June

Alors, je suis une princesse, la princesse de Fira puisque ma mère semble être la reine de cette contrée. Maman... En pensant à elle, je ne peux m'empêcher de penser qu'elle m'a menti durant toutes ces années, même si j'ai conscience que c'était une question de sécurité.

Je m'appelle June et je vais intégrer l'académie d'Efy...rane ? Efyrane ? Il me semble que c'est ce nom que Grand-mère, Talia et Elros ont mentionné. Il ne nous reste que quelques mois durant lesquels je dois retrouver la Boussole, des méchants m'en veulent et ont enlevé ma sœur lorsque j'ai cru l'avoir perdu à jamais. Je n'en reviens toujours pas et j'ai du mal à m'en rendre compte. Chloé est vivante et je vais pouvoir la revoir après toutes ces années séparées.

Un léger toussotement se fait entendre près de l'entrée de ma tente et me coupe dans mes pensées.

— Entrez, annoncé-je.

C'est Grand-mère qui vient me rendre visite avec ses cheveux grisonnants qui cascadent dans le creux de son dos, elle a aussi des yeux dont je suis la seule de la famille à avoir hérité de la couleur verdâtre. Des rides creusent ses joues et encadrent ses yeux en amande ainsi que sa bouche fine et asséchée par les années. Malgré sa très grande vieillesse, ma Grand-mère dégage une beauté et un charme rare pour une femme de son âge.

Elle vient s'installer à mes côtés et je me redresse pour l'écouter.

— Comment te sens-tu ma chérie ? me demande-t-elle en me prenant la main, j'imagine que tu dois avoir du mal à encaisser, ce que nous t'annonçons n'est pas le plus simple à entendre.

— Étonnement, je crois, que ça va. En quelques jours j'ai vécu plus de choses qu'au cours de ma vie entière, enfin si on élimine les trois premières années de ma vie dont je n'ai apparemment aucun souvenir, mais je tiens le coup.

— Maintenant que tu as connaissance de notre monde, tes souvenirs devraient sans doute te revenir au fil des semaines.

— Peut-être, je n'en ai pas forcément envie tu sais. Me souvenir de la mort de mon père n'est sans doute pas une bonne idée, expliqué-je à Grand-mère.

— Je comprends parfaitement ma chérie. Si tes souvenirs réapparaissent tu pourras m'en faire part, je trouverais une solution.

— Je ne comprends pas réellement ce que tout le monde attend de moi, mais je commence à me faire à l'idée d'être pourvue de dons, cela explique parfaitement l'incendie...

— Ne t'inquiète pas pour la maison, tu emménageras à Efyrane dorénavant.

— Mais, Grand-mère ? J'ai une vie là-bas, j'ai des amis qui vont se demander où je suis passée. Le lycée aussi se posera des questions. Quand-est ce que je pourrais revoir mes amis ? J'ai tant de choses à leur raconter, je suis une Fae ! m'exclamé-je, un peu trop enthousiaste.

— Ma chérie... je suis désolée mais il est interdit d'interagir avec le monde humain et de leur dévoiler notre existence.

— Mais, je proteste, je ne peux pas les quitter de cette manière, ils me croiront morte ! Dès qu'ils entendront parler de l'incendie, ce qui est sans doute déjà le cas, ils seront morts d'inquiétude.

— Calme-toi, June. Je sais que c'est très difficile pour toi. Max, Anna et Alexandre penseront que tu as intégré une prépa prestigieuse en avance au vu de ton écart d'âge. Pour eux, la prépa t'as contactée dès ton réveil à l'hôpital et tu n'as pas pu leur dire au revoir au risque de perdre ta chance. C'est ce que j'ai laissé entendre.

Il est vrai que je suis toujours en Terminale alors que je vais avoir dix-huit ans avant la nouvelle année. Maman m'a dit que c'était simplement car nous avions déménagée lorsque j'étais enfant mais je comprends maintenant la vraie raison, nous avons fui Esnia et j'ai directement dû intégrer la maternelle, malgré mon année supplémentaire.

— Grand-mère, ils n'y croiront pas, je ne suis pas du genre à faire cela. Et puis, qu'est-ce qui expliquera le départ précipité de maman ? Et le tien ?

— Ils comprendront que tu as été obligée de sauter sur l'occasion, m'explique-t-elle. Et je me débrouillerais pour qu'ils y croient, j'ai plus d'un tour dans mon sac.

Abattue par cette nouvelle, je baisse les yeux desquels quelques larmes s'échappent et commencent à glisser sur mes joues. Grand-mère les sèchent du bout de ses doigts et relève mon menton.

— Je...ma chérie. Je te promets d'essayer d'organiser une visite chez tes amis.

— Oh merci Grand-mère ! je souris en la serrant fort dans mes bras.

— Je te promets simplement d'essayer, pas que je réussirais.

Soulagée à l'idée de revoir mes meilleurs amis, je reprends du poil de la bête.

— As-tu des questions ?

— Oui, j'en ai des tonnes et des tonnes. Je viens d'apprendre qu'un monde parallèle existe grand-mère.

— Tu as raison, ris-t-elle.

— Mais quelque chose m'inquiète un peu...

— Je t'écoute, m'indique Grand-mère, attentive.

— Lorsque j'ai été emmenée à l'hôpital après l'incendie, une femme a virée l'infirmière qui s'occupait de moi et c'est elle qui m'a injecté une sorte de somnifère. J'imagine qu'elle était la source de mon enlèvement ?

Grand-mère se redresse brusquement et me demande vivement son nom.

— Euh, je ne sais plus, hésité-je, je me souviens avoir aperçu son nom avant de sombrer dans l'inconscient mais je suis incapable de m'en souvenir.

— Ma chérie, je sais que je te demande un gros effort, mais il faut que tu t'en rappelles. Ce pourrait nous être une information vitale dans la guerre qui se prépare et si tu retrouves son nom tu peux nous permettre d'éclairer la situation et surtout, de retrouver cette ennemie, me presse grand-mère.

— Claire ! crié-je avant d'étouffer ma voix.

— Comment ? s'étonne mon aïeule.

— Tu as dit éclairer. Je me suis souvenue. Son nom sur son badge d'infirmière. Elle s'appelle Claire.

Tout à coup, je comprends mieux pourquoi celle-ci m'a nommée J. Pour June.

Grand-mère semble en pleine réflexion et passe une main dans ses cheveux gris.

— Cela ne me dit rien. Sans doute est-ce une nouvelle recrue de nos ennemis. Je vais mettre quelques personnes sur le coup pour enquêter sur elle. Merci ma chérie. Cela s'annonce mal s'ils recrutent de nouvelles personnes intégrées au monde humain..., explique grand-mère, pensive.

— Grand-mère ? Tu as parlé d'une guerre ?

— June, enfin Ambre, au fait, que préfères-tu ? Les autres te nommeront sans doute June et ta mère continuera probablement avec Ambre, je pense. Je respecterais ton choix.

Prise au dépourvue, je ne sais pas quoi lui répondre, je n'ai pas encore réellement eu le temps d'y réfléchir même si je me doute qu'il va falloir m'y faire. Je réfléchis quelques instants avant de prendre ma décision.

— June. Je pense que je vais devoir m'y habituer de toute manière, n'est-ce pas ?

— Oui, en effet, me souris-t-elle en retour.

— Alors, je suis June, annoncé-je d'une voix assurée.

— Très bien, alors June, ce qui se prépare à Esnia est très compliqué. Tu vas devoir faire face à des envies de pouvoirs, des combats politiques et géopolitiques ainsi qu'à la gérance des relations inter-contrées. Pour le moment, nous ne sommes pas encore en mesure d'annihiler la menace représentée par le Corbeau. Nous manquons cruellement d'alliés pour nous accompagner. Comme Talia te l'a expliqué, Esnia est séparé en six contrées de taille similaire. Fira, dont tu es donc la princesse, Kastel, le royaume de Talia et Elros et Aspeau, dont tu rencontreras probablement les héritiers à Efyrane. Ces trois contrées forment une alliance très forte qui lutte ensemble contre la magie noire.

Grand-mère continue son récit et je comprends mieux pourquoi la politique est compliquée dans le monde humain... Apparemment, les trois autres contrées, Tertia, Oria et Bugror, sont indépendantes et agissent pour l'intérêt de leur propre peuple avant tout. Ces contrées ne prennent pas au sérieux la menace qui plane sur Esnia. Leurs dirigeants réfutent l'idée du retour du Corbeau et également la prophétie dont je fais l'objet qui est, pour eux, un moyen orchestré par Fira pour obtenir la totalité des pouvoirs sur Esnia.

Le roi d'Oria semble plus neutre que la reine de Tertia et le monarque de Bugror, et pourrait nous être allié durant cette guerre qui semble se profiler. Mais malheureusement sa puissance est moindre et ne nous serait pas d'une très grande utilité, malgré toute la bonne volonté possible.

Le Corbeau a été l'homme le plus puissant de ce monde après mon arrière-arrière-grand-mère, Esly Niara, d'après sa propre petite-fille, ma grand-mère. Ils ont apparemment besoin de moi pour retrouver la Boussole, que je dois aider à sauver Esnia. Boussole dont absolument personne n'a idée, ni de l'identité, ni de la nature, ni de la Contrée où elle se trouve. J'espère qu'Efyrane a une grande bibliothèque parce que je pense que je vais devoir y passer de nombreuses heures.

Quand grand-mère a terminé son récit, j'enregistre tout ce qu'elle me raconte et je me sens prête. Je sens au fond de moi que ma place est ici, elle l'a toujours été en réalité. Cette histoire me concerne et je vais accomplir ce qu'on attend de moi. Après tout, pourquoi pas ?

Face à mon regard déterminé, Grand-mère me caresse la joue et m'encourage.

— Tu es la jeune femme la plus forte que je connaisse ma chérie. Tu es courageuse et je n'ai aucun doute quant à ta puissance, tu accompliras de grandes choses, j'en suis persuadée.

Heureuse de ces compliments, j'enlace mon aïeule, le cœur rempli de joie débordante. Je l'embrasse sur sa joue rêche et me détache d'elle.

— Merci. Je te promets de tout tenter pour être digne de cette tâche.

— J'ai confiance en toi, June. As-tu d'autres questions ? Je crois qu'il est temps d'aller dîner, ris-t-elle lorsque mon ventre émet un gargouillis sonore.

C'est vrai que je n'ai rien avalé depuis mon petit-déjeuner, dans la Cache. J'ai appris tellement de choses depuis qu'il me semble que c'était il y a une éternité.

Je comprends que l'heure n'est donc plus aux questions et je secoue donc la tête de gauche à droite, pas mécontente de pouvoir aller me remplir le ventre et de reposer mon esprit. Grand-mère dépose un baiser sur mon front et se lève, se dirigeant vers la sortie de la tente pour que je la suive. Juste avant qu'elle franchisse l'ouverture je l'interpelle.

— Une dernière chose, Grand-mère. Lorsque je suis remontée dans ma chambre, après l'incendie, j'hésite avant de continuer car j'ai l'impression de devoir garder ce moment précieux pour moi, je, j'ai lévité au-dessus du sol et une lumière dorée émanait de mon corps. Quand les pompiers ont détruit ma porte pour intervenir, un filament bleu l'a renforcée et les a une première fois empêcher d'agir.

Elle se retourne vers moi et me souris d'un air rassurant.

— Les filaments bleus représentent la manifestation de ton don de Manieuse qui s'est activé pour te protéger du danger. Talia a du t'expliquer que tous les Fae le possède. Ton corps s'est senti menacer et s'est défendu de lui-même, ton don est très puissant pour avoir réagi aussi rapidement et de manière efficace alors que tu n'étais en possession de tes pouvoirs que depuis quelques heures. Tu apprendras à le contrôler à Efyrane, tes professeurs t'expliqueront cela. Pour ce qui est de la lévitation, j'avoue ne pas avoir de réponse à te fournir, fait-elle en fronçant les sourcils. Pose la question autour de toi et à Maître Calisse quand tu la rencontreras mais c'est sûrement juste une réaction de ton pouvoir, comme ton soucis pour voir la Cache et tes yeux, ce matin. Chaque corps réagit différemment lorsque ses pouvoirs se réveillent, plus cela arrive tard, plus les événements sont...étonnants, même pour des Fae.

J'acquiesce rapidement pour montrer que j'ai compris et la remercie avant de sortir de la tente à sa suite. Le soleil a presque terminé sa descente dans le ciel, l'illuminant d'un éclat doré, magnifique. Je frissonne dans l'air frais de la soirée qui chatouille ma peau et reste derrière Grand-mère sur le chemin qui mène aux grandes tables. Y sont attablés une vingtaine d'adultes, les enfants de tout à l'heure et des soldats en tenue. Tous discutent joyeusement dans une ambiance agréable, éclairés par des bougies qui baigne les visages d'une lumière orangée dans cette pénombre qui s'installe.

J'aperçois Elros parmi les gardes et il semble en plein débat avec un homme assis à ses côtés. J'entends quelques bribes d'informations qui me parviennent et perçoit les mots « Kastel », « diriger » et « héritier ». Je n'y prête guère attention car lorsque nous atteignons les tables, toutes les conversations cessent immédiatement et tous les regards se tournent vers moi. Des dizaines et des dizaines d'yeux me fixent et je me sens mal à l'aise, ne sachant pas quelle réaction je suis censée adopter.

— Je...Bonsoir, osé-je.

Personne ne me répond, alors, gênée, je souris naïvement. Grand-mère me présente brièvement et fusille du regard les hommes et les femmes attablés autour de nous. Je pose une main sur son bras pour la détendre.

— Ce n'est pas grave, je vais m'en remettre grand-mère, on ne peut pas les forcer à me faire confiance.

Un homme me salue gentiment et je croise le regard d'Elros qui me sourit en me faisant signe de venir m'asseoir à côté de lui. Soulagée, je souffle et m'empresse de m'installer pour me faire oublier.

— Ne t'inquiète pas, me dit Elros, pour le moment ils sont tous persuadés que tu vas tout faire cramer mais ils ne tarderont pas à t'apprécier, j'en suis certain.

A ces mots, il me décoche un petit clin d'œil discret qui fait rosir mes joues. C'est la troisième fois qu'il fait ça et à chaque fois j'ai la même réaction.

— Je l'espère. Je ne souhaite effrayer personne, ajouté-je.

Les conversations reprennent et je me détends en entamant l'assiette posée devant moi. C'est une sorte de purée de légumes tout simplement délicieux accompagnée d'une viande grillées que je reconnais comme du porc. Je me régale et me promet d'aller féliciter les cuistots dès que possible. J'écoute les conversations autour de moi sans réellement savoir si je dois y participer ou non.

Elros se tourne vers moi.

— June, je te présente Solal, m'annonce-t-il en me désignant le jeune homme a côté de lui. C'est lui qui s'occupera de ta protection désormais. Solal te suivra comme ton ombre et je te conseille ne pas lui fausser compagnie, j'en serais directement informé, ajoute-t-il avec un sourire espiègle.

J'ignore quel est le poste d'Elros dans l'armée mais je présume qu'il a une position hiérarchique très élevée. Je hoche la tête et serre la main que Solal me tend tout sourire.

— Enchanté, June. Ne t'en fais pas pour les autres, ils t'accepteront vite. Je te promet de me faire discret, ne me fausse simplement pas compagnie, je n'ai pas envie d'avoir à en informer Elros, il prendrait la grosse tête. Je commence demain, prépare toi à m'avoir dans les pattes toute la journée, savoure bien tes derniers moments de tranquillité ! Solal va rentrer en action ! s'exclame-t-il en écartant les bras dans un geste théâtral exagéré.

Je ris devant sa bonne humeur qui me réchauffe le cœur après le petit épisode gênant lorsque grand-mère m'a présentée. Je suis ravie de trouver un visage avenant et rassurant au milieu de tout ce monde et je discute joyeusement avec les deux hommes jusqu'à la fin du repas.

Puis, je prends congé et me rend dans ma tente après avoir souhaité une bonne nuit à Elros, Solal et Talia qui était installée un peu plus loin, grand-mère étant déjà couchée depuis plus d'une heure.

Je retire mon pull, étale une couverture chaude sur mon lit et me glisse sous les draps. Comme la veille, je m'endors pratiquement aussitôt, fatiguée mais heureuse à la pensée de retrouver ma sœur et à celle de la bonne humeur contagieuse de Solal et Elros.

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