Chapitre 33 - Désillusion
- Lily !
Je traverse le cloître la main en l'air, pour attirer l'attention de ma coloc'. Elle lève la tête de son téléphone et me repére immédiatement. Un sourire illumine son visage alors qu'elle m'adresse un petit signe de la main en retour.
- Tiens, une revenante ! s'exclame-t-elle d'un ton moqueur. Je croyais que Paris avait fini par t'aspirer dans ses entrailles.
- Oui, je sais, excuse-moi, j'ai été pas mal occupée, dis-je en arrivant à sa hauteur.
Je prends place à côté d'elle, m'adossant contre l'un des vieux murs de pierre de la cour, tandis que Lily glisse son téléphone dans la poche de son manteau. Elle me fixe, un air faussement innocent sur le visage, mais ses yeux pétillent d'un éclat malicieux.
- Pas mal occupée, tu dis ? fait-elle en haussant un sourcil.
Je plisse les yeux, méfiante. Je connais ce ton.
- Qu'est-ce que tu insinues ? demandé-je, même si je devine déjà la direction qu'elle s'apprête à prendre.
- Roh, s'il te plaît, Gemma, ne fais pas semblant ! s'exclame-t-elle en se plantant devant moi, les bras croisés. La dernière fois que je t'ai poussé à arranger les choses avec Luccini, tu as disparu deux semaines. Ose me dire qu'il ne passe rien entre vous !
Je détourne les yeux, scrutant désespérément les détails du cloître comme si ses arches imposantes allaient me venir en aide. Mais Lily n'est pas du genre à lâcher prise.
- Gemma, insiste-t-elle, croisant les bras avec un sourire triomphant. Tu crois vraiment que je ne vais pas remarquer ce petit rouge aux joues ?
Merde. Mon corps me trahit. Je me redresse contre le mur, veillant à ne pas croiser le regard de l'agent de la CIA qui me sert de coloc'. - Ce n'est pas ce que tu crois, Lily.
- Ah, voilà qu'elle me sort sa phrase fétiche ! ricane-t-elle, frappant dans ses mains. Mais cette fois, cela ne suffira pas, Tigresse ! Tu as disparu pendant deux semaines, tu m'entends ? Deux. Semaines. Entières. C'est juste énorme ! Tu ne crois quand même pas que je vais te laisser t'en sortir comme ça ?
Je baisse les yeux, triturant nerveusement ma manche, sachant qu'elle ne lâchera rien tant qu'elle n'aura pas ce qu'elle veut.
- Bon, ok, soupiré-je finalement. Il se passe peut-être quelque chose entre Gabriel et moi.
Lily pousse un cri de triomphe si aigu que quelques étudiants se retournent, curieux. Elle attrape mes mains, les serrant comme si je venais de lui annoncer que j'avais gagné à la loterie.
- "Peut-être quelque chose ?" répète-t-elle, les yeux brillants d'excitation. Tu te moques de moi ? Détails, Gemma. Tout. De. Suite.
- Lily, murmuré-je en essayant de la calmer, on est en public...
- Oh, arrête ! Ils ont entendu bien pire dans les amphis, se défend-elle en agitant la main comme si ça n'avait aucune importance. Viens, on va se poser ailleurs.
Elle me tire par le bras, me traînant jusqu'à un banc un peu isolé, caché par l'ombre de quelques colonnes. Elle s'installe en face de moi, jambes croisées, l'air d'une avocate prête à interroger une accusée.
- Alors ? commence-t-elle, les yeux pétillants d'excitation. Comment sont vos parties de jambes en l'air ?
Je rougis si fort que je sens mes joues brûler.
- Lily ! protesté-je, moitié horrifiée, moitié amusée.
- Quoi ? C'est une question parfaitement légitime ! lâche-t-elle, faussement innocente. Je veux savoir si ce prof mystérieux est aussi... performant que je l'imagine.
Je détourne les yeux, priant pour que le sol s'ouvre et m'avale tout entière.
- D'accord, d'accord, je vais parler.
- Yes ! crit-elle, faisant sauter ses fesses sur le banc. Alors, ça s'est passé où ? Comment ? Quand ? C'était plutôt du genre doux ou sauvage... Oh et surtout, dis-moi que c'est génial !
- Alors, oui... Le sexe avec Gabriel est génial, commencé-je. Et... Pour répondre à tes autres questions... ça dépend. Tu veux que je te parle de quelle fois ?
Lily lâche un petit cri hystérique.
- Mon dieu, mais Gemma ! Je ne t'ai laissé que deux semaines dans la nature et regarde-toi, tu es métamorphosée !
Lily marque une pause, pour encercler mes poignets de ses doigts :
- Je te l'avais dit que Paris avait ses propres plans pour toi... Et pour te répondre, je veux que tu me parles de toutes les fois, tu m'entends ? Je veux tous les détails. Alors pour commencer, combien il y en a eu, de sessions de sexe ?
Je roule des yeux, incapable de contenir un sourire face à son enthousiasme débordant.
- Lily, chuchoté-je en jetant un coup d'œil nerveux autour de nous. On est à l'IELC, tu pourrais baisser d'un ton ?
- Oh, ça va, personne n'écoute, rétorque-t-elle. Arrête d'esquiver !
Je libère mes bras de son emprise et les croise sous ma poitrine, cherchant à reprendre un semblant de contenance.
- Si tu veux vraiment savoir... j'ai perdu le compte.
Lily écarquille les yeux, et un immense sourire s'étire sur son visage.
- Pardon ? Tu as déjà perdu le compte... En deux semaines ?! Mais qu'est-ce qu'il te fait, ce mec ? Sérieusement, il doit avoir des compétences secrètes. Détaille, Gemma, je t'en supplie.
Je me passe une main sur le visage, à la fois amusée et exaspérée.
- Bon, ok. La première fois, c'était dans la 424.
Lily pousse un cri aigu qu'elle tente de contenir en plaquant une main sur sa bouche. Elle se penche en avant, suspendue à mes lèvres, comme si elle voulait graver chaque mot dans sa mémoire.
- Tu te moques de moi, j'espère ?
Je secoue la tête, le rouge me montant aux joues en repensant à la manière dont Gabriel m'a prise sur ce bureau.
- Pas du tout, murmuré-je, les joues en feu. Ça s'est passé ce fameux soir où tu m'as conseillé d'aller m'excuser.
Lily écarquille les yeux, incrédule.
- Sérieux ? J'en reviens pas, cela fait de moi le Cupidon des temps modernes ! Tout ça, c'est grâce à moi, alors !
Je l'ignore, et poursuis :
- Je suis arrivée pour m'excuser, et la seconde d'après, il s'est jeté sur moi.
Je marque une pause, assaillie par toutes les images de ce moment.
- On l'a fait sur son bureau... C'était tellement intense.
Lily tape frénétiquement du pied, un sourire extatique sur le visage.
- Attends, attends... Tu veux dire qu'il t'a littéralement prise sur son bureau de prof ? Genre, au milieu des papiers et des stylos ? C'est tellement hot. Continue !
Je marque une pause, laissant les souvenirs m'envahir. Ses lèvres sur mon sexe, le poids de son corps sur le mien, la sensation de cette explosion de désir...
- C'était... comme si toute la tension entre nous avait implosé, murmuré-je. Il m'a poussée, soulevée pour me poser sur son bureau. Je n'avais plus aucun contrôle.
Lily est au bord de l'hystérie, se mordant la lèvre pour ne pas hurler.
- Et toi, qu'est-ce que tu as fait ?
- Je n'ai pas vraiment eu le temps de penser, avoué-je avec un sourire en coin. Ses mains étaient partout, ses lèvres, sa voix... Je n'ai jamais rien ressenti de pareil.
Lily s'effondre contre le dossier du banc, le souffle court comme si elle venait de courir un marathon.
- Gemma, laisse-moi te dire que tu vis le rêve de toutes les étudiantes parisiennes, et je suis jalouse à un niveau cosmique.
Je ris doucement, un peu gênée mais amusée par sa réaction.
- Et après ? insiste-t-elle. La deuxième fois c'était à l'IELC aussi ?
- Ça suffit ! Tu en as assez eu pour aujourd'hui, déclaré-je en me levant. Je file, mon prochain cours va débuter.
Lily bondit sur ses pieds et m'attrape l'avant-bras pour m'arrêter.
- Tu plaisantes ? Le prochain cours ne commence que dans vingt minutes ! Tu as largement le temps de m'en raconter un peu plus !
- Je veux y aller maintenant.
Je fais subtilement un signe de tête dans la direction du bâtiment A, pour lui faire comprendre vers quel cours je me dirige. Et cela semble fonctionner : sa bouche forme un petit "o" et sa main glisse doucement de mon avant-bras.
- Oh... Je vois, madame a développé une nouvelle lubi pour se détendre pendant les intercours.
Je secoue la tête, ne pouvant réprimer le large sourire sur mon visage.
- Tu as vraiment les idées mal placées, je veux juste aller lui parler avant le début du cours.
Lily éclate de rire.
- Oui, bien sûr, parler, répète-t-elle en mimant des guillemets avec ses doigts. Tu sais que tu ne trompes personne, l'Américaine.
Je roule des yeux, mais mon sourire me trahit.
- Crois ce que tu veux, Lily, mais parfois, on peut juste... parler.
Elle secoue la tête, faussement désabusée.
- Ok, si tu le dis, dit-elle en levant les mains comme pour se rendre. Mais au cas où, si vous finissez à nouveau sur un bureau ou... je ne sais pas, contre une étagère remplie de livres cette fois, tu me raconteras tout, hein ?
- Tu es inarrêtables ! protesté-je.
Elle fait une moue innocente.
- Promis ?
- On verra, dis-je en secouant la tête, un sourire accroché aux lèvres. Bon, à plus tard.
- À plus, Tigresse !
En direction de la salle 424, les papillons dans mon ventre se déchaînent à l'idée de retrouver Gabriel. C'est fou mais sa présence m'a manqué aujourd'hui. C'est la première fois depuis une éternité que je ne l'ai pas vu pendant autant d'heures. Au cours des deux dernières semaines, j'avais pris l'habitude de le rejoindre chez lui à chacune de mes pauses. Alors attendre jusqu'à ce soir pour le revoir, cela m'a paru terriblement long.
Mon esprit vagabonde, revivant les derniers moments que j'ai passés avec Gabriel. Son parfum exquis, sa voix suave quand il murmure mon prénom, le toucher de ses doigts qui se promènent partout sur mon corps...
Lily avait-elle raison ? Vais-je dans cette salle plus tôt, espérant vivre à nouveau un moment charnel avec lui ? Une chaleur monte à mes joues en me demandant si, encore une fois, cette tension électrique entre nous va nous emporter. Est-ce qu'il suffira d'un regard, d'un mot, pour qu'on perde le contrôle à nouveau ?
Je passe une main dans mes cheveux, essayant de calmer mon cœur qui s'emballe. J'ai tellement envie de le voir, de sentir cette connexion entre nous.
Mais alors que j'arrive enfin dans le bon couloir, mon pas ralentit brutalement. Quelque chose cloche.
La porte de la 424 s'ouvre légèrement, et je vois Blanche en sortir. Mon souffle se coupe net. Instinctivement, je me plaque contre le mur, derrière une colonne, espérant qu'elle ne me remarque pas. Je l'observe refermer la porte derrière elle, un sourire satisfait flottant sur ses lèvres dont le rouge à baver sur les comissures. Ses cheveux sont un peu ébouriffés, et elle reboutonne le dernier bouton de son chemisier.
Mon estomac se noue.
Qu'est-ce qu'elle faisait dans la 424 avant le début du cours ?
Et puis, c'est ce geste qui me frappe. Elle passe une main sur sa jupe, la lisse soigneusement, puis relève un pan de son collant, comme pour vérifier qu'il n'est pas filé. Je déglutis, une sensation glaciale s'insinuant dans ma poitrine.
Non... Cela ne peut pas être ce que je crois.
Et pourtant, l'idée s'installe, insidieuse et implacable. Les détails s'alignent : ses cheveux en désordre, le rouge à lèvres qui bave, ces gestes précipités pour remettre sa tenue en ordre.
Quelque chose se brise en moi instantanément. Pendant un instant, je repense à Gabriel, à la façon dont il me regarde comme si j'étais la seule à compter. Je repense à son doux sourire, à ce baiser sur le dos de ma main ce matin, pour me dire au revoir.
Comment ai-je pu imaginer que notre relation était spéciale ?
Je ne suis qu'une étudiante parmi tant d'autres.
Blanche jette un rapide coup d'œil autour d'elle, comme pour s'assurer que personne ne l'a vue, avant de se remettre en marche. Elle ne m'a pas vu, mais de mon côté, je ne peux détourner le regard, même après qu'elle a disparu au bout du couloir.
Je reste figée contre le mur, en manque d'air. La douleur m'immobilise.
Je n'arrive pas à croire ce que je viens de voir. Mais au fond de moi, je sais que ce n'est pas une illusion. Les détails sont trop clairs, trop évidents. Gabriel a bien couché avec moi dans cette salle, pourquoi pas avec Blanche, ou avec n'importe quelle autre étudiante ?
La nausée monte en moi, irrépressible. L'idée de le voir, d'entendre sa voix, de croiser son regard, devient insupportable. Mon estomac se tord, mon cœur s'emballe.
Il faut que je parte. Maintenant.
Sans réfléchir davantage, je m'arrache à ma paralysie et quitte l'IELC, mes jambes tremblantes peinant à me porter.
Comment ai-je pu être si naïve ?
Qu'avez-vous pensé de ce nouveau chapitre ??
La suite sera postée quand le chapitre aura atteint les 135 likes et 70 commentaires ! Alors, à vos votes les Roomers 🙈💕
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Si tu as lu cette note jusqu'au bout, commente 🍄 pour que je sache que tu as tout lu !
Love,
Morgane 💖
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