Chapitre 2 - Premier jour


- Merde, fais chier !

Quand je vois l'heure sur mon téléphone, je crois être en plein cauchemar. Mon réveil n'a pas sonné alors qu'il est huit heures trente-quatre et que mon premier cours commence dans... vingt-six minutes ?! S'il vous plaît, dites-moi que je fais un cauchemar !

Et comme si arriver en retard le premier jour n'était pas suffisamment humiliant, il faut que ma journée commence avec le cours de Guenièvre de Beaumont.

Pourquoi fallait-il que ce traître de réveil me fasse faux bond aujourd'hui ? Avec le décalage horaire, mon horloge biologique ne m'a été d'aucune utilité pour me permettre de me réveiller à temps.

Je me retrouve donc à bondir du lit et à me ruer dans la salle de bain, où je passe trente secondes top chrono sous la douche avant d'enfiler les premiers vêtements qui me passent sous la main. 

Dire que j'avais passé des jours à penser à la tenue que j'allais porter pour ce jour si particulier... Mais je n'ai pas le temps de la chercher dans mes valises, et encore moins de lui passer un coup de Steamer comme prévu. 

Je cours partout dans l'appartement pour tenter de retrouver mes affaires, le fait d'être en retard m'ayant visiblement rendue amnésique. Je suis incapable de me rappeler où j'ai mis quoi. Je n'ai pas encore pris mes repères, bien que le logement fasse une quarantaine de mètres carrés.

Dans le salon, Lily est blottie avec des petits yeux dans un coin du canapé, une grande tasse entre les mains. Vu la tête qu'elle affiche, elle se demande si sa coloc' n'est pas une folle furieuse.

- Oh doucement, Tornado, fait-elle avec une voix bien plus grave que la veille. Laisse-moi me réveiller en douceur, s'il te plaît. Avant d'avoir bu mon Matcha, je suis plus féroce qu'une ourse brune après six mois d'hibernation.

- Mon réveil n'a pas sonné ! Je suis censée être en cours dans 10 minutes !

- Oh, merde.

Je réussis enfin à mettre la main sur un mascara, que je manque de m'enfoncer dans l'œil dans la précipitation. Pourquoi faut-il qu'une chose pareille m'arrive aujourd'hui, moi qui suis toujours en avance ? Qu'aurait-il pu m'arriver de pire que d'être en retard au premier cours de Guenièvre de Beaumont à part peut-être se faire écraser par une météorite ?

Ok, après réflexion, j'aurais préféré la météorite.

- Tu as besoin d'aide ? me demande Lily, toujours depuis le canapé.

- Là ce n'est plus d'aide dont j'ai besoin, mais d'un miracle ! Mais merde, où est passé mon certificat de scolarité ?

Je retourne mon sac de cours que j'avais heureusement préparé la veille à la recherche du précieux sésame que j'étais persuadé d'avoir glissé à l'intérieur. Il me faut bien trois minutes pour réaliser que c'est la première chose que j'ai retirée de mon sac sans m'en rendre compte.

- Ah te voilà, fis-je avec soulagement en le replongeant sans grande douceur dans mon sac.

Au bout de quinze minutes de course, je suis enfin prête à partir. Enfin, si on peut appeler cela prête. Je prends dix secondes pour regarder le résultat dans le miroir du salon et je regrette de ne pas être partie sans m'attarder sur mon apparence.

Mes vêtements ne sont pas accordés, je n'ai pas eu le temps de me coiffer et encore moins de me lancer dans la réalisation d'un maquillage sophistiqué. J'ai juste réussi à limiter plus ou moins les dégâts du jetlag... du moins, je crois ?

Je hais la technologie. On ne peut jamais lui faire confiance. C'est sûrement pour cette raison que je préfère mes feuilles de croquis, mes aiguilles et mes tissus. Eux au moins, ne me trahissent jamais.

Au moment où je m'apprête à enfin à me mettre en route pour l'IELC, je m'arrête un instant sur le seuil pour demander à Lily :

- Au fait, tu sais où se trouve la salle 424 ?

Ma coloc' me lance un regard toujours aussi endormi et je comprends qu'elle n'est pas en mesure de m'apporter de réponse satisfaisante à une heure aussi matinale.

- Je me débrouillerai... Souhaite-moi bonne chance !

Mes derniers mots sont masqués par le bruit de la porte qui claque derrière moi. Je dévale les escaliers deux à deux, manquant de me fouler quatre fois les chevilles.

Heureusement, l'IELC est situé juste à côté d'ici. Je me bénis d'avoir pris pour une fois la décision d'investir un peu dans mon confort en choisissant cet appartement. Je me mets à courir dans les petites rues et me rends compte que celles-ci sont bien trop vides pour un jour de rentrée.

Évidemment, les autres étudiants sont déjà tous assis derrière leur table, andouille !

Après trois minutes de course, j'arrive suintante au contrôle de sécurité de l'école, où je montre patte blanche.

- N'oubliez pas d'aller récupérer votre carte étudiante. À partir de demain, il vous la faudra pour accéder au campus, m'instruit le vigile.

Son regard sévère en dit long : "Encore un étudiant étourdi qui arrive en retard le jour de la rentrée. Celui-là, il va falloir le surveiller toute l'année."

- Je n'y manquerai pas, affirmé-je, comme si cela pouvait changer l'a priori qu'il a de moi. Pourriez-vous m'indiquer où se trouve la salle 424, s'il vous plaît?

La micro-expression qui se glisse sur le visage du vigile crie qu'il est dépité de voir des étudiants aussi peu préparés pour leur rentrée. Si mon retard est en partie de ma faute — bien que mon réveil en soit largement responsable — je n'y suis pour rien si je n'ai pas pu assister aux visites guidées du campus. Si cela n'avait tenu qu'à moi, j'aurais préféré arriver bien avant la veille de la rentrée, mais le prix des billets d'avion ne m'a pas laissé le choix.

- Bâtiment A, escalier central, quatrième étage, grogne le vigile en guise de réponse.

Je le remercie d'un signe de tête avant de filer comme un éclair vers le fameux bâtiment A, facilement repérable grâce aux pancartes dispersées un peu partout.

Même si je n'ai pas le temps de flâner, la beauté du campus me frappe immédiatement. Les sols sont pavés de grandes dalles beiges, d'une élégance rare, tandis que les murs, taillés dans une pierre immaculée, respirent la qualité et le prestige. Un petit écriteau en bronze attire mon regard : la maison Hermès est mécène de l'IELC. Rien que ça.

Je monte les marches aussi vite que mes jambes fatiguées me le permettent. Essoufflée, mon cabas virevoltant dans tous les sens, je prie pour n'avoir rien égaré en route. Enfin, j'atteins le bon couloir, soulagée d'avoir réduit mon retard à quelques minutes seulement. Il n'est que 9h06, et avec un peu de chance, Guenièvre de Beaumont aura pris son temps pour arriver.

Les numéros de salles défilent sous mes yeux : 418, 420, 422... 

Sans hésiter, je frappe à la porte suivante et l'ouvre aussitôt, sans attendre de réponse.

Contrairement à ce que j'avais imaginé, ce n'est pas le regard envoûtant et bleu glacé de madame de Beaumont qui m'accueille. Devant moi se tient un jeune homme, à moitié assis sur le bureau principal, dos au tableau blanc.

Mon sang se glace dans mes veines : ai-je oublié de préparer quelque chose pour la rentrée ? Est-ce que les étudiants passent déjà pour présenter un travail ? Merde, je n'ai rien fait !

Les pensées se bousculent dans ma tête en une fraction de seconde, mais je me ressaisis rapidement. Le stress m'emporte encore une fois.

L'homme face à moi, avec sa posture décontractée, ainsi assis sur le bureau, ne peut être que le professeur et pas un étudiant restituant un devoir.

Depuis mon arrivée, il me toise comme si j'étais une créature étrange, débarquant d'une autre planète. C'est à cet instant seulement que je prends réellement le temps de le détailler et que nos regards se croisent.

Mon monde s'arrête net : son charisme me fige sur place, rendant tout mouvement ou réflexion impossible. Brun, mesurant environ un mètre quatre-vingt, il arbore un regard marron perçant qui semble voir au-delà des apparences, et sa peau rasée de près accentue la netteté de sa mâchoire carrée.

Avec mon œil aiguisé, je devine que le costume beige qu'il porte est signé par un grand couturier. La laine fresco utilisée est d'une très grande qualité, épousant parfaitement sa silhouette élancée. Ses chaussures en cuir noir, soigneusement cirées, captent la lumière, tandis que ses lunettes de vue Dolce & Gabbana lui donnent un air à la fois intouchable et intellectuel, renforçant encore son charme.

Chaque détail de sa tenue témoigne de son goût raffiné et parfaitement maîtrisé.

Et merde, j'aurais peut-être dû sacrifier quelques minutes de plus pour trouver ma foutue tenue au lieu de me présenter à l'IELC avec l'air d'une touriste égarée.

Comme si je sortais d'une transe, je réalise soudain que je viens de faire irruption dans une salle de classe sans dire un mot et que je suis restée plantée comme une statue dans l'encadrement de la porte.

- Hum, excusez-moi, j'ai dû me tromper de salle, dis-je, dans mon meilleur français possible, alors que la panique monte.

Je m'apprête à repartir aussi sec, terriblement gênée, mais le prof au costume divin m'arrête :

- Laissez-moi vous éclairer. À quel cours êtes-vous censée assister, mademoiselle ?

Des décharges électriques me traversent en découvrant le timbre délicieusement grave de sa voix. La langue française ne m'a jamais paru aussi agréable à écouter.

Mon regard glisse un instant sur le tableau blanc derrière lui, où deux mots inscrits au marqueur noir attirent mon attention : Monsieur Luccini.

- Hum... Au cours Vision et Création, avec Guenièvre de Beaumont, dis-je en tentant de dissimuler le tremblement dans ma voix et en reportant mon attention sur lui. J'étais sûre d'être au bon endroit, je vous prie de m'excuser...

L'homme réajuste sa chemise d'un geste lent, son expression se durcissant soudain.

- Alors inutile de vous échapper, vous êtes au bon endroit, affirme-t-il, sec.

Je secoue la tête incrédule, me demandant si j'ai bien compris ce qu'il a dit ou si je me suis mal exprimée. Après tout, je savais que mon accent pourrait causer quelques difficultés...

- Excusez-moi, Monsieur...

- Monsieur Luccini, précise-t-il.

- Avec tout le respect que je vous dois, Monsieur Luccini, je ne crois pas être...

- Si, vous êtes au bon endroit. Maintenant, veuillez vous asseoir, vous êtes en retard et j'aimerais reprendre mon cours.

Le silence qui règne dans la salle m'avait presque fait oublier la présence des autres étudiants qui, je m'en rends compte maintenant que je leur prête de l'attention, me fixent avec des yeux ahuris. Ils se demandent probablement comment une fille comme moi a pu être sélectionnée pour assister au cours de Guenièvre.

Eh bien, j'en connais une qui fais une grande première impression !

De mon côté, je suis complètement déboussolée. Où est madame de Beaumont ? Suis-je vraiment dans la salle 424 ?

Mes jambes me mènent d'elles même vers la dernière place libre — située au dernier rang — mon cerveau étant incapable de se reconnecter.

 J'essaye de masquer mon trouble, en sortant mon ordinateur et les feuilles de mon sac, même si mes mains tremblent et que mon cœur bat la chamade. Mon voisin de table me dévisage du coin de l'œil et j'ai envie de lui hurler de s'occuper de ses affaires.

Mais alors que je croyais enfin être tranquille, le fameux Monsieur Luccini m'apostrophe :

-Mademoiselle Hayes, je présume ?

Il lève les yeux de la fiche d'appel et contourne son bureau pour s'approcher de moi. Le claquement de ses chaussures résonne contre le sol à chaque pas, faisant écho dans ma poitrine.

Gemma, respire... ou tu risques de t'évanouir.

Monsieur Luccini s'arrête juste devant ma table, m'obligeant à lever les yeux pour soutenir son regard brun, magnétique et hypnotisant.

Nous ne sommes plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, et sa proximité déclenche en moi une nervosité que je n'ai jamais connue. L'effluve de son parfum — un mélange envoûtant de bois de santal, de bergamote et de cuir — caresse mes narines. Mes paupières se ferment un instant, malgré moi. Il sent... divinement bon. Merde, que m'arrive-t-il ?

-Oui, c'est bien moi, répondis-je

Il croise les bras sur sa poitrine et, d'un ton chargé de défi, lance :

- Comme vos camarades ici présents, vous nourrissez sans doute de grands espoirs pour ce cours. Mais soyez consciente que les exigences sont élevées.

Il marque une légère pause pour mettre en exergue ses derniers mots :

- Les retards ne sauraient donc être tolérés.

- Je... Oui, bien sûr. Ça n'arrivera plus.

Mon cœur tambourine dans ma gorge.

- Je l'espère bien, oui. Nous verrons si vous êtes à la hauteur.

La gêne qui m'étranglait se dissipe brusquement, remplacée par une vague de colère et de détermination. Je refuse de laisser qui que ce soit douter de ma légitimité. 

- J'ai ma place ici. Et je le prouverai, répliqué-je, la voix ferme, presque dure.

Il incline légèrement la tête, tandis qu'un sourire féroce apparaît sur son si beau visage. Les mots qui se fraient un passage entre ses lèvres à ce moment-là me glacent le sang :

- Nous verrons bien. Mais sachez que Paris n'est pas tendre avec les rêveurs. Et moi non plus... 

Hello ! Voilà la rencontre électrique entre Gemma et Monsieur Luccini...

Qu'en pensez-vous ? Comment imaginez-vous la relation de ces deux là ? 👀

Pour me soutenir, n'hésitez pas à me laisser un vote, un commentaire et à partager Room 424 à vos amis ! Ça me ferait suuuuper plaisir ! 💕

Si tu as lu la note de fin de chapitre jusqu'ici t'es un petit palmier des îles. Pour me le montrer, commente "🏝️".

On se retrouve très vite pour la suite. Love, 

Morgane 🩷


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