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 — Je... hésite-t-elle peut-être pour me déstabiliser ou peut-être parce qu'elle n'est pas sûre de ce qu'il vaut mieux qu'elle fasse, dur à dire.

Je n'avais encore jamais été confrontée à une situation pareille, mais c'est beaucoup plus dur que prévu d'analyser une scène dans sa globalité sans être capable de faire confiance à un seul élément. Le tout en sachant que je bugue, alors ça peut d'autant plus fausser mes impressions.

Je ne dis rien, la laissant continuer, ayant tout mon temps pour la perturber à cause de mon silence.

Son regard fuit, comme pour se raccrocher à un point fixe dans la pièce, mais c'est dur de l'interpréter précisément.

— Je ne suis pas capable de rétablir la surveillance, finit-elle par affirmer comme pour gagner un peu de temps avec un mensonge qui ne tient pas la route.

Parce que soit, elle n'a peut-être pas les compétences de le faire, mais elle a la capacité de demander à quelqu'un de le faire pour elle. Elle cherche juste à trouver une échappatoire et un peu de temps supplémentaire pour pouvoir réfléchir sur la suite des événements.

— Je m'en fous, tu peux très bien demander à quelqu'un de le faire pour toi, alors ne me fait pas perdre mon temps. Ma patience à des limites et aujourd'hui, elles peuvent être très rapidement dépassées et je peux malencontreusement te faire du mal pour parvenir à mes fins, remarqué-je en restant volontairement calme pour la déstabiliser plus que si je m'énervais vraiment.

Après tout, la colère ne mène nulle part alors que le calme permet d'atteindre nos objectifs exactement comme on le voulait, ce qui s'avère encore plus dangereux. C'est pour ça que les plus grands psychopathes restent souvent placides, ça leur permet de mieux manipuler le monde qui les entoure. Et ça, je suis sûre que Cali en a conscience au fond d'elle, maintenant, ce calme dans une situation décalée arriver à effrayer l'Homme moderne.

— Il faut que je demande à Bill, affirme-t-elle d'une voix neutre.

— Je ne demande rien de mieux, remarqué-je plus venimeuse que placide, mais c'est volontaire et j'ai encore tout le contrôle sur moi-même. Et s'il te plaît, fais-le tout de suite, ni toi ni moi n'avons vraiment de temps à perdre.

Elle me regarde, une expression neutre sur le visage, je n'arrive même pas à savoir si c'est volontaire ou involontaire, impossible à déterminer. Je ne peux presque pas en tirer la moindre émotion, la seule que je peux peut-être interpréter c'est l'indifférence, mais c'est encore plus énervant qu'autre chose de s'en rendre compte. Son contrôle entier est énervant, j'ai l'impression de me tromper, je suis complètement perdue, je ne sais plus rien et elle arrive à presque me déstabiliser alors que de base, c'était mon objectif à moi. C'est horripilant, je n'en peux plus, je crois que je vais craquer, c'est vraiment dur pour moi, c'est la première fois que je suis autant dans le flou, que je n'ai aucun contrôle de la situation, je le supporte très mal.

Au moins, elle m'obéit, c'est déjà ça, elle appuie sur le bouton de l'interphone posé sur son bureau. Mais sa main ne tremble même pas, elle n'a pas la moindre hésitation. Rien. Ça me donne presque l'impression qu'elle a répété la scène plusieurs fois. C'est horriblement désagréable comme impression. Ça renforce encore plus celle de se faire duper depuis le début et que tout ça soit un échec monumental, que ce soit complètement inutile, que je sois juste en train de me faire mener en bateau. Je ne sais vraiment pas quoi penser de tout ça.

— Rétablis la surveillance et dis aux gardes de poser les armes et de redescendre dans le hall, demande-t-elle à Bill à travers le micro avec toujours la même voix blanche, toujours le même contrôle.

Je commence très sérieusement à penser que je suis au beau milieu d'un piège. Mais je ne peux rien y changer, je suis complètement bloquée et je n'ai aucune issue possible si je veux des réponses ici et maintenant, je suis prise au piège et je suis certaine que Cali en a très bien conscience.

— Mais madame... s'étonne-t-il ne paraissant pas comprendre.

— C'est un ordre, affirme-t-elle un peu plus sèchement.

— Très bien madame, je vais faire ça tout de suite, répond-il sans la moindre hésitation ni la moindre incompréhension.

Son changement de ton m'inquiète presque, c'est comme s'il avait compris ce qu'il se passait avec la simple phrase de Cali, comme si c'était un code pour lui demander de faire quelque chose de plus ou pour le prévenir de ma présence. Ou alors je me fais des films et Bill Gates est uniquement en train de respecter sa supérieure qui vient de lui ordonner de faire quelque chose même s'il ne comprend pas pourquoi il est censé le faire...

L'échange est coupé et Cali se concentre de nouveau sur moi en soupirant.

— Qu'est-ce que tu fais là, Ronii ? me demande-t-elle alors en soupirant.

— Je viens pour mon rendez-vous, comme convenu, non ? remarqué-je en tentant de voir si je peux obtenir quelque petite information sans révéler ce que je sais déjà.

— Et en vrai ?

— En vrai, j'attends que la surveillance soit réactivée.

— Ça va être fait, affirme-t-elle en croisant ses bras sur sa poitrine avec toujours le même détachement.

Le silence s'installe un peu alors que je surveille à la fois Cali et le réseau de surveillance pour voir tout de suite lorsqu'il sera revenu.

— Tes dysfonctionnements ont pris le dessus, c'est ça ? Tu peux me le dire, tu sais ? Tu peux me faire confiance. Je ne sais pas ce que tu penses, mais nous sommes là pour t'aider à aller mieux, pas pour te faire le moindre mal, j'espère que tu en as conscience, déclare-t-elle en réussissant presque à être sincère, mais elle a une micro-expression de fierté et de malice qui la trahie.

Au moins, elle n'est pas infaillible, c'est déjà rassurant.

En même temps, les images de vidéos de surveillance reviennent pour toutes les caméras de l'immeuble et elles sont en direct puisque je vois les gardes descendre les escaliers. Par simple précaution, je vérifie si leurs armes sont bien restées dans les marches, un peu plus haut et c'est bon. Au moins, ce que j'ai demandé a été fait, c'est déjà un bon début. Et maintenant que je peux surveiller les images en temps réel, je vais pouvoir me détendre un peu, la menace d'un piratage est toujours présente, mais au moins, maintenant ils ne peuvent plus me prendre par surprise pour me contraindre.

— C'est bon, Bill a bien fait son travail, maintenant, nous allons pouvoir discuter, affirmé-je en m'asseyant sur la chaise en face de son bureau.

— C'est bien, il faut qu'on discute, on peut t'aider, vraiment, ça va aller mieux après, ne t'en fais pas, tu ne dysfonctionneras plus, tu n'as rien à craindre...

— Arrêtez avec ces foutus dysfonctionnements, je ne suis pas là pour ça. Mon plus gros problème actuellement c'est que je sais tout.

— Tu sais tout ? répète-t-elle abasourdie, ne paraissant même pas comprendre et cette fois, elle a l'air totalement perdu, ce n'est pas joué, il y a trop de vrais signes d'étonnement, même pour une très bonne comédienne.

— Oui, je sais tout, tout dans les moindres détails.

— Et qu'est-ce que tu sais exactement ?

J'adore le jeu du chat et de la souris, mais quand aucune ne veut être la proie et que nous sommes deux dans le rôle du prédateur, ça peut s'avérer beaucoup plus long et complexe.

— Pourquoi, tu as beaucoup de choses à te reprocher et tu penses que je suis au courant que d'une partie de tes agissements seulement ?

Je n'ai pas été faite pour être une proie et je ne suis pas loin d'être le meilleur prédateur possible, je peux très bien jouer à ce petit jeu longtemps jusqu'à ce qu'elle laisse échapper la vérité, ou au moins une partie de celle-ci.

— Non, bien sûr que non !...

Et elle essaye d'être convaincante. C'est sûr qu'elle y était quand elle était un minimum préparé à ce qu'elle allait dire, mais maintenant, je l'ai vraiment prise par surprise et elle est perdue. Apparemment, ce n'était pas dans son plan de base de m'informer de ses agissements, dommage pour elle, tant mieux pour moi. Du coup, je dois avoir Kakalina dans mon camp, sinon, elle ne m'en aurait pas informée. Sauf si tout ça fait vraiment partie du plan et qu'ils veulent que je pense que ça ne faisait pas partie de plan pour que je me réfugie en cas de problème auprès de Kakalina et donc du virus pouvant me détruire définitivement.

C'est compliqué. C'est vraiment difficile d'être complotiste et de chercher des réponses à tâtons comme ça, surtout quand les problèmes en question sont sûrement imaginaires. Heureusement que je suis une machine rationnelle et que je suis seulement censée faire attention au monde qui m'entoure, pas de repérer des dangers partout, sinon, je ne sais pas ce que serait le résultat.

— Tu sais, tu peux tout me dire ? remarqué-je en réutilisant sa phrase. Enfin tout me dire ou tout m'avouer comme tu préfères. Dans tous les cas, je ne te ferais pas de mal une fois que tu m'auras tout révélé, c'est promis, je ne compte pas te tuer juste après, tu n'en veux pas la peine.

Elle me regarde hésitante, ne sachant pas trop comment agir. Mais avant que j'aie insisté de nouveau ou qu'elle ne commence à parler, je vois quelqu'un rentré dans le bâtiment du projet RONII, l'air de rien. Malheureusement, je reconnais la personne en question, c'est Elijah... Il m'agace tellement... Qu'est-ce qu'il fout là, il va tout faire foirer ! Il me reste plus qu'à espérer que personne ne se rende compte de quoi que ce soit et ne veuille s'en servir contre moi. Je vais aussi prier pour que les gardes ne lui fassent pas de mal, on ne sait jamais en fonction des ordres qu'ils ont reçus.

— Aller, dites-moi tout qu'on en finisse une bonne fois pour toutes, soupiré-je obligée de me montrer un peu plus impatiente, je ne peux pas me permettre de laisser Elijah là, ce serait beaucoup trop risqué. C'est vrai que je vous ai affirmé que je ne vous ferais pas de mal après que vous m'aurez tout dit, mais rien ne m'empêche de vous en faire pour vous délier la langue.

— Je ne sais rien, je te le promets !

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