travers les ruelles qui, par la pâle lueur du croissant de lune, transformaient les dédales en allées obscures. Elle laissa derrière elle l'image du rideau en dentelle reposer sur le rebord du balcon. La sorcière sentit une excitation monter en elle, consciente qu'elle venait de faire un pas de plus dans sa quête de vengeance, ce qui nourrissait sa détermination. Le coin de ses lèvres se souleva avant qu'elle ne s'arrête violemment derrière un muret en pierre. Elle distingua la garde royale marcher en rond près de la place publique où étaient ornés des drapeaux dorés à l'effigie de la famille royale.
Le retour du prince damné, songea-t-elle.
Comme une mise en garde, un lampadaire vacillait en projetant une lumière tremblante, créant ainsi des halos de clarté dans la pénombre. La parade pour le grand retour du prince était prévue pour aujourd'hui, en début d'après-midi. Un événement que tous attendaient depuis trois semaines, hormis les sorcières... Ce qui augmenta une part d'angoisse chez la jeune femme. Toujours cachée, elle distingua des soldats en armures, s'approchant de l'emplacement dans lequel Aideen se trouvait.
Une minute plus tard, elle se rattrapa au rebord d'une fenêtre d'un vieux bâtiment en brique rouge et se hissa le long d'une gouttière pour enfin rejoindre le toit des tuiles disjoints, qui émettait des craquements lugubres sous chacun de ses pas. Celles-ci étaient humides et glissantes par la pluie qui s'était arrêtée. Mais cela n'empêchait pas la jeune sorcière de courir d'un pas assuré vers sa cachette, les papiers bien serrés contre son ventre. Sachant pertinemment qu'elle ne pourrait faire machine arrière.
Après tout ceci n'était ni le début, ni la fin, seulement la continuité de sa grande et fastueuse aventure.
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