Chapitre 12
Gwenaël
- Je ne sais pas pourquoi j'ai décidé de venir aujourd'hui, mais ça fait maintenant plus d'une semaine que tu es dans le coma, et j'ai l'espoir que si je continue de te parler, tu finiras par m'entendre et te réveiller.
Je me tais un instant pour empêcher les larmes de couler une énième fois et inspire profondément, puis je tente de sourire au visage toujours aussi inconscient de Luis. Il a repris des couleurs depuis son accident, son état est un peu plus stable, mais pas assez pour qu'il se réveille.
Après l'opération, il s'est réveillé pendant un court moment, mais son corps n'a pas supporté l'état dans lequel il était et il a sombré dans le coma depuis. Ça a été une nouvelle de plus qui nous a plombé le moral à tous, et j'essaye de venir dès que j'ai du temps libre. Je m'assois sur la chaise à côté de son lit, et je lui parle pendant au moins trente minutes de tout et n'importe quoi. J'ai vu ça dans des films et des séries, et il y a même certains médecins qui disent que le cerveau est éveillé malgré l'état du corps, donc il y a tout de même une infime chance que Luis m'entende.
Je vérifie l'heure sur mon téléphone et me lève, je reste debout quelques secondes, reprenant mes esprits peu à peu avant de quitter la chambre de Luis ; non sans un regard en arrière. Anne me dit que je ne dois pas avoir trop d'espoir, car si le pire arrive, je serai doublement anéanti. Elle n'a pas tort, et je le sais, mais je ne peux pas m'empêcher d'espérer.
Dans le hall d'entrée de l'hôpital, les infirmières qui passent par là me font un signe de tête et me sourient. La plupart me connaissent depuis longtemps, depuis mon accident il y a plus de dix ans. Ce ne sont pas forcément de bons souvenirs, mais les gens qui s'étaient occupés de moi étaient sympas.
Heureusement, je me sens automatiquement mieux en voyant Vilem m'attendre dans le parking – je pensais qu'il attendrait dans la salle d'attente ? – et il m'attire directement dans un câlin quand j'arrive devant lui.
- Merci de m'avoir attendu, dis-je en me détachant de lui.
- Je t'avais dis que je serai là tant que tu me repousses pas, réplique-t-il en se penchant pour déposer un léger sur mes lèvres. Tu rougis encore, pouffe-t-il en passant ses doigts sur ma joue.
- Ah ! J'avais pas senti, maugrée-je en frappant sa main pour qu'il arrête de sourire comme ça, fier de son coup. On rentre ? Je dois passer par le centre avant de partir chez-moi.
- Je sais, Naël, c'est moi qui te passe les papiers dont vous avez besoin pour la compétition de la semaine prochaine.
Dans un autre contexte, je me serais sûrement senti embarrassé, mais je suis avec Vilem, et même si je suis gêné par ma bourde, ça ne va pas plus loin que ça.
- Oui oui, bon.
- Tu es sûr de vouloir conduire ? demande Vilem.
- Euh... ouais, tu veux nous reconduire pour le retour ?
J'ai emprunté la voiture d'Anne et c'est Vilem qui nous a conduit jusqu'à l'hôpital parce que je m'endormais presque en finissant le boulot et il a catégoriquement refusé de me laisser prendre le volant.
- Je suis pas trop fatigué, et je m'endors pas debout, moi.
- Bref. Tiens.
Je lui rends les clés et prends place sur le siège passager tandis que Vilem fait le tour pour s'installer au volant. Je boude pour la forme pendant les premières minutes du trajet jusqu'à je sente une main serrer légèrement mon genou.
- Tu pensais vraiment que j'allais te laisser conduire comme ça ?
- Je sais, mais je voulais conduire quand même, protesté-je faiblement.
- Tu es pas doué en voiture même quand t'es pas fatigué Naël, dit-il en souriant.
- Si tu le dis, et ça veut rien dire.
- Mmh. Ouais.
J'entrelace mes doigts à ceux de mon petit-ami et pose ma main libre sur le dos de la sienne, avide de contact dès qu'il est près de moi ; et même quand il ne l'est pas. J'ai juste tout le temps envie de le prendre dans mes bras, d'avoir sa main dans la mienne, de l'embrasser, d'être proche de lui, tout simplement.
- Essaye de te reposer le temps du trajet.
- Oui oui, je vais faire ça.
Je ferme les yeux et je ne pense qu'à la sensation que me procure la main de Vilem dans les miennes. J'ignore les vibrations de mon téléphone et ne me concentre que sur la présence de mon Ange auprès de moi. Je ne veux pas que ce trajet arrive à sa fin, car après, je devrais me replonger dans la réalité et travailler ; et cela veut dire voir Evan.
J'ai évité Evan du mieux que j'ai pu cette dernière semaine, même s'il continue de me parler par SMS et sur les réseaux, pour demander des nouvelles de Luis la plupart du temps. Et il s'excuse toujours pour son comportement inapproprié avec moi la semaine dernière.
- Hey, détends-toi.
J'ouvre les yeux et fronce les sourcils, ne comprenant pas pourquoi Vilem me demande de me détendre. Je suis parfaitement détendu.
Ou pas.
Je suis en train de serrer sa main trop fort et il n'a pas moyen de la retirer parce qu'il conduit. J'ai merdé.
- Désolé, je suis désolé !
- C'est pas grave, calme-toi.
Je desserre mes doigts pour libérer un peu la main de Vilem mais il maintient nos doigts entrelacés et serre ma main brièvement.
- Tu pensais à quoi ?
- A... des trucs, réponds-je évasivement. Je me suis perdu dans mes pensées. Le boulot, la maison, toi...
- Moi ?
- Oui, toi Vilem, affirmé-je. Tu fais tout le temps partie de mes pensées parce que je pense tout le temps à toi.
- Ne me dis pas des choses comme ça quand je peux pas t'embrasser.
Le grommellement de Vilem me fait rire parce que je me dis exactement la même chose quand il m'envoie des SMS mignons alors qu'on ne peut pas se voir, je suis juste en train de me venger car je sais qu'il ne prendra jamais aucun risque tant qu'il conduit.
- Maintenant tu sais comment je me sens quand tu me taquines avec tes messages, répliqué-je en haussant les épaules.
- Vrai.
La réponse de Vilem aurait pu paraître insensible ou froide si je n'étais pas en train d'admirer son sourire éblouissant. Il ne me regarde pas, ses yeux concentrés sur la route, mais je sais qu'on ressent actuellement la même chose ; une bouffée d'affection pour l'autre qui nous empêche parfois de parler tant nos émotions sont fortes.
****
J'ai complètement oublié que mon père m'avait dit qu'il parlerait aux employés de l'écurie, c'est pour ça que quand je m'approche de cette dernière, je me fige en entendant des paroles indistinctes et rien d'autre. Un silence quasi total.
- Pourquoi tu entres pas ?
Je me tourne vers Evan qui ne revient de je-ne-sais-où et hausse les épaules, mais en voyant qu'il s'apprête à aller vers l'écurie je le stoppe en attrapant son bras et en le tirant loin de là. Il n'a pas besoin d'entendre ce que mon père a à dire, je me sens déjà assez embarrassé comme ça, pas besoin d'en rajouter une couche en laissant Evan entendre tout ça.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demande-t-il, confus. C'est à propos de Luis ?
J'oublie constamment qu'ils sont plus proches que je ne le pensais alors je mets un moment avant de répondre ;
- Non, je n'ai aucune nouvelle de ce côté, dis-je tristement. C'est à propos de l'écurie, n'entre pas avant que mon père n'ait fini son speech, tu n'as pas à entendre ce qu'il a à dire.
- Pourquoi pas ? Tout le monde est là ?
- Ouais, je suppose.
- Alors pourquoi pas moi ?
- Parce que toi, tu t'es déjà excusé pour ton comportement un peu merdique, pas besoin d'un serment.
- Oh... ça.
- Ouais, ça.
On est tous les deux gênés, parce qu'il sait qu'il n'avait pas à me juger si vite, et moi parce que je me sens toujours aussi mal d'avoir levé ma voix sur lui. Je n'avais pas à faire ça, malgré les circonstances.
- Gwen ! Evan ! Pourquoi vous étiez pas à l'intérieur ? ET DEPUIS QUAND TU... depuis quand tu fumes toi ?
Merde ! J'ai complètement oublié la cigarette que je tenais dans ma main. Et je ne peux même pas nier en disant que c'est pour quelqu'un d'autre parce que justement, y a encore de la fumée.
- On discutait, répond Evan rapidement en évitant de regarder ma sœur dans les yeux. Je dois retourner bosser avant l'arrivée des Rosen, à plus !
Et c'est comme ça que je mourus sous les coups furieux de ma grande sœur.
Non je déconne. Mais métaphoriquement parlant, c'est le cas. Et si Anne ne m'aimait pas autant, elle serait certainement capable de me frapper de toutes ses forces ; vu la fureur qui se dégage de ses yeux.
- Suis-moi !
Anne essaye de me tirer le bras pour m'entraîner avec elle mais je me dégage vite de sa poigne et elle fronce les sourcils en me voyant apporter la clope jusqu'à mes lèvres.
- Tu te fous de ma gueule ?
- Non, Anne, je me fous pas de ta gueule, c'est pas la première fois que je fume et tu n'as pas vraiment ton mot à dire là-dessus.
- C'est pas la première fois ?
- Pourquoi t'es autant surprise ?
Je me sens pathétique, à parler comme ça à ma sœur, mais elle tombe au mauvais moment. Et puis, pourquoi elle se permet de me juger comme ça alors qu'elle a sûrement fumé plus de merdes que moi de toute ma vie ?
- Je savais pas que tu fumais, marmonne Anne d'une voix un peu plus posée.
- C'est parce que j'ai rien dit, répliqué-je en prenant une taffe alors que ma sœur a toujours l'air furieuse. N'en fais pas tout un plat, je t'en prie.
T'es con de lui parler comme ça alors qu'elle t'a rien fait.
Je fais taire la voix de mon cerveau et hausse les épaules dans le vide. Anne secoue la tête et me dépasse sans un mot de plus. Super, moi qui voulait régler les choses à la maison, je me retrouve à me prendre la tête avec ma sœur à cause d'une putain de clope.
J'écrase cette dernière sans l'avoir terminée et gagne l'écurie à mon tour, où tout le monde a repris son boulot. Ma mère s'approche de moi et je fais en sorte de garder une certaine distance pour qu'elle ne sente pas la cigarette qui émane de moi.
- Tu as raté le discours d'Emeric.
- Je discutais avec Evan, désolé.
- Tu te sens bien ? Tu es tout pâle.
Ma mère est beaucoup trop observatrice. Bien sûr que je suis pâle quand je ne mange pas assez et que je dors à peine. Mais elle n'a pas besoin de se voir confirmer ses doutes, elle a déjà assez de trucs sur lesquels stresser.
- Juste le manque de sommeil et un peu de fatigue, rien d'inhabituel, la rassuré-je en souriant.
- Bien, tu restes ? Vilem arrive bientôt avec Félice et deux ou trois autres collègues.
Le sourire de ma mère veut tout dire. Vilem et moi n'avons pas explicitement dit à nos familles que nous sortons ensemble, mais on ne se cache pas non plus, on évite juste "trop d'effusions" comme disent les triplés. Et puis, je suis beaucoup trop timide pour l'embrasser à ma guise devant qui que ce soit.
- Oui, mais je reste pas longtemps, je dois retourner aux serres. Je passe juste voir Lali.
- Oh. Bien.
Ma mère à l'air un peu déçue que je reparte déjà, alors je l'embrasse sur le front et lui promets de revenir la voir dès que j'ai une pause, au lieu de rester sans rien faire dehors. Elle a l'air satisfaite de ma réponse alors je passe vite fait voir Lali et ressors pour aller aux serres, là où la vraie galère m'attend.
****
Il ne s'est pas passé plus de quatre heures depuis que je suis aux serres que mon téléphone vibre déjà sans s'arrêter. Je le prends en fronçant les sourcils et roule des yeux en voyant ce qui m'a dérangé. Ou plutôt, qui m'a dérangé.
Evan et Anne.
Ils m'ont envoyé une avalanche de SMS chacun pour me dire que j'avais raté Vilem de peu et que c'était dommage parce qu'apparemment, il était « super beau gosse » d'après Anne et « charmant et mystérieux » d'après Evan.
Franchement, je ne sais pas si je dois rire ou pleurer de leurs comportements idiots. Je sais que mon petit-ami est beau, et charmant, et tout ce qu'ils veulent. Et oui, j'aurai aimé le voir à l'écurie mais j'ai aussi mon boulot à faire, je n'ai pas le temps de guetter chaque apparition de Vilem dans les parages.
Une nouvelle vibration attire mon attention et... J'ai pensé trop vite. Je peux en effet passer mon temps à guetter la moindre apparition de Vilem dans les parages ; ou dans ce cas, un signe de sa part.
Mon Ange
[ Apparemment, on s'est raté de peu à l'écurie ! ]
Moi
[ Oui ! Je viens de recevoir une avalanche d'SMS d'Anne & Evan. ]
Mon Ange
[ Tu serais libre demain soir ? ]
Je souris instinctivement en lisant son message et, à la place d'écrire ma réponse, je l'appelle tout en m'éloignant de l'activité ambiante pour avoir un peu d'intimité. Je suis presque certain que je rougis, mais je peux blâmer l'effort que j'ai fourni ces dernières heures.
- Pas que j'aime pas te parler, mais on est pas censé bosser ? lance la voix de Vilem à travers le téléphone.
- Si si, mais je voulais entendre ta voix, faute de pas te voir, expliqué-je en haussant les épaules, oubliant qu'il ne me voit pas.
- Tu as raison. Je voulais t'entendre aussi, mais j'ai pas osé te déranger. Sinon, demain soir ?
- Je serai libre ! Pourquoi ?
- Je veux t'emmener dîner en ville, ça serait ok ?
- C'aurait pas été mieux si c'était une surprise ? lancé-je en pouffant, mais soulagé qu'il me l'ait dit.
- T'aimes pas les surprises, Naël. Ce serait ok ou je dois changer de plan ?
- Je sais pas si je serai à l'aise dans un endroit trop bruyant, mais ok pour le dîner en ville.
- D'accord ! Je te redis tout à l'heure, je dois raccrocher. Appelle-moi quand tu seras rentré.
- Sans faute ! A toute !
J'entends Vilem parler à quelqu'un d'autre et il raccroche en premier, je range mon téléphone après avoir vérifié que je n'ai pas d'autres messages pertinents, parce que si je fais attention aux bêtises que je reçois tous les jours de la part des triplés, je n'en finirai pas. Je ne sais même pas pourquoi ils s'acharnent à m'envoyer des vidéos aléatoires.
- Gwen ?
Je me retourne en remettant mon téléphone à sa place et sourit en voyant mon père ; je l'ai peut-être ignoré tout à l'heure quand il est sorti de l'écurie mais je suis content de le voir aussi serein.
- Oui, Papa ?
- Tu as quelque chose de prévu demain après le boulot ? demande-t-il en s'essuyant les mains avec un vieux torchon qu'il se traîne partout. J'aimerais qu'on parle un peu, toi et moi.
Je me mords l'intérieur de la joue en détournant le regard. Je ne sais pas comment dire à mon père que j'ai un rendez-vous avec mon petit-ami – qu'il ne sait pas que j'ai, d'ailleurs – et que j'aimerai ne pas reporter ceci.
- Ou tu as quelque chose de prévu avec Vilem ? C'est avec lui que t'étais au téléphone, non ?
- Euh... Non ?
- C'est pas grave si tu veux pas m'en parler, rigole mon père. Saches juste que quoi que tu décides, je te soutiendrai.
- Merci, soufflé-je, soulagé.
Pendant un instant, j'ai cru que je serai obligé de parler de ma relation avec Vilem sans m'être préparé. Je ne suis pas encore assez à l'aise pour affirmer à haute voix que je suis en couple avec lui. Ce n'est pas de la honte, loin de là, je suis fier d'avoir quelqu'un comme Vilem à mes côtés, c'est juste que je ne me sens pas prêt, et je n'ai pas envie de me forcer.
- De rien, fiston.
Mon père serre légèrement mon épaule en passant à côté et je me retrouve planté à sourire comme un con dans le vide. Je suis content que mon père n'ait pas insisté, même s'il a sûrement deviné l'évolution qu'a prise ma relation avec Vilem. Tout le monde l'a deviné vu qu'on ne s'en cache pas.
J'ai hâte d'être à la maison et de l'appeler d'ailleurs. Mais d'abord, je dois passer par l'écurie et voir ma mère. Et Lali ; pas Anne. Je me sens toujours coupable de lui avoir mal parlé, mais en même temps, j'en ai marre qu'elle surveille tous mes faits et gestes dès que je ne suis plus le "petit frère timide et réservé" que j'ai pris l'habitude d'être.
Alors oui, je fume. Très rarement, mais elle n'a pas à me crier dessus quand je le fais. Surtout pas devant quelqu'un.
✨✨✨
hello mes petits gens 💕 j'espère que vous allez au mieux 🫂🫂
je vous partage aujourd'hui ce chapitre qui montre encore une fois différentes facettes de nos personnages, dites-moi ce que vous en pensez en commentaire 🙏🙏
je continue à avancer sur l'écriture et le semi-planning de Rosadie, ça se profile bien ❤️🩹
et j'ai également lancé une chaîne youtube en parallèle 💕
Peace Out 💜
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