Talia

A la vue d'Efyrane je souris. Nous sommes enfin rentrés, notre mission remplie. D'ailleurs je me tourne vers l'objet de cette mission et je la vois en prendre plein les yeux. June rayonne dans la lumière éclatante du campus et elle observe tout cela d'un air ébahi. Il est vrai que lorsque nous y vivons au quotidien on ne se rend pas forcément compte de la magnificence des lieux mais, lorsque nous revenons, cette vision est toujours aussi impressionnante.

Efyrane s'étend sur des milliers d'hectares de verdure, de lacs et de rivières étincelantes. Le campus en lui-même se dresse au centre d'une immense étendue d'herbe recouverte de fleurs chatoyantes. Son architecture précise et tout en cristal exprime cette modernité que les Fae suivent. Ici, les meilleurs architectes du pays se sont retrouvés pour créer une réelle œuvre d'art. Les centaines de baies vitrées émettent un rayonnement qui rend l'ensemble encore plus clair et scintillant.

Après quelques seconde d'admiration June ouvre la bouche.

— C'est grandiose, souffle-t-elle.

— Je n'aurais pas dit mieux, je réponds en souriant.

Elle se tourne vers moi et me rends mon sourire, visiblement heureuse. Elros me donne un coup de coude.

— Eh petite sœur, je crois que tu devrais faire visiter le campus à June non ? Ce n'est pas comme si tu vivais là depuis sept ans déjà.

— Je ne me lasserais jamais de la beauté d'Efyrane, je murmure.

— Dis donc, tu fais dans le sentimentalisme toi maintenant ? s'exclame Solal en imitant un visage d'ange et en papillonnant des yeux pour se moquer de moi.

— Vous avez fini de vous fichez de moi ? je grogne.

Tout sourire, Solal secoue la tête de gauche à droite et je roule des yeux. Le meilleur ami de mon frère ne laisseras jamais une seconde passer sans trouver de quoi rire. C'est une présence qui devient rassurante et qui permet de se remonter le moral dès que celui-ci coule, mais je me demande si Solal a réellement déjà été triste une fois dans sa vie. Il rayonne tellement de bonne humeur que je me demande si c'est possible. Je ne l'ai jamais vu pleurer une seule fois, pourtant, nous avons grandi ensemble.

— Pourquoi tu m'observes comme ça Tal ? m'interroge l'intéressé, tu te demandes comment est-ce que c'est possible d'être aussi beau c'est ça ?

Ah oui, j'avais oublié, il ne rayonne pas de modestie en tout cas, ça, aucun doute.

Je l'ignore et préfère me concentrer sur notre protégée qui nous observe tous les trois en se retenant de rire.

— Je te fais visiter ?

— Avec plaisir ! se réjouis-t-elle.

J'adresse un petit signe de main à Elros qui va s'occuper de raccompagner et de remercier les membres de notre petit voyage. June m'imite et quand mon frère lui rend son aurevoir en lui lançant un petit clin d'œil je la surprends à rougir en baissant les yeux.

Tiens, June se serait-elle entichée de mon frère ? Mince, j'espère me tromper car je n'aimerais pas qu'elle commence sa vie à Esnia avec une première déception sentimentale. Mon frère fait craquer toutes les filles qu'il croise, notamment au Palais. Des hordes de prétendantes se précipitent sur lui dès qu'il sort dans la capitale. Même ici, à Efyrane, un grand nombre de jeunes filles rêveraient d'être celle qui fera fondre le cœur du prince, mais je ne l'ai jamais vu sortir avec une seule d'entre elles. Peut-être que je me fais des films, en tout cas j'espère que June ne craquera pas trop vite pour Elros, il risquerai de lui briser le cœur.

June et Solal me suivent lorsque je descends l'allée qui mène jusqu'à l'entrée principale d'Efyrane. Arrivés en bas, je pousse les deux immenses portes en verre qui sépare l'extérieur du hall d'entrée. Nous avançons dans l'espace principal où plusieurs personnes déambulent tranquillement, en effet nous sommes lundi et les étudiants profitent de leur dernier jour de repos des deux qu'ils détiennent dans la semaine pour se prélasser et s'adonner à différentes activités. Je vois deux filles de deuxième année s'esclaffer tandis qu'elles jouent à un jeu de société, installées sur les marches d'un escalier. Drôle d'endroit pour jouer lorsque l'on sait que le campus est immense mais qui suis-je pour juger ?

Efyrane est tellement grand que je ne suis même pas sûre d'avoir terminé d'y découvrir tous les recoins. Pourtant, cela fait sept ans que je parcours ces couloirs et que j'arpente tous les petits endroits cachés que personne ne connait. Si un jour nous en venions à devoir évacuer, je serais la personne idéale pour ça.

Je guide June et Solal à travers quelques dédales de couloirs et me dirige vers le bureau de maître Calisse. J'ignore si elle y sera encore mais je dois lui présenter June afin qu'elle lui donne les informations administratives importantes pour sa rentrée ici. Nous avons déjà commencé les cours il y a deux mois et elle va avoir un sérieux retard à rattraper, en plus de ces sept années passées dans le monde humain.

Nous traversons quelques passerelles avant d'arriver au niveau du bâtiment réservé aux professeurs. Au rez-de-chaussée et au premier étage sont concentrés chacun des bureaux et les étages supérieurs sont réservés à leurs logements. J'ai toujours rêvé de voir à quoi ressemble les chambres des profs. Sont-elles vraiment différentes des nôtres ? J'imagine qu'elles sont plus vastes que nos petits espaces.

— En temps normal, il est interdit de pénétrer dans l'aile des professeurs durant les jours de repos, j'explique à mes amis. Nous n'y sommes autorisés qu'en semaine. Aujourd'hui c'est un cas exceptionnel, nous devons te présenter à une professeure en particulier pour qu'elle t'assigne à une chambre, dans notre dortoir.

— Compris, affirme June en hochant la tête.

Solal, lui, ne se contente pas de respecter ce que je dis. Il tape dans ses mains, surexcité.

— En tant que membre de la Garde je n'ai jamais obtenu l'autorisation de pénétrer dans l'aile des prof, c'est très excitant, se réjouis-t-il.

— S'il te plaît Solal, ne nous fait pas remarquer, je lui demande.

— Promis, jure-t-il en levant la main droite comme s'il prêtait serment.

Parfois je me demande où est-ce qu'il trouve cette énergie, ça me dépasse.

Je ne rajoute rien car ce serait culotté de ma part... Le nombre d'heures de colles que je me suis vue infligées parce que j'ai fait un nombre de choses interdites, je ne pourrais même pas les compter tant elles sont nombreuses.

— Suivez-moi, je leur indique avec un signe de main.

Nous nous dirigeons vers le fond du couloir où se trouve le bureau de Maître Calisse.

— La professeure que tu vas rencontrer, j'explique à June, c'est elle la professeure référente des années allant de cinq à huit, maître Calisse. En dessous, Maître Grivna est le professeur en charge des plus jeunes, et Maître Viro s'occupe des deux dernières années.

June hoche la tête. Arrivés devant la grande porte en bois sur laquelle une plaque en cuivre avec les initiales de Maître Calisse gravées, est fixée, je frappe trois grands coups.

— Entrez, s'écrie la voix de ma professeure préférée à travers la porte.

Celle-ci s'ouvre seule pour nous laisser passer. Nous pénétrons dans le grand bureau où sont disposées de nombreuses étagères remplies de papiers, de livres et d'ingrédients étranges. Un des meubles est également plein d'armes de toute sortes. Couteaux, épées, lances, tout y est. Je souris à la vue de cette magnifique réserve, je n'ai qu'une envie, c'est de toutes les prendre et les fourrer dans les poches de ma combinaison magique. Cette combinaison est incroyablement pratique, je peux y mettre tout ce que je veux, qu'elle que soit la taille de l'objet.

— Talia, je ne crois pas que tu sois là pour m'emprunter des armes, n'est-ce pas ? m'interroge Maître Calisse d'un ton faussement étonné, un sourire en coin.

— Non, en effet. Bonjour Maître, je souris.

— Bonjour, Talia, puis, posant ses yeux sur la Rose, et tu dois être June ?

— Bonjour, oui c'est moi, réponds l'intéressée, étonnée.

—Ravie de te rencontrer, je suis Maître Calisse, la professeure référentes des années cinq, six, sept et huit et professeure de Combat.

— Oh, fais June. Je vais devoir me battre alors ?

Maître Calisse souris face à la réaction de la jeune fille.

— Oui, tu apprendras à te battre June, mais ne t'inquiète pas, tout se passera bien, lui assure-t-elle.

—Je crois que nous devons t'assigner à un dortoir non ? Et te donner ton emploi du temps également.

— Il est déjà prêt ? s'étonne June.

— Bien sûr, nous savons depuis plusieurs jours que tu arrives, nous avons déjà préparé ton emploi du temps. Il me manque juste une précision.

— Laquelle ? demande June.

— Préfères-tu suivre l'option de magie des plantes ou celle de magie des pierres ?

June me lance un coup d'œil, sans savoir quoi dire.

— Ce sont des options, tu dois ne choisir qu'une seule des deux, ne t'inquiète pas pour ton choix, ce n'est que deux heures dans la semaine. C'est simplement que nous ne pouvons pas créer ton emploi du temps complet sans l'option que tu choisis, explique maître Calisse.

Mon amie m'observe comme si j'allais lui donner la réponse.

— Je suis en cours de magie des plantes, je l'informe.

Elle me remercie du regard.

— Alors, magie des pierres s'il vous plaît, maître, annonce-t-elle.

Je souris, elle a du caractère, ça il n'y a aucun doute. Je jette un œil à l'horloge au-dessus du bureau de la professeure et quand je m'aperçois qu'il est déjà presque midi je grommelle.

— Tiens, voilà ton caractère de cochon qui refait surface, s'exclame Solal que j'avais presque réussi à oublier ces quelques dernières minutes.

— Tiens, bonjour Solal, salue Maître Calisse d'un air faussement étonné.

— Bonjour, maître. Alors ? Pas mal ma cachette non ? bombe-t-il le torse, fier de lui.

Il n'aura pas tenu plus de trois minutes, je soupire.

— Dans le petit coin derrière la porte ? demande notre professeure.

— Oui ! Bien trouvé n'est-ce pas ? Oh... Comment savez-vous ? demande Solal.

— Pensais tu réellement pouvoir te cacher au sein de mon propre bureau Solal ? rétorque la professeure d'un air malicieux.

Solal baisse les yeux et s'excuse, penaud.

— Tu y penseras la prochaine fois que tu auras réellement envie de te cacher d'une menace sérieuse.

— Je suis désolée d'intervenir, mais on m'attend et je suis censée faire guide du campus, j'interromps leur conversation.

Je sens que, en effet, mon caractère de cochon reprend le dessus, mais je ne supporte pas d'attendre, mais je ne supporte pas que Solal ai raison non plus. J'ai trop de fierté pour admettre ce genre de chose.

— Talia, je pense qu'il te serait encore une fois important d'aller voir Maître Viro, tes émotions sont à fleur de peau, une fois de plus.

Comment cette professeure parvient-elle à chaque fois à comprendre ce que je ressens ? Pourtant, son pouvoir n'est pas là. Elle a beau me répéter qu'avec son statut de professeure de combat elle a dû apprendre à capter les émotions en face d'elle je suis persuadée qu'elle cache quelque chose à ce sujet. Où alors, elle lis en moi comme dans un lit ouvert... Rian fait la même chose, aucunes d'elles ne possèdent pourtant le don de Médium. Alors comment font-elles ?

— J'y penserais, réponds-je en sachant pertinemment que je n'irais pas voir Maître Viro, il me fait bien trop peur, et je n'ai pas que ça à faire.

Elle secoue la tête et abandonne la partie qu'elle sait perdue d'avance, je suis bien trop bornée. Elle se tourne donc vers June avec un grand sourire. Elle lui explique à quel dortoir elle doit se rendre, lui tend une feuille de papier avec son emploi du temps, un plan d'Efyrane et la clé de sa chambre. Je n'écoute pas particulièrement leur conversation peu intéressante à mes yeux. Je suis concentrée sur l'horloge au-dessus du bureau. Les aiguilles défilent et plus l'heure tourne plus je m'impatiente. Je n'ai pas tellement envie d'aller à ce rendez-vous, au contraire, mais je n'ai pas envie d'entendre les réprimandes de ma mère, très gentille soit-elle.

Je sens Solal derrière moi qui ne dit plus rien. Sa supercherie dont il était fier n'a pas fonctionné et je sens qu'il en a presque honte. Je me retourne vers lui pour le trouver un grand sourire aux lèvres. OK. Je n'ai rien dit, je pense qu'il est déjà en train de préparer les cinquante prochaines blagues qu'il va nous sortir à la suite. Je suis tout de même rassurée de le voir heureux. Sous ses airs avenants, Maître Calisse sait être impressionnante quand elle le souhaite, d'où sa fonction très adaptée de professeure référente, et, surtout, de combat.

— Talia, tu peux y aller, m'annonce la professeure, je vais faire venir un élève de huitième année qui se chargera de faire visiter le campus à June, ajoute-t-elle avec un clin d'œil à mon attention.

Je souffle, soulagée, et mes épaules se détendent d'un cran. Je salue tout le monde, donne rendez-vous à June ce soir, dans sa chambre pour discuter et sors du bureau à grands pas.

Je quitte rapidement l'aile des professeurs pour me diriger vers celle des huitièmes années qui se trouve beaucoup plus loin. Je décide donc d'emprunter un des transporteurs pour arriver plus rapidement. Je pénètre dans la petite pièce entièrement vitrée, tapote sur le petit cadran pour indiquer ma direction et la machine s'ébranle. Elle fonctionne comme une sorte de petit train, se déplaçant sur de longs rails qui font le tour d'Efyrane par-dessus. Lorsque je me retrouve au sommet du campus j'admire la vue.

Le bâtiment dont je viens de sortir se trouve juste devant le lac, au centre du complexe. A ses côtés, se dresse la tour de Cristal et le bâtiment principal où se trouve l'entrée, l'administration, quelques salles de cours, et...et c'est tout en réalité. Tout autour, trois ailes séparées avec, chacune, trois bâtiments affiliés, une aile par professeurs référents, et un dortoir par année. Cet ensemble forme une sorte d'étoiles à neuf branches, avec le dortoir des dixièmes années, plus éloigné, près des bois.

Je commence à redescendre lorsque le transporteur arrive au niveau du bâtiment des huitièmes années. Je me presse pour m'en extraire, déçue de ne pas plus pouvoir profiter de la vue, et avance à grands pas jusqu'à ma chambre. J'attrape un pull car l'air est frais à l'intérieur du campus et ressors aussitôt pour me diriger vers la cuisine de mon étage. Ici, j'y retrouve l'un des membres de la Garde de Kastel, qui est un Sondeur. C'est cet homme qui va me permettre de rentrer en contact avec ma mère, la Reine de Kastel.

Le soldat face à moi s'incline et je l'arrête tout de suite.

— Nous ne sommes pas au Palais, ces conventions je n'en veux pas, je grogne en lui tenant une main qu'il me serre.

C'est tout de même mieux comme ça ! Pas besoin de me faire passer comme quelqu'un de supérieur, non merci, j'ai donné assez lorsque l'on vivait au Palais.

— Oui, votre Altesse.

Oh c'est reparti. Il commence à me chauffer les nerfs celui-ci. Déjà que le fait de devoir me présenter à midi à l'autre bout d'Efyrane pour avoir une discussion inutile ne m'enchantait pas, voilà que le gars en face de moi s'entête à ne pas m'écouter et à me gâcher ma journée, qui a pourtant bien commencé.

— Bon, écoute moi bien, je commence, ici, on est à l'académie. Donc il n'y a pas de votre Altesse royale, de révérence ou de je ne sais quoi. Ici c'est Talia et c'est tout. Pigé ?

Il hoche la tête d'un coup sec comme si je venais de lui donner un ordre. Bon c'est pas gagné... Mais au moins il ne m'a pas rappelé Votre Altesse comme il est censé le faire au Palais.

— Bref, on ne va pas y passer la journée n'est-ce pas ? je lance, déjà fatiguée de la conversation que je vais avoir.

— Oui bien sûr. J'aurais besoin que vous me donniez votre main quelques secondes, s'il vous plaît votre Alt...Talia, se reprend-il après que je lui ai lancé un regard noir.

— Ne t'avises pas de m'appeler encore une fois votre Altesse, sinon je peux t'assurer que je te laisse te débrouiller pour expliquer à ma mère que j'ai décidé de me barrer.

Je lui tends donc ma main dans un geste nonchalant et il la saisit en fermant les yeux, après avoir effectué un petit salut militaire. Il psalmodie quelques secondes avant de rouvrir ses paupières et de lâcher ma paume. Il tend les siennes devant lui et une ombre violette s'en échappe, laissant apparaître la silhouette de plus en plus précise de ma Mère.

— Bonjour Talia.

— Bonjour Mère, lui souris-je, tout de même heureuse de la voir, malgré la flemme grandissante que j'ai pour les discussions de ce type.

— Qu'est-ce que tu as encore raconté à ce garde, Talia ? demande ma mère en fronçant les sourcils en voyant le garde immobile.

— Rien.

Elle soupire.

— Comment s'est passé le trajet jusqu'à Efyrane ?

Je sais pertinemment qu'elle est au courant de toute notre avancée point par point alors je décide de la taquiner.

— Nous avons été attaquées environ huit fois par des Ombres, puis, La rose s'est faite kidnapper une cinquième, oh pardon sixième fois, et la moitié de l'effectif qui nous accompagnait a péri.

Ma mère me regarde avec un demi-sourire et des yeux brillants.

— Je suis heureuse que tout ce soit bien passé après les derniers événements, Talia, me dit-elle d'une voix douce et rassurante.

— Tout va bien, ne t'inquiète pas. Ce n'est pas pour que je te conte mes exploits que tu voulais me parler, je me trompe ? la questionnée-je.

— En effet, tu auras tout le temps de me les raconter lorsque ton frère et toi rentrerez au Palais. Je souhaitais discuter avec toi de June.

— Oui ? Je t'écoute. Ce n'est pas comme si on ne parlait que d'elle tous les jours de toute façon.

— Dis donc, serais-tu jalouse ma fille ?

— Quoi ? Bien sûr que non !

Alors là, je suis outrée par ce que ma mère me dit. Moi ? Jalouse ? C'est vrai que j'ai pu l'être de nombreuses fois, surtout vis-à-vis d'Elros, et ce n'est pas tout à fait terminé, je travaille sur ce point, mais là je ne suis absolument pas envieuse de June ! Au contraire, elle risque de se retrouver sous le feu des projecteurs et rien que cette idée me fait frissonner d'effroi.

— Simplement, c'est vrai. Elle est au cœur de toutes les discussions, je me défends.

— Justement, j'ai eu une discussion avec Isabelle il y a quelques jours. Elle semblait penser que d'ici la fin de l'année scolaire il faudrait que June soit prête, m'explique-t-elle.

— Oui, Rian nous a dit ça. D'ailleurs, tu étais au courant qu'elle était la mère d'Isabelle ? je m'exclame en me souvenant de cette information complétement ahurissante.

Ma mère garde le silence alors je comprends que nous nous sommes faits menés en bateau, mon frère et moi.

— Tu savais, je déduis, un poil énervée.

— Oui, en effet, Rian a toujours été présente pour Isa alors oui, bien sûr, je le savais.

Il est vrai que j'oublie constamment que ma mère et la Reine de Fira sont meilleures amies depuis des années, bien évidemment qu'elle connaît la mère de sa meilleure amie, c'est complétement logique !

— Pourquoi ne pas nous l'avoir dit ? Est-ce si important ? je grogne.

— Talia, tu sais comme moi que l'objectif était de protéger June dans le monde humain...

— ...et que personne ne devait découvrir où est-ce qu'elle vivait au risque que les Obscurs la trouve et blablabla, je sais, je termine sa phrase.

— Exactement ma chérie, me souris ma mère, l'air attentionné.

Je relève la tête.

— Donc ? je la presse un peu.

Parce que bon, j'aime beaucoup ma Mère mais quand il est question de discussion dans ce genre de moment, j'ai bien envie de déguerpir le plus vite possible.

— Donc, le Corbeau est de plus en plus puissant et nous le sentons en tant que Souverains. Peut-être que ton frère et toi le sentez aussi, je l'ignore.

— Non. Enfin personnellement je ne sens rien de plus que les Signaux, je réponds en haussant les épaules.

— En tout cas, nous, nous le sentons...Et si Isa et moi le sentons, les autres dirigeants aussi. Bugror ne pourra pas démentir très longtemps la prophétie, dorénavant.

— Ils se saisiront justement de cette occasion pour faire passer ça pour un coup de la reine Isabelle ou de ta part.

— Tu as raison, ma petite fleur.

Je grimace quand j'entends ce surnom enfantin que me donne ma mère depuis que je suis toute petite.

— Peut-être devrais-tu revendiquer ta place à notre suite. Qui sait ? Peut-être es-tu la future reine de Kastel, tu en as l'étoffe, tu viens de me prouver que tu y comprenais quelque chose en politique.

— Mère...je grogne.

Moi ? Reine ? Jamais de la vie. Je me suis juré depuis toute petite que je ne poserais jamais les fesses sur ce trône. Et je ne compte pas laisser la moi d'avant être déçue parce que je ne respecte pas mes promesses. Je peux être mesquine ou même méchante si vous voulez, mais je garde mes valeurs, en toute circonstance.

— Le Corbeau, il met à sa charge un grand nombre de nouveaux adeptes et j'espère qu'il ne tentera rien pour le moment... June doit encore se former et je ne sais pas s'il est déjà au courant qu'elle est à Efyrane. Je souhaite que tu t'assures qu'elle soit en sécurité et qu'il ne lui arrivera rien le tant de sa formation.

— Solal s'en charge, Mère.

— Je le sais, mais j'ai toute confiance en toi et je voudrais que tu accompagnes également June dans sa quête de la Boussole. Nous ignorons toujours de qui il s'agit, et cette personne peut aussi bien se trouver à Efyrane.

— Donc je dois, en plus de Solal, coller aux basque de June et passer des heures à la bibliothèque ave elle ? soufflé-je.

— Non, surveille là de loin, assure toi qu'il ne lui arrive rien et aide la dans ses recherches, s'il te plaît, me demande-t-elle.

Pffff. Elle est très gentille June mais de là à devoir l'aider dans ses recherches, rien que d'y penser je m'ennuie déjà. J'imagine les heures que l'on va passer dans la bibliothèque et j'ai envie de dormir rien qu'en y songeant. Nous en avons déjà discuté pendant le trajet, le soir, avec Elros et Solal. Personne ne sait par où commencer les recherches, la prophétie ne donne absolument aucune informations.

— OK, je capitule.

— Talia, prends soin de toi aussi, d'accord ? Les temps ne sont simples pour personne et je ne pense pas qu'ils s'arrangeront ces prochains mois, bien au contraire...

— Oui, Mère, je la rassure, ne t'inquiète pas pour moi, tout va bien. Comment vont les choses au Palais ? je change de sujet.

— Tout va bien mais je sens les gens s'obscurcirent. C'est étrange, je ne sais pas si je m'imagine des choses ou si réellement le poids de ce qui nous menace joue un rôle...

— Sûrement un peu des deux, ajouté-je avec un clin d'œil à ma mère.

Elle me sourit et me lance un regard maternelle qui me réchauffe tendrement le cœur. Malgré mon caractère insupportable, j'ai tout de même des émotions, même si je ne le montre à personne. Ma mère est la seule personne qui semble toujours me percer à jour alors je ne cache pas trop ce que je ressens avec elle. De toute manière, je sais qu'elle saura ce que je pense réellement.

Je me souviens de ma toute première déception amoureuse, lorsque j'avais treize ans. La personne pour laquelle mon cœur chavirait ne savait même pas que je l'appréciais, mais lorsque je l'ai aperçue avec une autre fille j'ai ressenti une grande tristesse. Je l'ai caché à tout mon entourage parce que je n'en avais jamais parlé à personne. Mais, un soir où je pleurais doucement dans ma chambre, ma mère est venue me voir. Elle m'a prise dans ses bras et m'a serrée fort. Elle n'a pas eu besoin de parler, ce jour-là, j'ai compris que j'aurais toujours une épaule sur laquelle me reposer.

Je n'ai pas vraiment d'amis. Les seuls personnes que je peux nommer comme cela c'est mon frère, Solal, les triplés d'Aspeau et quelques personnes au Palais, et encore, ce sont plus des connaissances. J'ai toujours été une jeune fille solitaire et peu avenante, tout le monde critiquait déjà mon caractère dès mon enfance. « Elle ne ressemble pas à une princesse ! », « C'est vraiment elle notre future reine ? », « Heureusement que son frère est légitime au trône avant elle, vous imaginez ? ». Bref, pas assez comme ci, pas assez comme ça, jamais assez bien. De toute façon, la Couronne ne m'a jamais intéressée et ce n'est pas demain que cela va changer.

— Tout va bien Talia ? me demande ma mère, inquiète.

— Oui. Excuse-moi, j'étais perdue dans mes pensées.

A ces mots, mon ventre émet un gargouillement sonore qui résonne dans la pièce.

— Je crois qu'il est l'heure de te diriger vers le réfectoire, tu ne crois pas ? ris-t-elle, le visage brillant toujours de cet éclat violet.

— Oui, en effet, au revoir Mère, je la salue.

— Au revoir Talia, n'oublie pas que je t'attends au Palais dans trois semaines !

— Je croyais que cette discussion remplaçait le déplacement moi ! m'insurgé-je.

— A plus tard Talia.

C'est à ce moment que le soldat à l'origine de la communication ferme ses mains et que la silhouette de ma mère disparaît aussitôt.

Je souffle bruyamment. Pfff, je vais devoir me déplacer jusqu'à Kastel. Comment veut-elle que je m'occupe de June si je dois partir dans une semaine ?

Je remercie le soldat et retourne vers ma chambre en ruminant les paroles de ma mère. Elle semblait dire que la reine Isabelle est réellement inquiète et j'imagine qu'il y a de bonnes raison à cela. J'espère que June remplira sa missions.

Une fois dans ma chambre qui ne dépasse pas les quinze mètre carrés, je me change rapidement pour enfiler des vêtements plus adaptés que ma combinaison noire moulante. Je n'aime pas la retirer, je préfère largement l'avoir en permanence sur moi, mais, pour l'école, je ne suis pas réellement autorisée à la porter.

J'enfile donc un jean droit, simple, des baskets, un tee-shirt rouge et un pull de la même couleur avant de ressortir, prête. Mon ventre émet un nouveau gargouillis qui me fait lever les yeux au ciel tandis que je me dirige vers le réfectoire, bien décidée à me remplir l'estomac pour me changer les idées. C'est fou comment l'atmosphère dégage des mauvaises ondes en ce moment.  

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