10111 (23.1)

 Pendant qu'il s'endort, je reste avec lui assise sur sa chaise de bureau à le regarder plonger dans le sommeil en laissant divaguer mes pensées, jusqu'à ce que quelque chose me passe par la tête et que je n'ai qu'une envie, c'est de lui demander :

— Pourquoi moi ?

Je le fais, en plus, il est encore réveillé, je le sens. Ce n'est peut-être pas la meilleure idée au monde de lui demander ça, mais tant pis.

— Hein ?... s'étonne-t-il plus très éveillé.

— Pourquoi tu m'aimes, moi ? Je veux dire, il y a plein d'autres filles moins chiantes que moi, alors pourquoi moi ? Tu aurais pu tomber sur n'importe quelle autre fille, peut-être mieux que moi.

— Je t'ai demandé pourquoi tu étais un robot ? remarque-t-il maintenant complètement réveiller.

— Tu le fais presque entre nous. Et même si tu ne le faisais pas, j'ai bien le droit de savoir, non ?

Il soupire et se redresse avant de commencer ses explications, déjà bien réveillées.

— Je ne sais pas exactement pourquoi, tu en as conscience ? Ces choses-là, ce n'est pas facile à expliquer. Mais je vais tenter, ne t'en fais pas, ne te mets pas à crier au scandale. Je pense que ça a peut-être un rapport avec le fait que tu es surprenante, intrigante, marrante, belle, différente, têtue et tout ça te rend parfaite, genre c'est vachement compliqué à expliquer, mais j'espère que tu comprends où je veux en venir. J'aime bien aussi le fait que tu es détonante, que tu m'intrigues et le mystère qui plane autour de toi me rend curieux de mieux te connaître. Voilà, je ne sais pas comment expliquer autrement l'amour que je ressens. Mais peut-être que si tu me reposes la question dans deux/trois jours, je te l'expliquerais différemment.

— Je t'aime, murmuré-je sans vraiment pouvoir m'en empêcher, mais je le fais d'une voix qui lui est impossible d'entendre.

— Quoi ? demande-t-il en ayant sans doute vu mes lèvres bougées, heureusement pour moi, il n'est pas capable de lire sur les lèvres, une chance.

— Il n'y a pas de mystère, je bugue, un point c'est tout, affirmé-je au lieu de lui dire la vérité, c'est sans doute mieux pour nous deux.

Je vous présente la phrase bateau de défense, qui n'a absolument aucun intérêt et qui est juste gratuitement méchante vu la déclaration qu'il vient de me faire. Mais vraiment, je ne savais pas quoi dire d'autre comme mensonge, la prochaine fois, je réfléchirai mieux, parce que vraiment, ça ne peut pas être pire que ça.

— Tu te rends compte que ça peut être vexant ce que tu dis ?

— Désolée, je ne le fais vraiment pas exprès, ce n'est pas volontaire, dis-le-moi la prochaine fois, j'essayerai de me rattraper, menté-je en me noyant encore un peu plus, j'ai honte de moi-même, c'est une catastrophe.

Il me regarde en se retenant de rire, mais il n'y parvient que quelques secondes.

— Quoi ? demandé-je étonnée.

— Rien, c'est juste que comme tu as dit ta phrase, ça me donne l'impression qu'il faut t'expliquer ce qu'il ne faut pas dire, comme aux petits enfants, c'est assez perturbant.

— Ce n'est pas drôle de se moquer ! remarqué-je immédiatement, sans même réfléchir, lui donnant pour le coup raison, mais dans ces cas-là, j'avoue ma faute. Le pire, c'est que tu as raison ! C'est pathétique, comment je peux être à la fois une petite enfant à qui il faut tout expliquer et la plus grande intelligence artificielle au monde, c'est tellement contradictoire.

— Ce n'est pas grave, c'est marrant et ça te rend naturelle.

Menteur.

— Tu es courageux de me supporter, affirmé-je sans relevé.

— Oh ça passe.

Je me rassois, sourire aux lèvres.

— Allez, dors, j'arrête de t'empêcher de t'endormir, cette fois, je ne te poserais pas de questions pourries au moment où tu seras presque endormi.

Il rigole, sans doute amusé par ma phrase. Et il se recouche et cette fois, il tombe dans le sommeil presque aussitôt, rien d'étonnant étant donné qu'il est presque deux heures du matin. Je le regarde alors dormir, c'est fou comme c'est détendant, aussi bizarre que ça puisse paraître. Et j'ai toujours aimé contempler les personnes endormies, ça m'a toujours fait du bien, je n'ai jamais trop pu comprendre pourquoi, mais je ne vais pas m'en plaindre vu que je passe mes nuits éveillées, au moins, ça me donne un bon passe-temps. Passe-temps que j'évite d'appliquer étant donné que c'est presque inquiétant, mais ça, ce n'est qu'un détail.

Pendant la nuit, je décide de partir, je ne vais tout de même pas rester là à la regarder bêtement pendant plusieurs heures, autant que je rentre chez moi pour au moins me changer. En plus, comme ça ce sera un gain de temps ce matin, je pourrais peut-être même avoir l'air de ne pas être partie au réveil de Fauve. Je veux bien confier presque tout à ma sœur, je lui ai même presque parlé de ma relation avec Elijah, mais certaines choses sont mieux tenues secrètes.

Une fois dans des habits propres, je m'apprête à retourner chez Elijah, mais au moment de sortir par la fenêtre, je vois un vieux calepin que je n'ai absolument jamais utilisé et qui traîne sur mon bureau depuis que Fauve me l'a donné pour s'en débarrasser. Je ne comprends pas bien pourquoi je ne le remarque que maintenant et que je n'aie pas eu l'idée avant de m'en servir en tant que matériel de dessin, mais maintenant que j'y aie pensé, j'ai très envie de l'emmener avec moi. Je ne pense pas que j'en ai réellement besoin, mais peut-être qu'avec, je pourrais faire quelque chose d'utile pendant les trois prochaines heures, ça ne me fera pas de mal de m'entraîner au dessin.

J'ai conscience que normalement, la nuit, je ne regarde pas les personnes dormir et je ne dessine pas non plus, mais je peux bien faire quelques petites infractions de temps à autre, après tout, je ne suis pas obligée de regarder l'actualité et de travailler les cours tous les jours. En plus, si jamais ma capacité à créer des œuvres est en lien avec mes bugs, je devrai en profiter avant que ce ne soit terminer, histoire que j'ai au moins la fierté d'avoir un jour pu le faire une fois que tout cela sera fini... Après tout, je profite bien d'Elijah, alors autant que j'en fasse de même pour les autres avantages.

Du coup, je l'emmène avec moi avant de partir. Une fois arrivée à la maison des Stone, je me rassois sur ma chaise et laisse ma main divaguer sur le papier avec le crayon, pour reproduire les traits du visage endormi d'Elijah. J'espère juste qu'il ne verra jamais ce carnet, ce serait très étrange sinon.

Même si je sais qu'en tant que robot, je ne devrais pas pouvoir faire ça, que ce n'est pas normal en quelque sorte, ça me fait vachement du bien quand je dessine, ça m'avait manqué ces derniers jours, ça fait presque deux semaines que je ne l'ai pas fait et ça m'avait vraiment fait bizarre. En plus, je dois reconnaître que quand je dessine, j'ai l'impression d'être capable d'accomplir quelque chose de concret et de réel, quelque chose qui a de l'importance, qui n'est pas parmi mes capacités naturelles et c'est terriblement agréable. Après tout, mon dysfonctionnement a certains avantages, il faut bien le reconnaître.

Et à part avec l'art ces derniers jours, je n'ai jamais eu le plaisir de ressentir cette sensation de bien-être, c'est sans doute l'inconvénient d'être un robot, je ne peux pas vraiment être une humaine, je suis juste un robot. Ça a aussi des avantages bien sûr, mais pas les mêmes que ceux des Hommes, je ne pouvais normalement pas avoir leur créativité ni leur sentiment amoureux. Mais maintenant que je peux le faire, j'en suis heureuse même si ça peut avoir de lourdes conséquences que je ne suis pas sûre de vouloir connaître et que ce n'est que temporaire.

Bientôt, j'essayerai de faire d'autres choses que ses portraits, pour voir si j'en suis aussi capable, pas pour me lancer un nouveau défi, je veux juste pour le plaisir, mais pas cette nuit. Après avoir immortalisé les traits d'Elijah sur plusieurs dessins et plusieurs heures, il est temps que je parte sinon ma sœur va trouver ma chambre vide à son réveil. Donc j'arrache une feuille vierge avant de noter un petit mot à Elijah pour l'informer de mon départ et je pose la page sur sa table de nuit avant de retourner chez moi.

Quand j'arrive, il ne reste plus que trois minutes avant que le réveil de Fauve ne sonne, je suis clairement dans les temps, c'est bien, je peux même m'installer tranquillement sur mon canapé, comme ça, c'est un peu plus discret. Même si en réalité, je pourrais presque lui dire que j'ai passé la nuit dehors, je ne le ferai pas. Après ça, elle n'en manquera pas une pour me charrier et elle aurait bien raison vue comme j'ai toujours ri des filles qui voulaient passer la nuit chez leur copain sans prévenir leurs parents. En vrai quand j'y pense, maintenant, je suis au même niveau qu'elles, c'est un peu grave, moi qui ai toujours cru que j'allais être épargnée par le phénomène vu que je suis un robot, mais apparemment, rien n'est vraiment certain.

Au réveil de ma sœur, je vais la rejoindre dans sa chambre, comme à notre habitude et elle s'habille pendant que nous discutons. Puis nous descendons prendre notre petit déjeuner. Quand maman nous rejoint, j'ai quelques secondes à me demander si elle a remarqué mon départ, mais elle ne dit rien, donc normalement mon escapade nocturne est passée complètement inaperçue. En plus, vu que mon père est au travail, il n'a rien pu voir cette fois.

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