Elros

Cela fait plus d'une heure que je fais les cents pas dans la petite clairière adjacente au camp et cela fait déjà plus de deux semaines que nous avons quitté Efyrane. Il est grand temps que nous rentrions, mais Talia et la Rose ne sont toujours pas revenues et nous n'avons pas fait tout ce chemin pour rien, nous n'allons pas partir sans elles. Encore une fois Talia est en retard. Pour changer tiens.

Je fais demi-tour pour rejoindre le camp. Visiblement, elles n'arriveront pas ce matin, je vais donc prendre mon mal en patience pour attendre l'après-midi, en espérant les voir enfin débarquer. Je grogne en traînant des pieds pour rentrer, je suis censé être de nature assez patient mais quant il est question de sécurité j'ai du mal à garder mon calme.

Rian me fait signe d'approcher depuis l'entrée de sa tente rouge, ce que je m'empresse de faire aussitôt. J'ai beau avoir un statut hiérarchique plus élevé que toutes les personnes présentes sur le camp réunies, si Rian me donne un ordre, je vais le respecter. Lorsque j'arrive à sa hauteur, la vieille femme me sourit comme à un enfant. Je lève les yeux au ciel pour souligner le fait que je n'ai plus douze ans mais j'ai conscience d'avoir une réaction plus qu'enfantine, ce que me fait d'ailleurs très justement remarquer Rian en m'ébouriffant les cheveux :

— Calme-toi Elros. J'ai l'impression d'être face au petit Manon quand il panique durant une partie de cache-cache, me sourit-elle.

— J'en suis conscient Rian, mais je ne peux pas m'empêcher de penser que l'on se trompe et je veux en avoir le cœur net.

— Je te promet que nous ne nous sommes pas trompés mon fils, m'assure Rian.

— Je ne sais pas, je n'arrive pas à m'en convaincre...

Depuis que j'ai appris que la Rose était cette fille je sens mon esprit qui s'agite, comme si quelque chose clochait.

— Tout ira bien Elros. La Rose aura sa place à Esnia et à Efyrane, me certifie Rian en attrapant ma main dans un geste rassurant qui me détend instantanément, Talia et toi ferez en sorte qu'elle s'intègre rapidement à son nouvel environnement, je vous fais confiance.

Talia. A la pensée de cette petite peste je souris en imaginant la prochaine vengeance que je lui ferais subir, elle ne perd rien pour attendre ! Rian remarque mon sourire et soupire :

— Ménage-la cette fois Elros, s'il te plaît, me demande-t-elle.

— Promis Rian !

Je prends son bras fripé et nous dirige vers les cinq grandes tables installées au centre du campement où pratiquement tout le monde est rassemblé. Riant à gorges déployées, les enfants enfournent leurs pommes de terres dans leurs bouches tandis que les parents discutent joyeusement avec la garde.

Un homme au regard pétillant nous tend deux assiettes avec notre portion de nourriture pour le déjeuner. Je laisser Rian rejoindre les enfants pour leur conter une énième histoire, je me demande d'ailleurs comment ils font pour ne pas s'en lasser, pendant que je m'assois avec mes hommes. Ceux-ci me saluent brièvement avant de reprendre leur conversation à laquelle je me mêle avec plaisir. Nous échangeons sur la vie des personnes attablées autour de nous dans un magnifique et heureux brouhaha qui me réchauffe le cœur.

Vers la fin du repas, Solal, mon second, et surtout mon meilleur ami, me tapote l'épaule en pointant du doigt l'entrée du camp :

— Regarde qui voilà, mec !

Je me retourne brusquement pour voir apparaître Talia, un sourire triomphant plaqué sur le visage. Derrière elle, sur Orion, se tient la Rose et elle est...allongée ? Je fronce les sourcils quand je comprends qu'elle a perdu connaissance. Talia ne l'a tout de même pas assommée, si ? Je suis sûr qu'elle en est capable, c'est bien le soucis...

Elle pose un pied à terre et, comme si elle avait lu dans mes pensées, m'annonce :

— Non, ce n'est pas moi qui l'ai assommée Elros ! Même si parfois ce n'était pas l'envie qui manquait, maugrée-t-elle. Elle s'est évanouie au beau milieu du chemin, sans explications alors je l'ai hissée sur Orion pour terminer le trajet.

— Et tu n'as pas tenté de la réveiller ? Peut-être qu'elle vient de faire une crise cardiaque ! m'exclamé-je.

— Non non, je n'ai pas vérifié que l'Elue n'était pas morte ! Bien sûr que si abruti ! lance-t-elle en me lançant un regard noir, tu ne veux pas me faire confiance et faire semblant d'être heureux de me revoir plutôt que de lancer des évidences pareilles ?

Je soupire, Talia ne changeras jamais. Elle dépose d'office la Rose dans mes bras et me charge de la mener dans un lit. Non mais où se croit-elle ? Bon, j'avoue qu'elle a autant de droits que moi ici mais quand même. Malgré tout, je me tais et m'exécute, soulagé qu'elles soient enfin rentrées saines et sauves. J'observe pour la première fois la jeune femme au creux de mes bras. Légère, elle a de longs cheveux bruns qui volètent grâce à la petite brise automnale, derrière son visage figé. Je n'ai aucune idée de la couleur de ses yeux, cachés sous ses paupières aux longs cils. Sa bouche fine est légèrement bleutée, comme si elle avait froid. Elle porte un jean simple et un débardeur vert. Elle doit avoir froid mais j'imagine que c'est tout ce qu'elles ont trouvé dans la Cache.

J'entre dans ma tente et dépose la Rose sur mon lit de camp, elle sera très bien ici. Talia m'a suivie après avoir dispersé les quelques curieux qui s'approchaient de la tente. Les autres ont trop peur de s'avancer vers cette fille qui est censée sauver notre monde et capable de déclencher un incendie dans son sommeil. Mouais... Elle n'a pourtant pas l'air si différente que ça.

— J'espère qu'elle va se réveiller sans séquelles, s'inquiète Talia derrière moi.

— Oh ! Mais c'est que tu as un cœur finalement ! je m'exclame.

— Je m'inquiète pour l'avenir d'Esnia abruti ! Comme va-t-elle sauver le monde si elle se réveille avec des fonctions cognitives en moins ? se renfrogne-elle.

Je ris devant sa mine boudeuse quand une voie douce résonne :

— Talia ? Où sommes-nous ?

La Rose s'est réveillée ! Eh bien, il a fallu que ma chère Talia fasse preuve de sentiments pour provoquer un miracle !

Le regard de la jeune femme allongée sur mon lit se plante dans le mien et je suis soudain envahi par ce vert profond qui me fixe. Ses yeux. Wow. C'est elle. Rian a raison, c'est bien la Rose de la prophétie. Ses prunelles sont magnifiques et je sens mon cœur battre un peu plus fort que d'habitude.

J'entends Talia ricaner :

— Quand vous aurez terminé de vous faire les yeux doux on pourra peut-être discuter, non ?

Je secoue la tête pour chasser cet étrange sensation et lui lance un regard noir avant de me tourner vers la Rose et de me présenter.

— Je m'appelle Elros, prince de Kastel, dit-je d'un air un peu pompeux.

Pourquoi est-ce que j'ai énoncé mon titre ? Je ne suis jamais prétentieux à ce point, ça ne me ressemble pas.

— Enfin, juste Elros, je tente de me rattraper en bafouillant à moitié.

— Oula, que s'est-il passé pendant mon absence pour que tu deviennes aussi prétentieux ? se moque Talia en pouffant de rire.

Je lui tire puérilement la langue. Mais c'est vrai, elle a raison, pourquoi ? Les mots sont sortis tous seuls de ma bouche. Est-ce que c'est cette fille ? Elle semble dégager une aura de puissance très importante.

— Je...Bonjour. Ambre, me réponds-t-elle en interrogeant Talia du regard.

— Non, il est dans notre camp celui-là, lui annonce-t-elle et je me doute que cela a dû lui demander un très gros effort de sortir cette phrase.

Je décoche un grand sourire à Talia pour lui montrer que j'ai très bien retenu cet instant et que je ne manquerais pas de le lui rappeler en temps et en heure. La Rose, enfin Ambre, semble mal à l'aise, comme si elle ne savait pas où se mettre. Je crois qu'assister à une petite altercation fraternelle n'était pas à son programme du jour.

— Ju...Ambre, je te présente le prince de Kastel comme il vient si bien de te dire, monsieur se sent pousser des ailes. Voici mon grand frère bien aimé, Elros, raille Talia.

Les grands yeux verts d'Ambre s'agrandissent au fur et à mesure que ma petite sœur déblatère mon titre.

— Prince ? Mais... Si c'est ton frère et que...qu'il est prince, alors tu es... ?

— Une princesse ? complète Talia pour elle, Ouais, j'en suis une, à mon plus grand plaisir, grommelle-t-elle.

— Wow, c'est... étonnant ? hésite Ambre.

— Tu peux t'enlever toutes tes idées bidons de princesse en robe à paillette qui déambule dans les couloirs du château en se pavanant, un prince charmant à son bras. Je n'ai rien de tout ça, et je n'ai pas demandé à être une princesse, OK ?

— Euh, OK, acquiesce la Rose.

— Pourtant, je t'ai trouvé magnifique au mariage du Comte et de la Comtesse de Naval, le mois dernier. Ta robe bleu t'allais à ravir. Je crois que même leur fils, comment s'appelle-t-il déjà ? Connor ? Il m'a l'air de t'avoir remarqué et je l'ai surpris à t'observer un moment où tu discutais. Peut-être va-t-il te demander ta main ? je taquine.

Ma sœur fais semblant de vomir et grogne pour montrer sa désapprobation.

— Plus sérieusement, Talia, tu ne lui avais pas dit que tu étais la chère et tendre princesse de Kastel ?

Ma sœur secoue la tête de gauche à droite. Je suis estomaqué, elle ne changera vraiment jamais son caractère, même quand la situation est exceptionnelle.

— Je crois que je commence à me faire à l'idée que tout est... bizarre ? grimace Ambre qui nous observe nous envoyer des piques depuis tout à l'heure. Donc, Talia tu es la princesse de Kastel et toi tu es Elros, son frère. Et vous êtes, enfin nous sommes des Fae. Ok. Ça fait beaucoup à assimiler mais tout va bien.

Elle souffle d'un air fatiguée, je la comprends, ce n'est pas simple de devoir ouvrir son esprit à de nouvelles idées, surtout quand tout ce que l'on croyait sûr ne l'est pas. Il va falloir qu'elle fasse preuve d'une grande écoute pour les semaines à venir, sinon, je ne donne pas cher de sa peau.

Un toussotement gêné nous interrompt en provenance de l'entrée de la tente. Une jeune femme s'incline en nous expliquant qu'elle est envoyée par Rian pour ausculter notre nouvelle protégée. La vieille femme viendra lui rendre visite dans une heure et souhaite que Talia et moi soyons également présents.

— Pourquoi faut-il que nous soyons présents, ma sœur et moi ? je demande.

— Votre Altesse, j'ignore la raison. Rian m'a simplement fait passer ce message à vous transmettre. Souhaitez-vous que je lui fasse part de votre demande ?

— Non, merci, c'est très gentil.

Je fais signe à l'infirmière d'entrer, ramasse mon arme de combat rapproché posée dans un coin et lance à Talia :

— Tu viens t'entraîner ? J'ai appris que vous aviez rencontré quelques difficultés sur la route, me moqué-je.

Elle me fusille du regard tout en promettant de me mettre la pâtée. Je dont je doute fort qu'elle y parvienne mais la taquiner m'amuse.

— Je reviens dans une heure, avec Rian et Elros pour les explications, tu es en sécurité ici, ne t'inquiète pas, promet-elle à la Rose qui acquiesce distraitement tandis que l'infirmière s'affaire autour d'elle.

Je lance un petit clin d'œil à Ambre en guise d'aurevoir et je suis ma sœur à l'extérieur, celle-ci s'étire de tout son long.

— Aaaaah ! Qu'est-ce que ça fait du bien de rentrer, j'ai hâte de retourner à Efyrane. Maître Calisse me manque en fin de compte, ironise Talia.

— Dès que Rian aura parlé à Ambre, nous pourrons entamer le voyage retour. D'ailleurs Mère t'attend dans un mois au Palais, il faudra que tu prépares tes affaires une fois à Efyrane.

— Oh Elros, épargne moi les mauvaises nouvelles pour le moment, il est l'heure que je te mette la pâté. Les hommes d'hier ne m'ont pas suffi mais j'ai eu un petit échauffement !

Depuis que nous sommes enfants, Talia ne démord pas de l'idée de me battre un jour. Nous savons tous les deux qu'elle ne s'entraîne pas assez pour cela, même si elle est très douée, mais toutes les semaines elle tente une nouvelle fois de me mettre au tapis. Je trouve ça amusant de la voir s'acharner de cette manière, sachant qu'elle n'a jamais réussi une seule fois, pourtant ce n'est pas les essais qui manquent, loin de là.

Elle a beau ne pas suivre les enseignements de maître Calisse, sa détermination ne flanche jamais et elle ne se détourne jamais de son objectif. Talia est la jeune femme la plus bornée que je connaisse. C'est l'une de ses plus grandes qualités mais également son plus gros défaut, avec sa manière de parler aussi bien sûr, parce qu'insulter toutes les personnes qu'elle croise n'est pas le meilleur moyen de se faire des amis.

Je souris et l'entraîne vers la petite clairière dans laquelle je faisais les cent pas, pas plus tard que ce matin.

— Avec ou sans armes cette fois ? je lui demande, mon épée à la main.

— Sans, décide-t-elle.

— Soit. Tu sais que je n'aurais pas plus de difficultés à te battre de toute manière.

Je pose mon arme contre un arbre tout proche. Provoquer ma sœur est mon passe-temps favori alors je ne me gêne pas pour continuer :

— Allez Princesse ! Interdiction d'utiliser tes pouvoirs pour aujourd'hui, sinon, tu seras accusée de tricherie.

Elle lève les yeux au ciel quand je la nomme par son titre et je souris car c'était effectivement mon objectif. Je me mets en garde et attends qu'elle engage le combat la première, ce qu'il ne faut pas qu'elle fasse, bien sûr. Évidemment, c'est ce qu'elle s'empresse de faire en me fonçant dessus. Elle tente de m'envoyer un crochet dans le visage que j'esquive avec facilité. Toujours la même erreur... Elle fonce tête baissée dans la bataille et ne réfléchis pas à sa stratégie, indispensable pour battre son adversaire. J'évite tous les coups suivants de la même manière, sans aucune difficulté.

— Tiens le voyage t'aurais-t-il donc épuisée à ce point ? je lui lance en ricanant.

— Monsieur je sais tout est capable d'asséner un coup ou est-ce qu'il va se contenter d'esquiver comme à son habitude ? rétorque-t-elle.

Je ne m'offusque pas de sa remarque car je sais que c'est la meilleure technique de combat face à un adversaire comme Talia. Elle frappe encore et encore jusqu'à se fatiguer et il est alors beaucoup plus simple de la mettre K.O en un rien de temps. Elle tente toujours de déstabiliser l'autre en l'insultant, cela peut fonctionner avec un combattant mal formé ou mal entraîné, mais pas avec quelqu'un d'expérimenté comme moi.

Elle me balance son pied vers le visage et j'encaisse le coup sans broncher même si je sens ma joue pulser. Elle recommence et j'attrape son pied au vol, la faisant basculer vers l'arrière d'un coup sec. Elle chute lourdement sur le sol avant de se redresser d'un coup en sautant sur ses deux appuis. Je vois à son regard brillant qu'elle ne compte pas s'arrêter avant de m'avoir mis au tapis.

— Rian m'a fait promettre de ne pas être trop violent cette fois, elle dit que tu dois être en pleine forme pour que l'on aide la Rose à s'intégrer à Efyrane.

— Tsss, siffle-t-elle, Rian a une fâcheuse tendance à me sous-estimer et à vouloir me protéger. Mais Rian n'est pas là donc bats-toi réellement.

Elle se jette sur moi et m'assène un coup sur l'épaule du plat de sa main.

— C'est tout, petite sœur ? je la taquine.

Je m'ennuie un peu alors je décide d'attaquer à mon tour, je ne suis pas en combat réel, je peux m'amuser. Je pars tous les coups de ma sœur et profite d'un moment où elle baisse sa garde pour me glisser derrière elle et lui attraper le bras gauche que je bloque dans son dos. Elle se dégage d'un mouvement et me flanque un coup de poing dans l'estomac. Ma respiration se coupe et je me plie en deux sous l'effet de l'impact. Je me redresse en souriant, elle progresse. Cette attaque, c'est moi qui la lui ai apprise et je suis fier du fait qu'elle l'utilise, cela signifie qu'elle m'écoute tout de même un peu, parfois.

Je déstabilise Talia en la fauchant au niveau des mollets et en profite pour la bloquer contre moi. Je lui souffle à l'oreille :

— Perdu ! Si j'avais un poignard tu serais déjà morte, la gorge tranchée.

Je sens Talia bouillir et je ris. Malgré cette tension qui la pousse à vouloir me battre à tout prix, nous apprécions ses moments tous les deux, même si elle ne le montre pas.

— Peut-être pour cette fois, mais en temps réel personne ne m'interdis de faire ça ! crie-t-elle en levant sa main gauche.

J'ai juste le temps de la traiter de tricheuse avant de voir la cascade d'eau qui arrive dans ma direction pour m'envoyer valser contre un arbre.

— Tu es consciente que ça ne compte pas pour une victoire ? je lui dis en me relevant péniblement, sonné et crachant de l'eau.

— Oui. Mais te mettre K.O. fait toujours du bien au moral, me souris Talia en me tendant une main pour m'aider à me relever.

Une fois debout, j'enlace ma sœur en la serrant fort contre moi.

— Content que tu sois de retour, Tal.

Elle se laisse aller à mon étreinte trois secondes avant que le naturel revienne au galop et qu'elle grogne en me repoussant.

— La prochaine fois, je te battrais, je vais m'entraîner.

Je souris face à cette tête de pioche que, je le sais, je protégerais toute ma vie, malgré son caractère de cochon.

— Si un jour tu écoutes maître Calisse peut-être y parviendras-tu. En attendant j'aimerais prendre la route d'Efyrane dès l'aube alors je crois qu'il est l'heure que tu ailles prendre une bonne douche et que l'on aille rejoindre Rian.

Elle fait la moue et hoche la tête.

— D'ailleurs qu'a-t-elle besoin de lui expliquer ? Tu n'étais pas censée lui fournir toutes les informations ?

— Je lui ai expliqué le plus important. J'ai utilisé mon don de Manieuse pour lui conter l'histoire d'Esnia et lui ai annoncé qu'elle faisait partie des nôtres. Et qu'elle devait sauver le monde, accessoirement. Et comme tu me l'as si bien fait remarqué, nous avons en effet rencontré quelques difficultés.

Je hausse les sourcils. Pour que Talia avoue avoir fait face à un problème c'est que ce devait être un minimum important. C'est vrai que Rian m'en a parlé rapidement mais je n'ai pas réellement chercher à en savoir plus, j'ai pensé qu'elle avait su parfaitement se débrouiller.

— Explique moi, s'il te plaît, je lui demande, interloqué.

—Pour te la faire courte, commence ma sœur, Ju...Ambre a déclenché un incendie chez elle, ça tu es au courant, s'est retrouvée à l'hôpital puis kidnappée par des Obscurs dans un laboratoire où ils comptaient lui faire subir des expériences. Avant que tu ne demandes, j'ignore si ces Obscurs sont à la solde du corbeau.

— Bien vu, c'est exactement la question que j'allais poser. Pourquoi des Obscurs s'en prendraient-ils à elle ?

— Ils ont une centaine de raisons de s'en prendre à elle, andouille, grogne-t-elle comme si j'étais stupide.

— Oui, mais je veux dire, pourquoi maintenant ?

Elle hausse les épaules, elle n'a pas plus la réponse que moi pour l'instant. Peut-être que Rian pourra nous éclaircir sur ce sujet.

— Je suis intervenue à temps à ce moment-là, elle reprends, en preux chevalière. J'ai fait sauter Ambre de la tour où elle était enfermée. Puis nous avons été attaquées. Je me suis battue avec brio contre trois hommes. Je nous ai encore une fois sortie de là avant que le cours d'eau du bois du Nawire ne s'affole et que je règle la situation. Ambre ne voyait pas la Cache, elle a commencé à dérailler et à ressembler à un phare, ses yeux brillaient. J'ai franchement flippé à ce moment alors je lui ai donné une claque.

— Tu as fait quoi ? je m'exclame.

— Tu n'étais pas là, Elros, c'était le seul moyen de la faire revenir à elle.

Je souffle, elle est incorrigible.

— Bref, elle a fini par voir la Cache, je lui ai ensuite tout déballé. Nous avons dormi, puis encore une fois Ambre a fait un truc bizarre. Elle est montée se préparer et ne la voyant pas redescendre après vingt minutes je suis montée pour la trouver à moitié en transe devant ses yeux devenus argentés. On est montées sur les chevaux, elle s'est évanouies et nous voilà ! La suite tu la connais. D'autres questions ? déballe ma sœur en attendant ma réaction.

Après cette tirade, Talia souffle et réalise.

— C'est beaucoup pour trois jours ! s'exclame-t-elle.

De son monologue, un élément en particulier a attiré mon attention.

— Ambre n'a pas vu la cache ? je demande.

— C'est le seul truc qui te fait réagir ? Tu ne peux pas me féliciter ?

— Talia s'il te plaît, je la reprends.

— Pfff, non en effet. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé. Peut-être que Rian aura la réponse, dit-elle en haussant les épaules dans un geste d'ignorance.

— Donc, il faut que nous lui parlions d'Efyrane et c'est tout ? demandé-je, Enfin que Rian lui en parle.

— Oui, réponds-t-elle, Et un dernier élément que tu découvriras en même temps qu'Ambre.

— Pourquoi attendre ? Explique moi.

Ma sœur m'offre son plus beau sourire et je soupire. Sa tendance à toujours vouloir un pas d'avance sur moi est parfois fatiguante. Déjà lorsque l'on n'était encore que des enfants Talia prenait un malin plaisir à se cacher dans la salle du conseil pour écouter notre mère, la reine, et ses Conseillers. Elle était ainsi au courant de certains « secrets » avec lesquels elle me narguait. Je finissais pourtant toujours par être au courant quelques temps plus tard, mais ma sœur était heureuse d'avoir connaissance d'informations plut tôt que moi, comme si cela lui donnait un avantage certain dans cette sorte de course qu'elle avait instaurée entre nous. Je ne sais pas trop quel était son objectif. Qu'est-ce que ça pouvait bien lui apporter ?

Du haut de ses huit ans, elle avait un jour débarqué en courant dans ma chambre avec un parchemin annonçant la façon dont serais désormais versés les impôts dans le royaume. Talia sautait dans tous les sens comme si elle venait de décrocher la lune, me tirant la langue pour m'expliquer qu'elle avait plus de connaissances que moi. Je n'avais que dix ans, alors, pour moi la provocation avait fonctionnée. Cela avait été la source d'une énorme dispute entre nous, réglée aussitôt par Mère qui avait débarquée en riant.

Elle avait récupéré le parchemin des petites mains de Talia tout en lui faisant promettre de ne plus espionner le Conseil, ce que, évidemment, a accepté ma sœur avant de recommencer deux semaines plus tard. Très régulièrement, elle laissait traîner ses oreilles près de la salle, mais le jour où elle a compris que les informations qu'elle récoltaient n'étaient pas capitales, chose que Mère m'avait expliqué, elle changea de méthode. Ce manège avait duré plusieurs année et les suivantes elle s'acharnait à vouloir me dépasser sur tous les points. Avoir une meilleure note, finir ses devoirs la première... Cette compétition permanente m'amuse mais m'attriste à la fois.

C'est une sorte de jalousie qu'elle fait ressortir par différents moyens et ce n'est pas mon objectif Malgré tout, elle a réussi son objectif sur la majorité des points qu'elle comparait, je n'ai jamais été un excellente élève comparé à elle. Mais elle a beau être très forte, elle ne pourra jamais me battre au combat, je ne suis pas chef des armées de Kastel pour rien !

Je lui tourne le dos pour me diriger vers le camp, et Talia me suit de près. Je la laisse aller se laver, elle en a bien besoin, tandis que je me dirige vers le coin où nos chevaux sont en train de s'abreuver.

Je caresse mon étalon noir comme la cendre. Orion est magnifique et est indispensable à mon métier, mais aussi à ma vie. Sans mon acolyte, j'aurais très certainement perdu de nombreuses batailles. Quand Orion a été appelé par Talia j'ai eu un petit pincement au cœur de le voir s'éloigner. Mon cheval est vaillant et j'ai confiance en lui mais je n'aime pas le savoir loin de moi.

— Content de te revoir mon vieux ! murmuré-je à son oreille.

Orion redresse la tête comme s'il m'avait entendu puis reprend son activité, c'est-à-dire, boire. Je brosse son crin et observe Gaïa, la jument de Talia. Ma sœur est tombée sur son double en version équidé. Dans le genre je fonce tête baissée, les deux-là sont sur la même longueur d'onde. La jument est l'exact miroir de sa cavalière, indomptable.

Je termine de brosser Orion, lui promet de revenir dès que possible et me dirige vers ma tente, où j'ai déposé la Rose. Rian est déjà là et nous attendons toujours la même personne qui arrive tranquillement, Talia évidemment. Au moins, elle est propre. Je lève les yeux au ciel devant sa nonchalance et Rian nous prévient qu'elle va entrer en première et que nous devons attendre une minute avant d'entrer car Ambre risque apparemment d'avoir un choc.

— Pourquoi aurait-elle un choc rien qu'en te voyant entrer ? demande Talia, Tu es si impressionnante que ça ? Sans vouloir te vexer, Rian.

L'infirmière de tout à l'heure sort de ma tente et nous annonce que nous pouvons entrer. Rian nous fait un clin d'œil et s'avance dans l'ouverture.

Je comprends pourquoi Ambre subit un choc car Talia et moi sommes littéralement aussi abasourdis qu'elle quand nous l'entendons prononcer ces quelques mots.

— Grand-mère ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top