La chute peut être fatale,
même si tu as quelqu'un pour te rattraper au sol.

☾ ☾ ☾ ☽ ☽ ☽

-Lydia, je n'ai pas envie de parler de cela maintenant, dit Stefanos en soupirant et lâchant sa cuillère.

-Nous dînons, il n'y a rien qui nous empêche de parler de cela maintenant, répliquais-je.

J'avais tout de suite demandé à Stefanos s'il voulait dîner avec moi ce soir en rentrant, et il avait eu le malheur d'accepter. Il ne devait absolument pas se douter que j'allais exclusivement parler de sa relation avec son âme-sœur. Il aurait assurément refusé sinon.

-Lydia, s'il-te-plaît.

-Je viens de passer une semaine sans mon âme-sœur, et tu as vu le résultat. Comment faites-vous, toi et Amphitrite, pour rester si loin ? Ne souffrez-vous pas ?

-Si Lydia, dit-il d'une voix irritée, si j'en souffre, elle aussi sûrement, mais la souffrance de ce qu'elle avait fait était beaucoup plus dévastatrice que celle de ne pas la voir jusque-là.

-Et maintenant ?

-Je ne peux pas oublier ce qu'elle a fait Lydia.

-Tu n'as pas besoin d'oublier Stef, tu dois juste, tourner la page ? Avancer ?

-"Juste" tu dis ? demanda-t-il ahuri. Je dois "juste" oublier qu'elle a tué le fruit de notre amour, contre l'éternité ?!

-Non, désolée, je ne voulais pas dire ça... Mais Stefanos, elle a fait ce qu'elle a fait à cause de cet amour aussi. Je... Ce lien, nous en avons déjà parlé mais, il est beaucoup trop puissant. Ce que je comprends, c'est que ce lien nous empêche de penser rationnellement. Amphitrite a eu un moment de faiblesse, elle ne savait plus comment gérer ses émotions, la peur de te perdre était plus puissante que le fait de perdre votre enfant peut-être ? Stef, peut-être qu'elle ne s'était même pas rendue compte de l'importance de cet être en elle, peut-être qu'elle ne comprenait même pas ce que signifiait cet enfant.

Il se massa les tempes, les sourcils froncés, et les lèvres serrés.

-J'essaye, j'essaye vraiment Lydia. Mais à chaque fois que je la regarde, j'oublie ce qu'elle a fait, je tombe à nouveau dans ses bras, dit-il en relevant les yeux vers moi.

-Alors arrête de laisser cette pensée t'empêcher d'avancer. Poses tes pensées plus loin dans ta tête, vas-y doucement, pats à pats, et laisse le temps faire le reste, toi et Amphitrite avaient l'éternité.

-Pourquoi me parles-tu de tout cela maintenant ?

-Je vais demander à Kairos de laisser sortir Amphitrite de l'Achéron.

Un éclair de surprise traversa ses yeux bleus. Il se leva brutalement en frappant les poings sur la table, alors qu'Hypnôs entra dans la salle à manger en alerte.

-Tu ne peux pas faire ça !

-Pourquoi ? Elle pourra être dans le palais quelques temps !

-Je ne veux pas la voir tout le temps !

-Ô oui, je vois ça ! Tu passes ton temps à l'Achéron à l'observer de loin ! Tu ne veux pas que je fasse cela car tu as peur ! Tu es une poule mouillée Stefanos ! Le grand Poséidon n'est qu'un pauvre gamin qui a peur de se jeter à l'eau !

Je connaissais Stefanos, il avait un sang-froid d'une grande expertise. Je devais le pousser complètement à bout. Et ça avait l'air de marcher. Il tremblait de tout son corps, la colère prenait possession de lui.

-Lydia... grinça-t-il entre ses dents. Je t'interdis de...

-Hum, s'interposa Hypnôs, je pense que vous pouvez vous calmer tous les deux.

-M'interdire de quoi Stefanos ? le défiais-je. Tu crois vraiment pouvoir m'interdire de quoique ce soit ?

-Princesse, il est déjà assez énervé comme ça, continua Hypnôs.

-Fermes-là ! dire-t-on à l'unisson à Hypnôs en nous tournant vers lui.

Celui-ci recula surpris, et nous regardait ébahi.

-Il ne t'accordera aucune faveur sans retour Lydia !

-Alors je ferais un marché, ce n'est pas un problème.

-Nom de Cronos ! rugit-il. Fais ce que bon te semble ! J'en ai marre de toutes ces conneries !

Il sortit de la salle à manger en claquant la porte. Je soupirais et me tournais vers Hypnôs, qui me regardait comme si j'avais perdu la tête.

-Quoi ? C'est toi qui m'as demandé de faire quelque chose, me défendis-je.

-Je n'ai pas dit de l'énerver encore plus, princesse. Ce n'est pas toi qui vas devoir supporter son aura dépressive.

-Stefanos garde tout pour lui, il faut le pousser à bout pour qu'il se bouge. Il ne me reste plus qu'à convaincre Kairos.

-Ce qui est actuellement la tâche la plus complexe.

-Tu pourrais m'encourager au lieu de me plomber ? dis-je en roulant des yeux.

-Je n'ai rien dit, je suppose que nous allons voir le roi ?

-Oui, tu as tout compris Hypnôs, lui répondis-je ennuyée.

Il me lança un regard perplexe, puis nous allâmes dans le bureau de Kairos. Je remerciais Hypnôs et entrais sans toquer. Kairos avait déjà les yeux rivés vers moi, il était assis sur sa chaise devant son bureau, les bras croisés, et le regard brûlant.

-N'étais-tu pas sensée dîner avec Poséidon ? demanda-t-il.

-Si, mais nous avons fini plus tôt. Je te dérange ?

Il leva les sourcils froncés.

-Lydia, tu ne m'as jamais posé ce genre de question avant, dit-il perplexe, as-tu fait quelque chose ?

Mince, j'étais stressée, il fallait que je me calme. J'avais l'impression de demander de la drogue à un gendarme...

-Non, mais je-j'ai besoin d'un petit service.

-Je t'écoute, dit-il calmement en haussant un sourcil.

-Pourrais-tu relâcher Amphitrite ? Elle pourrait rester en Enfer, mais hors de l'Achéron.

-Et pourquoi ferais-je cela ?

-Étant donné que tu nous as fait une petite démonstration de ce qui arrivait lorsque deux âmes-sœurs étaient éloignés, je pense que c'est normal que je demande cela. Stefanos reste un frère pour moi, et je veux aider mon frère.

Il se leva et s'approcha de moi, attrapa une mèche qui s'était échappé de mon chignon et la mit derrière mon oreille. Je frissonnais à son contact et regardais ses yeux émeraudes.

-Supposons que j'accepte, qu'aurais-je en retour ?

-Après ce que tu as fait, tu pourrais m'accorder cette faveur, non ? tentais-je.

-Lydia, tu sais très bien, que ce n'est pas suffisant, dit-il en esquissant un rictus.

-Que veux-tu dans ce cas ?

-Beaucoup de choses, chérie, susurra-t-il contre mon oreille.

Son souffle me fit trembloter, et son odeur emplissait mes narines.

-Mais parmi toutes ces choses, que dirais-tu t'abandonner entièrement ton humanité plus tôt que prévu ?

Mon corps entier se glaça. Je sentais que la suite n'allait pas me plaire.

-C'est-à-dire ? demandais-je d'une voix tremblante.

-Amphitrite aura une semaine pour me prouver qu'elle est apte à vivre librement à nouveau, si Poséidon l'accepte, je relèverais sa punition. Mais en échange, susurra-t-il à quelques millimètres de mes lèvres, en échange, à la fin de cette semaine, je réveillerais ton corps immortel. Acceptes-tu ?

-Ne peux-tu pas pour une fois dans ta longue vie, accorder une faveur avec un échange de petite ampleur ? demandais-je énervée en m'éloignant de lui.

Je le regardais les bras croisés. Devrais-je accepter ? Cela allait arriver un jour où l'autre, alors pourquoi attendre finalement ? Je pouvais accepter, mon frère serait heureux au bout du chemin...

-Tu fais un pacte avec le diable en personne, mon cœur. Comment peux-tu attendre à de la clémence de ma part ?

-Je ne sais pas, sincèrement j'ignores pourquoi j'attends mieux de toi Hadès, dis-je en appuyant sur son nom.

Il eut un rictus mauvais et s'approcha à nouveau de moi.

-Oh, ma fiancée se serait-elle énervée ? se moqua-t-il. Tu acceptes le marché ou non, chérie ?

-J'acceptes, dis-je. Seulement pour Stefanos.

-Tu acceptes ? demanda-t-il surpris. Aussi rapidement ?

Je le dévisageais avec une mine dégoutée.

-Tu vas me tuer dans tous les cas, je ne vais pas laisser passer cette chance à mon frère d'être heureux, pour gratter quelques misérables jours.

-Effectivement, ta vie humaine est misérable, dit-il d'une voix dénuée de toute émotion.

Mon corps se figea instantanément. C'est ainsi qu'il me voyait ? Misérable. Je n'étais pas misérable, je ne l'avais jamais été, et je ne le laisserais pas m'écraser ainsi.

-Ma vie n'a jamais été misérable, dis-je calmement. Mes parents biologiques sont de personnes magnifiques, j'ai toujours aidé les autres, on m'aimait, même si certaines choses n'étaient autre que des mensonges, j'étais heureuse. J'allais devenir psychiatre, j'allais déménager seule, en bord de mer, dans une plus petite maison, j'allais aider de nouvelles personnes quotidiennement. Tu es celui qui est venu tout gâcher Kairos. Tu es celui qui m'as arraché tous mes rêves et envies et qui m'a rendue misérable, comme tu dis. Avant toi, tout allait bien.

-Une vie fondée sur un mensonge ? Tout allait bien ? répéta-t-il d'un rire mauvais.

-Oui Kairos, au moins, je ne vivais pas constamment avec l'impression d'être sur une fine corde, où je peux vriller du mauvais côté à tout moment. Je ne sais pas ce qu'il m'attend, une seconde tu me fais ressentir une symbiose idyllique, puis la seconde, tu me jette sur des lames tranchantes ! Je n'ai jamais été aussi... Aussi...

Il ne me laissa pas finir mon monologue et me colla contre lui, avant de fougueusement lier nos lèvres. Un million de synapses se connectèrent en moi et firent passer des signaux en cet instant. Un terrible frisson de passion me traversa le corps entier et je me collais encore plus contre son corps en passant mes bras autour de son cou.

Un son guttural s'échappa de sa gorge, et il me souleva sur son bureau en poussant tous les papiers, les objets se trouvant dessus. J'entendais le fracas des objets, mais je ne lâchais pas ses lèvres jusqu'à que j'eus le souffle couper.

Il s'éloigna de moi, passa une main dans ses cheveux qui avaient déjà commencer à pousser à nouveau, et me toucha les lèvres.

-Je suis aussi au bord du gouffre avec toi Lydia, si tu te tombes, nous tombons ensemble, tu sembles oublier ce détail, murmura-t-il.

-Je devrais... Je devrais partir, j'ai... Je dois prévenir Stefanos que...

-Lui dire à quel point tu aimes mes lèvres sur les tiennes ? se moqua-t-il.

Je sentis le rouge me monter aux joues et je repoussais sa main. Je roulais des yeux et me dirigeais vers la porte, mais la voix de Kairos m'arrêta.

-Une semaine Lydia. Une semaine, et tu verras à quel point notre crash est dévastateur.

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