Chapitre 8 : Namjoon

Semaine 1 – Jour 1.

Réveillé en plein milieu de la nuit, Namjoon alla soulager son envie pressante. Ce ne fut qu'à son retour dans la chambre qu'il s'aperçut d'une part de l'absence de Yoongi et d'autre part des bracelets de chacun des aînés éteints.

Sans doute la caméra filmait-elle le rappeur pendant qu'il travaillait – ou bien le repos paisible des cadets, mais ça, Namjoon en doutait. Il se rendormit en songeant à la façon dont il pourrait agir, de sorte à attirer l'œil des spectateurs et montrer son talent.

Il lui vint bien cette idée de musique qui lui tournait en tête depuis des semaines, mais le moment ne lui semblait pas propice à ça. Il irait probablement prendre la pièce que libèrerait Yoongi au lever du soleil.

Le sommeil coupa court à ses réflexions.

Debout en même temps que l'aube, Namjoon se hâta aux studios. L'un se révéla libre, quant à celui d'à côté... le voyant rouge au-dessus de la porte indiquait qu'il était occupé. D'abord surpris que Yoongi ait travaillé toute la nuit ici, il le fut plus encore quand il remarqua une seconde lumière rougeâtre. Celle de la salle de danse individuelle.

Soit il existait un autre lève-tôt dans la bande, soit ils s'avéraient en fait deux à avoir connu une nuit blanche.

Craignant de déranger s'il entrait en dépit du voyant écarlate, Namjoon préféra s'installer directement dans un studio libre. Il redécouvrait cette caverne aux merveilles dans laquelle il avait pourtant passé de longues minutes la veille à admirer chaque engin. Il les avait détaillés un à un, en avait étudié le moindre fil, il avait même trouvé le temps de tester les enceintes... et il en avait été ébloui. Le son était d'une beauté telle que le jeune rappeur en avait eu des étoiles dans les yeux. C'était l'endroit idéal, le paradis – et il savait que les autres pensaient pareillement. Les bracelets avaient été bien vite oubliés quand ils avaient visité l'immensité de la maison.

À son aise dans le fauteuil de cuir face au bureau, Namjoon poussa un soupir de bien-être avant de s'y affaler un court instant. De nouveau le dos droit, il se mit aussitôt au travail. Sa matinée, il la passa à composer et écrire. L'ordinateur indiquait que chacun possédait sa session, son mot de passe, et qu'ainsi, ils pouvaient avancer sur leur propre projet individuellement.

À noter, d'ailleurs : toutes les données de leurs appareils personnels leur avaient été demandées afin d'être incluses à leur session. De cette manière, ils pouvaient finaliser leurs idées déjà en cours ou bien retravailler des œuvres achevées. Namjoon suspectait que les producteurs ne s'étaient également pas gênés pour fouiller dans leurs informations, mais il préférait ne pas y songer et se concentrer sur le positif : il pouvait terminer sa mixtape. C'était tout ce qui comptait à ses yeux. Le reste importait peu – surtout pour lui qui se savait destiné à mourir bientôt : quelle importance que quiconque vienne fouiner dans ses affaires ?

Namjoon s'étira une fois son projet sauvegardé. Il inspira profondément et se redressa avant de quitter le studio. Après quelques pas dans le couloir, il croisa un autre garçon, Jungkook. Le jeune homme arborait un visage rougi par l'effort, des cheveux humides de sueur, et il tenait une bouteille d'eau. Il haletait, il se contenta de baisser la tête avec respect devant son aîné.

« Oh, t'as fait de l'exercice ? s'enquit Namjoon.

— J'ai un peu dansé, oui, marmonna-t-il avec timidité.

— C'est bien. T'étais dans la petite salle ?

— Non, la grande, pourquoi ?

— Juste pour savoir. On va bientôt déjeuner ?

— Je sais pas.

— Tu retournais t'entraîner ?

— Oui, j'avais oublié de prendre une bouteille d'eau. »

Namjoon désirait poursuivre la conversation, cependant son cadet fila avant de lui en laisser l'occasion. Donc... ce n'était pas Jungkook qui se trouvait, ce matin-là, dans la salle de danse individuelle. Yoongi occupait quant à lui le studio... peut-être Hoseok. La veille, pendant le barbecue, il avait appris que ce candidat avait une grande passion pour la danse, une passion telle qu'il passait parfois des nuits entières à créer de nouvelles chorégraphies pour son groupe, avant un championnat par exemple.

Chacun ici semblait, de toute façon, bien assez captivé par son art pour s'y dévouer même la nuit. Après tout, ils agissaient dans l'intérêt de leur vie : s'ils voulaient plaire au public, il fallait lui montrer de quoi ils étaient capables. Il leur fallait exploiter leurs talents.

Namjoon se hâta de rejoindre la cuisine – son ventre criait famine. Il s'y trouvait déjà Jimin. Ce garçon l'intriguait, d'ailleurs : lors de leur barbecue, Jimin n'avait pratiquement prononcé aucun mot. Il était resté discret, timide, mais pas timoré comme Jungkook semblait l'être. Jimin, lui, il était simplement perdu dans son monde.

Son portable en main, Jimin faisait la moue. Il n'avait pas remarqué la présence de son aîné qui le fit sursauter lorsqu'il lui demanda ce qu'il regardait.

« Juste le forum du jeu, marmonna Jimin avant de soupirer. Tu y as déjà fait un tour ?

— Non, pas encore. Y a des trucs intéressants ?

— Bof, pas vraiment. Une vague tendance qui se dessine pour certains, mais rien de très marqué pour le moment.

— Ouais, forcément, c'est encore que le début.

— Exactement.

— Tu sais si on déjeune ensemble, tous les sept ? demanda Namjoon.

— Non, désolé, aucune idée.

— T'as déjà mangé ?

— Non.

— On pourrait manger ensemble.

— Désolé, j'ai beaucoup de choses à faire, mais une prochaine fois, pourquoi pas.

— Ouais, ça me va. »

Jimin avait un ton étrangement monocorde. Il ne paraissait pas éprouver la moindre émotion, détail qui perturbait Namjoon. Lui en effet était entouré de peu de personnes, mais généralement il s'agissait de personnes qui exprimaient de manière parfois vive leur sensibilité : des artistes, des passionnés de littérature.

Le manque d'émotions avait son charme. Ça lui semblait différent, tout simplement. Il s'y habituerait, ça appartenait au caractère de Jimin. Il avait l'air aussi gentil que distant, en tout cas – autrement dit, Namjoon le considérait comme un petit ange, un petit ange incapable de ressentir.

Décidé à profiter du beau temps, le rappeur cuisina un repas duquel il alla se régaler sur la terrasse. Son bracelet demeurait éteint – il n'allait pas s'en plaindre : il venait une fois de plus de manquer de s'écraser lamentablement sur les dalles de pierre. L'inquiétude lui serra malgré tout la gorge lorsque, occupé à la vaisselle, il s'aperçut que ce bijou diabolique n'avait pas brillé de la journée.

Une horloge murale indiquait que deux heures approchaient, et Namjoon se demanda comment il parviendrait à capter l'attention du public (et avant tout des caméras). L'esprit plongé dans sa réflexion et les mains dans l'eau savonneuse, il sursauta lorsque des enceintes disposées partout dans la villa diffusèrent le bruit de la sonnerie d'un appel vidéo.

Le cœur du jeune homme s'emballa douloureusement : il avait complètement oublié les missions quotidiennes. Aussitôt, une crainte lui tordit l'estomac et il abandonna sa vaisselle pour se rendre au salon. C'était sans doute le moment qu'attendaient le plus les téléspectateurs, et celui qui était le plus redouté par les candidats.

Déjà Namjoon frémissait, et sa démarche devenait de plus en plus raide à mesure qu'il approchait du séjour. On jurerait regarder un de ces vieux robots rétro qui amusaient encore certains enfants. Par chance, il savait qu'il ne risquait rien aujourd'hui : il était trop jeune. Au salon, en revanche, Seokjin ne paraissait pas aussi serein. Namjoon s'assit à côté de son aîné qui avait les yeux braqués sur l'écran éteint. Il tentait de montrer un visage neutre, mais il ne s'était pas aperçu de sa jambe qui tremblait. Son cadet n'osa pas le lui faire remarquer, il garda le silence. Le stress de son camarade rejaillissait sur lui.

Cette fois-ci, le rappeur put constater que son bracelet brillait, tout comme celui de son voisin. Un à un, les autres garçons finirent tous par se joindre à eux en l'espace de quelques dizaines de secondes – des secondes qui semblèrent longues, si longues, si anxiogènes, rythmées par les battements arythmiques des sept cœurs palpitants. Difficile d'admettre que chaque jour retentirait cette même sonnerie beaucoup trop douce pour ce qu'elle impliquait, difficile d'admettre que dans trois jours, elle le concernerait, lui.

Dès l'instant où le bracelet de Yoongi, dernier arrivé, s'alluma, la télévision en fit de même. Le seul nom de Seokjin y figurait, sous lequel une icône de chargement permettait d'entretenir un suspens insoutenable pour les candidats, jouissif pour les téléspectateurs.

Des jamos apparurent, un à un, jusqu'à former une phrase : la mission de Seokjin.

Seokjin,

Fais-nous entendre ta voix tout de suite, s'il te plaît.

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