10110 (22.1)

 J'ai de la chance de ne pas pouvoir pleurer, sinon je serais en larme depuis longtemps... J'ai peut-être des sentiments qui sont anormaux pour moi, mais ce n'est pas pour autant qu'ils n'ont aucune influence sur moi. Actuellement, je suis quand même en train de plaquer la personne dont j'ai l'impression d'être amoureuse, ce n'est ni facile ni sans douleur. Surtout qu'il ne m'aide pas en s'accrochant autant que possible, il me complique au contraire la tâche. Je tente de ne pas trop y penser en gagnant ma place, attendant que le cours commence et devinant bien à sa tête qu'il ne va pas venir me parler tout de suite, dur à dire si j'ai enfin obtenu ce que je voulais, mais en tout cas, j'ai déjà bien avancé.

Il finit par gagner sa place, à l'opposer de moi, non sans m'avoir jeté un regard suppliant auquel je ne réponds pas, je préfère l'ignorer complètement et faire comme si je n'avais pas vu. J'espère vraiment que ce sera notre dernière conversation, je n'en peux plus de devoir l'affronter comme ça en permanence, je me sens si mal...

Mais au contraire, j'ai dû lui fournir une heure de réflexion puisqu'il revient à la charge de plus belle, il doit vraiment être fou de moi, il n'est définitivement pas décidé à m'abandonner comme ça.

— Ronii, écoute-moi, s'il te plaît. Écoute-moi au moins une dernière fois ! réclame-t-il quand je passe à côté de lui, semblant même prêt à me poursuivre au besoin. Je m'en fous d'accord ?! Je m'en fous que tu vives six cents fois plus longtemps que moi !

— Baisse d'un ton s'il te plaît, tout le monde peut nous entendre, je ne sais pas si tu avais remarqué, mais tu n'es pas tout seul ici.

— Tout à l'heure, ça te posait beaucoup moins de problèmes, mais là, tu sais très bien que je vais dire un truc qui ne va pas te plaire et tu tentes de m'en empêcher.

— Tu peux bien dire ce que tu veux, je n'ai juste pas envie qu'on hurle ma condition sur tous les toits si ça ne te dérange pas de problème.

— Je vois bien que tu t'en fous, quoi que je dise, je n'arriverai pas à modifier quoi que ce soit, j'ai compris que notre histoire s'arrête ici, affirme-t-il paraissant résigné...

Je sais que je devrai m'en réjouir, mais j'ai vraiment du mal à supporter ses yeux qui brillent et la tristesse dans sa voix, c'est presque un supplice, j'aurais tellement voulu ne jamais avoir à lui faire du mal...

— Mais sache, avant que je laisse tomber, parte ou je ne sais pas trop quoi, je n'ai pas la moindre idée de ce que je vais faire, continue-t-il sans voir la douleur que je ressens. Enfin bref, avant que ce soit fini, je veux que tu saches qu'à mes yeux, tout ça n'a pas d'importance, on peut bien avoir deux jours ou un mois devant nous, ça ne change absolument rien, pour moi, ce qui compte, enfin je devrai dire comptait... C'était d'être avec toi, je n'en ai jamais rien eu à faire de tout le reste, tu aurais très bien pu être une extra-terrestre ou une entité surnaturelle, ça n'aurait rien changé au fait que je t'aime comme un fou.

Moi aussi, je t'aime Elijah. Et je ne sais pas à quel point mon inconscient l'a deviné depuis le début que j'allais être amoureuse de lui que ça ne causerait que des problèmes. Ou alors je me fais uniquement des films en espérant pouvoir être à la hauteur de l'amour qu'il veut me donner. Il y a malheureusement plus de chance que ce soit cette option.

— J'aurais jamais dû t'embrasser, je suis tellement désolée. Je savais bien que c'était une erreur pourtant, je n'ai jamais voulu te faire du mal. Tout ce que je souhaite pour toi, c'est ton bonheur et tu sais aussi bien que moi que je ne peux pas te l'offrir... Je vais te faire du mal Elijah, quoi qu'il arrive, tu vas suffire...

Impossible de savoir lequel de nous deux je cherche à convaincre et je crois qu'il le comprend aussi bien que moi, je le vois à ses yeux. Quoi qu'il en dise, il a encore de l'espoir, je le sais bien et pourtant je ne l'aide pas un seul instant à oublier cet espoir définitivement.

— Tu ne me feras pas de mal.

— Ose dire que là, je ne te fais pas de mal, que je ne t'ai jamais fait souffrir. Sois réaliste Elijah, tu es simplement aveuglé par ce que tu ressens.

Comme si je n'étais pas moi-même aveuglée par ce que je ressens. Mais ça, c'est un autre problème.

— Mais c'est normal ça ! affirme-t-il au moment où nous arrivons devant la salle de notre deuxième cours, mais ce n'est pas pour autant que l'un de nous deux se décide à rentrer.

— On n'est jamais censé souffrir en amour.

Je ne suis peut-être pas censée ressentir des sentiments amoureux, mais je suis assez renseignée pour comprendre le principe de bas.

— Si, quand l'un des deux tente de protéger l'autre.

— Tu vis dans des romans Elijah, dans la vraie vie, aucun des deux ne devrait protéger l'autre au point de lui faire du mal, mais c'est justement ce que je fais en permanence avec toi, ce n'est pas bon, ce n'est pas sain.

— Ce n'est pas grave ça, je t'aime comme ça.

— Alors ça confirme le fait que tu ne devrais pas m'aimer.

Il a beau dire ce qu'il veut, je suis quand même beaucoup plus prompte à changer d'avis que lui, parce que là, ça fait déjà presque une minute que je tente de me dissuader de tenter ma chance, alors que lui, depuis le début, reste campé sur ses positions.

— Ça, je ne pourrai pas le changer, même si l'on se quitte, je t'aimerai toujours. Alors maintenant, c'est à toi de l'accepter ou de le refuser. Moi en tout cas, je n'ai pas peur de te perdre, je sais que ça va arriver, j'y suis préparé, même si c'est que dans deux jours, je serai heureux d'avoir pu passer deux jours avec toi sans avoir à cacher mes sentiments.

— Tu parles, tu n'es prêt à rien du tout, tu vas souffrir... Et je peux aussi te faire mal physiquement, surtout actuellement.

Je sais bien que ça ne sert absolument à rien, il a tout sauf envie que je le préserve, je peux tout essayer, rien ne marchera.

— J'accepte ce risque.

— Tu es incroyablement têtu... souligné-je en abandonnant, mais en ne lui annonçant pas ma défaite, je rentre juste dans la salle de notre deuxième cours.

— Ça veut dire quoi ça ? s'exclame-t-il en me poursuivant.

— Ça veut dire que tu m'énerves et que tu es complètement idiot, mais que si tu y tiens vraiment, je veux bien être avec toi, jusqu'à ce que mes bugs soient enlevés.

— C'est vrai ? Mais tu sais, Ronii, si tu ne veux pas, je ne tiens pas à te forcer.

Il est sérieux là ? Il me force la main pendant cinq minutes et une fois que j'accepte, il prétend que j'ai le droit à mon libre arbitre ?

— Je tente de te préserver, pas de me préserver. Je bugue peut-être, mais je ne fais pas des choses pour rien.

On va dire que ça s'apparente à une déclaration d'amour, il ne faut pas non plus trop m'en demander. Et vu comme son regard s'illumine, il le comprend très bien.

— Par contre, j'ai une condition.

— Ça aurait été trop beau sinon.

— Si jamais à un moment ou un autre, je dis stop, on arrête tout ? Si jamais mes bugs deviennent plus embêtants, je m'en rendrai peut-être compte, alors si je te demande de ne plus m'approcher, tu devras m'écouter, est-ce bien clair ?

Je suis quasiment certaine qu'il n'y a aucune chance, il ne m'écoutera sûrement pas, même avec de belles promesses, mais peut-être qu'en le prévenant dès le début, il y a un peu plus de chance qu'il m'obéisse. Rien n'est moins sûr, mais je ne demande qu'à être rassurée.

— On ne devrait pas faire le monde avec des si.

Et il ne veut pas me rassurer, c'est sympa... Je me doute bien qu'il devine aussi facilement que moi, peut-être même plus encore qu'il n'est pas près de m'écouter, pourtant, je préférerai me faire de fausses idées de lui.

— Promets-le-moi, s'il te plaît.

— Promis. Mais je te jure qu'il ne va rien se passer de grave...

— Pourquoi je t'aime suffisamment pour avoir envie de t'écouter ? Pourtant, je sais bien que les chances ne sont pas de ton côté.

— La bêtise humaine ?

— Au cas où tu l'aurais oublié, je reste un robot.

— Tu as vraiment peur que j'oublie ce détail, c'est impressionnant.

— Ce n'est pas un détail, Elijah.

— Je sais, je rigole.

— Allez, barre-toi rejoindre ta place, on va finir par se faire engueuler, le prof arrive.

Je ne mens même pas, je reconnais les pas lourds de monsieur Johnson arriver.

— Comme si tu le craignais, rigole-t-il en partant tout de même rejoindre sa place au premier rang.

Le cours commence presque tout de suite après qu'il est fini de s'installer. Et je dois bien reconnaître que pendant que je m'ennuie, je perds souvent mon regard sur Elijah... Plus que d'habitude parce que je dois bien avouer que ça fait un joli bout de temps que je le regarde plus que je ne devrai. C'était presque inconsciemment, mais ce n'était pas le seul de nous deux qui matait l'autre en secret. Après tout, j'ai toujours repéré quand il me regardait, ce n'était pas uniquement mon instinct. C'est déjà bien de l'avouer à un moment.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top