Tw : transphobie (mais non, sans blague ?) 

Dans toutes les définitions que j'ai donné ici, je n'ai jamais bien défini la transphobie. C'est un tort, ça aurait sans doute aidé à rendre les choses plus claires. 

C'est vrai que si on considère la transphobie dans son extreme. Si pour vous être transphobe c'est condamner à mort des personnes trans, alors, oui, JK Rowling n'est pas transphobe. (Et à vrai dire peu de personne le sont). Sauf que la transphobie ne se résume pas à ça, parce que comme toutes les oppressions elle est systémique. Oui je sais, c'est un mot compliqué, vous affolez pas, ça va bien se passer (oui je suis condescendant écoutez, au bout d'un moment il le faut). 

Systémique, ça veut dire que ça s'inscrit dans un système. Quand on parle d'une oppression, ça signifie que cette oppression n'est pas causée par un individu mais par une société toute entière. Dans le cas de la transphobie, ça veut dire en gros que tout le monde est transphobe à la base parce qu'on est né dans un monde transphobe avec une éducation transphobe : 

- À travers les médias où les femmes trans ne sont que des manipulatrices dangereuses ou des personnes pathétiques (si ta première approche de la transidentité c'est les documentaires au bois de Boulogne ou Buffalo Bill du Silence des Agneaux ça peut t'amener à percevoir les femmes trans avec une connotation un chouïa négative, tu crois pas ?). 

- À travers les droits sociaux qu'on a acquis ou non comme interdit (genre moi je suis né dans un monde où le mariage homosexuel était illégal et où les familles homoparentales étaient rarissime, et quoi que je fasse, dans ma tête, il y a toujours une partie de moi qui, pour cette raison, part du principe que si quelqu'un LGBTQIA+ iel ne se mariera pas et n'aura pas d'enfants, alors que de nos jours c'est totalement possible). 

- Au travers de ce qu'on choisit ou non de mettre en avant dans les statistiques aussi (du genre nous parler des trans "psychopathes" qui commettent des crimes et des viols mais pas des millions d'autres personnes trans qui vivent leurs vies sans faire de mal à personne).

- etc.

C'est pour ça qu'on parle de "se déconstruire" ou de "s'éveiller". Être "woke" à la base ça désigne les personnes qui ont pris conscience du problème systémique du racisme. Ça s'est étendu à d'autres oppressions aujourd'hui. Non pas que le racisme et la transphobie soient pareilles ni même comparable c'est très différent mais ça reste deux oppressions donc sur le concept et leurs implications on peut les comparer dans une certaine mesure. Dans les deux cas on peut parler de "dé-construction" ou "d'éveil" des personnes qui ont pris conscience qu'elles étaient en partie des oppresseurs et qu'il fallait qu'elles se renseignent et travaillent sur elles-mêmes si elles voulaient arrêter de l'être. 

Bien sûr, en fonction de votre individualité vous avez plus ou moins besoin de vous déconstruire. Si vous êtes né dans une famille militante de gauche la "dé-construction" est déjà en partie faite... sauf que pas forcement, parce qu'il y a les parents, oui, mais il y a aussi tout le reste. Tout ce qu'on appelle les pairs (les amis, les camarades de classes, le reste de la famille et des proches). Même si vous grandissez élevé par deux lesbiennes véganes et que vous vous croyez au top de la dé-construction bah si ça se trouve ont va toujours vous montrer Ace Ventura et vous allez rigoler aux blagues transphobes, vous allez quand même tomber sur une video du Raptor et virer de l'autre coté (coucou tonton, tu liras jamais ça mais tu es visé). Et je dis pas qu'il faut se déconstruire au maximum. Perso je pense juste qu'il faut saisir le truc parce que j'aspire à être quelqu'un que j'aime bien ET donc quelqu'un qui dit pas des trucs racistes, transphobes ou misogyne à celleux qui ont rien demandé. Je l'ai fait par le passé, j'ai envie de changer parce que je déteste cette partie de moi pour ça et d'autres raisons (mais ça deviens UN PEU TROP PERSONNEL). 

Tout ça pour en revenir aux deux idées que je voulais mettre en avant : 

C'est pas parce que t'es concerné par une cause que tu sais tout dessus ou que ça te dédouane de devoir faire attention. Comme une oppression est systémique tu peux être une femme et être misogyne. Via les représentations que tu as eu ou le sexisme intériorisée par exemple (genre les trad wives c'est pas des modèles de féminisme non plus hein). Mais du coup tu peux aussi être pas blanc et raciste, être trans et transphobe (genre quand tu dis que certaines personnes sont des "transtender"), etc. Évidement tu as moins de chance de l'être et tu le diras pas ouvertement mais c'est toujours là. (Donc à la personne qui est venue étaler les CV de toutes les personnes qui étaient venus déballer leurs conneries dans mes commentaires pour justifier qu'"ils n'étaient pas transphobe parce qu'un tel était pan et l'autre fils d'immigré" ou jsp quoi. 1) C'est pas comme ça que ça marche et  2) ça excuse rien. Quand tu dis des personnes trans que (je cote :)"les pauvres ça doit être un bordel monstrueux dans leurs têtes" (on va me reprocher de sur-interpreterer mais ça pour moi ça veut dire qu'on est fous, hein. Je vois pas d'autres significations) être pan ou jsp quel excuse on avait trouvé pour cette personne ça excuse rien au fait que c'est déshumanisant et irrespectueux. T'inquiètes c'est pas le bordel dans ma tête, mes maladies mentales elles sont plus accentuées par ta transphobie que par le fait que je m'y retrouve pas. Parce que perso je m'y retrouve très bien, on est pas tous incapable d'apprendre deux définitions.) Surtout que dans ce cas précis aucun d'entre eux n'était trans et que c'était le dixième commentaire comme ça. MAIS BREF.). 

Ce qui nous amène à la deuxième idée que je voulais mettre en avant : la transphobie, et les autres oppressions peuvent prendre pleins d'aspect différents et insulter une personne trans n'est qu'une seule d'entre elle. Vous allez me dire que c'est pas pareil quand même, qu'il y a des choses plus brutales que d'autres. Il y a des agressions et des mircoagressions. En soit c'est pas faux, mais ça veut pas dire qu'on ne peut pas essayer de se débarrasser des mircoagressions dans la foulée. Surtout que microagressions par mircoagressions tu te fais vite laver le cerveau. 

Oui, les exemple terribles de transphobie auquel on pense c'est être envoyé en thérapie de conversion, se faire tuer parce qu'on est trans, être emprisonné, viré de chez soi ou agressé dans la rue. Mais les autres formes de transphobie nous affecte aussi, en fait. C'est hyper invalidant de faire croire que le reste est pas grave du tout et à pas d'impact sur nous ! 

Et puis l'un mène facilement à l'autre. Je veux dire, vous croyez que ça commence comment une thérapie de conversion ? (non pas que j'en ai vécu, mais de ce que je crois savoir c'est plus insidieux qu'on croit. C'est pas par une personne qui nous insulte, mais au contraire par une personne qui nous dit qu'elle veut notre bien, qui nous persuade que ça ne peut que nous être bénéfique, jusqu'à nous laver le cerveau et nous convaincre que le problème c'est nous. 

Une agression dans la rue ça peut aussi commencer par "juste" une insulte. Qui sait ce qui viendra après ? Sans compter que (je l'ai déjà dit je crois mais) quand on est trans on a intériorisée ces peurs là et que même si ça ne nous est jamais arrivé, on garde toujours ça dans un coin de notre tête donc on est prudent et vigilants. On se méfie. 

Bref. Les "mircoagressions" c'est déjà de la transphobie. N'avoir personne parce qu'on est isolé c'est déjà une conséquence de la transphobie, perdre la moitié de nos proches c'est déjà de la transphobie, invalider les souffrances des personnes trans et ne pas les écouter aussi, les mégenrer et les deadnamer aussi. 

Évidement je ne parle pas de si vous n'étiez pas au courant ou de si vous avez oublié. Malgré ce que vous essayer de faire croire en nous collant des rôles "d'hystériques" qui veulent censurer tout le monde, on sait faire la différence entre une agression et une erreur. Avec mon passing en carton je ne peux pas reprocher au gens dans la rue de me mégenrer, ils sont pas au courant, c'est normal. Par contre quand ça fait vingt fois que je dis que je m'appelle Priam et que mes pronoms sont il/lui, si vous vous trompez encore je vais commencer à croire que vous le faites exprès, oui. Et encore, je comprends aussi des gens le prenne mal quand un inconnu les mégenre. 

Vous vous rendez pas compte ce que c'est d'être trans, vraiment. Même moi qui n'est que rarement été confronté à de la transphobie parce que je ne suis pas out, j'accumule les idées noires, l'impression d'être seul au monde et la peur à l'idée de foutre en l'air ma famille si jamais iels l'apprennaient. Si ça parvenait aux oreilles de certains de mes proches je les perdrais, en fait. Y compris des personnes que j'aime beaucoup et qui m'ont quasiment élevé, alors quand vous dites que c'est "pour être à la mode", que je suis victime d'un lobby... franchement croyez ce que vous voulez mais je vois pas pourquoi je choisirais de perdre le peu de personnes que j'ai pour satisfaire un lobby ou une mode.