Chapitre 6
Gwenaël
Je ne sais pas pourquoi, mais Vilem n'a presque plus rien dit depuis qu'on a commencé à préparer le repas. Ça me perturbe parce que d'habitude, il cherche toujours à engager la conversation.
Quand il ne reste plus grand-chose à faire, je laisse le soin à Vilem de mettre le plat au four tandis que je mets le gâteau que je viens d'en sortir au frigo. Je ne sais pas comment faire pour moi-même engager la conversation, parce que cette sorte de tension pesante qui s'est abattue sur la cuisine me met mal à l'aise.
Alors, quant à me ridiculiser, autant être direct. Ce qui ne m'arrive pas souvent, voire même jamais.
- Pourquoi tu dis quasiment plus rien depuis tout à l'heure ?
Dos à moi, Vilem se fige et pose ses mains sur le plan de travail. Près du four. Je ne comprends pas pourquoi l'air semble plus lourd d'un coup, et la tension qui devient encore plus pesante n'arrange rien à mon état d'angoisse. Je finis par m'asseoir sur une chaise tellement le temps que prend Vilem pour répondre me paraît long.
- J'ai pas envie de te mentir, commence-t-il en se tournant lentement vers moi.
- Pourquoi tu parles de mensonges ? demandé-je, les sourcils froncés. Vilem, de quoi tu parles ?
- Je n'ai pas envie de te mentir, répète-t-il plus doucement. Mais je ne sais pas si je suis prêt à t'en parler.
- Ça a un rapport avec ce que je t'ai dis cette nuit ?
Pitié, faites qu'il ne veuille pas s'éloigner de moi parce que je porte un fardeau trop lourd que lui-même doit à présent porter à cause de moi. J'aurai mieux fait de fermer ma gueule et faire comme d'habitude ; ne rien dire.
- Pas totalement.
- Je comprends rien là.
Voyant sûrement l'air paniqué sur mon visage, Vilem esquisse un léger sourire pour tenter de me rassurer et vient s'asseoir à côté de moi, approchant sa chaise de la mienne.
- C'est vrai que ce que tu m'as dit hier soir m'a secoué, je sais pas encore vraiment quoi en penser, mais ce dont je suis certain c'est que je suis là pour toi si tu en as besoin, n'hésite jamais à m'appeler ou à me parler quand tu veux, ok ?
J'hoche la tête pour seule réponse, touché par ce qu'il me dit. Mais je n'ai pas le temps de penser à ce que je peux dire que Vilem reprend déjà.
- Je vais être honnête avec toi, le fait que tu t'es confié à moi et que tu m'aies laissé te réconforter me touche beaucoup et je voulais te remercier de pas m'avoir rejeté comme tu –
- Comme je le fais avec tout le monde, complété-je en baissant la tête. Je sais.
- Hey, c'est pas un reproche, lance Vilem et je relève la tête à temps pour le voir se pencher vers moi. Je comprends que tu n'aies voulu rien dire à personne, mais maintenant que moi, je suis au courant, tu me laisseras être là pour toi ?
- Je t'ai dis tout à l'heure que –
- Je sais ce que tu m'as dit Gwenaël, me coupe-t-il. Et je sais ce que j'ai dit également, je n'attends rien en retour, je veux juste pouvoir être là pour toi en cas de besoin.
- Tu te rends tout de même compte qu'on s'est plus parlé pendant ces derniers jours qu'on a dû le faire pendant des années ?
Sans m'en être rendu compte, je me suis considérablement détendu durant notre conversation et à l'entente du rire de Vilem, je ne réfléchis plus et profite de notre proximité pour me pencher à mon tour et le prendre dans mes bras.
C'est la première fois depuis Luis que j'initie un contact physique avec quelqu'un, et je ne suis pas déçu quand Vilem n'hésite pas à me serrer contre lui.
- Merci de pas me rejeter, souffle-t-il.
J'en ai des frissons tellement nous sommes proches mais je tente de garder la face et de répondre à peu près convenablement dans un léger souffle ;
- Merci d'être là.
Et je les sens. Je les sens, ces putains de frissons qui le parcourent et qui provoquent les miens. Alors je resserre mon étreinte, malgré l'obstacle que présentent les chaises sur lesquelles nous sommes assis.
Je ne me suis pas senti aussi bien depuis trop longtemps et le sentiment de bien-être qui m'envahit manque de me faire craquer, je me retiens de justesse et resserre inconsciemment mes bras autour de Vilem en enfouissant ma tête dans son cou. Son parfum m'enivre et... Et alors que je me rends compte de ce que je fais, je prends peur. Je l'imagine en train de se demander comment me repousser sans me blesser, je l'imagine également faire semblant de compatir avec moi juste par pitié et qu'il ne veuille pas vraiment de cette étreinte.
Mais c'est lui qui voulait me faire un câlin, cette nuit.
Peut-être était-ce juste pour me rassurer... ? Ou se dire qu'il avait fait une bonne chose en me réconfortant ?
Au fond de moi, je sais que ce n'est pas le cas, je sais que Vilem n'est pas ce genre de personnes. Mais ma tête tente de me convaincre du contraire, comme quoi il ne se soucie pas réellement de moi, et qu'il n'est là que pour sa bonne conscience.
- Gwenaël... Gwenaël, regarde-moi.
- Mmh ?
Je sens les mains de Vilem se mouvoir sur moi jusqu'à ce qu'il les accroche à ma taille pour me redresser, et j'ai du mal à quitter son cou, parce qu'être ainsi blotti contre lui m'a procuré une sensation des plus incroyables que j'ai envie de sentir encore un peu avant de devoir retomber dans la réalité.
Les mains de Vilem quittent ma taille pour s'ancrer sur mes joues et je ne comprends pas du tout ce qu'il se passe. La seule chose que mon cerveau enregistre est la peau de Vilem contre la mienne. Ses mains qui tiennent mon visage en coupe et ses yeux qui me regardent comme si j'étais la huitième merveille du monde.
Je me fais sûrement des films parce que je –
- Gwenaël, répète-t-il d'une voix douce, coupant ainsi court à mes pensées. Pourquoi tu pleures ?
- Je – quoi ? Je pleure pas ! protesté-je faiblement.
Je me racle la gorge, ayant du mal à parler et lorsque Vilem se met à caresser mes joues, je comprends qu'il essuie mes larmes et qu'il a raison : je pleure.
- Ça va aller, murmure-t-il. T'es plus tout seul, okay ?
- Mmh, okay.
Je ne suis ni convaincu, ni convaincant, et Vilem le comprend mais il n'insiste pas. Parce qu'il comprend aussi que je suis dépassé par ce que je ressens. Je ne sais pas si ça se voit sur mon visage ou dans mes yeux, mais en tout cas, lui le voit bien et n'insiste pas. Et pour ça, je lui en suis extrêmement reconnaissant.
- Merci...
- De rien. Maintenant, on devrait peut-être nous préparer pour le dîner, non ?
- Ouais, t'as raison.
- Allez.
Lorsque je fais mine de me lever, je suis arrêté par Vilem qui se penche sur ma tête et qui dépose un léger baiser sur mon front. Léger, mais assez long pour que j'ai le temps de fermer les yeux et de m'imprégner de cette nouvelle sensation.
- Je m'occupe du reste, si tu veux aller te changer ou prendre une douche en attendant, dit-il en se levant soudainement.
- Merci.
- Je crois que tu m'as assez remercié aujourd'hui Gwenaël, tu n'as pas à le faire.
- Okay.
Après avoir été aussi proche de Vilem, et blotti contre lui, je me sens un peu froid maintenant qu'il est aussi loin de moi.
Merde. Ça ne doit pas recommencer.
Je sais que Vilem est Luis sont ce qu'il y a de plus différents, mais je ne peux pas m'empêcher d'avoir peur, alors je me lève à mon tour et m'enfuis de la cuisine après avoir jeté un dernier coup d'œil à Vilem qui a commencé à sortir les couverts.
****
- Et ensuite ?
- Ensuite Anne est tombée comme une masse ! s'exclame mon père, expliquant aux Rosen et à ma mère comment ma sœur s'est ramassée en bossant dans les serres. Vous auriez dû voir ça.
- Je parie que t'as passé le reste de ton temps à râler, la taquine Théo avec ce sourire en coin qui ne le quitte plus.
- Mais oui ! Qu'est-ce que tu crois ! J'ai pas autant l'habitude de bosser aux serres, c'est Gwen qui fait ça la plupart du temps quand papa a besoin d'aide !
Je croyais naïvement échapper à la conversation et ainsi m'échapper de la cuisine dès que j'aurai terminé de manger, mais si ma sœur m'incruste sans mon autorisation, je suis bien obligé de relever la tête pour voir que tout le monde me regarde et ils attendent tous une réplique de ma part. Mais j'étais tellement perdu dans mes pensées que la seule chose que j'arrive à sortir est un "quoi ?" d'une voix étranglée.
Je me racle la gorge, gêné par toute l'attention qu'il y a sur moi, surtout quand ils s'arrêtent tous de manger pour me regarder encore plus fixement.
- Quoi ? répété-je malgré moi.
- Tu te sens bien mon chéri ? demande ma mère en se penchant sur la table.
- Je suis juste un peu fatigué, ça va.
Je croise le regard de Vilem qui me lance un regard désapprobateur. J'ai presque oublier qu'il sait à présent que je ne vais pas aussi bien que je ne le prétends alors que j'ai chialé dans ses bras il y a même pas deux heures de ça. Je baisse la tête sur mon assiette et avale quelques bouchées supplémentaires, tentant de repousser les souvenirs très récents d'il y a quelques heures quand j'ai cuisiné ça avec Vilem, mais avec lui en face de moi, c'est foutu.
C'est mon père qui reprend la parole pour me proposer de me reposer, mais je n'en ai pas envie, ce n'est pas ce dont j'ai besoin en ce moment.
- Tu peux prendre quelques jours pour –
- Non. Absolument pas. Je reprends dès demain matin.
- T'es sûr Gwen ?
- Certain.
Voyant ma mère sur le point d'enchaîner, ses yeux exprimant toute son inquiétude à mon propos, je me lève brusquement et recule de la table. Si je voulais qu'ils s'intéressent moins à moi, c'est raté.
- Je vais monter me reposer pour être en forme demain, bonne nuit à tous.
Un concert de "bonne nuit" me répond et je ne distingue que la voix de Vilem parmi toutes les autres. Car c'est sa voix à lui qui m'a réconforté, chuchoté des mots doux pour me calmer alors que je délirais.
Et comme si ce n'était pas assez, ce sont sa voix et ses mots qui tournent en boucle dans ma tête au moment où je me réfugie sous une couverture pour essayer de dormir ; ce qui est un échec total vu la vitesse à laquelle tourne mon cerveau. Donc, pour justement m'empêcher de me brûler les neurones, je prends mon téléphone pour traîner sur Internet le temps que je sois vraiment épuisé et que je m'endorme sans même m'en rendre compte.
Je me redresse légèrement en entendant des voix dans les escaliers. Je reconnais d'abord Anne, puis Vilem. On dirait qu'ils se disputent. Il n'y a pas de doute sur le fait que je veuille savoir pourquoi ils se prennent la tête mais je ne me lève pas pour autant, je me rallonge et appelle ma sœur qui répond dans la seconde.
- Quoi ?
- Allez vous engueuler ailleurs, j'essaye de dormir, grogné-je.
- Vilem voulait passer te voir avant de rentrer et je l'en empêche en lui disant la même chose, répond Anne en soupirant.
- Passe-le-moi.
- Quoi ? Mais Gwen –
- Passe-le-moi putain !
- Gwenaël ? J'voulais juste passer voir comment tu allais avant de rentrer... ça va ?
- Ça va, j'apprécie vraiment Vilem, mais tu sais qu'Anne ne te lâchera pas, on se parle plus tard ? Quand tu seras rentré ?
- Mais tu voulais pas dormir ?
- J'y arrive pas.
- Okay, je te fais signe dès que je rentre !
Je raccroche avant que ma sœur n'ait le temps de reprendre son téléphone et attends simplement un signe de Vilem qu'il soit rentré. Entretemps, Anne a bien tenté de me persuader de lui ouvrir la porte mais j'ai réussi à la faire partir. Je sais que je lui avais promis qu'on allait parler ce soir, mais je n'avais pas prévu que je serai dépassé par tout ce que je ressens en ce moment et je n'ai définitivement pas besoin d'une Anne curieuse qui creuse beaucoup trop loin pour tout savoir.
Une vibration me sort de mes pensées et j'ai du mal à déverrouiller mon téléphone pendant quelques secondes tellement je suis pressé de voir ce que contient le message.
Vilem
[ Hey ! Je suis rentré y a quelques minutes mais j'ai été retenu par ma mère. T'es sûr que ça va ? Quand on s'est parlé au téléphone, t'avais l'air sur les nerfs et tout à l'heure, quand t'es allé prendre une douche, t'allais pas vraiment l'air dans ton assiette. ]
Moi
[ Anne a essayé d'entrer dans ma chambre quand t'es parti... ]
[ Toi aussi t'avais pas l'air top pendant le dîner, quelque chose ne va pas ? ]
Je suis clairement en train d'essayer de changer de sujet, pour ne pas parler de moi, mais je suis certain que Vilem verra clair dans mon jeu et ne laissera pas tomber. Ou du moins, pas de sitôt.
Vilem
[ Tu m'avais dit que vous alliez parler ce soir... Nah, ça va. Je vois bien que tu changes de sujet. ]
Moi
[ Grillé ! ]
Vilem
[ Je peux t'appeler ? C'est plus facile pour parler ainsi et j'ai envie d'entendre ta voix. ]
Sa réponse instantanée me retourne le ventre de la plus agréable des manières. J'ai envie d'entendre ta voix. Bordel, peut-on être plus mignon que ça ?
Tout en me repassant en tête les millions de raisons qui m'effraient quant à ce que je ressens, j'appelle Vilem, instinctivement. Je n'y ai même pas réfléchi et je n'ai pas pris la peine de répondre à son SMS.
- Hey ! J'ai cru que tu t'étais endormi !
Vilem essaye de paraître enjoué mais je perçois bien le tremblement de sa voix. Il avait peur que je ne l'ignore après son dernier message. D'une certaine façon, ça me rassure de ne pas être le seul à avoir peur de ce qui est en train de se passer entre nous.
- Non, ton dernier message m'a juste surpris.
- Surpris... genre... ?
- Genre j'ai le cœur qui bat à cent à l'heure là...
- Je – Gwenaël –
- Pourquoi tu m'appelles toujours "Gwenaël" ?
- Vilem ! Tu parles à qui ? C'est encore ce mystérieux Naël dont tu veux rien me dire ?
Je reconnais la voix de Félice mais je sens mon cœur se serrer en entendant ce qu'elle a dit. Naël.
- Tu veux que je te laisse ? dis-je dans un soupir.
- Non non, attends... Mama, oui c'est Naël, et non je te dirai rien de plus ce soir. On en a déjà parlé. Arrête d'insister, s'il-te-plaît.
Je n'entends pas distinctement la réponse de Félice alors j'en conclus qu'elle s'est éloignée, et quand un claquement de porte me parvient, je comprends que Vilem est à nouveau seul.
- Naël ?
- C'est... une longue histoire, soupire Vilem.
- Réponds à ma question précédente et tu pourras toujours me raconter cette longue histoire après. Pourquoi tu m'appelles pas "Gwen" comme tout le monde ?
- Je t'appelle toujours Gwenaël parce que justement, je veux pas être comme tout le monde. Et "Naël", c'est toi. C'est comme ça que t'es enregistré sur mon téléphone et ma mère l'a vu quand tu m'as envoyé un message l'autre jour, depuis elle me lâche plus pour savoir qui c'est.
- Je t'avoue que c'est beaucoup à savoir d'un coup...
Et depuis quand j'ai commencé à dire tout ce qui me passait par la tête ? Et le cœur ?
- Je sais, si ça te dérange je peux le changer en ton prénom.
- Non non, c'est okay ! Je suis juste – personne ne m'a jamais appelé autrement que Gwenaël ou Gwen.
- J'ai continué à t'appeler Gwenaël parce que je sais que la définition de ton prénom est importante pour toi, en plus, ça te va parfaitement ! Et ça colle avec ton nom de famille.
- C'est vrai que ça tourne autour de la religion tout ça. Ça veut dire quoi, "Vilem" ?
- Alors là, je sais pas vraiment, je devrais regarder ça.
La conversation dévie naturellement sur les définitions de nos noms et prénoms que Vilem s'amuse à rechercher en même temps qu'on parle, et apparemment, il les note également pour je-ne-sais-quoi.
Au moins, j'ai appris que son prénom à lui voulait dire "protecteur". Et ça colle tellement avec la situation actuelle parce que pour moi, Vilem me protège de ce que je peux dire ou penser de moi, peut-être même qu'il me protège de choses dont je n'ai pas conscience, et j'avoue que c'est rassurant de savoir que je peux compter sur lui à tout moment. Je n'ai jamais pu autant compter sur quelqu'un.
Et pour moi, c'est mon protecteur. Cette définition lui va bien.
✨✨✨
Coucou mes petits gens 🌹 j'espère que vous allez au mieux ! ❤️🩹❤️🩹
Je vous poste ce chapitre aujourd'hui car je ne pense pas avoir le temps ce weekend, en effet, je rentre en France le dimanche donc j'essaye de profiter un peu de ma famille malgré quelques désagréments 🤭
Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? Les conversations entre Gwen et Vilem ? Anne ? Le tout ?
Dites-moi tout en commentaire et je vous dis à bientôt 💕💕
Peace Out 💜
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