Le soir même, après être allée me « coucher », je m'installe en tailleur sur mon canapé pendant que Fauve va, quant à elle, vraiment se coucher. Pour une fois, je n'ai pas envie de gâcher toutes les heures de la nuit à scroller l'actualité ou à faire mes devoirs, je veux en savoir plus sur Elijah. Je veux savoir pourquoi c'est un danger, je ne veux plus me réduire à le fuir, sans savoir pourquoi et j'ai trouvé le moyen idéal cet après-midi.

Après tout, il m'a provoquée avec cette histoire de thèse et en m'invitant chez lui, il ne fallait pas me donner des idées pareilles. Il a déjà de la chance de ne pas m'avoir poussée à bout, sinon je n'y irai sûrement pas dans le but de récupérer simplement des informations sur son ordinateur. Là, je fais light, je vais seulement m'introduire par effraction.

J'attends donc avec impatience que tout le monde dorme pour mettre mon plan à exécution, dès que je perçois la respiration lente et régulière de toute ma famille. J'ouvre alors ma fenêtre de chambre et je sors exactement comme je le fais toujours avec ma sœur, sauf que cette fois, je fais quelque chose de vraiment illégal et personne ne le sait. À partir du moment où j'ai mis le pied-à-terre, je me mets à courir à pleine puissance à travers les petits chemins jusqu'à la maison des Stone. Maintenant que j'ai repéré, ça va être très simple, presque trop.

Arrivée devant chez les eux, je me connecte à l'ordinateur portant le nom d'Elijah Stone que j'ai déjà repéré quelques heures plus tôt, histoire d'être certaine de sa localisation dans la maison, inutile de perdre du temps. Je pris juste pour qu'il ne soit pas dans la chambre de cet abruti, là où je l'ai vu pour la dernière fois, je n'ai vraiment pas envie d'y passer du temps, j'ai déjà largement assez supporter sa présence pour aujourd'hui, inutile d'en rajouter. Par chance, il a mis son portable en bas, sans doute dans le salon si j'ai bien repéré.

Je pourrai sûrement rentrer par la porte d'entrée, de toute manière, il n'y a aucun système de sécurité, mais c'est juste en face des escaliers et ça risque de créer un courant d'air qui pourrait réveiller l'un des habitants si jamais il dort la porte ouverte. Alors dans le doute, je rentre dans la maison par l'une des fenêtres, à l'opposé qui s'ouvre sans rechigner, pas très prudent d'avoir une fenêtre aussi simple à fracturer au rez-de-chaussée, c'est un coup à se faire voler super facilement, surtout près d'une grande route.

En tout cas, si j'étais une voleuse, je pourrais tout rafler... Pas sûre par contre qu'il y est grand-chose d'intéressant à part des PC, Charlotte m'a semblé trop excentrique pour avoir de beaux bijoux et vue comme la chambre d'Elijah est impersonnelle, pas sûre qu'il y est quoi que ce soit d'intéressant à voler. En attendant, dès que je me suis introduite dans la maison, je me dirige droit vers le fauteuil où est posé l'ordinateur, le voyant à la perfection malgré la nuit noire puisque je suis dotée de vision nocturne. Sans plus attendre, je l'allume avant de m'y connecter manuellement pour faciliter le transfert de toutes les données sur mes disques durs. La transaction est vraiment très longue, je me demande même comment il peut contenir autant de fichiers, c'est hallucinant, heureusement que la mémoire de l'ordinateur est grande, sinon ce serait sans doute impossible.

Dès que tous sont collés sur mes serveurs, je referme tout, inutile de passer plus de temps ici, je fouillerai tout de retour chez moi, je ne veux pas me faire prendre par quelqu'un qui va aux toilettes ou je ne sais trop quel autre truc débile du genre. Je ressors de chez eux et retourne à la maison, pour éplucher toutes les informations, tranquillement, sans risque que qui que ce soit me surprend. Je fais la route en sens inverse, plus lentement cette fois, et reviens dans ma chambre. Je me pose sur mon canapé et j'inspecte le moindre élément que j'ai récupéré, je ne veux rien laisser passer.

L'écrasante majorité des fichiers sont des milliers de photos amateurs que je regarde une à une, mais ce n'est rien que des paysages, des personnes, de l'art, de tout et de rien. Pendant un instant, je pense qu'elles viennent d'internet, après tout, elles sont toutes très belles, alors c'est possible, mais aucune n'apparaît sur des sites. À première vue, elles sont donc d'Elijah, mais aucune qui pourrait présager que la personne qui les a prises soit un quelconque danger, hormis quelques photos de feu, mais ça ne paraît pas être de la pyromanie. Mais ce n'est pas un bon point de repère, les artistes frustrés peuvent s'avérer dangereux aussi et ce n'est pas parce que quelqu'un a un œil artistique qu'il n'est pas une menace, ça n'a aucun lien.

Il y a aussi des clips de musique venant de YouTube, télécharger illégalement, mais si ça représentait un danger, je détecterais un risque chez la plupart des personnes sur cette planète, ma famille comprise vu tout ce que je leur ai déjà fourni question fichiers illégaux. Je les vérifie les uns après les autres, au cas où il n'y aurait des fichiers terroristes glissés en plein milieu des chansons un peu longues, c'est une technique connue, pourtant rien d'anormal de ce côté non plus. Il a même d'assez bon goût, mais encore une fois, c'est juste un jugement de ma part.

Il y a aussi plusieurs programmes informatiques et graphiques, sans doute pour créer des jeux vidéo. Mais de nouveau, ils sont assez anodins et ne sont pas non plus des retranscriptions de bâtiments réelles ni quoi que ce soit pouvant devenir dangereux, ils ne sont juste pas très aboutis. Rien d'étonnant, ce sont quand même des jeux faits par un amateur, même si je dois reconnaître que c'est assez bien fait même s'il manque encore la touche finale.

Pour le reste, ce sont des traitements de texte, mais ce ne sont pas des plans malfaisants ou quelque chose du type, ce sont des romans a priori ou alors des recherches en rapport avec les livres. Je lis tous les documents et ce que je vois m'inquiète un peu, les sujets abordés sont classiques, mais il y a régulièrement des références à des armes à feu, des régimes totalitaires et des psychopathes célèbres. En plus, le tout est suffisamment précis pour avoir nécessité d'énormes recherches, il n'est pourtant pas fiché S, alors que rien qu'un tiers de ses informations recherchées sur internet justifierait de l'être.

Aucun doute, il a effectué des recherches dans des bibliothèques ou des livres, il s'est caché pour les faire et, pour se méfier autant avec des recherches étranges, il faut forcément avoir d'autre motivation qu'un simple roman. Mais, je ne sais toujours pas quoi. Par sécurité, je vérifie tout de même son historique de navigation, normalement, je ne devrai rien trouver, mais dans le doute, je préfère voir de mes propres yeux. Et définitivement, il n'y a rien d'intéressant, il fait même moins de recherches que la moyenne, ce qui est assez épatant. Surtout que vu toutes les données qu'il a amassées, il devrait forcément y avoir des traces de recherches compromettantes. En plus, soyons réalistes, depuis quand les jeunes de mon âge se cassent la tête à ouvrir des bouquins ? Nous sommes à l'ère du numérique, tout le monde se sert d'internet, tout particulièrement ceux qui l'ont connu depuis toujours.

Je suis presque tentée de retourner chez Elijah pour voir si j'arrive à trouver comment il a réussi à effacer toutes les traces de ses recherches, mais il est déjà six heures du matin, c'est beaucoup trop tard. Maintenant, si je veux le faire, je vais devoir attendre demain soir.

Avant de me préparer pour les cours, je vérifie juste tous les abonnements des médiathèques, bibliothèques ou autres lieux mettant à la disposition des ordinateurs à Berkeley, Washington et leurs alentours. Mais il n'y a rien, du moins, personne ne porte le nom d'Elijah Stone, ni même Phœnix Stone, s'il a belle est bien utilisé des ordinateurs publics pour faire ses recherches, il n'a pas utilisé son nom, ce qui prouve qu'il est excessivement malin. D'un certain côté, ça n'a rien d'étonnant, après tout, il a réussi à rentrer dans l'un des plus prestigieux pôles informatiques au monde, il a forcément des connaissances accrues, mais ça ne le rend que plus énervant.

C'est tout de même épatant, dès que j'effectue des recherches sur lui, je ne trouve rien et je me heurte à un mur. Énervée, j'arrête donc mes investigations, j'ai beau ne rien avoir trouvé, je peux difficilement faire plus maintenant que ni son ordinateur ni son historique internet ne révèle quoi que ce soit. C'est un fantôme informatique ce mec, il n'est même pas inscrit sur un seul réseau social. J'appelle ça couramment du foutage de gueule, je suis la plus puissante entité informatique, j'ai un laissez-passer international sur n'importe quel ordinateur ou site internet, même les mieux protéger et me voilà à faire des recherches sur quelqu'un qui n'existe presque pas virtuellement ! Si l'on m'avait dit que ça m'arriverait un jour, je n'y aurais même pas cru.