1101 (13.2)
Quand je gare ma voiture devant notre maison, je l'entends déjà descendre les escaliers pour me rejoindre, apparemment, elle m'attendait pour manger.
— Ah, te voilà enfin ! Qu'est-ce qui s'est passé ? s'étonne-t-elle, normalement, je mets cinq minutes de moins pour rentrer et je suis aussi ponctuelle qu'une horloge suisse.
— Le prof nous a retenus, il y a eu des bouchons à la sortie et j'ai donné rendez-vous à quinze heures trente à Elijah.
— Quoi ? Mais pourquoi ?
— Je veux comprendre pourquoi il est venu vendredi, il m'agace.
— Et où ça ? s'inquiète-t-elle, n'ayant définitivement pas confiance en moi.
— Dans le parc Tilden.
La présence de public semble la rassurer, il faut reconnaître que c'est plutôt bon signe pour l'avenir.
— Bon, j'espère que tu obtiendras ce que tu veux.
Rien n'est moins sûr avec lui...
En attendant, nous passons à table, le repas étant déjà prêt, et n'étant que toutes les deux, notre mère ayant un rendez-vous pour le travail à San Francisco. Après le repas, nous allons à la Creek, il va falloir que je reparte dans peu de temps, mais en attendant, je peux me permettre de passer un peu de temps avec ma sœur.
— Allez, j'y vais, je reviens le plus vite possible, promis-je en me levant, peu avant quinze heures.
Je ne sais pas exactement combien de temps cette histoire va me prendre, mais quoi qu'il en soit, je suis bien décider d'être de retour dans deux heures maximums, trajet compris.
— Tu y vas à pied ? s'étonne-t-elle en me voyant partir dans la mauvaise direction, au lieu de remonter vers la maison.
— Je serai de retour plus vite, affirmé-je en lui faisant un clin d'œil.
Ou plutôt, j'ai besoin de prendre l'air et de me détendre, la situation dans son ensemble à une fâcheuse tendance à me crisper. En plus, je profite du fait que pour une fois, je vais pouvoir me rendre quelque part en courant, je n'ai pas non plus choisi ce lieu par hasard, la forêt du parc qui entoure le lac est assez immense pour que je passe inaperçue et j'ai très peu de route à traverser pour m'y rendre. J'arrive en avance, mais ce n'est pas gênant, c'était même mon objectif, comme ça, je peux organiser tout à mon avantage et trouver un coin tranquille pour discuter avec Elijah. Je finis par trouver l'endroit idéal, ce qui n'est pas si difficile que ça, nous sommes peut-être en Californie et il fait peut-être encore beau, mais très peu préfère la plage près du petit lac plutôt que la baie de San Francisco, les lieux sont donc déserts.
Et j'attends... Il devrait être là dans cinq minutes, mais j'espère très honnêtement qu'il sera là en avance, en tout cas, je refuserai tout retard... Lorsqu'il est quinze heures trente, je me dis que j'aurai mieux fait de le lui dire, parce que là, il n'a toujours pas l'air motivé à débarquer, je suis à deux doigts de tracer son téléphone, mais venant de lui, ça ne m'étonnerait même pas qu'il indique le mauvais lieu, alors je laisse tomber d'avance. À trente et une, je commence déjà à perdre patience, déjà que ce n'était pas une très bonne idée, alors si en plus, il me fait perdre mon temps, je ne suis pas rendue. Je l'attends encore, mais je commence tout doucement à me rapprocher de la forêt, je n'entends même pas le bruit de son moteur sur la route et il n'est toujours pas garé sur le parking, que j'ai pourtant parfaitement en vue...
Alors que je n'y croyais plus, j'entends enfin sa voiture, il a trois minutes de retard, mais le voilà enfin. Par principe, je ne me retourne même pas vers le parking et je croise les bras sur ma poitrine, il a intérêt à très bien comprendre qu'il est en retard et que ça m'énerve. De toute manière, je suis certaine qu'il n'a pas besoin de voir mon visage pour me reconnaître, alors je n'ai aucune raison de faire plus d'effort.
— Ronii ! s'écrit sa voix dans mon dos à peine quelques instants plus tard.
C'est bien, au moins il a fait vite pour parcourir les deux cents mètres qui séparent la plage du parking, il aurait carrément pu arriver à l'heure, mais c'est déjà un très bon début. En plus, je suis presque certaine que vu le ton de sa voix, il a très bien compris qu'il n'aurait jamais dû être en retard. Tant mieux.
— Tu es en retard, reproché-je tout de même sans me retourner.
— Oui, je suis désolé, je n'avais pas prévu assez de temps
— J'avais peut-être l'intention de te parler, mais là, tu m'as fait perdre mon temps.
— Ne m'en veut pas pour ça s'il te plaît, demande-t-il presque suppliant.
Il commence à me connaître, c'est plutôt bien. S'il me connaissait vraiment, il serait arrivé avant l'heure prévue, mais il fait tout pour se rattraper, c'est déjà un point à peu près positif.
Je me retourne lentement, le regardant, énervée.
— Prochaine fois que tu arrives en retard, ce sera trop tard, l'informé-je malgré le fait qu'il y ait une prochaine fois soit hautement improbable.
Il se rapproche un peu de moi, semblant préférer être plus proche de moi, comme pour m'empêcher de fuir, mais ça ne servirait absolument à rien quand bien même j'en aurai l'intention.
— De quoi veux-tu que l'on parle ? demande-t-il en ne relevant pas mon commentaire.
— De ce que tu veux, après tout, c'est toi qui es venu chez moi vendredi, pas l'inverse, alors en toute logique, tu dois bien vouloir me dire quelque chose, eh bien c'est le moment.
— Pourquoi maintenant ?
Il a conscience que je meurs d'envie de lui poser la même question ? Et que pour le coup, il a sans doute plus la réponse que moi, je n'ai même pas une petite idée de ma présence là, hormis la raison que je lui ai déjà donnée.
— Je te l'ai dit, tu es venu chez moi vendredi et tu as éveillé ma curiosité, ce qui m'a poussé à te faire venir là tout de suite
Il hoche la tête avec approbation, mais il semblait s'attendre à une autre réponse que ça, dommage pour lui, je n'ai vraiment rien de mieux en stock. En le voyant de nouveau garder le silence, je commence à me dire qu'il n'est toujours pas décidé à me dire ce qu'il a en tête, il est très clairement en train de me faire perdre mon temps, c'est incroyable. Apparemment, je ne suis pas près d'avoir le fin mot de cette histoire qui expliquerait son comportement.
— De quoi tu es capable ? m'interroge-t-il de nouveau juste avant que je ne perde complètement patience, parce que là, je commence vraiment à être à bout.
En plus pour une fois, j'aurai de vraies bonnes raisons. Et pourquoi il veut absolument savoir de quoi je suis capable ? Je suis désolée, mais je ne suis pas vraiment partante pour me venter de mon armement et de ma dangerosité, ça peut quand même se comprendre. Mais apparemment, cette raison n'est pas évidente pour lui et il ne comprend pas pourquoi j'ai évité cette question et pourquoi je l'éviterais de nouveau à chaque fois qu'il tentera de me la poser.
— Question suivante, décidé-je, ne voulant ni lui en parler ni lui expliquer pourquoi.
— Je croyais que je pouvais poser toutes les questions que je voulais !
— Je n'ai absolument jamais dit ça, je t'ai dit que tu pouvais me parler de ce que tu voulais, pas que tu pouvais tout me demander et que je répondrai dans les moindres détails à chacune de tes interrogations.
Il ne semble pas me trouver très amusante, mais il paraît tout de même accepter, en tout cas, il est mécontent, mais il enchaîne tout de même sur quelque chose d'autre
— Es-tu immortelle ?
Apparemment, en une semaine, il a bien eu le temps d'imprégner mon robotisme et il a trouvé des questions beaucoup plus pointilleuses. Ce qui en soi n'est ni une bonne chose, ni une mauvaise chose, mais le problème, c'est que je sens dans sa voix, dans son regard qu'il n'a pas réellement envie de parler de ça. Malheureusement, je n'ai aucun moyen de le faire parler, il faut qu'il y vienne naturellement, ce dont il ne semble pas décider du tout. Apparemment, je suis bien partie pour rester dans le flou encore un moment, ce ne sera pas le jour des révélations.
— Je suis un robot, alors oui, ça me paraît être l'ordre logique des choses, puisque je ne peux pas mourir, remarqué-je en évitant soigneusement le sens profond de sa question, sans pour autant l'esquiver complètement, disons simplement que je l'évite en faisant semblant de ne pas la comprendre.
— Non, mais tu m'as mal compris ! Je voulais dire immortelle dans le sens éternel, indestructible, pas dans celui de cesser de mourir.
Ne t'en fait pas, j'ai encore assez d'intelligence pour comprendre ce genre que question. Mais j'osais espérer que tu en aurais également suffisamment pour comprendre la signification d'une réponse comme la mienne. A priori non, tant pis pour moi.
— Tout est dans le titre. RONII, c'est pour Robot Operator Neuromorphic, Intelligent and Indestructible, alors réfléchi deux secondes, s'il te plaît.
Il me considère quelques instants, comme pour réfléchir, puis il hoche la tête, paraissant comprendre ou presque. Pour le coup, je lui ai presque répondu, un exploit venant de moi, mais il faut bien parfois, en plus, c'était plus une vérification qu'une véritable question puisqu'il avait déjà la réponse.
— Mais pourquoi es-tu immortelle, ça n'a pas de sens ! Pour quelle raison est-ce qu'un robot comme toi a besoin d'être immortelle et indestructible ?
Et toi ? Pourquoi me poses-tu ce genre de question alors que la réponse ne t'intéresse pas vraiment ? Ça n'a pas énormément de sens non plus si tu veux mon avis. Je n'irai pas lui dire ça, bien sûr que non, inutile de l'agresser à ce point-là. Surtout que je suis à peu près certaine que ça ne servirait strictement à rien et que pour lui faire dire ce qu'il pense, ce n'est pas la bonne méthode, au contraire même, ça aura sans doute l'effet de le renfermer encore plus dans son silence. Je me tais donc et je réponds calmement à ses questions.
— Mes pères ne voulaient jamais me perdre, alors, c'est logique que je sois immortelle.
C'est raccourci, mais en gros, c'est ça.
— Mais quels pères voudraient faire subir la mort de ses proches à leur enfant ? demande-t-il désespéré, avec un ton de tristesse assez intriguant.
Je ne comprends jamais très bien ses réactions, c'est vraiment quelque chose qui me dépasse. Là, pourquoi il est autant désespéré, c'est un mystère, soit il a beaucoup trop d'empathie à mon égard, soit il détesterait être immortel, soit quelque chose m'échappe complètement, parce que sa tristesse ne correspond pas vraiment à l'une des deux propositions.
— Ne critique pas les choix de mes parents, je ne critique pas les tiens, moi ! remarqué-je, plus énerver par rapport au fait que je ne comprends pas son commentaire, même si je dois avouer que je ne supporte pas les personnes qui critiquent sans rien connaître.
— C'est bon, c'est bon, j'ai rien dit. C'est juste que c'est étrange...
Le mec, il n'a toujours pas compris que je pouvais réagir au quart de tour et qu'il fallait possiblement se méfier.
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