Chapitre 7 - Contre la montre
Je n'ai aucune idée de la façon dont je vais réussir à réaliser une pièce de A à Z en moins de 24 heures. Je sais juste que je n'ai pas d'autre choix que d'y arriver et que je vais probablement devoir faire une nuit blanche.
Après avoir quitté la salle 424, je passe le reste de ma journée de cours à griffonner des croquis et à maudire Luccini. Je ne compte plus le nombre de pages blanches que je noircis en vain, changeant sans cesse de trajectoire. Aucune de mes idées ne me semble assez bonne pour les poursuivre jusqu'au bout.
Ce premier exercice est crucial, j'en ai pleinement conscience. Et il l'est d'autant plus pour moi. C'est une occasion en or de prouver ma valeur et de démontrer que je mérite ma place dans ce cours.
C'est pour cette raison que je suis si exigeante avec moi-même et que je refuse de me contenter d'un croquis potable. Je dois créer une pièce dont je pourrai être particulièrement fière. Une pièce qui dépasse les attentes, qui reflète non seulement mon talent, mais aussi ma détermination.
Je dois produire ma meilleure pièce.
Mais le temps commence à manquer. En fait, il était déjà insuffisant avant même que Luccini annonce l'exercice. Mais plus les minutes passent, plus la situation devient critique. Je ne sais même pas s'il est humainement possible que je parvienne à réussir. Ce n'est pas pour rien que cet exercice est normalement fait pour être réalisé en binôme...
Quand les cours s'achèvent, je décide de passer en coup de vent chez moi.Je dois récupérer mes croquis et quelques coupons de tissu pour tenter de raviver mon inspiration. Du moins, c'est ce que j'espère, car à l'heure actuelle mon réservoir d'idées est complètement à sec. Je n'ai pas l'habitude d'être mise sous pression de la sorte, et même si ça me tue de l'admettre, Luccini a raison de nous faire travailler sur cette facette du métier.
Je déboule dans l'appartement comme si j'étais coursée par une meute de chiens enragés, me dirigeant toute de suite dans ma chambre pour récupérer ce qu'il me faut. Je passe tellement vite que je remarque à peine Lily, assise par terre, penchée sur la table basse où elle coud.
- Tiens le retour de Tornado ! crie-t-elle pour que je l'entende. Tout va bien, l'Américaine ?
Je reviens déjà de ma chambre, les bras chargés de mes tissus et de mon classeur à croquis.
- Pas vraiment, réponds-je, essoufflée à force de courir partout depuis ce matin. Luccini s'est cru dans Mission Impossible : il nous a demandé de créer une pièce complète en binôme d'ici demain.
- En binôme ? Qui est le tien ?
Je m'éclaircis la gorge et adopte une voix grave pour imiter Luccini avant de dire :
- Votre mission, si vous l'acceptez, Mademoiselle Hayes, sera de réaliser ce travail seule.
Les yeux de Lily, sublimés d'un trait d'eye-liner bleu électrique, s'écarquillent de surprise.
- Tu es seule ?
J'opine et ajoute en soupirant :
- Ouep, et la seule à l'être.
- Ah oui, Luccini t'a vraiment prise pour Tom Cruise ! s'écrit ma coloc'. Mais la question c'est... pourquoi ?
Je lève les yeux au ciel avec un air faussement innocent.
- Disons qu'il n'a pas trop apprécié que je ne sois pas totalement absorbée par son cours. Il m'a surprise en train de lire un e-mail et... la sanction est tombée. Maintenant, je n'ai plus qu'à assumer, dis-je en haussant les épaules.
Ma coloc' essaye de réprimer un sourire mais les petits plis qui se forment au coin de ses yeux la trahissent.
- Tu as besoin d'un coup de main, peut-être ?
- Non, merci, je vais m'en sortir.
- Ça, je n'en doutais pas une seconde ! Surtout depuis que je sais que tu te transformes en vraie tigresse dès qu'on te sous-estime.
- Exactement.
Lily mime un félin qui griffe et murmure un "grrrr" avant de me lancer un regard complice.
- Bon, j'aurais bien continué à papoter, mais il faut que je file, dis-je en souriant. Je vais à la bibliothèque pour être plus productive. Ne m'attends pas pour dîner.
- Ça roule. Défonce tout, ma Tigresse. Et n'hésite pas à m'appeler si t'as besoin.
- Tu es un ange. À plus tard.
Je claque la porte et repars en direction de l'IELC. Je ressens le besoin de m'immerger complètement dans un environnement qui stimule ma créativité. J'espère que me retrouver entre les murs de l'école, où tant de grands noms ont fait leurs premiers pas, m'aidera à trouver l'inspiration nécessaire...
La nuit commence déjà à tomber, et les lumières des rues de Paris dessinent des ombres dansantes sur les trottoirs. Depuis le cours de ce matin, les heures sont passées bien trop vite. Il va falloir que je sois efficace. Très efficace.
Alors, je me fais une promesse silencieuse : je ne quitterai pas cette l'IELC avant d'avoir un croquis solide pour ma pièce.
À cette heure tardive, l'école est presque déserte, mais cela ne me décourage pas. Au contraire, je me dis qu'au moins, je n'aurai pas de mal à trouver une place tranquille pour travailler.
Et je ne crois pas si bien dire. La documentaliste est visiblement surprise de me voir arriver à une heure si tardive, elle me jette un regard interrogatif. Il faut dire que les étudiants qui se retrouvent à devoir passer une nuit blanche pour réaliser un projet à peine trois jours après la rentrée, cela ne doit pas être très fréquent.
Mais je ne m'attarde pas plus et je pénètre dans la bibliothèque de l'IELC. En franchissant les portes, je suis scotchée. J'avais souvent entendu parler de la beauté de cet endroit, mais je n'imaginais pas à ce point.
Les grandes fenêtres, bordées de rideaux en velours gris clair, laissent passer les derniers rayons du jour qui se diffusent sur les étagères en bois sombre. Celles-ci regorgent de trésors : des albums photo de défilés de grandes marques, des livres rares sur l'histoire de la haute couture, et des magazines de design sont soigneusement alignés. Le parquet brille sous les lampadaires en laiton, les tables de travail sont vastes pour permettre aux étudiants de permettre de créer sans encombre, et les chaises, en cuir noir avec des accoudoirs en bois poli, sont parfaites pour les longues heures de travail.
Je ne perds pas plus de temps pour me mettre au travail, m'installant à un des bureaux près d'une des fenêtres qui donnent sur le cloître. Je sors mes affaires en vitesse et commence à feuilleter mes croquis, dans l'espoir d'en trouver un qui m'aidera à trouver une nouvelle idée.
Les minutes passent, et même si plusieurs de mes dessins ont du potentiel, aucun ne sort suffisamment du lot pour me satisfaire. Je finis par capituler et abandonner mon classeur. Je porte mon attention sur mes tissus, essayant de voir comment je peux les assembler. Je les passe entre mes doigts, mais aucune idée ne me vient spontanément.
Le temps défile et je sens la panique monter. Je ne peux pas arriver demain sans rien présenter. C'est impossible. Ce serait un aveu de faiblesse bien trop grand.
Je ferme les yeux un instant, imaginant le sourire satisfait de Luccini s'il apprenait que je n'ai rien produit. Il aurait eu raison de me sous-estimer, et cela, je ne peux pas l'accepter. Pas maintenant. Pas après tous les efforts que j'ai fournis.
Frustrée, je me lève brusquement, repoussant mes tissus sur le bord de la table, manquant de les faire tomber sur le sol.
Il faut que je change de stratégie, que je trouve une nouvelle source d'inspiration. Je me dirige vers la fenêtre, espérant que l'air frais m'aidera à apaiser les doutes qui me coupent de mes idées habituellement si florissantes. Mais à la place, tout ce que je vois, c'est mon reflet, les traits tendus par l'anxiété.
Je ne peux pas échouer. Pas maintenant. Pas devant Luccini. Si je me présente demain sans un concept fort, c'est lui qui gagnera.
Et ça, c'est hors de question.
D'un coup, je me retourne vers ma table de travail et range mes affaires en quelques secondes chrono. Je fourre tout pêle-mêle dans mon sac, froissant mes tissus et mes brouillons. Mais je m'en fiche car je sais où je dois aller pour faire venir l'inspiration. Au fond de moi, je le sais depuis le début, mais je n'osais pas me l'avouer car je n'ai pas le droit de m'y trouver à cette heure-là.
Je quitte la bibliothèque à toute vitesse, les semelles de mes bottes raisonnant sur le parquet. J'ignore les avertissements de la bibliothécaire qui me crie que je ne suis pas autorisée à courir ici et me précipite vers la sortie sans un regard en arrière.
Je me faufile dans les couloirs comme une ombre pressée, jusqu'au bâtiment A. Là, je monte les marches quatre à quatre, le souffle court, mon esprit en ébullition. Mon cœur bat vite car j'ai le préssentiment que là-bas, mes idées fragmentées finiront enfin par prendre sens.
Je cours au bout du couloir et m'arrête devant la porte numérotée 424. Avant d'entrer, je vérifie s'il y a quelqu'un à l'intérieur en guettant un filet de lumière sous la porte. Rien. La voie est libre. Je prends une grande inspiration et tourne la poignée.
C'est ouvert, comme ce matin. Je ne sais pas pourquoi ce n'est pas verrouillé mais peu importe, ça joue en ma faveur.
J'entre dans la salle 424, qui est plongée dans l'obscurité, et prends soin de refermer la porte sans un bruit, avant d'allumer les lumières. Je ferme un instant les yeux pour me concentrer et inspire profondément pour faire le vide dans mon esprit. Je suis alors frappée par l'odeur d'un parfum qui flotte encore dans l'air, m'informant que son propriétaire n'a quitté les lieux que récemment.
Ce parfum n'est pas celui de n'importe qui. Je n'ai senti qu'une seule fois ce mélange de bergamote, de bois de santal et de cuir mais je pourrais reconnaître celui qui le porte entre mille.
Luccini.
Je laisse échapper un soupir. Même lorsqu'il n'est pas là, il trouve encore le moyen de me hanter. C'est comme s'il avait un talent particulier pour cela...
Mes yeux se posent soudain sur son bureau, et à ma grande surprise, je le découvre en désordre. Des dizaines de feuilles éparpillées, une tasse à café à moitié pleine, des échantillons de tissus en désordre recouvrent le bois clair de la table. Pourtant, ce matin, j'aurais juré que le bureau était impeccable, presque austère, sans un seul stylo visible...
Je suis alors traversée par un élan de curiosité incontrôlable et me dirige, sans pouvoir m'en empêcher, vers le bureau. J'ai le cœur qui bat à tout rompre en grimpant sur l'estrade. Hésitante, je m'approche du bureau, comme si je m'apprêtais à commettre un délit. Mais finalement, tout doucement, je tends une main tremblante vers une des feuilles.
Et je reste bouche bée.
Sous mes yeux se dessine un croquis d'une finesse inouïe. Les traits sont si fins, si précis qu'ils semblent avoir été tracés d'un seul geste, sans aucune hésitation. Pas une seule erreur, pas un coup de gomme. La fluidité de ce dessin est déconcertante.
Tout y est, la forme, le mouvement, la texture. Chaque ligne raconte une histoire, chaque détail semble déjà réel.
C'est d'une perfection écrasante.
Le croquis est celui d'une robe élégante, avec un drapé asymétrique qui épouse les courbes du corps. L'épaule dénudée contraste avec un pan de tissu qui retombe en cascade de l'autre côté, créant une impression de mouvement. Une ceinture fine marque la taille, tandis que la jupe légèrement évasée forme des plis parfaits.
Tout dans ce dessin respire la maîtrise et la sophistication, comme une œuvre d'art en tissu. Je peux déjà imaginer avec précision ce que donnera cette pièce une fois portée et... c'est terriblement rare.
Je lâche la feuille et passe en revue tous les croquis les uns après les autres, fascinée. Des ensembles, des corsages, des foulards, des chemises... Toutes ces pièces sont si belles, si parfaites que je crois les avoir déjà vues sur des défilés.
Je suis presque envahie par un sentiment de vertige. Comment Luccini fait-il pour retranscrire tant de grâce et d'élégance en si peu de traits ?
Plus je regarde ses esquisses, plus je me sens petite, submergée par son talent. Je comprends mieux pourquoi Guenièvre de Beaumont lui a offert une place dans son cours, son travail est juste bluffant.
Mais comment se fait-il qu'on n'entende plus parler de lui dans la presse ? Pourquoi son nom n'apparaît-il nul part depuis plusieurs années ? Avec autant de croquis sublimes à son actif, Luccini pourrait travailler dans n'importe quelle maison de couture et participer à n'importe quel défilé.
Alors que je tends la main pour attraper un autre croquis, je suis interpellée par un bruit de pas qui résonne dans le couloir. Je me fige instantanément, l'oreille tendue.
Il n'y a pas de doute : les pas se rapprochent, lourds et réguliers. Mon regard glisse vers la tasse de café sur le bureau, et soudain, je remarque qu'un léger filet de vapeur s'en échappe encore.
Mon cœur s'emballe, le puzzle se reconstitue en un éclair. La porte déverrouillée, la pagaille, la tasse à moitié pleine...
Luccini.
Il était ici, dans la salle 424, il y a à peine quelques instants. Et vu le chaos sur son bureau, il n'en avait pas fini.
Avant même que je puisse bouger, la porte s'ouvre brusquement et les yeux perçants de Luccini se posent sur moi avec une intensité glaciale.
Je suis prise sur le fait.
Je suis foutue.
Hello mes Amours ! Aïe, aïe, aïe... Gemma s'est encore mise dans de beaux draps !!! À votre avis, comment Luccini va-t-il réagir ? Que va-t-il lui dire ? 😳 Dites-moi tout ! J'attends vos retours avec impatience !
Si vous aimez Room 424, n'oubliez pas de LIKER ce chapitre, de le COMMENTER et de le PARTAGER à vos amis ! Ça m'aiderait énormément et ça me ferait vraiment super plaisir ! 💕 Merci d'ores-et-déjà pour tous vos retours adorables.
La suite sera postée quand le chapitre aura atteint les 70 likes ! Alors, à vos votes les Roomers 🙈💕
Si tu as lu cette note jusqu'au bout, tu es un adorable petit poussin ! Commente 🐣 pour que je sache que tu as tout lu 👀
Morgane 🧡
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top