What time is it ?

Les repas de charité organisés par St Clair sont ... Comment le dire sans paraître légèrement Sardonique ? Saupoudré. Bien toqué. Carrément fondu. De la cervelle. Vous voyez les yaourt au caramel, ceux avec une bandelette ? Oui, je parle de Yaourts pour enfants. Ceci n'est pas un placement de produit, mais une référence culte. Bien-sûr que si. Soit, vous les voyez là, ces trucs flagada à l'apparence gélatineuse qu'on retourne dans son assiette, en admirant la liqueur fondante couler et s'entasser dans le fond. Le caramel s'est fait la malle, et on a plus que la forme et les miettes. On attend désespérément la fin, le bouquet final. Ca, c'est les soirées de St Clair. J'attends devant l'opercule avec impatience, je vais bientôt tirer sur la petite bandelette et renverser la balance. Mais Natasha a décidé de bouchonner le passage. Elle est resplendissante, comme toujours. Je crois bien avoir entendu Antoine balancer un truc à propos d'une perche géante et d'une tante, mais j'ai pas bien compris. En fait, si, mais j'aime faire l'imbécile dans ces moments-là. Me sentir libéré et chaste pour m'éviter des visions cauchemardesques. J'aime l'idée d'être celui qui porte une auréole sur le crâne. J'imagine bien les antennes crochus sur la caboche d'Antoine. Elles vibrent déjà et lancent des éclairs, il cherche sa prochaine proie. Pendant ce temps-là, j'écoute la rousse qui baragouine encore sur ses péripéties folles. J'ai la dalle, il est où mon caramel ? Si ça se trouve, je suis tombé sur un mauvais produit. Celui avec un défaut de fabrication. La machine a foiré, le caramel s'est jamais pointé. Je peux l'attendre, mon bouquet final. Je crois que je vais devoir me contenter de la robe émeraude pimpante de Nat'. Ce truc vous flash les mirettes. Ca fait ça, de prendre du LCD ? Est-ce que je vais me mettre à courir tout nu dans la salle dans les prochaines minutes à venir ? Je crois que Nat me parle, ses lèvres rouges bougent super vite. Là, elles s'ouvrent en grand et ça nous explose les tympans, elle vient d'éclater de rire.

Ca je retiens. Ce truc est plus efficace que la sirène des pompiers, je me demande jusqu'à combien de décibels elle grimpera si on la branche aux câbles des grosses enceintes dans le fond de la pièce. Un petit attroupement joue les quatre saisons de Vivaldi et le son délicat et clair envahie toute la pièce. La salle n'est pas équipée pour se passer de ce genres d'instruments, après tout, nous sommes dans la salle de réception de l'entreprise et le béton qui nous entoure n'est pas spécialement bon en matière de résonance. Mais l'effet est là, c'est chic, criblé et halé. Ma cravate me serre beaucoup trop. Et mon caleçon, on en parle même pas. J'ai envie de me gratter, mais impossible de glisser ma main dans le pantalon sans me faire griller ou y perdre ma main. J'ai l'impression de porter une troisième peau et Nat n'arrête pas de se marrer. C'est elle qui a été cherché l'habit de soirée parce que j'étais coincé dans les embouteillages une heure avant. Je la soupçonne d'avoir pris une taille en dessous. Si j'ai un « coup de foudre » dans le pantalon, comme le dit si bien Antoine, j'explose. Mais ça, ça risque pas d'arriver. J'ai un peu de tenu, contrairement à cet imbécile qui s'amuse vraiment beaucoup à faire enrager Natasha. Quand je les observe de loin, on dirait un vieux couple. Avec le recul, ces deux-là sont les mêmes, et c'est sûrement cette ressemblance qui les sépare tellement, parce qu'ils passent leur temps à s'engueuler en me confondant avec l'Arbitre.

Je sens que je vais bientôt me prendre le sifflet dans la nez, j'aurai l'air bien tâche. Il est temps pour moi de me rabattre sur les bancs et de laisser ma place au prochain blaireau. Y a les petits fours qui flirtent avec mes mirettes depuis déjà cinq minutes, ces enflures sont badigeonnés de sauce tomate et me narguent. J'ai tout de même le temps d'entrevoir le dernier échange tout en piquant un verre de Champagne bien dégueulasse au plateau d'un serveur qui passe justement par là. Antoine se détourne, et je vois à sa tête qu'il vient de croiser une ancienne conquête. Il en a eu de tous les styles et de tous les genres. Sur le faciès d'Antoine, on devine rapidement le degré de gravité. Vu sa tronche à l'instant, je dirai classe cinq. Une folle furieuse qui l'a harcelé pendant des semaines, alors qu'il n'avait même pas communiqué son numéro. Pourquoi ? On parle d'Antoine là, suivez un peu !

« - Oh nan, c'est pas vrai.
Je le vois pâlir, tourner les talons vers moi et montrer le dos à une foule de conviés en costumes et robes de cocktails. Impossible de savoir, mais la situation me fait bien rire. Je crois que je viens d'apercevoir un bout de caramel.

- C'est laquelle ?! S'enthousiasme aussitôt notre rousse adorée en sautillant presque sur place, hâtive d'avoir les nouvelles croustillantes. Elle adore le voir patauger.

Moi aussi.

On a l'air de deux comploteurs machiavéliques ratés, dans un mauvais film saupoudré d'effets de philtres bleus pour faire passer le truc. Ca rend le tout moins kitch, mais le tableau est tellement ridicule que ça fait déjà soupirer toute la salle. Une vraie Team Rocket. Quel mauvais tour on va pouvoir lui jouer à celui-là ?

- Allez vous faire voir ! J'ai pas oublié votre coup fourré de la dernière fois. L'autre cinglée m'a alpagué dans un coin des locaux près de la photocopieuse et le patron a demandé « A qui était cette paire de fesses ? », j'ai failli me faire griller ! Il l'a affiché à l'entrée du bureau en jurant qu'il attraperait le coupable !

Je crois qu'il vient de nous perdre, Nat doit se tenir à moi pour ne pas trébucher sur ses talons trop hauts. On en pleure, les vannes sont ouvertes et on va bientôt fondre sur place. La caramel, c'est nous. Antoine en devient complètement gélatineux et tangue de droite à gauche en nous injuriant comme un gamin boudeur. Si ça se trouve, une nouvelle harpie va venir lui picorer la tête pour récupérer les miettes. Drôle de mort.

- Non, sérieux. La blonde en rouge là-bas. Couvrez-moi cette fois, je vais finir tartare avant la fin de soirée si je me grille !

Je tente déjà de reprendre mon calme, alors que Nat' récupère quelques larmes avec grâce pour ne pas faire couler son maquillage.

- Bon, Messieurs ... Je vais aller vomir ailleurs, maintenant. Je commence à imaginer des choses bien trop sales, même pour moi !
- Sois pas jalouse.Fallait sauter sur l'occasion quand t'en avais les moyens, Se moque Antoine en lui cherchant les poux. S'il fouille bien, il finira par trouver la reine mère des lentes, et elle l'écrasera comme un insecte.
- Oh, c'est comme ça que t'appelle ton pénis ? Raille aussitôt la Russe en haussant les sourcils, je me disais bien. Ca explique tout !

Elle est fière d'elle, c'est menton bien haut qu'elle me lance un clin d'œil alors qu'elle tourne les talons avec classe. Antoine vient de perdre son sourire, et ses yeux vont d'elle à moi, son meilleur pote totalement hilare.

- Elle ... Oh la garce, j'vais me la faire ! » Qu'il s'insurge théâtralement en posant son verre sur la table avant de m'abandonner à mes petits-fours.

Et me voilà à nouveau seul dans le fond, alors que les invités continuent d'entrer en masse par la grande porte. J'ai eu mon moment d'éloges hypocrites ou sincères en arrivant. Maintenant, j'ai le droit à mon moment de rémission pour une durée indéterminée. Les deux imbéciles reviendront en continuant leurs engueulades infantiles, me demandant de souffler par le nez pour faire marcher le sifflet que j'aurai toujours dans le nez. Le dîner commencera, tout le monde s'évaluera et les choses seront exactement comme elles le sont toujours : Barbantes. Heureusement que j'ai deux distractions de taille, même si nos rôles respectifs avec Antoine nous poussent souvent à redorer le blason de l'adulte chevronné et consciencieux.

Tu parles, si je laisse encore cet idiot faire un discours, ça sera moi le tartare.

Et au moment où je pense sincèrement devoir encore patauger avec ennuie, mes azures tombent pile sur une minuscule silhouette.
Brune, mince, petite et pourtant imposante.
Elle.

Les questions se bousculent alors que j'en perds mon petit four. Qu'est-ce qu'Emma fait à un gala de charité organisé par ceux qu'elle prétend détester ?

Je crois que j'ai bien creusé, j'ai trouvé le caramel.
J'étais loin d'imaginer l'explosion qui m'attendait.

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