Chapitre 25 - Intrusion

La porte s'ouvre doucement, dans un grincement qui brise le silence écrasant de l'appartement. Mon cœur bat à tout rompre, alors que l'atelier de Gabriel se dévoile à moi.

À peine le seuil franchi, l'atmosphère particulière du lieu m'enveloppe. L'espace est plongé dans une semi-obscurité où des rais de lumière, filtrés par des rideaux épais, dessinent des ombres étirées sur le sol.

J'ose un pas de plus à l'intérieur, puis un deuxième, en veillant à ne pas faire craquer le parquet.

Je n'arrive pas à croire que je suis dans son atelier.

Je tourne sur moi-même pour découvrir dans sa globalité cette pièce secrète, qui m'a tant hantée au cours des derniers jours. Un chaos harmonieux s'y déploie : des étoffes de soie, de lin, et de velours sont étalées ça et là, créant un patchwork étrange sur le sol et les meubles. Les murs sont recouverts de croquis aux traits vifs, parfois inachevés, parfois griffonnés en toute hâte comme pour saisir une idée avant qu'elle ne s'évanouisse. Dans chaque coin, des piles de livres bien alignées, des patrons déployés, et des morceaux de tissus entassés forment des montagnes d'inspiration. Une odeur de cuir, de papier jauni et de teinture flotte dans l'air, apportant à l'espace une chaleur rassurante.

Je m'approche d'une étagère où des revues de mode s'empilent. Des photos en noir et blanc d'anciennes collections sont accrochées aux murs et je reconnais certaines pièces de la maison De Beaumont. Gabriel a-t-il travaillé dessus ? En a-t-il créé certaines ?

Cet atelier semble être une extension de lui-même et je ne me suis jamais sentie si proche de lui, pas même tout à l'heure, quand nos lèvres se sont quasiment touchées...

Je jette un nouvel coup d'œil vers la porte, pour m'assurer que Gabriel n'est pas revenu. Mais aucun bruit ne vient ébranler le calme de l'appartement.

Je reprends donc mon inspection et c'est dans un coin de la pièce que mon regard se fixe finalement. Au milieu de cet espace chargé, un mannequin est posé, isolé du reste. Recouvert d'un drap blanc immaculé qui contraste avec les couleurs vives des tissus épars, il est caché, presque comme si on voulait l'oublier.

Pour une raison que j'ignore, je n'arrive pas à en détourner le regard. Et soudain, mes jambes se mettent en mouvement, presque malgré moi, comme si une force magnétique m'y attirait. Plus je m'approche, plus ma peau se met à picoter, comme traversée par un courant électrique. Qu'est-ce qu'il y a sous ce drap ?

Ma main se pose dessus, tremblante. Mon souffle se suspend, et mes doigts se crispent autour de l'étoffe, prêts à la soulever. Mais au moment de tirer dessus, je me fige. Une voix intérieure me hurle de faire demi-tour. Je devrais partir. Je n'ai rien à faire-là. Je suis en train de trahir la confiance de Gabriel alors qu'il m'a prise sous son aile sans rien attendre en retour.

Je ferme les paupières, tiraillées entre l'envie irrépressible de découvrir ce qui se trouve sous ce drap et ma conscience qui me supplie d'arrêter. Gabriel me l'a clairement fait comprendre : il n'aime pas partager ses créations en cours. Il est secret dans sa manière de procéder. S'il me surprenait en cet instant, que penserait-il de moi ? La honte brûle mes joues à cette simple idée. Il m'a déjà surprise une fois, en train de fouiller ses croquis en salle 424...

Mais quelque chose en moi m'empêche de quitter l'atelier. Je suis envahie par un souffle de curiosité, d'audace, que je ne parviens pas à réprimer. Une seconde passe, puis deux. L'appartement est toujours aussi silencieux. Je rouvre les yeux et, sans plus réfléchir, je tire un coup sec sur le drap.

Le tissu glisse au sol dans un froissement léger, révélant le mannequin.

Mon souffle se coupe.

Cette pièce, je la connais.

***

Gabriel

En descendant les marches pour récupérer ma commande, j'ai du mal à retrouver mes esprits. Une chaleur brûlante a envahi tout mon corps et j'ai un mal fou à apaiser le feu qui me dévore... entre les jambes.

Pas étonnant, tu étais à deux doigts d'embrasser cette étudiante qui t'obsède, murmure ma voix intérieure.

Merde, cette petite peste à raison.

Il va falloir que je fasse une pause avant d'ouvrir la porte à ce pauvre livreur ou je risque de lui laisser un souvenir mémorable... Je dois faire retomber la pression. Alors, je m'arrête en plein milieu du couloir, m'adosse au mur froid pour tenter de retrouver mon souffle.

Ma respiration est encore saccadée, mon cœur tambourine comme si j'avais couru un marathon. Pourquoi est-ce que je perds totalement pied lorsque je pense à elle ? Plus je passe de temps à ses côtés, plus il devient difficile de résister à l'envie de réduire à néant les derniers centimètres qui nous séparent.

À la seule idée de l'embrasser, je sens tout mon corps se tendre... Et plus encore une zone bien précise.

Je ferme les yeux, essayant de repousser l'image de ses lèvres pulpeuses entrouvertes, de son regard chargé d'une envie que je n'ose pas formuler... Pourtant, c'est indéniable : dans sa manière de me fixer, dans ses silences lourds de sous-entendus, tout crie qu'elle ressent ce même désir inavouable...

Je l'ai déjà perçu, à plusieurs reprises. Notamment lors de notre tout premier cours particulier, lorsque j'ai fait des retouches sur Jardin de Nacre, tandis qu'elle le portait. J'ai vu sa peau se couvrir de chair de poule et ses tétons se tendre sous le tissu, comme des réponses silencieuses au frôlement de mes doigts.

Ce simple souvenir fait exploser les coutures de mon pantalon, mon sexe tendu à m'en faire mal.

Putain. Gabriel, ressaisis-toi. Prends une grande inspiration.

Mais c'est peine perdue. J'imagine Gemma m'attendre là-haut, vêtue de cette robe rouge, Roseraie de Minuit. Cette création est taillée pour le péché. Comment pourrais-je me contrôler en la voyant ainsi, la soie rouge épousant ses hanches, ses cuisses, ses seins, comme une invitation à succomber ?

Je sais que j'aurais dû me retenir de lui demander de la porter... Désormais, il me semble impossible de ne pas franchir la ligne. Je m'imagine déjà m'approcher d'elle, mes mains glissant sur son dos, trouvant la fermeture éclair et la faisant lentement descendre, la dénudant centimètre par centimètre. Je l'entends déjà gémir mon prénom et m'implorer de caresser chaque parcelle de son corps...

Je secoue vivement la tête.

Il faut que je me reprenne. Gemma n'est qu'une étudiante parmi tant d'autres. Du moins, c'est ce dont j'aimerais réussir à me convaincre... Car la vérité c'est que chaque fois que je croise son regard, je vacille.

Je me redresse, passe une main dans mes cheveux pour me donner une contenance. Allez, ça suffit. Ce n'est ni le lieu ni le moment pour perdre pied. Et puis, Gemma va finir par se demander ce que je fous.

Une dernière inspiration. J'ouvre finalement la porte, et le livreur me fait face, l'air un peu nerveux.

- Bonsoir, c'est pour la commande au nom de Luccini ?

Je hoche la tête, tente un sourire pour masquer le tumulte intérieur qui m'habite.

- Oui, c'est bien ça. Désolé pour l'attente, j'étais... occupé.

Le livreur me lance un regard curieux mais je détourne le mien, attrapant la commande avec un peu trop de nervosité. Mais il ne dit rien et repart rapidement, me laissant seul dans le couloir, les bras chargés d'une pizza chèvre miel et d'une autre végétarienne. Je ne sais pas si Gemma mange de la viande, ou si elle aime le fromage, mais comme tout ce qui la concerne, je meurs d'envie de le découvrir.

Je ferme la porte du hall et monte les marches deux par deux. J'ai suffisamment fait attendre Gemma et je meurs d'impatience de la découvrir dans sa nouvelle création. Les quatre étages sont vite gravis et j'entre dans l'appartement sans faire de bruit, espérant pouvoir l'observer dans le Roseraie de Minuit quelques instants sans qu'elle s'aperçoive de ma présence.

Je vais déposer les pizzas dans la cuisine et me dirige vers le salon, sans y entrer, jetant un regard au travers des grandes portes vitrées. Je balaye du regard la partie de la pièce qui s'offre à moi, mais je ne la vois pas. Merde.

Ta cession d'espionnage semble compromise, s'amuse ma petite voix. Arrête d'agir bizarrement et va la rejoindre.

Résigné, j'entre dans le salon, toujours sans bruit. Mais en arrivant, je ne me retrouve pas face au beau spectacle auquel je m'attendais. Le salon est vide, baigné dans la pénombre du soir tombant. La confusion m'envahit. Où est-elle ?

Un étrange pressentiment me saisit et je sens mes entrailles se nouer dans mon ventre. Et c'est là que je remarque un détail qui me glace le sang. La porte de mon atelier est entrouverte. Cette pièce dans laquelle personne d'autre que moi n'est jamais entrée et que je tiens secrète.

Ce n'est pas possible... Elle n'a pas osé...

Mon cœur s'emballe. Aussitôt, je traverse le salon d'un pas vif, mes chaussures martelant le parquet.

Je pousse la porte de l'atelier brutalement, la faisant claquer contre le mur.

Et elle est bien là. Gemma. Figée à côté de mon mannequin qu'elle a osé découvrir, elle me fixe, d'un air terrifié. Et dans la lueur qui brille au fond de ses iris, je perçois qu'elle a compris.

Putain de merde.

Alors, j'explose :

- Qu'est-ce que tu fous ici ?!

Ma voix éclate, tranchante, et bien plus agressive qu'elle ne l'a jamais été. Gemma sursaute mais elle ne fait aucun geste pour fuir. Au lieu de ça, elle reste paralysée, le visage pâle, comme une gamine prise en flagrant délit.

- Qui t'a permise d'entrer ici ? Je répète.

- Gabriel, je... je suis désolée, bredouille-t-elle. Je ne voulais pas...

Mais je l'interromps, ma colère prenant le dessus sur ma raison.

- Tu n'as rien à faire ici ! Je... Tu as fouillé dans mes affaires ?!

Gemma secoue la tête, les larmes au bord des cils, mais elle tente de se défendre, de m'expliquer.

- Non ! Enfin... Je voulais juste comprendre...

- Comprendre quoi ? Il n'y a rien à comprendre.

Je m'avance, comblant l'espace entre nous. Je la domine de toute ma hauteur, cherchant à la faire reculer, mais elle reste ancrée sur place, son regard accroché au mien, rempli d'une culpabilité qui me déstabilise. Elle est sublime dans cette robe, une véritable beauté, mais je n'arrive pas à apprécier ce que je vois.

Elle sait qu'elle n'a rien à faire là, et pourtant, elle a osé entrer. Dès que j'ai eu le dos tourné, elle n'a pas hésité à violer mon intimité. Je savais qu'elle était trop curieuse et que cela finirait par me causer des ennuis. Mais je n'ai pas su rester loin d'elle et maintenant je vais devoir en assumer les conséquences.

Elle a tout gâché.

- Pourquoi est-ce que tu caches ça ? murmure-t-elle soudain.

Je sens ma rage redoubler.

- En quoi est-ce que cela te regarde, hein ? Pour qui tu te prends ?

Mes mains se crispent de rage et je sens la panique m'envahir et ma vision se brouiller.

- Sors d'ici ! Maintenant !

Gemma vacille, ses yeux de biche cherchant désespérément une issue, mais il n'y en a aucune. Elle a franchi une limite et aucun retour en arrière n'est possible.

- Je ne veux plus jamais te revoir ici. C'est clair ? je dis d'une voix glaciale.

Ses lèvres que j'ai tant désirées s'entrouvrent dans une grimace douloureuse, mais elle ne dit rien. Pour la première fois, je vois un éclat douloureux passer dans son regard humide. Pour la première fois, Gemma ne me défie pas, ne cherche pas à me pousser plus dans mes retranchements, ni à se justifier. Elle ne cherche pas à avoir davantage d'explications et au fond, je crois que c'est ce qui me fout le plus en l'air. Elle se contente de hocher la tête, avant de faire volte-face et de sortir de l'atelier, la tête basse.

Quelques instants plus tard, la porte d'entrée claque derrière elle, et je reste là, seul, au milieu de mon sanctuaire violé, le cœur battant à tout rompre. Le silence qui s'installe est assourdissant.

Mon secret, mon précieux secret...

Je passe une main tremblante sur mon visage, tentant de reprendre le contrôle. Gemma a compris. Et je sais que je ne pourrai plus jamais la regarder comme avant.

Putain. Qu'est-ce que je vais faire maintenant ?

Hellooo ! Alors ?? Que pensez-vous de ce chapitre ?? 

PS : J-4 avant la sortie du préquel et de l'intégrale de PhonePlay !! J'ai trop hâte d'avoir vos retours et de voir les livres entre vos mains ! Comme je suis à l'étranger, je ne pourrais pas aller les voir moi-même en librairie (ce qui me brise le coeur), alors si vous les voyez, envoyez moi une petite photo sur Instagram (morganebicail), ça me fera trooooop plaisir ! 🩷

La suite sera postée quand le chapitre aura atteint les 130 likes et 70 commentaires ! Alors, à vos votes les Roomers 🙈💕

Si vous aimez Room 424, n'oubliez pas de LIKER ce chapitre, de le COMMENTER et de le PARTAGER à vos amis ! Ça m'aiderait énormément et ça me ferait vraiment super plaisir ! 💕 Merci d'ores-et-déjà pour tous vos retours adorables.

Si tu as lu cette note jusqu'au bout, tu serais vraiment un petit bonbon ! Commente 🍬 pour que je sache que tu as tout lu 👀

Love,

Morgane 💖


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