9 ; the trial
you poor thing, sweet mourning lamb, there's nothing you can do, it's already been done
Darla était assise dans la cale d'un bateau, vêtue de la même robe que la veille. On lui avait pris tous ses bijoux, y compris la bague de son père. Prétextant que tout pouvait être dangereux. Une dame au service de la princesse avait même fouillé sa robe pendant de terribles minutes.
Les deux gardes devant elle ne la perdaient pas de vue une seconde et elle n'osait croiser leur regard.
Darla se sentait sale. Autant physiquement que mentalement. Et chaque nouveau regard sur elle était pire que le précédent, la perforant jusqu'au sang. La mettant à nue pour voir ses crimes. Darla se savait innocente, elle l'était. Mais ses cris et pleurs à la princesse et au prince n'avaient rien bousculés.
La terreur de Rhaenyra et la rage de Daemon n'avaient qu'un seul nom comme coupable.
Elle avait besoin de se laver, besoin de manger, de dormir. Darla était épuisée. Elle avait attendue toute la nuit pour connaître le sort du petit prince qui avait survécu au dit empoisonnement. Elle avait pensé que tout cela serait derrière eux. C'est pourtant à ce moment donné que toute la panique s'évanouit du couple princier et se changea en désir de justice.
Darla caressait doucement son ventre, se répétant que quelque part elle n'était pas vraiment seule.
Lentement, les bruits du port se firent entendre jusque dans la cale, et la vitalité de Port-Réal avec. La jeune Lannister leva les yeux, plein d'une hâte et d'un soulagement étonnant d'être rentrée aussi vite à la capitale. Elle n'avait pas eu le moindre repos depuis que son pied avait quitté la ville, tout ce qu'elle voulait à présent, c'était se reposer dans sa chambre.
Les deux gardes s'approchèrent, sans la toucher, et ils n'en avaient pas besoin pour la brusquer. Darla se releva aussitôt et les suivit à l'extérieur du bateau.
Elle prit sur elle pour marcher sous le plein soleil, sous le plein regard de tous.
Ses cheveux mollement relâchés dans son dos, les traces des larmes et du manque de sommeil ruinaient l'harmonie de son visage. Ses pas n'avaient aucune grâce et si tombait ne lui apporterait pas plus de honte, les muscles de son corps auraient déjà lâchés.
Assise, seule, dans la diligence la menant au Donjon Rouge, Darla se sentait tirée vers sa mort. C'était sûrement cela le châtiment réservé à ceux qui s'en prenaient à la famille royale. Darla n'avait que sa parole pour clamer son innocence. Sa parole contre celle de la princesse, sa parole face à l'amour du roi pour sa fille.
Si Jason était à la place du roi, la personne suspectée d'avoir empoisonné son petit-fils serait déjà mort. Darla triturait ses doigts en l'absence de ses bagues, priant pour qu'Alicent la sache innocente et que sa voix compte. Qu'il y ait quelqu'un derrière elle.
La diligence s'arrêta et Darla s'empressa d'ouvrir la porte lorsqu'elle entendit la voix familière d'Alicent. Elle voulut traverser la cour qui la séparait d'elle, mais un des gardes se saisit violemment de son bras. Un gémissement échappa ses lèvres lorsqu'il la tira pour la ramener devant la diligence.
- Vous n'avez aucun droit de parler à quiconque, ordonna-t-il.
Darla balbutia et ne parvint pas à formuler sa parole, percevant un écho de colère lointain, prenant la voix de Baelor. Elle voulut se tourner vers lui, les convaincre de la laisser lui parler, mais le garde l'entraîna dans le château. La voix d'Alicent et celle de son mari devinrent plus lointaines, jusqu'à disparaître.
Darla était baladée comme une prisonnière dans son propre château, la tête baissée, craignant la haine ou le mépris. Elle ne put se retirer l'idée du crâne que si elle ne pouvait leur parler maintenant, et qu'elle se voyait jugée coupable, Darla ne pourrait leur dire au revoir.
Alicent l'avait vu être emmenée, sans qu'elle ne puisse rien faire, encore. Elle réclama une nouvelle fois de la voir, en tant que reine.
- Reine ou non, vous ne pouvez pas lui parler, votre majesté, réitéra le même lord qu'il y a quelques heures. Lady Lannister est sur le point d'être jugée par le roi et chaque interaction que vous aurez avec elle sera retenue en sa défaveur.
Baelor n'avait pas dormi de la nuit, tournant en boucle dans sa chambre, incapable de s'allonger dans le lit vide. C'était pire à présent, Darla était là et il avait pu l'apercevoir, aussi terrorisée qu'il l'avait imaginé mais même maintenant, on voulait lui refuser d'approcher sa femme.
- Où est ma sœur ? claqua-t-il brutalement, coupant la parole à sa mère. Réglons cela en famille, sans plus terroriser ma femme.
- La princesse Rhaenyra et le prince Daemon arriveront d'ici peu à dos de dragon, pour le jugement public et inévitable de Lady Lannister.
Baelor dut lutter contre ses instincts les plus primaires pour ne pas rouer de coups l'homme méprisant devant lui. S'il le recroisait un jour, il ne se retiendrait sûrement pas autant. Alicent réitéra sa demande, sonnant bien plus comme un ordre :
- Laissez-la parler à quelqu'un, ce n'est qu'une enfant, affirma la reine, avec autant de dégoût que Baelor. Elle ne doit même pas comprendre ce qui se passe.
Le lord le considéra, non pas par volonté mais par obligation vis-à-vis du ton de la reine. Il finit par accepter.
Darla venait d'être parquée dans les appartements qui lui avaient été accordées après son mariage, mais qu'elle n'avait visité qu'une fois. Tout était vide et froid. Aucune odeur ne planait dans l'air et même le feu dans l'âtre ne réchauffait pas son corps.
La princesse s'était lavée et changée, vêtue d'une de ses robes les plus sombres, bien que du rouge des Lannister. Toujours privée de bijoux, comme privée de protection. Un mestre était venu s'assurer du bien portant de son enfant à naître avant de la replonger dans sa solitude.
Elle triturait ses doigts nus, jusqu'à ce qu'ils soient rouges de leur frottement incessant. Assise près de la cheminée, Darla ne put qu'entendre la porte s'ouvrir sans la voir. Elle ne perçut pas le mouvement d'armure et fut prise d'espoir en déclarant :
- Baelor ?
Ce n'était pas Baelor, ni Alicent, ou Aemond. Une de déception et d'incompréhension la prit lorsque ses yeux tombèrent sur Jocelyn.
- Baelor n'a pas le droit de te parler avant le jugement, déclara Jocelyn, bien que Darla le sache parfaitement.
- Pourquoi vous ? demanda-t-elle à voix basse.
- La reine a songé qu'une présence féminine vous rassurerait.
Darla aurait préféré la reine elle-même, ou Helaena, de loin. Mais elle ne dit rien, n'ayant aucune volonté de blesser la jeune Barathéon. Elle hocha simplement la tête et reporta son attention sur le feu dans l'âtre. Jocelyn vint s'installer sur l'autre côté du canapé.
Elle déposa quelques mets pris aux cuisines et pichet d'eau pour lui redonner des forces. Darla ne se prit pas à refuser par fierté et engloutit rapidement la nourriture.
- Baelor ne laissera aucun mal vous arriver, finit-elle par prononcer, pour la rassurer. Je pense qu'il tient beaucoup à vous.
La colère n'était pas quelque chose de familier à Darla. La déception, la tristesse, la honte, l'angoisse, tout cela l'était. Mais la colère trouvait rarement place en elle. Pourtant, elle l'était. Par manque de sommeil, de patience, d'énergie. Par peur.
Jocelyn s'était assise pour la rassurer, et venait de lui assurer d'une voix douce que son mari tenait plus à elle qu'il ne pouvait le montrer. Parce qu'elle le savait. Parce que Jocelyn connaissait Baelor.
Darla n'aimait pas sa colère. Elle était lancinante, comme un poignard dans sa propre morale.
- L'a-t-il laissé entendre une nuit avant que vous ne couchiez avec lui ? murmura-t-elle en prenant une gorgée de son eau.
Jocelyn sembla prise de court, ne s'attendant à aucune réponse de la sorte.
- Vous savez, cela n'a rien de personnel, avoua la Barathéon sous le regard étrangement froid de la Lannister.
Darla n'avait plus jamais été seule avec Jocelyn depuis son arrivée à la capitale, puisque partout où la Barathéon était, Baelor l'était aussi.
- Je veux que vous arrêtiez alors, répondit Darla, comme la plus simple des choses. Si cela n'a rien de personnel, quelqu'un d'autre prendra la place de mon mari dans votre lit.
Darla caressait encore son ventre, le sentant sous sa robe plus arrondie qu'avant. Sentant la vie que Baelor et elle avaient créés contre sa paume. Et un regard au ventre de Jocelyn la laissa imaginé que même cela, elle pourrait lui prendre.
Sa colère était la réponse à sa peur. Darla pouvait être bannie du royaume, ou tuée avant la fin de cette journée et elle se tenait devant la femme que son mari cherchait chaque nuit. Devait-elle se sentir bien à présent ?
Même Aegon aurait été d'une meilleure aide qu'elle ?
- Je ne pense pas que ce soit le sujet le plus crucial à ce jour, avoua finalement Jocelyn, ignorant l'ordre donné par Darla, avec un ton moins doux.
- Sortez, je vous prie.
Darla détourna les yeux de la jeune femme, lui intimant qu'il n'y avait plus lieu à conversation. Pourtant, ayant déjà fait quelques pas, Jocelyn se retira vers elle. Elle n'essayait plus d'être douce, simplement honnête. Elle intima :
- Je n'ai rien contre vous, lady Lannister. Je vous assure qu'avec lui, ce n'est qu'une attirance physique, rien de plus.
- Je n'avais rien contre vous non plus, répondit-elle d'un ton distant.
- J'espère que nous pourrons un jour laisser ça derrière nous et être amies.
Jocelyn quitta la pièce après cela. L'hypocrisie saillait tout autant chez elle que chez Baelor, leur entente ne lui semblait plus si étonnante.
L'heure fut longue, mais alors que Darla marchait, accompagnée de gardes, tout avait l'air d'être trop rapide. Elle était escortée, comme une criminelle et peinait à observer sa propre ombre sans honte.
L'entrée dans la salle du trône fut une première pour elle. L'espace est rempli de lords et membres de la cour et tous avaient leur regard rivé vers elle. Darla ne pouvait pas s'attarder sur cela, ses yeux à elle étaient sur le trône de fer, vide dont le chemin était dégagé. Chaque épée pointait vers elle, menaçant sa gorge et sa vie. Chaque pas était d'une angoisse plus grande. Chaque pas la rapprochait de Rhaenyra et Daemon non loin de son pupitre, seuls.
Quelques mètres devant le trône, un pupitre en bois trônait et cette vue fut plus terrifiante que celle de la main de justice de la pièce. C'était l'endroit où elle devait se tenir, l'endroit où elle devait être jugée. Les gardes l'escortèrent jusque-là et la laissèrent seule.
La pression des regards était telle, Darla fixait le sol, le dos légèrement voûté. Elle aurait souhaité relever les yeux, vers son oncle ou vers la reine, ou Baelor, à la recherche d'un soutien visuel, mais elle se retrouva incapable de bouger. La minute était une heure et les murmures des véritables cris en elle.
Alors que les battements de son cœur ressemblaient à des tambours, Darla finit par s'interroger.
L'avait-elle fait, sans le savoir ? Était-ce son parfum ou les herbes qu'elle mettait dans son bain ? Est-ce que le hasard l'avait presque fait meurtrière ?
C'est alors que le roi avança lentement, aidé de sa canne, les trois pas étaient terrifiants à entendre derrière elle. Viserys passa devant le pupitre où Darla se tenait, ses ongles frottant le bois, les yeux brillants de l'incompréhension d'une enfant.
Le peu de fois où le roi avait trouvé la force de joindre sa famille à dîner, Darla n'avait été que douceur et bienveillance, puisqu'elle était un véritable joyau de bonté dans ce château. Il avait même trouvé en elle l'innocence et la joie de vivre qu'il avait chéri chez Rhaenyra avant la mort de sa mère.
Viserys gravit les marches jusqu'au trône et s'y assit avec un soupir de soulagement, abandonnant sa canne et faisant face à une scène irréelle.
- Je dois avouer ma consternation quant à notre présence ici, prononça-t-il en regardant tour à tour Rhaenyra et Darla. Et ma joie de revoir ma fille et mon frère ne peut s'en retrouver qu'altérée par les nouvelles qu'ils apportent.
Rhaenyra s'autorisa un bref sourire face à son père avant de recouvrir une mine grave, Daemon n'avait pas eu le moindre mouvement, fixant à travers la salle la reine et la main du roi.
- Laissons Lord Wylde nous éclairer sur les tenants des accusations portées.
Suite aux paroles du roi, le maître des lois s'avança au centre et déclara :
- La princesse Rhaenyra et le prince Daemon, ici présent, accusent lady Darla Lannister de tentative de meurtre par empoisonnement de leur fils, le prince Aegon, alors même que lady Darla avait été invité par la princesse à Dragonstone pour faire sa connaissance étant nouvellement mariée du prince Baelor.
Les murmures reprirent alors que lord Jasper finissait de parler, Rhaenyra se tenait droite, fière et déterminée, Darla était l'ombre d'elle-même, lançant des regards brefs à la princesse, priant encore qu'elle voit qu'elle était innocente.
- Laissons à la princesse Rhaenyra la parole comme accusatrice, poursuivit le maître des lois.
- Merci, lord Wylde.
Rhaenyra s'avança légèrement, prenant place presque devant le trône, légèrement tournée pour que la cour voit son visage mais s'adressant directement au roi, à son père, et au maître du châtiment.
- Mon fils Aegon est un garçon très affectif et démonstratif, de ce fait, Lady Darla l'a tenu dans ses bras durant toute la journée qu'elle a passé chez nous, le faisant même manger et refusant de s'en séparer, commença la princesse d'une voix neutre avant de se tourner un peu plus vers Darla. Nous avons trouvé cela touchant de voir quelqu'un avec autant de cœur pour un enfant qui lui est inconnu.
Darla espérait que ses yeux parlaient pour elle, que quelqu'un part au fond de Rhaenyra, le doute de son accusation s'éveillait.
- Cela jusqu'à ce que Darla fasse mine de remarquer presque trop tard que la température d'Aegon avait terriblement augmenté et que des gonflements empêchaient sa respiration, poursuivit Rhaenyra, ignorant les regards de Darla et provoquant par ses paroles plus de murmures dans la foule et plus de terreur chez la jeune fille.
- Citons la Lannister, « cela fait des heures qu'on n'a pas vu ton visage », elle pensait sûrement qu'il était trop tard et que tout cela serait considéré comme un incident, s'exclama Daemon, un mépris non camouflé dans sa voix, et dans son regard à Darla.
- Prince Daemon, vous n'avez pas le droit d'interférer.
Pourtant, l'intervention de Daemon suscita celle de Tyland qui fit un pas en dehors de la foule pour défendre sa nièce, très vite arrêté par des gardes. Il prononça tout de même :
- Vous l'accusez sans preuve, cela peut tout à fait être une allergie !
Rhaenyra et Daemon étaient maintenant tournés vers le Lannister et Darla avait l'impression de n'exister dans cet échange que pour être muette et attendre.
- Alors que les mestres soignaient mon fils, d'autres ont eu accès aux affaires personnelles de Lady Lannister et son parfum a été étudié, la présence de poison olfactif a bien été trouvé, précisa la princesse, comme un coup puissant dans le cœur de Darla.
Elle papillonna quelques secondes des yeux, trouvant l'instant trop irréel, trop cauchemardesque. Ils avaient trouvé du poison, dans son parfum. C'était comme être surpris la lame plantée dans la chair et nié le crime.
Darla était innocente, et pourtant, elle était responsable. Sans savoir comment, sans savoir pourquoi.
- J'ignore ce que vous nécessitez de plus, finit par dire la princesse et ses mots eurent l'écho de l'émoussement d'une lame. À l'heure où l'état de mon fils a été révélé, il aurait normalement dû être au lit, ce qui aurait rendu sa mort inévitable et le crime de Lady Lannister sans possibilité d'accusation.
- Je serais morte alors, rétorqua Darla en s'étonnant elle-même de son intervention.
- Des antidotes existent.
La voix de Daemon avait claqué, comme d'une logique sans nom, comme une insulte à son manque de logique.
- Lady Lannister, vous vous exprimerez ensuite.
- Elle peut s'exprimer, il n'y a rien de plus à dire, admit Rhaenyra en reprenant sa place initiale.
Lord Jasper lui fit un signe de tête pour l'inviter à se défendre. La chaleur était telle que Darla avait l'impression que la peau de son visage était en train de fondre. Elle ouvrit la bouche à plusieurs reprises, incapable de parler.
Elle finit par s'exprimer, tremblante :
- Si mon parfum contenait réellement du poison, je ne crois pas pouvoir nier ma responsabilité dans l'empoisonnement du prince.
Un silence surplomba la salle du trône, tous croyant soudainement à un aveu de la jeune Lannister. Baelor la fixait, médusé.
- Mais je peux nier ma culpabilité, ajouta-t-elle rapidement, essayant de faire de ses yeux pointés vers le roi un miroir de son âme. S'il y avait réellement du poison, je ne le savais pas. S'il est vrai qu'un antidote aurait pu me protéger, je ne le savais pas.
La voix de Darla était hésitante, enrouée par l'angoisse de ne pas être assez convaincante et ne l'étant pas inévitablement.
- Je n'aurais jamais blessé quiconque, encore moins un enfant, encore moins en portant la vie. J'ignore qui est coupable, mais ce n'est pas moi.
- Signifiez-vous que quelqu'un peut vous avoir piéger pour atteindre le prince et vous faire accuser ? avança Lord Jasper Wylde, semblant bien plus convaincu par cela.
Darla bafouilla, elle ne voulait accuser personne. Son sang monta d'autant plus à son crâne, et le regard de Baelor fut plus lourd sur sa peau, son nom tonnait dans son esprit mais elle ne pouvait pas y croire. Baelor ne ferait jamais de mal à un enfant.
- L'unique chose que j'avance est mon innocence dans cette accusation, finit-elle par déclarer.
Le maître des lois hocha la tête et déclara que si nul n'avait de points à rajouter, le roi pouvait désormais prendre la parole et trancher son verdict. Lord Wylde annonça d'un ton plus faible que la sentence pour un crime à l'égard de la famille royale était la mort, mais que le dernier mot serait celui du roi.
À l'entente de cela, Darla laissa échapper un hoquet de stupeur. Elle avait longuement espéré que ses doutes soient infondés. La jeune princesse détourna les yeux du roi pendant quelques instants et les planta dans ceux de son mari.
Elle ne sut ce qu'elle espérait. Juste un regard. Il lui rendit et ce fut pire. Darla ne put cesser de se demander durant ce bref échange s'il s'agissait du dernier. Si finalement, elle n'aurait jamais l'occasion de le faire sourire une seule fois.
Tous reportèrent leur attention sur le roi lorsque celui-ci s'éclaircit la gorge. Les secondes furent des heures à nouveau à l'attente de sa parole.
- Je ne crois pas Darla capable de meurtre, encore moins celui d'un enfant. Si coupable il y a réellement, Lady Lannister ne peut être tenue responsable. C'est une bonne personne et un cœur pur.
Ce ne fut qu'à la fin de sa phrase que Darla réalisa avoir retenu son souffle. Ses mains agrippaient le pupitre en bois, pour tenir debout après la chute brutale de toutes ces émotions.
- Il n'est nécessaire de croire ou non quand l'acte est sous nos yeux, vociféra pourtant Daemon en approchant le trône de son frère.
- Comme un œil tranché, l'acte était si limpide que le coupable n'a jamais été puni.
La voix était froide et tranchante, replongeant tout le monde dans une scène tragique passée. Baelor fixait son oncle, l'envie de planter sa dague entre ses yeux piquait tout son corps.
Viserys réclama le calme, et Rhaenyra profita de cela pour s'avancer à son tour et déclara, d'une voix tremblante :
- Mon fils a manqué de mourir, père, et tout l'accuse ! C'est une attaque directe à ma famille, à notre famille !
La voix de Darla se mêla à celle de la princesse, jurant qu'elle n'avait rien fait. L'angoisse prenait corps sur son visage, les larmes le surplombant.
- Qu'est-ce que ta parole vaut réellement, Lannister ? rugit Daemon en se tournant vers la jeune fille, amenant toute l'attention sur eux.
- Pourquoi aurais-je fait cela ?!
Darla était désemparée, ses lèvres tremblaient. Il fallait qu'elle sorte de là, tout était trop lourd sur ses épaules. Tous les regards, tout le mépris de Daemon, tout. Sa respiration était difficile. Le prince fit quelques pas, une main accusatrice pointée vers elle et alors qu'il allait s'exprimer, Baelor déclara en ayant comblé l'espace qui l'éloignait d'eux :
- Éloigne ta main de ma femme ou je te la tranche.
Darla avait l'impression d'être quelques secondes avant l'impact des vagues sur Castral Roc, lorsqu'elle songeait que cette fois-ci, l'eau emporterait la pierre. Baelor était devant elle, faisant face à Daemon.
Mais la vague s'apaisa alors que Viserys se redressait soudainement, frappant sa canne contre le sol.
- Cela suffit ! s'écria Viserys, du peu de sa force. Je ne punirais pas une enfant. Lady Lannister est innocente. Que chacun se présente leurs excuses et que l'on puisse clore cette erreur de jugement dès à présent !
Rhaenyra voulut rétorquer que des excuses ne rendraient pas justice à son fils, mais le goût amer de Driftmark planait sur toutes les têtes. Elle lança un bref regard à Alicent qui la fixait déjà, un malaise profond dans ses yeux.
Le tribunal fut levé, peu à peu, la cour se retira de la salle du trône. Rhaenyra et Daemon faisaient de même, Darla regarda la princesse marcher au loin et ignora les appels de Baelor alors qu'elle se précipitait vers elle.
Alicent convint Baelor ou lui ordonna plutôt de laisser Darla seule quelque temps et il dut se restreindre à la rejoindre une fois de plus.
Cela faisait désormais une trentaine de minutes que Baelor faisait les cent pas dans leurs appartements, attendant le retour de sa femme. Le son de la porte fut une délivrance. Les servantes rentrèrent en premier, déposant les affaires non utilisées de son séjour, Darla se dévoila ensuite.
Elle paraissait encore plus pâle que lors du tribunal, il y avait quelque chose de perdu dans son regard, une lueur absente qui la rendait plus terne.
Cela n'est qu'une fois seuls qu'elle releva les yeux vers lui. Elle semblait confuse, non pas de quelque chose qu'elle ne comprenait pas, mais de quelque chose qu'elle ne pouvait concevoir. Il fit un pas vers elle, Darla resta statique, s'aidant d'une table à l'entrée pour tenir debout.
- Baelor, elle avait prononcé son nom comme une prière, il pense lui avoir manqué mais elle poursuivit, dis-moi que ce n'est pas toi.
Le tutoiement fut dû à la fatigue, ou à la colère, ou à la déception. À tout. Au respect qu'il ne méritait pas.
- Je n'ai jamais voulu que cela se produise.
Un nouvel hoquet de stupeur traversa ses lèvres. Darla tenait son ventre comme s'il allait s'arracher d'elle, que son enfant se répandrait ensanglanter de son crime sur le sol.
- Tu as mis du poison dans mon parfum..., prononça-t-elle, lentement, incapable d'y croire.
Elle s'appuya entièrement sur la table, de ses deux mains plantées dans la matière. Lui faisant dos, Darla pouvait l'entendre approcher et lui entendre sa respiration saccadée d'angoisse.
- Ce n'était pas censé être mortel ! s'écria-t-il, gardant un ton bas mais assuré. Je voulais simplement que ces bâtards de fils et son salaud de mari ne t'approche pas et que s'ils le faisaient, qu'ils en paient le prix !
Baelor était si convaincant dans sa voix qu'elle pourrait croire en sa bonne volonté, elle l'aurait fait si les personnes qu'ils haïssaient tellement était réellement un danger.
- J'aurais pu en mourir ! Notre enfant aurait pu mourir ! s'époumona-t-elle.
- Parle-moi fort.
Il était venu jusqu'à elle et plaça lentement ses mains sur sa taille pour l'amener à lui faire face. Darla avait perdu la lumière qui éclairait son visage, elle était aussi terne que lui, à cause de lui.
Il abandonna sa taille, encadra son visage une nouvelle fois et murmura :
- Au moins, tu as pu voir leur véritable visage, déterminé à te mettre à mort en sachant que tu ne ferais jamais ça.
Elle releva les yeux vers lui, stupéfaite.
- Leur véritable visage ? Le son de sa voix plus grave dû à la consternation et la fatigue ? J'ai vu le tien !
- Je n'ai fait cela que pour te protéger, assura-t-il, d'un ton catégorique.
Il voulait qu'elle comprenne, réellement. Baelor n'avait pas mal agi, selon lui. Si tant est qu'il connaisse le bien et le mal. Si tant est que cela existe pour lui. Baelor avait agi. Dans ses intérêts, ce qui était bien.
- Je ne risquais rien là-bas ! Ou bien moins de danger que je n'encoure ici !
Elle essaya de se retirer de sa fausse tendresse mais il la garda contre lui. La faiblesse de son corps rendait impossible à la lutte de Darla.
- Je ne laisserais rien t'arriver, ici ou là-bas.
Le ton de Baelor fut si profond, comme une promesse. Un nouveau hoquet atteint Darla alors qu'il posa son front contre le sien. La terreur ne lui venait pas plus de son acte, mais de sa litanie à penser qu'il avait agi en son intérêt. S'il s'agissait de la première vision de sa folie, que serait la prochaine ?
- Tu n'as pas laisser le danger venir. Tu l'as provoqué, tu m'as mis en danger !
Baelor posa ses lèvres sur les siennes pour la faire taire, ses yeux toujours clos, refusant d'admettre son erreur. Cela permit de calmer l'angoisse respiratoire de Darla mais pas l'effroi intérieur.
Darla avait besoin qu'il admette son erreur, son entière responsabilité. Elle avait besoin de ne plus se sentir coupable. Elle était toujours hantée par la sensation fantôme de de mains d'enfant poussant son ventre. La jeune Lannister avait passé ce premier mois de grossesse à voir la chose affreuse comme cette anomalie. Mais à présent, elle était la chose affreuse qui se mouvait autour de cette enveloppe d'innocence.
- Excuse-toi simplement, Baelor...Avoue-le.
Il sembla hésiter, du moins dans l'espoir inaliénable de Darla. Elle abandonna le bois de la table, une de ses mains sur son épaule et l'autre caressant ses cheveux.
Regarder Baelor d'aussi près était rare. Pouvoir détailler ses traits alors que ses yeux étaient clos, remarqués des nouvelles cicatrices, les reflets roux de son brun, la finesse de sa mâchoire. Regarder Baelor, c'était être face à quelque chose qui n'était pas censée être vu et ne plus pouvoir en détacher le regard, pas parce qu'on ne le veut plus mais parce qu'on ne peut plus.
Darla ne pouvait plus se détacher de lui. Il y avait quelque chose de maladif dans cela, quelque chose qui la rongeait de l'intérieur.
- Tu devrais aller te reposer maintenant. La journée a déjà été longue.
—-
un chapitre un peu plus long que d'habitude mais que je ne voyais pas comment couper, j'espère que ça vous aura quand même plu !
avec les actualités politiques, l'euro (l'allemagne éliminée...mais au moins la france passe 🙌🏻) et la préparation de ma prochaine année d'étude, ça devient compliqué d'écrire autant mais je vous promets de me dépêcher !
n'hésitez pas à me donner votre avis en commentaire!
merci d'avoir lu, à très vite !!
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