Ambre
J'ouvre d'immenses yeux ronds en observant grand-mère pénétrer dans la tente. Que fait-elle ici ? S'est-elle faite kidnappée ? Mon cœur bat à toute vitesse et j'attends qu'elle me décoche un mot pour me rassurer. Elle s'approche doucement de moi et me caresse la joue dans un geste tendre.
— Bonjour ma chérie, me souris-t-elle.
Je savoure le contact de ma grand-mère et serre sa main contre ma joue en fermant les yeux. Enfin un visage connu dans ce tourbillon d'événements. Je ne me pose même plus la question de pourquoi est-ce qu'elle est en face de moi tant je suis heureuse de la voir. Je sens les larmes couler sur mes joues mais je ne les retiens pas. Voir mon aïeule fait ressortir toutes mes émotions et je ne pense même plus à en avoir honte. Grand-mère m'enlace et me caresse les cheveux pour m'apaiser. Je me laisse aller à son étreinte et cela fonctionne car je sens mes pleurs se tarirent lentement jusqu'à complétement disparaître.
Je souffle un bon coup et relève la tête pour me retrouver face à Talia et Elros qui forment des ronds avec leurs bouches tout en faisant passer leurs regards de grand-mère à moi, de moi à grand-mère, de grand-mère à moi... Il est assez étrange de voir Talia dans cette situation et cela a pour effet de me faire pouffer discrètement en observant son visage baigné d'incompréhension.
— Les enfants, asseyez-vous, dit-elle d'un ton doux qui contraste fortement avec l'ordre donné, il me semble que je vous dois quelques explications, n'est-ce pas ?
Elle les connaît ?
Talia est la première à réagir :
— Rian ? Mais que... ? Tu es la grand-mère de Ju...Ambre ?! s'exclame-t-elle.
Elros a toujours les yeux dans le vide comme s'il était en pleine réflexion, intense paraît-il. Je remarque que les deux frères et sœurs se ressemblent comme deux gouttes d'eau, ils sont pratiquement identiques ! Si je ne savais pas qu'il y a un léger écart d'âge entre eux j'aurais parié sur des jumeaux.
Elros a les cheveux courts, en bataille, d'un noir profond. Tout comme sa sœur, son teint basané met particulièrement en valeur ses yeux bleus qui m'ont tant envoûtés lorsque j'ai croisé son regard à mon réveil. Une légère barbe de trois jours parsème son menton et lui donne un air très sérieux qui contraste avec son jeune âge d'ailleurs je n'ai aucune idée de son âge, en fait. Il secoue la tête et semble comprendre quelque chose tout à coup.
— Alors ta vie humaine, Rian, ta petite-fille, c'était... elle ? commence-t-il avant que je ne l'interrompe.
— Rian ? Pourquoi l'appelez-vous Rian ? Qui-est-ce ?
— C'est moi ma chérie, me répond Grand-mère.
— Pardon ? Mais ton nom est Eléonore !
Tout à coup je comprends. Bien sûr, je le savais, la réponse était sous mes yeux depuis le début, depuis que Talia m'a transmis l'histoire d'Esnia. Comment ai-je pu ne pas réagir et me poser des questions sur mes ancêtres ? Grand-mère m'observe avec un air malicieux.
— Tu comprends mieux, n'est-ce-pas ? me demande-t-elle tout en ayant la réponse.
— Eléonore ? LA Eléonore ? Pardon Rian pour le langage mais : c'est une putain de blague ? s'écrire Talia. Tu es la petite fille d'Esly ?
Grand-mère fronce les sourcils face à la vulgarité verbale de Talia mais hoche la tête de haut en bas pour acquiescer. Celle-ci s'assoit brusquement, choquée par ce qu'elle vient d'apprendre. Au fait, d'où connaissent-ils ma grand-mère ? Et pourquoi l'appellent-ils Rian ? Je m'empresse de poser ces deux questions avant que le sujet ne bifurque rapidement.
C'est Elros qui me répond. Le jeune homme semble beaucoup plus réfléchi et rationnel que sa sœur et sa présence me détend.
— Rian m'a sauvé à un moment où j'en avais grandement besoin. J'étais à deux doigts de mourir et j'ai ouvert les yeux sur elle. Elle m'a recueilli et soigné durant quelques jours, il se tourne vers la principale concernée et continue, j'ai toujours su que tu avais une relation privilégiée avec la reine Isabelle mais j'ignorais que tu étais en réalité sa mère ! Pourquoi nous avoir caché de telles informations pendant d'aussi longues années Rian ?
Je n'écoute déjà plus. La reine Isabelle. Isabelle. Ma mère. Reine ? Maman m'aurait donc caché l'existence tout entière d'un monde dans lequel elle est reine ? Un monde que je suis d'ailleurs censée sauver ? Reine... non mais sérieusement ?
— J'hallucine, je souffle.
Je me rallonge dans le lit de fortune sur lequel on m'a installée quelques heures plus tôt et me frotte frénétiquement les yeux comme si je nageais en plein songe.
Je ne peux pas y croire. Tout ma vie n'aurait été que mensonge ? OK, c'est la phrase basique de tous les romans fantastique mais j'ai la furieuse impression d'être une héroïne de livre qui découvre qu'on lui a mentit durant toutes les premières années de sa vie et qu'elle est « l'Élue ». A l'exception que là, c'est la vraie vie, je ne suis pas dans un livre, et je sens que je ne suis pas au bout de mes surprises. Mon instinct me dit que je vais encore découvrir de nouvelles choses et je ne suis pas sûre d'être prête pour ça
— Les enfants, commence Grand-mère à l'adresse de Talia et Elros, avant tout, je veux que vous compreniez que je ne vous ai pas caché ces informations dans un but mesquin. Pour votre bien, il m'était interdit de divulguer mon identité dans le cas où des oreilles ennemies traineraient autour. Nous ne sommes pas à l'abris d'espions et il n'aurait en aucun cas fallut que les Obscurs s'emparent de ma petite-fille. Si cela avait été le cas, ce qui a d'ailleurs bien failli dégénérer sans ton aide Talia, nul ne peut savoir ce qui lui serait arrivé, ainsi qu'a Esnia. L'objectif n'était pas de vous garder à l'écart mais bien de vous protéger.
A l'écoute de ces paroles, je sens tout le poids des attentes que l'on place en moi m'écraser brusquement.
— Qu'attendez-vous de moi ? demandé-je en observant chacun de mes interlocuteurs.
Personne ne me répond.
— Alors quoi ? j'enchaîne, vous ne le savez pas ? Je dois faire quoi ? Me battre ? Utiliser ce don que je ne connais pas ?
Grand-mère prend la parole.
— Ma chérie. Il est également nécessaire que tu saches que nous avons encore plusieurs mois devant nous, m'explique-t-elle en lançant un regard appuyé à Elros qui se renfrogne.
J'ignore ce qu'il pense mais j'imagine qu'il n'est pas tout à fait d'accord avec ce que grand-mère vient de dire.
— Se précipiter tête baissée au cœur du danger ne résoudra absolument rien, continue-t-elle. Ma chérie, tu vas intégrer l'académie des Fae, Efyrane. Le Corbeau n'est pas une menace imminenté malgré ce que le Signal nous laisse penser et tu y seras en sécurité. Le Signal est très fort ce qui signifie que nous ne disposons pas d'années mais de mois. Pour l'heure, il te faut t'entraîner en toute sécurité et comprendre les enjeux de cette nouvelle vie qui s'offre à toi, sans quoi tu ne seras d'aucune utilité, pour personne.
Une académie de Fae ? Finalement je suis bien dans Harry Potter et je vais intégrer Poudlard ! Je ne suis même plus surprise de découvrir qu'il existe une école dédiée aux Fae. Au contraire, cela me semble plutôt logique, pourquoi les Fae n'auraient-ils pas le droit à l'éducation ? En revanche, je ne vois pas ce que je pourrais y apprendre de plus que dans mon lycée...humain ? Je ne sais pas quels mots utiliser pour qualifier ma vie d'avant. Y-a-t-il des cours réservés au lancement de sortilèges magiques ? Quand j'entends Talia pouffer je comprends que j'ai parlé tout haut et je plaque ma main sur ma bouche, gênée des clichés qui en sortent.
— En quelques sorte oui, mis à part que ce ne sont pas des sortilèges mais ta propre magie. Tu apprendras à canaliser ton don pour l'apprivoiser et l'utiliser comme s'il faisait partie de toi, me répond Talia.
J'observe la fratrie et les interroge.
— Faîtes vous également partie de cette académie ?
— Je suis en huitième année, année que tu rejoindras à ton arrivée à Efyrane. Nous évoluons par groupes d'âges, tu vas avoir dix-huit ans dans un mois il me semble. Je les aient déjà, nous sommes donc en huitième année. Elros est en dixième et dernière année, m'expliquer Talia.
J'en déduis donc qu'Elros à vingt ans, ou qu'il va les avoir très prochainement.
— Enfin si tu ne te fais pas encore virer Talia, ricane son frère.
Celle-ci lui tire puérilement la langue ce qui a pour effet de tous nous faire éclater de rire, sauf Talia qui croise les bras pour montrer son mécontentement. Grand-mère secoue nonchalamment la tête, elle semble habituée aux chamailleries entre le frère et la sœur.
— J'ai encore quelques informations cruciales pour toi ma chérie, m'annonce-t-elle.
Cela n'en finira donc jamais ? J'ai déjà appris beaucoup trop de choses pour que mon esprit ne pète pas un plomb.
— Je t'écoute grand-mère, je souffle m'attendant à entendre que les dragons existent et que le voyage dans le temps, après tout, pourquoi pas tant qu'on y est.
— Quand tu es née, tes parents étaient le couple le plus heureux du monde. Avec ton petit sourire espiègle et tes grands yeux verts tu étais la plus jolie des pouponnes et tu charmait tous ceux qui avaient la joie de poser les yeux sur toi. Tous les habitants du Royaume se précipitaient pour te rencontrer et voir leur nouvelle princesse. Très tôt, tu as commencé à déclencher tes pouvoirs et c'est lorsque ta sœur est née que nous avons compris que tu étais la Rose de la prophétie. Le jour de sa naissance, une partie de l'histoire d'Esnia nous a été reconstituée et mes souvenirs à ce sujet se sont comme... débloqués. Nous avons dans un premier temps cru qu'il était question de ta sœur, comme cela apparaissait au moment de sa naissance à elle.
A la pensée de Chloé, je sens mon cœur se serrer.
— Mais lorsque tu t'es approchée du berceau de ta sœur, nous avons pu voir dans tes yeux les couleurs se modifier, se mélanger pour tourbillonner dans une tornade magique. C'était toi. Du haut de tes trois ans, tu étais encore innocente. Malheureusement, ce jour-là, la prophétie ne s'est pas seulement révélée à nous, concernés, mais à l'entièreté du monde magique, Esnia en entier était au courant. Ainsi, les mages noirs que l'on appellent les Obscurs, ont eu connaissance de votre existence cruciale, à ta sœur et toi. Le palais a été attaqué et ils tentèrent de vous tuer, sans savoir laquelle de vous deux était vouée à détruire leur maître. Pour votre sécurité, votre mère s'est enfuie dans le monde humain, avec vous, tandis que votre père protégeait la ville et ses habitants. Malheureusement, c'est au cours de cette bataille qu'il perdit tragiquement la vie. Isabelle décida de vous protéger coûte que coûte et, avec l'aide d'un puissant télépathe, elle effaça tous les souvenirs que tu gardais d'Esnia et elle bloqua tes pouvoirs ainsi que ceux de ta sœur, pour que vous puissiez vivre une vie normale, loin de toute magie.
Elle fait une petite pause pour me laisser le temps d'assimiler ces quelques informations. Pour le moment, tout va bien, je n'ai pas encore appris que les licornes existe.
— Isa et moi menons une double-vie, depuis ce jour. La journée à Esnia, à jouer les femmes en deuil de votre mort prétextée, et le reste du temps dans le monde humain, auprès de vous. Lorsque ta mère devait s'absenter plusieurs jours pour Esnia je vous accueillais chez moi. Mes responsabilités n'étaient pas aussi importantes que celles de ta mère, je pouvais me permettre de rester absente d'Esnia plus longtemps. Dans le monde humain, vos prénoms ont été modifiés. Vous avez étés nommées Ambre et Chloé mais en réalité, ma chérie tu t'appelles June et ta petite sœur Élyne. Tout fonctionnait à merveille jusqu'à ce jour funeste où un incendie s'est déclaré et propagé chez moi.
Grand-mère marque une pause dans son récit pour me laisser le temps d'assimiler toutes les informations qu'elle vient de débiter pendant cinq minutes. Je m'appelle June. Ok. Plus rien ne m'étonne de toute manière. Je comprends mieux l'hésitation de Talia à chaque fois qu'elle me parlait et pourquoi ce nom reviens toujours dans mes songes. En revanche, mes parents auraient pu choisir autre chose qu'un mois de l'année pour leur fille. Je me tourne vers Talia qui m'adresse un clin d'œil en retour. Elle savait que grand-mère me le révèlerait et n'a pas voulu m'assaillir de trop d'informations en même temps, ce pour quoi je le suis reconnaissante. Je ne suis pas sûre que je l'aurais crûe de toute manière. Je ne parle pas et laisse ma grand-mère enchaîner avec la suite de cette histoire abracadabrante, il semble que d'autres informations manquent.
— Ils vous avaient retrouvées. Les Obscurs ont découvert que vous étiez réfugiées dans le monde humain et ont encore une fois tenté de vous éliminer ainsi que moi par la même occasion. Quoi de mieux que de tuer non pas seulement les deux filles de la reine de Fira mais aussi sa mère pour affaiblir une souveraine déjà en deuil de la perte de son mari ? Fort heureusement, leur plan a échoué. Tu n'étais pas présente ce jour-là, tu étais au match d'Anna, les pompiers m'ont évacuée à temps et Élyne, enfin Chloé, nous avons pu la sortir de là avant qu'ils ne lui tombent dessus, termine Grand-mère.
Elle me fixe, guettant ma réaction. Je mets du temps à comprendre ce que cela signifie.
— Chlo...Chloé...je bégaye.
Non. Chloé serait vivante ?
— Oui, ma chérie, ta sœur est vivante. Seulement, à l'instant où nous l'avons extirpée des flammes, un puissant Obscur s'est emparé d'elle, tuant les protecteurs dont elle bénéficiait. Élyne a passé plus d'un an sous le joug des Obscurs, à subir nombre d'expériences absolument traumatisantes pour une enfant. Ta mère était dévastée mais ne pouvait rien te dévoiler au risque de te perdre à ton tour. Quand notre ennemi à découvert qu'Élyne n'était pas celle qu'ils recherchaient, ils l'ont tout simplement abandonnée dans les bois, pensant qu'elle mourrait. Mais ta sœur est coriace, malgré son jeune âge elle a survécu, et un professeur d'Efyrane l'a trouvée et recueillie puis ramenée au Palais où la vérité lui a été dévoilée. Aujourd'hui, elle vit parmi nous et est scolarisée à Efyrane où elle vient de faire sa rentrée en quatrième année.
Chloé est vivante, enfin Élyne, je ne sais pas quel nom je dois utiliser. Mais qu'importe, ma sœur que je croyais morte depuis plus de six ans est vivante.
Des larmes silencieuses coulent le long de mes joues, je n'arrive pas à y croire.
— Suis-je...autorisée à la voir ? je demande d'une petite voix mal assurée.
— Bien sûr, ma chérie. Seulement, tu dois comprendre qu'Élyne n'est plus la même depuis son enlèvement dont elle est ressortie profondément bouleversée. Ajouté à cela la décision de ta mère de ne rien te révéler malgré la plaidoirie de ta sœur. Elle a établi sa vie à Esnia et je ne peux pas prédire la réaction qu'elle aura en te revoyant.
Je n'ai que faire de ce que Grand-mère m'explique. Chloé, Élyne, est vivante et je vais la revoir. Mon cœur explose de joie et je me redresse vivement.
— Quand partons-nous ? je m'exclame d'une voix assurée.
— Doucement June, me rembarre aussitôt Talia, Rian vient de t'expliquer qu'Élyne ne voudra potentiellement plus te voir. Alors détends toi sérieusement. Nous partirons demain matin à l'aube, pour répondre à ta question. Nous avons quelques jours de trajet avant d'arriver à Efyrane.
Trop heureuse, je hoche frénétiquement la tête et je crois le regard d'azur d'Elros qui détourne aussitôt les yeux, comme pris sur le fait. M'observait-il ? Au contraire de sa sœur, le jeune homme à l'air plus calme et réservé. Talia semble être une vraie tête brûlée qui n'a absolument que faire des avertissements de son entourage, puisse-t-elle être en danger de mort.
Une certaine rivalité paraît ancrée dans cette relation familiale mais je sens également l'amour fraternel profond qui les unit. Ces deux-là ensemble doivent sûrement faire des étincelles et en ont sans doute fait voir de toutes les couleurs à leurs parents.
— Dorénavant, nous devrons être très prudents, les enfants. Les Obscurs savent que la Rose est de retour et que nous leur avons menti. Ils vont s'empresser de prévenir le Corbeau et même si lui, ne représente pas une menace pour le moment, les soldats à sa botte sont toujours aussi vicieux, nous informe grand-mère.
Nous hochons tous la tête.
— Elros, accepte-tu d'attribuer un garde à la protection rapprochée de June ? demande grand-mère.
Je dois prendre quelques secondes avant que je me souvenir que c'est de moi dont il est question. J'imagine que je vais devoir m'habituer à ce que l'on m'appelle June.
— Solal se chargera de cette mission, annonce Elros d'un ton neutre en me jetant un regard chaleureux et un clin d'œil qui me fait monter le rouge aux joues.
Je me ressaisis rapidement avant de comprendre.
— J'ai réellement besoin d'un protecteur ? m'exclamé-je. Il n'est tout de même pas nécessaire de déployer autant de moyen pour ma petite personne ! Je peux me protéger seule.
Personne ne me réponds et je me renfrogne. D'accord, je n'ai pas mon mot à dire, j'ai compris. J'espère au moins que ce Solal ne me suivra pas partout comme un petit toutou !
Je pense à maman et je demande à Grand-mère :
— Où est maman ? Je me souviens l'avoir vue après l'incendie, dans ma chambre, mais je me suis évanouie et faite enlever ensuite. Où est-elle ?
— Isabelle t'a suivie jusqu'à l'hôpital et, quand elle a appris ton enlèvement elle s'est précipitée à Fira où elle a missionné des dizaines de groupes de pour partir à ta recherche. Un homme, à qui le don permet de localiser les auras, a retrouvé ta trace. Quand ta mère a su que Talia t'avait mise en sécurité et que tu nous rejoignais, elle a repris pleinement ses fonctions de reine de Fira. Tu la verras une fois arrivée à Efyrane, ne t'en fais pas ma chérie.
Je la remercie d'un hochement de tête, patiente quelques secondes pour voir si je ne vais pas apprendre que je peux me transformer en grenouille. Visiblement non. Le temps des révélations est terminé. Enfin ! J'observe Elros et Talia.
— Je peux visiter ? demandé-je, un grand sourire aux lèvres.
— J'imagine que personne n'y voit d'inconvénient, décide Talia en haussant les épaules.
Tous deux se dirigent vers la sortie de la tente et je les suis activement, heureuse de pouvoir visiter ce nouvel endroit. Grand-mère me fait un clin d'œil et mon cœur se réchauffe.
Je savoure l'air frais qui m'entoure quand je sors, je souffle un bon coup pour évacuer le stress et j'observe attentivement l'endroit dans lequel je me trouve. Le campement dans lequel je me trouve est organisé à la perfection. Une dizaine de tentes colorées sont éparpillées dans la prairie, entourées par d'autres plus simples et plus ternes, grises. Au centre de ces petites habitations, de très longues tables en bois sont disposées de manière conviviale et j'imagine que les repas s'y déroulent dans la journée. Au fond, dans un coin, je vois Gaïa, Orion et une vingtaine de chevaux se nourrir sur un tas de foin posé devant eux.
Un coin réservé à la préparation des repas a été installé au niveau des tables et je peux y voir un jeune homme et une jeune femme s'affairer à couper toutes sortes de légumes. Mon estomac gronde à l'idée de manger et je savoure déjà l'odeur qui se dégage de cette sorte de cuisine improvisée.
Je suis surprise de voir débarquer huit enfants vers nous en courant. Ils s'arrêtent à environ trois mètre, en ligne, et semblent hésiter à faire un pas de plus. Leurs petits yeux m'observent avec un mélange d'admiration et de ce qu'il me semble être de la crainte. Ont-ils peur de nous ? Est-ce que je les effraient ? Ils ne fixent que moi, Talia et Elros n'ont même pas un peu d'attention.
— Elle ne mord pas, les enfants, soupire Talia en me désignant d'un geste de la main.
Une petite fille à la peau très foncée avec de magnifiques boucles brunes qui encadrent son joli visage lui répond :
— Mais elle va nous brûler, affirme-t-elle.
Aïe.
— Qu'est-ce que tu racontes ? June ne va brûler personne !
— Maman elle a dit de pas s'approcher de la fleur et qu'elle pouvait tous nous brûler sinon ! s'exclame un petit blond à sa droite.
— Les parents se méfient des personnes qui ne maîtrisent pas leur don, m'informe Elros d'une voix calme. Surtout les dons aussi dangereux que le tien, on voit rarement des Pyrokinésistes à Esnia, ou alors ils sont à la solde des royaumes.
Je hoche la tête et m'accroupis pour me mettre à la hauteur des enfants.
— Je ne vous brûlerai pas les enfants, jamais de la vie. Il est vrai que je ne maîtrise pas encore mon don, je vous l'avoue, mais je suis justement là pour apprendre.
Timidement, une petite fille aux cheveux roux et le visage parsemé de tâches de rousseurs s'approche et me tend une jolie fleur violette.
— Je l'ai cueillie pour ton arrivée mais maman a dit de pas t'approcher, me dit-elle en baissant les yeux.
— Merci beaucoup, je suis touchée par ta gentille attention. Comment t'appelles-tu ? Moi, c'est Amb...enfin, June.
— Je m'appelle Léane, me répond-t-elle en relevant la tête vers moi, les yeux éblouis par le soleil.
— Dis-moi Léane, est-ce que toi aussi tu as un don ?
— Oui, je peux faire pousser toutes les plantes du monde entier ! Tu veux que je te montre ? s'enthousiasme fièrement Léane qui ne semble plus du tout apeurée face à moi.
Je souris et hoche la tête. Elle pose ses mains au sol et ferme les yeux en soufflant. Devant moi, un petit amas de terre se fend en deux pour laisser pousser un petit bourgeon qui éclos aussitôt en une jolie rose blanche. Léane cueille la fleur et me l'offre avec un magnifique sourire que je lui rends.
— Une rose pour toi June !
— Une rose pour la Rose, souffle Elros dans mon oreille, ce qui a pour effet de déclencher des frissons dans mon dos.
Je remercie Léane et tous les enfants oublient vite leurs peurs pour me poser des tas de questions.
— Tu vas aller à Efyrane ?
— Moi je vais y aller quand j'aurais dix ans ! annonce un enfant.
— Moi aussi, s'exclame un autre.
— Et moi je serais fort comme Elros !
Celui-ci sourit face à cette bouille toute mignonne qui semble l'admirer.
— Moi aussi j'ai un don ! Tu veux voir June ? crie l'un des enfants.
— Tu viens d'où ?
— T'es une Fae toi aussi ?
— Pourquoi t'es là ? C'est toi celle qui va nous sauver du méchant oiseau ?
Je n'ai pas le temps de répondre à une seule question qu'un autre enfant m'interroge déjà et je ne sais plus où donner de la tête. Depuis la tente que nous venons de quitter, Grand-mère tape deux coups secs dans ses mains et tous les enfants se taisent instantanément.
— Les enfants ! crie-t-elle, Laissez June respirez. Venez par ici, je vais vous tisser une histoire.
— Au revoir June !
— Au revoir la Rose ! s'exclament-ils tous en chœur.
Tous les petits se précipitent en courant rejoindre mon aïeule et je suis surprise de l'autorité qu'elle détient, que ce soit sur les enfants ou sur Talia et Elros. Ils semblaient vouer un très grand respect à celle qu'ils nomment Rian. En y pensant, je ressens une petite pointe de jalousie. Pendant que je vivais une vie humaine, ma grand-mère discutait avec Elros et Talia, et Élyne... Je chasse rapidement ce sentiment négatif pour me concentrer sur le présent.
Je remarque que Léane est restée un peu en arrière et m'observe avec ses yeux assortis aux miens, verts. Je lui fais un clin d'œil et, toute heureuse, elle rejoint les autres enfants en m'adressant un petit signe de la main.
— Tu t'es mis les enfants dans la poche ! s'exclame Talia, j'imagine que tu n'auras pas la même facilité à convaincre les parents en revanche, grimace-t-elle.
— Je suis surpris de la réaction de la petite Léane, réfléchit Elros à voix haute. Je connais bien son père et il m'a toujours dit qu'elle était très timide et qu'elle n'osait pas venir vers les inconnus et encore moins ceux qu'on lui a déconseillé d'aller voir. Je suis étonné qu'elle se soit avancée vers toi de manière aussi spontanée.
— Il faut croire que je suis vraiment formidable alors ! je ris.
Elros hausse les épaules d'un air nonchalant, un trait de famille, et me fait visiter le reste du campement avec sa sœur. Ils me montrent la tente où je vais dormir cette nuit avant de m'y laisser en me donnant ordre de se retrouver à dix-neuf heures pour le dîner, sur les grandes tables. J'ignore comment je saurais l'heure qu'il est mais j'imagine que je vais devoir me débrouiller.
Je m'installe sur le petit lit de camp identique à celui de la tente d'Elros, à côté duquel se trouve une sorte de petite table de chevet et une bassine, pour les besoins urgents sans doute.
Sommaire comme habitation, mais pour une nuit, j'imagine que je n'ai pas réellement besoin de plus que cela. Cela suffira.
Je m'allonge et observe la toile de tente en me remémorant les événements complétement fous des dernières quarante-huit heures.
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