Chapitre 92 : Yoongi - 75%
Yoongi s'essuya le coin des yeux pour y déloger les deux minuscules larmes qui y étaient nées. La courageuse réponse de Taehyung l'avait ému. Témoin du rapprochement des deux garçons, il savait la sincérité de leur amitié, et l'entendre parler ainsi de Jungkook, ça le bouleversait. Cet ange décrit par Taehyung, il voulait croire qu'il se trouvait désormais dans un ailleurs paisible, accompagné de trois autres anges partis trop tôt. Il voulait croire que tous ensemble, ils les surveillaient avec bienveillance – parce que s'ils le pouvaient, nul doute qu'ils agiraient de cette façon.
« Je vais prendre une douche, » marmonna Yoongi en quittant le canapé – il avait besoin de décharger un peu ses émotions, et il ne supportait pas l'idée que les spectateurs assistent à ça.
Jimin se contenta d'un acquiescement et s'en alla. Le rappeur devina qu'il se rendait à l'entraînement, comme d'habitude. Peut-être que lui aussi, il avait besoin de décharger ses émotions, mais lui ne savait le faire autrement qu'en dansant. Alors s'il voulait pleurer, il devait danser. Il ne verserait pas de larmes, mais de la sueur, et son cœur s'apaiserait en s'accélérant tandis que ses mouvements lui voleraient son souffle. Seule cette lueur à peine discernable dans ses prunelles témoignerait de ses sanglots qu'il demeurerait incapable d'exprimer comme n'importe qui.
Et Taehyung ? Yoongi ignorait où il avait décidé de trouver refuge, mais ça lui importait peu : il lui fallait rester seul, ça se lisait dans son regard qu'il ne désirait pas qu'on le dérange. Ils avaient tous besoin de rester un peu seuls, en vérité.
Le rappeur se rendit à la salle de bains. Tout ici lui paraissait tout à coup immense et vide. Surtout vide. Il ne savait pas pourquoi, mais ça lui donna la soudaine envie de hurler à s'en déchirer les cordes vocales. Exprimer une bonne fois pour toutes les émotions qui s'emmêlaient en lui. Un nœud qui lui serrait la gorge à la manière d'une chaîne autour de son cou, prête à se tendre pour mettre fin à ses souffrances.
Yoongi entra dans une large cabine de douche. Il abandonna ses vêtements dans un petit meuble et fit deux pas jusque dans un espace vitré dont il referma la porte derrière lui. L'eau commença à couler, ses larmes avec. Le cri qu'il retenait lui brûlait la trachée, les poumons, le corps entier. Tout en lui se révoltait soudain sans qu'il en comprenne la raison.
Il se doucha avec au cœur une rage enflammée que l'eau ne parvint pas à apaiser.
Il se sécha puis se rhabilla et sortit de la cabine. Jimin se trouvait là, en train de se mettre de la crème sur le visage. Yoongi l'avait cru en répétitions – et peut-être s'y était-il rendu, car le rappeur avait passé une bonne demi-heure dans son coin protégé de l'œil curieux des caméras.
Craignant que son amant ne désire rester un peu seul, Yoongi ne lui adressa pas un mot, pas un regard, et s'apprêtait à quitter la pièce quand un éclat de voix faible l'arrêta dans son élan.
« Hyung, ça va ? »
L'appelé se tut. Il demeura un instant immobile et muet, à la recherche de la réponse que lui-même ignorait. Est-ce qu'il allait bien ? Outre cette folle envie de hurler, oui, rien n'avait changé en lui. Pourtant tout avait changé. Une révulsion sans précédent lui tordait les boyaux, dégoût dont il ne saurait expliquer l'intensité. Ce programme l'avait toujours écœuré, alors pourquoi cela l'horripilait-il tant désormais ?
« Je crois que c'est Taehyung, songea Yoongi à voix haute.
— Taehyung ?
— Ce qu'il a dit... je sais pas si ça va, du coup. »
Ils n'étaient pas filmés, autant en profiter pour s'ouvrir, peut-être cela finirait-il par le soulager de ses tourments...
« Taehyung est quelqu'un de très émotif quand il s'agit de ceux auxquels il tient, acquiesça Jimin.
— J'ai vu ça. Ça t'a pas remué qu'il dise tout ça, aussi bien de Jungkook que de toi ? »
Jimin haussa les épaules.
« Je me suis pas posé la question, expliqua-t-il devant le regard perplexe de son aîné. Il l'a dit, c'est tout.
— Ça te bouleverse pas de savoir que ce garçon tient autant à toi ?
— Je sais pas.
— Ça te rend pas même un peu heureux ?
— Je sais pas.
— Est-ce que... moi je te rends heureux ? » osa Yoongi avec timidité.
Jimin ne répondit pas, il termina d'étaler un peu de crème sur son front.
« Quand je te dis que je t'aime, tu ressens rien ? demanda-t-il encore.
— Je sais pas décrire ce que je ressens. Je m'autorise pas à ressentir.
— Tu m'as déjà avoué éprouver du désir pour moi.
— Oui, mais est-ce que c'est une émotion ou un instinct ? Vouloir faire l'amour, c'est primaire, ça vient pas vraiment du cœur. L'amour, en revanche, si. Ça vient du cœur. Je t'aime, mais j'ai du mal à le percevoir moi-même. Quand tu m'embrasses, mon cœur ne bondit pas, il sursaute à peine. Parce que je lui ai appris à rester en place. Quand tu m'avoues ton amour, mon cœur ne crie pas, il murmure tout juste. Parce que je lui ai appris à se taire. Mais ce sursaut, ce murmure... ils semblent peut-être trop faibles pour signifier quoi que ce soit. Sauf que pour moi, le moindre mouvement dans ma poitrine se répercute à la façon d'une explosion. Je n'ai plus l'habitude de rien, si bien que quoi que ce soit me paraît tout à coup phénoménal.
« Je sais pas si tu me rends heureux, mais je sais que je t'aime, parce que y a un truc en moi qui bouge quand je le dis, quand je le pense. J'ai du mal à interpréter ces signes, je sais pas reconnaître le bonheur, l'amour... mais ce truc au fond de moi, il me dit que je suis un peu moins mal dans ma peau quand t'es avec moi. Alors j'imagine que je suis heureux, mais je pourrais pas l'affirmer.
— Tes sentiments sont changeants, reconnut Yoongi, un jour tu m'aimes, et le lendemain t'en es pas tout à fait sûr.
— Je suis sûr de ressentir quelque chose de positif avec toi, mais je suis pas sûr de pouvoir appeler ça amour ou désir. Je crois que c'est de l'amour, et si ça peut te rendre heureux que je pose avec assurance ce mot sur ce que je ressens, alors je le ferai. Parce que ce truc que je ressens me donne envie que toi aussi, tu ressentes quelque chose d'agréable.
— Tu veux me rendre heureux ?
— Oui.
— Alors ça me suffit, souffla Yoongi, ça me suffit à penser que tu m'aimes bel et bien.
— Je pense aussi que je t'aime.
— Ça me va. Je suis heureux. »
Un sourire sincère naquit sur ses lèvres, sourire auquel ne répondit pas son compagnon – mais Yoongi savait que s'il le pouvait, Jimin le lui rendrait, et comme il aimerait voir la joie illuminer son visage terne ! L'aîné approcha son ami et se plaça à sa hauteur, si près de lui que Jimin devina son intention avant qu'il ne lui pose la question.
« Oui, susurra-t-il en guise de réponse à sa demande muette, embrasse-moi. »
Yoongi se décida en un clin d'œil, il ne délibéra pas un instant avec sa conscience : il plongea tout en douceur sur les lèvres de son bien-aimé qui enroula les bras autour de sa nuque pendant que lui l'enlaçait aussi. Le baiser ne s'approfondit pas, il demeura surfacique – et Yoongi les adorait ainsi, délicats et presque timides. Ça dégageait quelque chose d'innocent qui correspondait au Jimin angélique dont il avait l'image.
« Hyung, haleta Jimin en l'écartant sans brutalité, attends...
— De quoi ? »
Jimin chercha ses mots sans les trouver. Il se blottit contre son amant qui lui caressa le dos avec tendresse... et cette chose en lui qui grondait et le poussait à souhaiter hurler, il la sentit grandir.
« Rien, murmura Jimin, j'avais juste envie que tu m'enlaces.
— Je crois que je sais ce qui se passe.
— Hein ?
— Ce truc qui me donne envie de crier depuis des jours...
— Ah ?
— J'en ai marre d'être malhonnête. De devoir me cacher. Moi, j'ai toujours été direct, franc – peut-être trop, parfois.
— Alors qu'est-ce que tu comptes faire ? » l'interrogea Jimin en s'écartant de lui tandis que s'allumaient leurs deux bracelets.
Face à face, ils se dévisagèrent quelques secondes avant que Yoongi ne déglutisse en lui tendant la main... et il jura que de nouveau un maigre rictus avait, l'espace d'un instant, resplendi sur les lèvres de celui que son cœur chérissait avec tant d'ardeur. Jimin lia ses doigts aux siens et, à la lueur qui brillait à leur poignet, ils dévorèrent la distance qui les séparait pour enfin s'embrasser sans s'inquiéter des caméras. Yoongi avait choisi d'être sincère, Jimin avait choisi d'écouter son cœur plutôt que sa raison.
Pour la première fois, l'un avait l'âme légère tandis que pour la première fois, l'autre se moquait de l'avis des fans à son sujet.
Quitte à mourir, ils mourraient honnêtes.
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