Chapitre 63 : Yoongi - 81%

Semaine 3 – Jour 1.

Las d'utiliser sa colère pour travailler, Yoongi avait vite compris qu'il lui fallait se détendre : sa mâchoire contractée et sa mauvaise humeur constituaient autant de preuve de son agacement. Chaque fois qu'il composait, il tentait de saisir l'amertume qu'il éprouvait afin d'écrire des paroles toujours plus sincères, néanmoins ça impliquait aussi de se souvenir de tout ce qui l'avait blessé, de tous ceux qui avaient essayé de le briser.

Et de ceux qui avaient réussi.

Ses chansons l'aidaient à extérioriser. Or, admettre ses faiblesses autant que sa rage, ça le soulageait sans le rendre heureux. Rien en vérité ne le rendait heureux, mais écrire parvenait à apaiser son âme, si bien qu'il s'y était jeté à corps perdu.

En revanche, il existait désormais une personne capable également de le calmer, de calmer sa fureur. Ce fut pour cette raison que le rappeur entra dans la salle de danse qui jouxtait son studio, sans même frapper. Il se montra discret, peu désireux de déranger son Jimin pendant qu'il était si beau, perdu dans son monde de musique.

Et puis les bracelets brillaient, impossible pour Yoongi de témoigner à son concurrent l'amour qu'il lui portait. Aimer un concurrent... quelle idée stupide.

Le morceau s'acheva, Jimin plongea à travers la glace dans celui, tout aussi inexpressif que le sien, de son aîné.

« Salut.

— Salut.

— T'as fini de composer ? s'enquit Jimin en attrapant sa bouteille d'eau.

— Ouais. Et toi ? Fini de danser ?

— Non. Juste une pause.

— Il est cinq heures. Tu t'es couché, au moins ?

— J'ai dormi jusqu'à deux heures, ouais. »

Parce qu'il n'avait aucune idée sur la façon de poursuivre cette conversation, Yoongi se contenta de hocher la tête en silence. Jimin retourna à ses chorégraphies, sous l'œil admiratif de son ami. Le rappeur le dévorait du regard : son corps était sublime, un peu trop maigre mais si sec que ses muscles n'en étaient que plus encore mis en valeur, saillant sous sa peau luisante de transpiration.

Yoongi le trouvait atrocement sexy, et c'était sans compter sur la mélodie qui se lança ensuite : une chanson romantique qui, sans être sensuelle, possédait un rythme néanmoins assez doux qui impliquait des mouvements lents et contrôlés.

L'observer sans laisser paraître ni son amour ni son désir apparut à Yoongi comme une véritable épreuve qui s'acheva par chance trois minutes plus tard : les bracelets s'éteignirent. Aussitôt l'aîné se redressa et approcha son amant qui s'était tourné vers lui. Jimin le regardait sans la moindre émotion, mais son ami avait appris à déchiffrer ces jolies prunelles sombres et impénétrables pour y lire toute la tendresse réciproque qu'il lui inspirait.

« Je peux t'embrasser ? souffla Yoongi une fois face à lui. Ça m'a gonflé, de composer, j'ai besoin de me détendre.

— Alors vas-y. »

Il n'hésita pas, il plongea sur ces lèvres charnues qui avaient prononcé d'un ton beaucoup trop tentateur ces mots délicieux. Une main au creux des reins de son cadet, la seconde dans son dos, Yoongi le serrait vivement contre lui tandis qu'il lui volait un baiser ardent, preuve de son besoin de se défouler. Quant à Jimin, il demeurait immobile, ravi au fond de lui d'être utilisé de cette manière. Il adorait la brutalité de Yoongi, cette sauvagerie qui se voilait néanmoins de tendresse chaque fois qu'il lui témoignait son amour. Il lui demandait d'un murmure la permission de lui bouffer la bouche, et Jimin se sentait aussitôt embarqué dans un plaisir incommensurable.

Paupières closes, les deux garçons avaient pris conscience qu'ils ne pouvaient plus se passer l'un de l'autre, qu'ils ne savaient plus respirer une fois les lèvres de l'autre loin des leurs, qu'ils s'aimaient avec passion. Une passion qu'ils exprimaient à leur manière, certes, mais une passion qui n'en devenait que plus puissante chaque fois qu'ils la laissaient les contrôler. Plus les jours s'écoulaient, plus il se révélait difficile de résister.

« Han... hyung... »

Yoongi, ravi de cette réaction, continua de grignoter le cou de son amant qui se soutenait tant bien que mal en lui agrippant les cheveux – ses jambes déjà fatiguées ne le portaient plus. Sentant la peine éprouvée par son cadet à tenir debout, le rappeur ne le relâcha que pour s'asseoir sur le parquet et l'installer à califourchon sur ses cuisses. Jimin se laissa faire, et bientôt l'autre fondit de nouveau sur sa clavicule qu'il butina, mordilla, et sur lequel il passa brièvement la langue.

Le danseur respirait bruyamment, le souffle lourd et haché sous l'effet du plaisir qui lui dévorait le cœur et les poumons. Il s'accrochait à ses épaules, se maintenant comme il le pouvait sur ses cuisses. Il rêvait de se déhancher, d'exciter Yoongi avec des mouvements lascifs... mais il demeura immobile, appréciant sans un geste le traitement qu'il offrait à son cou et la naissance de ses clavicules sensibles.

Peut-être qu'il craignait ce qu'impliquerait le fait d'exciter Yoongi. Le risque que le monde les surprenne, les souvenirs de ce qu'il avait vécu ; aimer un homme, c'était déjà monstrueux, mais l'exciter, coucher avec lui... inhumain. Et si la tendresse de Yoongi l'aidait à passer outre la sensation d'être sale, il ne se sentait cependant pas capable d'aller plus loin, effrayé que l'image que lui renverrait ensuite le miroir ne le dégoûte encore plus qu'avant. Il se savait immonde, ses parents le lui avaient tant répété.

« Jiminie... tu vas bien ? »

Le cadet haussa les épaules pour toute réponse. Il tenta de ravaler ses craintes, mais rien à faire : maintenant qu'il avait pensé à eux, il n'éprouvait plus rien d'autre qu'un écœurement mêlé de douleur. Il repoussa Yoongi, quitta ses cuisses et s'enfuit sans un mot... mais c'était sans compter sur le rappeur qui bondit sur ses pieds et, d'un geste habile, lui attrapa le poignet. Le pauvre danseur faillit perdre l'équilibre et s'échoua dans l'étreinte de son amant qui le serra contre lui.

« Parles-en, si quelque chose te blesse. Qu'est-ce qui va pas ? J'ai fait quelque chose de mal ?

— N-Non, souffla Jimin, c'est moi... On devrait pas.

— On devrait pas ? Comment ça ?

— Lâche-moi, hyung.

— Pas tant que tu m'auras pas dit ce qui allait pas.

— Je veux pas être contre toi, c'est tout, lâche-moi.

— Regarde-moi dans les yeux et dis-moi que ce qui t'a mis dans cet état, c'est l'amour que je te porte et les baisers qu'on a échangés. »

Il obligea Jimin à reculer, juste assez pour prendre son menton entre le pouce et l'index, et il chercha son regard que Jimin refusait pourtant de planter dans le sien. Il y fut néanmoins contraint quand Yoongi dirigea de manière un peu plus brusque son visage vers le sien. Son cadet lâcha un gémissement mais finit par obéir. Il plongea dans ses yeux sombres, s'y noya comme dans un océan impétueux. Son aîné approcha son autre main et, du pouce, lui caressa la joue.

« C'est toi qui m'a mis dans cet état, murmura Jimin, je ne veux plus qu'on s'embrasse.

— T'en es bien sûr ? »

Non, évidemment, mais il refusait d'avouer.

« Oui.

— Tu me fascines, Jimin...

— Pourquoi ?

— J'avais jamais entendu quiconque parler avec autant d'aplomb alors même que son regard le trahissait de manière aussi évidente.

— Hyung...

— Tes mots me repoussent, mais tes yeux m'appellent.

— Aime-moi, murmura finalement Jimin d'un ton toujours monocorde.

— Je t'aime déjà plus que tout. »

Et sur ces mots, les deux garçons s'enlacèrent de plus belle pour partager un baiser passionné, un baiser qui témoignait de l'amour de Yoongi aussi bien que des souffrances de Jimin. Il savait qu'il n'avait pas de raisons de se fustiger ainsi, mais... on lui avait si longtemps répété qu'il était ignoble, indigne d'exister. Et Yoongi, il était si beau... Jimin s'était tout à coup senti coupable de l'approcher, de l'aimer, de l'embrasser et de le désirer. Il lui semblait salir celui qu'il chérissait pourtant.

Le jeune rappeur obligea son ami à se presser contre lui, les corps entrèrent en contact en même temps que les langues, et les angoisses de Jimin s'effacèrent lentement. Les mains dans le dos de Yoongi, il serrait son t-shirt pour s'y raccrocher comme à un ultime espoir, et la maladresse de ses mouvements traduisait tant sa confusion que sa précipitation irréfléchie.

Il ressentait un irrépressible besoin d'amour, qu'on lui prouve qu'il méritait de connaître le bonheur, ne serait-ce qu'une fois dans sa vie. Et pourtant, son visage gardait cette éternelle impassibilité que seul son regard trahissait. Pas une larme, jamais un sanglot, aucune douleur sur ses traits magnifiques. Toutes ses souffrances étaient contenues dans les ténèbres obscures de ses prunelles, mystères insondables que Yoongi avait finalement su percer.

L'aîné passa les doigts sous le haut de son amant afin de lui caresser le bas du dos de manière chaste et tendre. Jimin couina malgré leur baiser, et Yoongi le sentit se détendre enfin peu à peu contre lui. Ils se perdirent dans ces marques d'affection, ignorant les bracelets par chance demeurés éteints.

Ils savaient cependant que tôt ou tard, une fois que les producteurs jugeraient le moment opportun, le secret de leur couple serait révélé au monde entier. Et pourtant... qu'est-ce qu'ils s'en foutaient, isolés de tout dès lors qu'ils s'abandonnaient à ces étreintes qui les comblaient.

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