Chapitre 18
« Par ordre du Roi, nul sujet du royaume ne saurait poser le pied en la ForêtValfort, terre de ténèbres et de créatures innommables. Seuls les soldats en mission et les criminels condamnés à l'exil y seront envoyés, sans espoir de retour. Tout contrevenant sera considéré comme renégat et subira le même sort. Ainsi est la loi, ainsi soit-il. »
Code des Lois de Petras, Décret I, clause 2.
C'était une nuit parfaite pour une nouvelle épreuve.
Le genre de nuit où le voile du monde semblait plus mince, où le destin chuchotait à ceux qui savaient écouter. Tout n'était que brouillard et mystère, sous la lumière de la pleine lune.
À l'horizon, deux lueurs orangées, pareilles à un œil ardent, observaient les novices, scrutant chacun de leurs pas.
Grâce aux illusions soigneusement tissées par la magie des mages-visionnaires, chaque épreuve était capturée, retransmise en temps réel dans la capitale et aux quatre coins du royaume.
Dans les tavernes, les marchés et dans les recoins sombres des auberges, on misait déjà sur les noms des futurs survivants.
Les pièces d'or passaient de main en main, les voix murmurant des paris, des pronostics avides.
Le Passeur avait-il misé sur elle ?
Irene regardait-elle en ce moment même ?
Elle tenta d'inspirer, mais l'air resta bloqué quelque par dans sa gorge. Devant elle, les cavaliers de l'Escouade Ciel avançaient sur un pont branlant, leur souffle glacé formant une brume opaque.
L'angoisse grandissante, tapie sous sa cage thoracique, s'insinua plus profondément, n'arrangeant rien à son inconfort.
Tu crois qu'on va mourir d'une mort héroïque ou juste ridicule ? Parce que franchement, j'aimerais éviter l'humiliation post-mortem. jasa l'entité, en se plaçant derrière les yeux d'Aideen pour observer la scène.
Aideen se redressa, le dos droit et les yeux bien ouverts. Elle enviait les enfants de la capitale, blottis sous d'épaisses fourrures, à l'abri du froid et du danger. Eux n'avaient qu'à regarder le tournoi, pas à risquer leur vie sur des chemins traîtres.
Les yeux rivés sur les cheveux auburn, humides et luisants de l'adversaire qui la précédait, Aideen s'exhortait à réfléchir convenablement. Mais son souffle court trahissait son stress.
Elle se répéta que son anxiété n'avait aucune raison d'être.
Elle allait réussir cette épreuve.
— Qu'est-ce qu'ils attendent de nous pour cet exercice ? grogna Kyra en rejoignant la sorcière.
— Le plus étrange, c'est que les autres escouades ne sont pas là, fit remarquer Zack, bras croisés.
— Tu penses qu'on est les seuls à passer cette épreuve ?
— Hm...
— Ils nous testent, trancha Aideen. Tout le monde doit y passer, mais ils nous séparent pour éviter un carnage immédiat. Une fois le duel lancé, ce sera un bain de sang.
Kyra la fixa, les yeux plissés, comme si elle essayait de la déchiffrer.
— J'adore cette histoire !
Ah... Rien ne vaut le frisson de la peur humaine. Ce petit tremblement dans tes doigts, ce souffle haché... C'est exquis. Vous êtes si fragiles, si prévisibles, ronronna l'entité, cajoleur.
Son pouls s'accéléra.
— J'ai entendu dire qu'ils allaient nous envoyer chasser un trésor, lança Zack, visiblement pas convaincu.
— On le saura bien assez tôt, conclut Aideen.
Zack maudissait l'obscurité. Il aurait voulu voir le visage de la soldate qui marchait à ses côtés, deviner dans ses traits s'il n'était pas seul à frissonner de peur. Mais il ne distinguait que la lueur fugace de sa tresse, miroitant comme un serpent lové dans l'attente du coup fatal.
Son estomac se serra. Était-il le seul à redouter ce qui les attendait ? Au cœur de la troupe, son assurance s'effritait, s'effaçait, ne laissant qu'un vide béant où, jadis, brûlait son courage.
— Tu aurais pu tirer les vers du nez au prince, renchérit Kyra, un sourire en coin.
Aideen lui lança un regard, surpris, mais avec une pointe de défi. Il n'avait rien de rassurant.
J'aime cette fille, elle a du cran, comparée à certaines. Peut-être que je devrais m'y lier ?
Vas-y, personne ne te retient. T'as qu'à essayer, de toute façon, j'ai mieux à faire que de perdre mon temps avec tes conneries. répondit Aideen.
L'entité roucoulait.
— C'est vrai quoi, tous les soirs tu lui apportes le rapport hebdomadaire, tu aurais pu magouiller quelques infos, lâcha Kyra avec un sourire en coin.
— La faute à qui si je suis coincée avec ce sale boulot ? Si je n'avais pas quitté la Tour pour te sauver, je ne serais même pas en train de faire ça.
Elle souffla, visiblement irritée mais pas vraiment surprise.
— Magouiller avec Ender Stark... J'aurais sûrement eu la langue coupée. Tu crois vraiment qu'il aurait laissé échapper quoi que ce soit ?
— T'aurais bien trouvé un moyen, j'en suis sûre.
Aideen haussait les épaules, un petit sourire en coin, tandis que son regard se posait sur l'horizon. Kyra la dévisagea un instant, un sourire en coin.
— Ne me regarde pas ainsi, après tout, ce n'est qu'une épreuve de survie !
— Facile à dire ! Peut-être qu'ils nous envoient chasser des créatures de l'ombre ! Et si c'était Griselda ? murmura Kyra, un frisson glacé d'effroi traversant ses traits. Je suis arachnophobe, tu sais !
Aideen sentit une vague glaciale d'inquiétude la submerger. Griselda... C'était plus qu'une simple légende. C'était un cauchemar, une ombre qui hantait chaque recoin des foyers, murmure de peur destiné à maintenir les jeunes dans un état d'alerte constant.
Les villageois parlaient d'une araignée gigantesque, au corps noir comme l'ébène, et aux yeux rouges comme des braises. Elle tissait des toiles sans fin, si vastes qu'elles pouvaient engloutir un village tout entier.
Les anciennes chantaient des chansons de terreur, leurs voix tremblantes, murmurant des cris étouffés et des bruits inquiétants qui s'échappaient des bois à chaque nuit de pleine lune.
— Je crois que nous sommes en plein dans l'affaire, il fait noir, on s'avance vers les bois, et la pleine lune est là-haut, reprit Kyra en pointant la lune.
Au milieu du peloton, les deux femmes ralentirent, échangeant un regard stoïque. Le silence qui s'installa entre elles était lourd, presque tangible. Aideen avala sa salive avec un bruit sec, l'inquiétude serrant sa gorge, avant que Zack ne les pousse, ses mains fermes contre leurs épaules, les incitant à reprendre la marche.
— Ce n'est qu'une légende, vous savez, lâcha-t-il d'un ton sec. Si Griselda est vraiment la première épreuve, alors ils comptent bien nous envoyer tous dans le fossé dès le départ. Et je suis sûr que ce n'est pas le but du tournoi, à moins que...
Il laissa sa phrase en suspens, un air de défi dans les yeux.
— Arrête ça ! Tu es même pas drôle ! s'écria Kyra.
Allez, respire. Profite. C'est peut-être la dernière fois que tu ressens autant d'adrénaline avant... eh bien, le néant.
Plus tard, ils s'arrêtèrent devant une vieille taverne, aux abords d'une forêt aussi sombre qu'énigmatique. La façade en briques rouges, rongée par des lierres s''enroulaient sur le toit, dégageant une étrange impression d'inquiétude, une sensation viscérale qui chatouillait la nuque et étreignait la gorge.
— Elle est peut-être là, murmura Kyra, le regard glissant furtivement vers l'intérieur, comme si la légende de l'araignée pouvait surgir à tout moment.
Ender se stoppa brusquement, suivi de ses soldats qui, dans un mouvement synchronisé, firent claquer leurs capes rouges comme des éclats de sang sous la brise nocturne.
— Vous allez vous ravitailler ici, ordonna-t-il d'un ton qui ne souffrait aucune contestation. Quand vous aurez suffisamment mangé, l'épreuve vous sera révélée. Vous êtes sous mon commandement. Faites-moi honneur, ou vous ne ressortirez pas de cette forêt.
Ses yeux glissèrent sur chaque soldat, perçant, évaluant. Il avait ce regard d'un prédateur, une froideur intense qui laissait entendre que la moindre erreur serait fatale. Mais quand ses yeux se posèrent sur Aideen, la menace était plus personnelle.
La tension de cette menace flottait sur ses épaules, lourde et oppressante. Mais Aideen le défia du regard, sachant que son destin se jouerait dans les heures à venir.
— Rompez !
Sans attendre, ils pénétrèrent dans la taverne. L'air y était épais, saturé d'odeurs de bois pourri, de ragoût en putréfaction et de crasse. La lumière vacillante des sphères oranges jetait une lueur maladive sur des tables déchues, des chaises qui semblaient avoir vécu des siècles d'indifférence.
Le lieu tout entier semblait marquer l'écoulement d'un temps révolu, une époque où les vies s'éteignaient aussi facilement que les bougies qu'on soufflait.
— Ils veulent nous engraisser avant de nous offrir à Griselda, lança Aideen, en faisant un clin d'œil à Kyra.
Kyra, figée sur place, laissa la réplique résonner, comme un spectre qui passait trop près.
— Ce n'est pas drôle, répliqua-t-elle.
La pièce semblait se refermer sur eux, et comme si leur arrivée avait été attendue, les plats furent servis avec une vitesse étrange. Aideen engloutit son ragoût insipide en silence, tandis que Zack et Kyra se perdaient dans une conversation de futilité.
Chaque bouchée était lourde, chaque mouvement plus lent, comme si l'air devenait plus épais à chaque instant. La chaleur de la pièce semblait se lover autour d'elle, une chaleur maladive, endémique, insidieuse.
Sa propre magie s'éveilla pour l'alerter.
Grâce aux petits vitraux, elle pouvait apercevoir le ciel étoilé, sombre et calme, mais également l'endroit où elle se trouver.
À l'intérieur, les murs craquelés, comme une peau dévorée par le temps, portaient les marques de vieilles fresques.
De la peinture délavée, usée, maladroite, une représentation de ce qui semblait être un autre monde, un monde plus ancien, plus menaçant. Aideen mordit dans sa viande, mais ses yeux se fixèrent sur les gargouilles qui se dressaient au sommet des murs, là, dans les recoins où la lumière semblait s'éteindre avant même d'avoir eu le temps de briller. Leurs regards semblaient la suivre.
Puis son regard se posa sur un des murs, et elle s'arrêta net. Quatre pans de murs étaient tapissés de scènes étrange, illustrées de sauterelles, de champs, de buissons, et de troncs d'arbres.
Les fresques semblaient vivre. Ses yeux traînèrent sur la première image, une scène saturée de couleurs exagérées. Un homme était représenté en train de déraciner les feuillages d'un arbre.
Il semblait crié, ses mains tendues vers la nature, mais dans la scène suivante, il gisait à terre, noyé dans une mare de sang. Son cri était suspendu dans l'air, inarticulé, comme une souffrance figée, immobile.
Un frisson d'horreur la parcourut.
Elle baissa les yeux, mais un autre panneau attira son regard.
Là, une femme, allumant un feu dans une grotte sombre, un feu qui, au lieu de la chaleur, n'apportait que la mort. Les flammes vacillèrent, s'éteignirent, et sous leur lumière mourante, un corps démembré se révélait, ses membres éparpillés comme des marionnettes brisées, figées dans un dernier cri d'agonie.
L'avertissement était là, comme une cloche sinistre !
L'air se fit plus lourd. La taverne semblait se refermer sur elle. Les murmures de la pièce, les bruits de déglutition et de chaises qui grinçaient, étaient les seuls témoins de l'horreur silencieuse qui s'était tissée autour d'eux.
— Tu es toute pâle, remarqua Zack, sa voix légèrement inquiète.
— Ils ont encore fait le coup du poison ? paniqua Kyra.
Aideen n'entendait plus vraiment. Son regard était fixé sur la troisième fresque. Elle ne parvenait pas à saisir toute l'image à cause de la tapisserie humide qui pendait en lambeaux, effaçant une grande partie du dessin. Les contours se déformaient sous la moisissure, mais au milieu de ce chaos, elle distingua une scène. Une chasse. Des traits fragiles, comme une esquisse oubliée, des pastels délavés qui évoquaient des silhouettes en mouvement, des ombres poursuivant une proie invisible.
— Vous scrutez ces dessins depuis votre arrivée.
— Ouille, s'étonna Kyra. D'où elle sort, celle-là ?
Aideen détourna instantanément les yeux et croisa le regard de la vieille tavernière qui se tenait derrière le comptoir, remplissant son verre d'eau d'un geste lent, presque cérémonieux.
— Qui a réalisé ces peintures ? La question franchit ses lèvres, sèche comme du sable.
La tavernière haussait une épaule avec une nonchalance insolente.
— En quoi est-ce important ? répondit-elle d'une voix rauque.
La vieille femme était vêtue d'une robe bleue délavée, mais ce n'étaient pas ses vêtements qui marquaient. C'était l'aura qu'elle dégageait. Un parfum de poussière ancienne, une odeur de vieille magie, quelque chose qui flottait dans l'air.
Ses cheveux blancs, tirés en arrière dans un chignon strict, avaient un éclat presque surnaturel, et ses rides profondes semblaient chuchoter des secrets que même les murs n'osaient répéter. Ses yeux étaient durs, comme s'ils avaient observé la fin du monde plusieurs fois sans cligner.
Aideen voulut l'ignorait, vraiment. Mais comme si elle était prise dans un étau d'une malédiction, elle répliqua :
— Simple curiosité, répondit Aideen, la voix presque trop calme, cherchant à cacher la brèche d'inquiétude qui se creusait en elle.
— La curiosité est un vilain défaut, murmura la tavernière avec un sourire qui n'atteignait pas ses yeux.
Je vais l'étriper.
La vieille dame chantonna un air à voix basse, presque comme un murmure, que la lumière vacillante de la cheminée ne faisait qu'amplifier.
— Cours, saute, cours, sauterelle, cours, saute entre l'ombre et la lumière, fais ton tour. Cours, saute, suis les règles à jamais, ou ta fin se tissera, secrète et cruelle.
Kyra fit un geste exagéré de la main, agitant ses doigts de gauche à droite, comme pour signifier que la vieille femme était folle, que ses paroles n'avaient pas de sens. Mais Aideen, elle, ressentait autre chose.
Chaque mot semblait tissé dans un grand récit, un ancien chant que la forêt seule connaissait. Elle ferma les yeux un instant, essayant de repousser ce frisson désagréable qui remontait dans son dos.
Si elle chante aussi mal, je comprends pourquoi même les sauterelles prennent leurs jambes à leur cou, se moqua l'entité, un sourire invisible se dessinant dans son ton.
Aideen se força à ne pas réagir. Mais ses yeux suivirent la vieille dame qui s'éloignait lentement, le dos courbé, les épaules voûtées par les années, et un air étrange dans ses yeux. C'était comme si le temps lui-même l'avait dévorée. La simple pensée qu'elle était là, dans cette taverne décrépite, l'agacait au plus haut point.
Elle baissa les yeux. Quand ses mains avaient-elles commencé à trembler ?
Le tic-tac du silence qui suivit sembla se tordre autour d'elle, presque tangible, et elle ne put s'empêcher de regarder les murs. Ces murs, eux aussi, avaient une histoire. Une histoire qu'ils chuchotaient dans l'obscurité, une histoire d'horreur ancienne, où les ombres semblaient s'étirer et se glisser dans les fissures.
Les peintures sur les murs, même déformées par le temps, semblaient raconter des récits sinistres, une sorte d'avertissement, peut-être... ou une promesse de malheur. Un frisson glacé remonta la nuque d'Aideen, mais elle s'efforça de l'ignorer. Elle n'aimait pas ça. Pas du tout.
Elle ne voulait pas rester dans cet endroit. Pas une seconde de plus.
À son plus grand soulagement, ils partirent aussi vite qu'ils étaient arrivés. La vieille dame fixa Aideen, levant lentement la main. Ses doigts flétris, ses ongles longs et crochus, faisaient d'elle une relique sans âge. Un frisson parcourut Aideen, et elle s'éloigna rapidement.
Le bruit des feuilles froissées sous les pas des soldats se mêlait aux essoufflements dans l'air frais de l'automne. Mais en s'arrêtant devant la forêt Valford, un sentiment de peur fugace s'empara d'elle.
Les arbres se séparaient, dévoilant une forêt sombre, infinie, qui s'étendait à perte de vue. Aideen sentit l'air se refroidir, une charge électrique traversant l'atmosphère. Un tonnerre grondait au loin, comme un avertissement de ses ancêtres.
Mais elle n'avait ni le temps ni la volonté d'hésiter. Si elle réfléchissait un instant, elle repartirait dans l'autre sens.
La peur la saisit, froide et tranchante. Elle connaissait les mythes maudits sur cette forêt. Des légendes fantasmées, peu fiables, mais dont les récits se finissaient tous en bain de sang. C'était des histoires qui se rapprochaient plus du cauchemar que des contes de fées.
Mais au cas où tout ceci contiendrait un part de vrai, Aideen serra ses bras contre la poitrine, sans cesser d'observer les feuilles d'arbres, vaquer par le vent.
— L'épreuve commence maintenant, annonça Ender d'une voix claire. Traversez la forêt. À l'aube, soyez à l'autre bout. Ceux qui échoueront seront disqualifiés des Trois Pointes.
Aideen inspira profondément, se préparant à avancer.
— Encore une épreuve de timing, grogna Kyra.
— Si ce n'était que ça... murmura Aideen.
En fin de compte j'aurai préféré Griselda...s'insinua la voix dans ses pensées.
— On a quoi pour nous aider, Commandant ? Une boussole, une carte, peut-être une ficelle ? lança un adversaire, son crâne tatoué brillant sous la lumière de la lune.
Ender lui jeta un regard qui aurait pu détruire une armée à lui seul. Il prit une pause, comme si chaque mot qu'il prononçait lui coûtait un effort. Puis, d'un ton glacial, il répondit :
— De belles illusions. Vous serez jugés par votre sens de l'orientation. Et rien d'autre.
La pluie commença à tomber, mais la forêt demeura étrangement silencieuse. Des yeux, cachés dans les buissons, les observaient. Des yeux brillants. Aideen inspira profondément, prête à entrer dans l'action.
Elle resserra sa cape noir autour d'elle, rabattit la capuche sur sa tête, et écouta les murmures des autres soldats.
— Les trois escouades sont dispersées aux différentes extrémités des bois. Comme vos adversaires, vous avez le champ libre, concéda Ender, son regard lourd de sous-entendus.
Oublie l'épreuve on fonce sur Lucas, j'en fais mon affaire.
Le cœur battant, elle leva les yeux, près de l'entrée. Elle ne voulait pas perdre de temps avec cette épreuve. Mais avant de se laisser emporter par ses instincts, elle tourna la tête vers Zack et Kyra, qui rattrapaient la distance qu'elle avait délibérément laissée entre eux. Elle les fixa, une pointe de défi dans les yeux. Ils ne disaient rien, mais l'atmosphère autour d'eux changea. Ils étaient une équipe. Une équipe soudée, ou du moins, le temps d'une mission.
Ah, l'équipe...Manquer plus que ça ! J'espère qu'on va pas mourir d'ennui avant de mourir tout court, grogna la voix.
Zack, frêle et petit, probablement plus lent qu'eux, mais un observateur hors pair. Kyra, fine, rapide, et aussi bavarde qu'une pie, mais une combattante redoutable. Aideen, elle, était l'anxiété incarnée, impassible et froide, mais sa rage intérieure, sa soif de vengeance, était ce qui la guidait. Un groupe qui semblait vulnérable, mais qui, au fond, était prêt à tout pour survivre.
— Que l'épreuve commence, lança Ender d'un ton dédaigneux. Les plus méritants arriveront de l'autre côté. Les autres... leurs corps resteront ici.
Les mots d'Ender faisaient bouillir ses tripes. Elle aurait voulu lui cracher à la figure. Ce vieux truand. Mais elle se contenta de regarder le ciel, murmure silencieux à Aynur, la déesse de la nuit, priant pour qu'ils aient la chance de survivre à ce défi.
Elle jeta un dernier regard à ses coéquipiers, un air de défi dans les yeux.
— Si vous touchez à un arbre, faites du feu ou chassez, je vous arrache la tête.
Aideen n'avait pas voulu répondre aussi sèchement, mais elle avait à peine eu la patience de contrôler son avertissement.
— Pas de mal à Mère Nature, c'est noté, répondit Kyra avec un sourire.
— Les peintures dans l'auberge étaient un avertissement, observa Zack, tout en scrutant la forêt.
Les ombres de Valford se refermaient autour d'eux. Aideen sentait la menace, latente et silencieuse, des créatures tapies dans les ténèbres, attendant le moment propice. Chaque muscle tendu, elle mordillait sa lèvre inférieure, ses yeux cherchant frénétiquement un indice, un mouvement qui trahirait la présence de l'ennemi.
Les arbres semblaient se courber sous un poids invisible, leurs branches s'entrelacer comme des doigts prêts à la saisir. Un murmure d'alerte parcourut la forêt, un murmure que seuls les sens affûtés d'Aideen pouvaient entendre, les insectes et les bruits lointains ne faisant qu'accentuer l'atmosphère oppressante. Il fallait traverser ces bois sombres, là où les créatures se dissimulaient dans l'obscurité, et l'incertitude sur ce qui rôdait autour d'elle pesait lourdement.
Elle ferma les yeux un instant, se concentrant sur les stridulations des sauterelles qui ponctuaient le silence. Derrière le bruit rythmé, elle croyait percevoir quelque chose, un mouvement léger, un souffle, peut-être. Mais tout restait flou, presque irréel.
— Dernière chose, ajouta Aideen d'un ton bas. Si les sauterelles cessent de chanter, cachez-vous immédiatement.
Un silence lourd tomba sur le groupe, le temps suspendu, comme si l'air lui-même retenait son souffle. La mort, insidieuse et cachée, semblait se faufiler entre les ombres, prête à frapper.
Aideen lança un dernier regard vers la lueur orangée qui se perdait au loin, son cœur battant plus fort alors qu'elle se préparait à plonger dans l'inconnu, là où l'obscurité régnait sans partage.
Que la partie commence !
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