1. Big bad girl
La baffe va partir. Je le sens. De là où je suis, je ne vois toujours que le dos du colosse. Je suis plutôt grand, voir très. Mais Marvin est un immense black à la crinière épaisse, qui me dépasse légèrement et qui fait deux fois ma largeur.
J'approche un peu, mes sourcils arqués sur mes iris troubles.
- J'ai pas le droit de fumer en paix ?! crache une voix féminine. Je vois vraiment pas, là, mon vieux. C'est pas ma journée, ok ? Lâchez-moi !
Marvin ne se démonte pas pour autant.
- Ecoutez, je le connais votre petit tour, d'accord ?
Malgré sa stature de bête, sa voix est incroyablement calme et apaisante. C'est peut-être pour ça que j'ai abdiqué en acceptant de le laisser au moins à l'hôtel. Et il semble prendre ce job très à cœur ...
- Mon ... Quoi ?! Attendez ... c'est quoi ce plan ? ça fait une demi-heure que vous me reluquez, espèce de malade !
La voix de la jeune femme est légèrement rauque et tremblante. Rien qu'à l'entendre, on sent sa tension qui grimpe et la lassitude.
- Je n'aime pas ce ton, Mademoiselle ! gronde-t-il finalement. Allez, fichez moi le camp, ok ?
- Non mais ça va pas la tête ?! je l'entends protester , tandis que Marvin prend son bras pour la faire reculer. Ne me touche pas, sale con !
On ne peut pas dire qu'elle soit du genre très polie ... Quand je vois la petite main fine et longiligne se lever pour de bon, j'interviens.
- Marvin ?
Je viens de me dévoiler, d'un grand pas, je leur fais face. Marvin lâche brusquement le bras d'une petite brune au regard de braise. Mais je ne m'attendais pas à ... Ca. Elle n'est pas petite, en fait, elle est minuscule. A peine le mètre soixante, juchée sur des chaussures de plage plates. Ses cheveux raides ondulent légèrement et pointent jusqu'à ses épaules qu'ils frôlent à peine. En fait, elle n'est pas vraiment brune. J'ai du mal à définir la couleur de ses filets chatoyants. Un brun qui vire sur l'acajou, et à la lumière du soleil, presque sur le blond. On devine facilement qu'ils sont délavés à force d'être plongés dans l'eau de mer. Au départ, ses prunelles semblent d'un noir d'encre. Puis, à la lueur d'un rayon de soleil, ses iris virent à l'émeraude et se font plus cinglantes encore. Sa peau qui semble être d'albâtre à l'origine est légèrement halée. Tout en elle transpire et inspire les plages dorées. Surtout sa tenue. Ses pieds dépourvus de vernis sont seulement chaussés de tongs serties de perles, son pantalon serré aux chevilles est plus ample au niveau de sa taille, assorti à son débardeur. L'ensemble dans une teinte bordeaux, décoré par quelques arabesques orientales. Aussi bien à son poignet droit jonché de bracelets en tout genre. Le résultat donne un exotisme atypique, qui tranche avec la façade de l'hôtel et l'ambiance de la rue noble et terne à côté de sa petite personne élancée. Sous les perles à son bras droit, je distingue même un tatouage éphémère au henné qui se fond dans ses os de poignets. Rouge. Comme les marques orientales que les femmes se font au Maroc. A bien la regarder, on dirait qu'elle en revient. Sa tenue n'est ni trop apprêtée, ni sans laisser penser qu'elle n'est pas faite pour plaire à quelqu'un. Pourtant, sa posture est complètement nonchalante.
Mains fourrées dans ses poches, dos courbé en arrière, bassin en avant, menton levé. Cette fille qui semble à peine avoir vingt ans me lance un regard indéchiffrable. A peine ai-je eu le temps d'y déceler de la stupeur, qu'elle s'est immédiatement fermée comme une huître.
- Ah. Ouais, c'bon, j'ai pigé, lâche-t-elle avant de faire rouler ses rétines dans ses orbites, jusqu'à fusiller Marvin du regard.
Elle a l'air adorable, comme ça. Mais à en juger par son expression, par le ton amer de sa voix, et par l'éclat brillant - trop brillant - de ses iris meurtrières, je comprends vite qu'elle doit avoir un sale caractère.
- Vous me prenez vraiment pour une débile, c'est ça ? fait-elle, sans même m'avoir adressé un mot.
La jeune femme secoue le menton, lèvres tremblantes. Mais sa mâchoire se serre aussitôt, et on la devine étrangement au bord de la rupture.
- Je ... commence Marvin, troublé. Ce dernier me lance un regard désolé, réalisant soudain sa potentielle erreur de jugement. Je suis navré, écoutez, la plupart des gens qui agissent comme vous sont là pour Monsieur Pierce ...
Mais la petite brune le coupe aussitôt, levant une main en l'air.
- Ouais, et moi j'veux bien regagner ma chambre, qui est dans cet hôtel, tranche-t-elle, finissant de clouer le bec à ce pauvre Marvin.
Et je réalise que, depuis le début, je les observe d'un air hébété. Le colosse vient de faire une énorme boulette, mais cette étrangère semble en proie à quelque chose qui m'alerte. Je ne me trompe pas, si j'affirme que d'une minute à l'autre, elle va se mettre à pleurer. Je ne la connais pas, mais elle n'a pas l'air d'une femme qui lâche des larmes pour un oui ou pour un non. Et à en juger par sa manière d'agir et de parler, je me trompe. Elle est plus âgée qu'elle n'en a l'air.
- Excusez-le, je fais d'un ton prudent. Ca ne se reproduira plus.
Le garde me lance un regard mi-reconnaissant, mi-agacé. Mais je l'ignore. Je tente de terminer ma tirade par un sourire, d'habitude, ça marche.
D'habitude.
- Oui, et bien ... pas autant que moi. Si vous voulez bien m'excuser ... articule la jeune femme en reculant, s'agitant sur ses pieds et croisant les bras, comme un bouclier de chair. Là, je vais m'accorder un repos bien mérité. Bonne soirée, Monsieur Pierce.
Pourquoi mon nom dans sa bouche sonne comme une menace ? Je crois qu'elle m'en veut. J'ignore ce que j'ai fait, mais elle semble plus amère envers moi, qu'envers mon garde du corps.
Médusé, je l'observe grimper rapidement toutes les marches jusqu'à disparaître derrière les immenses portes vitrées.
-
1:05
- Donc ... Tu as envoyé paître Peter Pierce, répète une grande blonde, médusée. Prostrées toutes deux à la terrasse de leur café favoris, un lieu à l'ambiance cosy d'où s'échappe toujours quelques notes de Jazz.
Ici, on se croirait dans l'une des rues de Marseille. Les dalles qui ornent le sol derrière les murs sont faites de pavés. Quelques pots en terre recouvrent les bordures des murs. La terrasse respire les côtes du Sud, mais le bruit des klaxons étouffés rappellent qu'à la sortie de la ruelle, la jungle urbaine est toujours là.
Assises côte à côte sur les chaises en fer forgé d'une table légèrement rouillée, les deux jeunes femmes se jaugent.
- Ma belle... commence la grande blonde, plongeant ses prunelles d'onyx dans les deux perles assombries de son amie. Ca ne te ressemble pas, ce comportement ...
Elle s'arrête, bouche ouverte. Linda sait très bien qu'elle s'aventure sur un terrain miné.
Et elle a raison. A peine la serveuse a t-elle tenté une approche qu'Emma serre les dents, lui jetant un regard préventif.
- Ne fais pas ça, Lin. C'est pas le moment, grince sa collègue en s'agitant sur sa chaise, tordant son petit corps pour mieux se blottir sur son siège chauffé par les éclats solaires. Pieds nus coincés sous ses fesses, Elle semble à nouveau à deux doigts d'exploser. Elle qui ne pleure jamais, semble ne plus pouvoir s'arrêter.
- Tu es sûre que tu tiens le coup ? ... s'inquiète Linda, lui lançant un regard angoissé. Je sais que c'est vraiment dur en ce moment pour toi. Mais là, tu dois faire un truc, je sais pas m-
- Je dois y aller, la coupe la brune, bondissant sur ses pieds et enfilant avec flegme ses tongs d'été.
- Mais ! elle proteste, se lève à sa suite pour tenter de la retenir.
- Ca va, d'accord ? Je suis juste fatiguée, j'ai fait un triple service hier à cause d'Angela.
Nerveuse, elle fourre l'une de ses mains dans sa poche arrière, y dénichant un paquet de cigarette. Le bâton de nicotine sur lequel elle jette son dévolu rejoint aussitôt le coin de ses lèvres pincées, tandis qu'elle se détourne pour l'embraser d'un coup de Zippo nerveux.
- Comme tu voudras ... capitule finalement son amie, se laissant tomber sur sa chaise. Tu viens demain ? Ajoute-t-elle d'une voix pleine d'espoir.
- On verra.
Puis elle se tourne, s'adoucissant légèrement avant d'ajouter un sourire à son expression contrite.
- Merci Linette, je t'appelle ce soir, ok ?
Puis de détourner les talons, la clope au bec et la tête pleines d'incertitudes.
Cette journée aura vraiment été un fiasco.
——-
Et voilà le chapitre deux ! Les prochains suivront mais pas pour le moment ... Pour tenter d'avoir un rythme régulier, je vais essayer d'être toujours en avance sur mes publications. On voit donc à la fin les choses du côté de 'Elle '. Ce qui sera très rare. Peut-être même que je ne vais pas le faire plus de trois ou quatre fois. L'histoire étant racontée du point de vue de Peter.
Mon style à moi, en général, est assez sombre et ... morbide. C'est vraiment inédit pour moi de mettre ma plume au service de la comédie. J'espère vraiment savoir vous convaincre !
A la prochaine !
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